Annale corrigée Commentaire littéraire

Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo

Sujet complet • Commentaire

Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo

4 heures

20 points

Intérêt du sujet • Avec cet extrait, vous allez comprendre d'où provient l'intensité d'une scène d'action et comment un héros de roman peut nous séduire.

 

Vous ferez le commentaire littéraire de ce texte d'Alexandre Dumas, en vous aidant des pistes suivantes :

1. Une scène d'action intense et palpitante.

2. Un personnage qui suscite émotion et admiration.

Document 

Pour s'évader du château d'If où il est emprisonné, Edmond Dantès a pris la place de son compagnon de cellule qui vient de mourir, le vieil abbé Faria, en se dissimulant dans le sac prévu pour le cadavre.

On transporta le prétendu mort du lit sur la civière. Edmond se raidissait pour mieux jouer son rôle de trépassé1. On le posa sur la civière ; et le cortège, éclairé par l'homme au falot2, qui marchait devant, monta l'escalier.

Tout à coup, l'air frais et âpre de la nuit l'inonda. Dantès reconnut le mistral3. Ce fut une sensation subite, pleine à la fois de délices et d'angoisses.

Les porteurs firent une vingtaine de pas, puis ils s'arrêtèrent et déposèrent la civière sur le sol.

Un des porteurs s'éloigna, et Dantès entendit ses souliers retentir sur les dalles.

« Où suis-je donc ? » se demanda-t-il.

« Sais-tu qu'il n'est pas léger du tout ! » dit celui qui était resté près de Dantès en s'asseyant sur le bord de la civière.

Le premier sentiment de Dantès avait été de s'échapper, heureusement il se retint.

« Éclaire-moi donc, animal, dit celui des deux porteurs qui s'était éloigné, ou je ne trouverai jamais ce que je cherche. »

L'homme au falot obéit à l'injonction, quoique, comme on l'a vu, elle fût faite en termes peu convenables.

« Que cherche-t-il donc ? se demanda Dantès. Une bêche sans doute. »

Une exclamation de satisfaction indiqua que le fossoyeur4 avait trouvé ce qu'il cherchait.

« Enfin, dit l'autre, ce n'est pas sans peine.

– Oui, répondit-il, mais il n'aura rien perdu pour attendre. »

À ces mots il se rapprocha d'Edmond, qui entendit déposer près de lui un corps lourd et retentissant : au même moment, une corde entoura ses pieds d'une vive et douloureuse pression.

« Eh bien ! le nœud est-il fait ? » demanda celui des fossoyeurs qui était resté inactif.

« Et bien fait, dit l'autre ; je t'en réponds.

En ce cas, en route. »

Et la civière soulevée reprit son chemin.

On fit cinquante pas à peu près, puis on s'arrêta pour ouvrir une porte, puis on se remit en route. Le bruit des flots se brisant contre les rochers sur lesquels est bâti le château arrivait plus distinctement à l'oreille de Dantès à mesure que l'on avança.

« Mauvais temps ! dit un des porteurs, il ne fera pas bon d'être en mer cette nuit.

– Oui, l'abbé court grand risque d'être mouillé, » dit l'autre, et ils éclatèrent de rire.

Dantès ne comprit pas très bien la plaisanterie, mais ses cheveux ne s'en dressèrent pas moins sur sa tête.

« Bon, nous voilà arrivés ! reprit le premier.

– Plus loin, plus loin, dit l'autre, tu sais bien que le dernier est resté en route, brisé sur les rochers, et que le gouverneur nous a dit le lendemain que nous étions des fainéants. »

On fit encore quatre ou cinq pas en montant toujours, puis Dantès sentit qu'on le prenait par la tête et par les pieds et qu'on le balançait.

« Une, dirent les fossoyeurs.

– Deux.

– Trois ! »

En même temps Dantès se sentit lancé en effet dans un vide énorme, traversant les airs comme un oiseau blessé, tombant, tombant toujours avec une épouvante qui lui glaçait le cœur. Quoique tiré en bas par quelque chose de pesant qui précipitait son vol rapide, il lui sembla que cette chute durait un siècle. Enfin, avec un bruit épouvantable, il entra comme une flèche dans une eau glacée qui lui fit pousser un cri, étouffé à l'instant même par l'immersion.

Dantès avait été lancé dans la mer, au fond de laquelle l'entraînait un boulet de trente-six5 attaché à ses pieds.

La mer est le cimetière du château d'If.

Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, 1846.

1. Trépassé : mort.

2. Falot : lanterne portative.

3. Mistral : vent violent de Méditerranée.

4. Fossoyeur : homme chargé d'enterrer les morts.

5. Trente-six : il s'agit du poids en livres. Le boulet pèse donc 18 kg.

 

Les clés du sujet

Définir le texte

fra1_2100_00_05C_01

Dégager la problématique

Comment ce récit d'évasion parvient-il à captiver le lecteur ?

Construire le plan

Tableau de 2 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 2 lignes ;Ligne 1 : 1 Une scène d'action intense et palpitante; Qu'est-ce qui dynamise cette scène d'action ? Étudiez la composition du récit qui alterne dialogue et passages narratifs.Intéressez-vous au point de vue adopté dans cet extrait : montrez que la scène est racontée d'après les sensations de Dantès.Comment le romancier tient-il en haleine son lecteur ? Analysez le dévoilement progressif du mystère du « cimetière ».; Ligne 2 : 2 Un personnage qui suscite émotion et admiration; Étudiez la passivité forcée de Dantès, contraint de subir toutes les actions de la scène.Comment l'angoisse du personnage est-elle mise en évidence ? Montrez que son silence est héroïque.Analysez la chute épique du héros, telle qu'elle est évoquée dans les trois derniers paragraphes.;

Les titres en couleur ou entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Présentation du contexte] Au XIXe siècle, le roman est un genre très apprécié. Lorsqu'il est publié en feuilleton dans une revue, il doit maintenir l'intérêt du lecteur à chaque chapitre, afin de lui donner envie de lire la suite.

[Présentation du texte] C'est le cas du Comte de Monte-Cristo, roman d'Alexandre Dumas père, publié dans Le Journal des Débats entre 1844 et 1846, qui raconte les aventures d'Edmond Dantès, emprisonné à tort au château d'If. Dans l'extrait que nous étudions, le héros tente de s'évader en prenant la place de son compagnon de cellule décédé.

[Problématique] Comment ce récit d'évasion parvient-il à captiver le lecteur ?

[Annonce du plan] Nous verrons d'abord combien cette scène d'action s'avère palpitante. Puis nous analyserons l'émotion et l'admiration que suscite le personnage principal.

I. Une scène d'action intense et palpitante

1. Un récit très rythmé

Dans cet extrait, l'action progresse avec rapidité. Les phrases courtes sont construites avec des verbes de déplacement (« monta », « se rapprocha », « avança » …) et des verbes d'action (« déposèrent », « entoura » …), essentiellement au passé simple.

Le récit est dynamisé par des discours rapportés comme ceux des fossoyeurs (par exemple, lignes 12-18), et celui qui retranscrit les pensées de Dantès (l. 12, 21-22). Ces discours directs rendent la scène plus vivante.

Les propos des fossoyeurs prennent souvent la forme d'exclamations et sont ponctués d'interjections (« Eh bien ! »), voire d'insultes (« animal »).

2. Le point de vue du « mort »

Le point de vue adopté dans l'extrait est celui d'Edmond Dantès. Le narrateur ne livre aucune autre information que celles perçues par le héros, à l'exception de l'explication fournie dans les deux dernières phrases du texte. Nous revenons alors à un point de vue omniscient.

des points en +

On peut parler ici de point de vue ou focalisation interne : le narrateur ne révèle que ce que perçoit le personnage.

Le lecteur vit donc la scène à travers les sensations de Dantès. Privé de la vue puisqu'il est censé être mort, ce dernier perçoit ce qu'il lui arrive grâce à l'ouïe et au toucher. « L'air frais et âpre de la nuit » et le « mistral » lui permettent de comprendre qu'il sort du château. Le lexique auditif est très présent dans le texte, avec les verbes « entendre » et « retentir », l'adjectif « retentissant », et les noms « bruit » et « oreille ». Le toucher est également sollicité avec, par exemple, la corde nouée aux pieds du héros.

3. Un mystère dévoilé progressivement

L'objet qui va permettre d'« enterrer » Dantès est longtemps désigné par des périphrases qui ne permettent pas de l'identifier : « ce que je cherche », « un corps lourd et retentissant ». Le lecteur sait seulement que cet objet est attaché à « une corde » nouée aux pieds d'Edmond.

mot clé

Une périphrase est une figure de style qui évoque un être ou un objet de manière détournée.

Les propos des fossoyeurs, teintés d'humour noir, livrent ensuite d'autres indices. Si l'« l'abbé » court « grand risque d'être mouillé », c'est à cause de la mer. Et lorsque le premier porteur suggère au second d'aller plus loin, il précise : « le dernier est resté en route, brisé sur les rochers ». Le lecteur comprend qu'il s'agit du dernier corps évacué du château.

Les trois derniers paragraphes du texte lèvent le mystère : Dantès ne va pas être enterré mais immergé ! L'emploi du plus-que-parfait dévoile rétrospectivement la cause de sa chute : « Dantès avait été lancé dans la mer ». Le mystérieux objet est alors désigné comme « un boulet de trente-six ». La dernière phrase, au présent de vérité générale, achève la révélation : le château d'If étant situé sur une île, c'est la mer qui lui sert de cimetière !

II. Un personnage qui suscite émotion et admiration

1. Une passivité forcée

Le début de l'extrait indique que Dantès « se raidissait pour mieux jouer son rôle de trépassé. » L'emploi de l'imparfait le fige dans une attitude immobile qu'il ne peut pas quitter.

La construction des phrases met en évidence la passivité du héros, guidé par son instinct de survie. Jusqu'à sa chute, il n'est jamais sujet mais toujours objet des verbes d'action : « On transporta le prétendu mort » ; « on le posa ». Manipulé comme un pantin par les fossoyeurs, Dantès émeut le lecteur.

2. Une angoisse dissimulée

Le lexique de la peur domine l'extrait. Le terme « angoisse » apparaît dès la ligne 7. Puis l'expression « ses cheveux ne s'en dressèrent pas moins sur sa tête » désigne le frisson de peur. À la fin du texte, le terme « épouvante » est repris en dérivation dans l'adjectif « épouvantable », et renforcé par la métaphore de la glace (« qui lui glaçait le cœur »), qui trouve un écho dans l'« eau glacée » de la mer.

à noter

Quand vous étudiez le lexique, commentez ses occurrences.

La peur est parfois associée à la douleur, notamment lorsque les fossoyeurs entourent les pieds du « mort » avec une corde. Dans cette situation angoissante, Dantès reste immobile et silencieux tout en résistant au désir de s'échapper (l. 15-16). Il suscite l'admiration du lecteur par son stoïcisme héroïque.

3. Une chute vertigineuse, véritablement épique

À partir de la ligne 55, l'action s'accélère. Le rythme des phrases devient plus saccadé, coupé par des virgules. Les formes verbales « traversant » et « précipitait » évoquent un mouvement rapide, de même que la comparaison de Dantès avec une « flèche ». La répétition du participe présent « tombant » (l. 56-57), associée à « toujours », souligne la hauteur de la chute.

Des hyperboles amplifient le caractère exceptionnel de la situation, notamment la proposition « il lui sembla que cette chute durait un siècle ». Une telle épreuve confère au personnage qui la subit une dimension épique.

Conclusion

[Synthèse] L'évasion d'Edmond Dantès du château d'If constitue une scène intense. Le mystère levé progressivement maintient l'attention du lecteur et la situation angoissante suscite émotion et admiration pour le héros.

[Ouverture] Précipité dans la mer avec un boulet aux pieds, Edmond Dantès est voué à une mort certaine. L'admiration du lecteur n'en sera que plus grande lorsqu'il découvrira que le personnage a surmonté cette épreuve.

Pour lire la suite

Je m'abonne

Et j'accède à l'ensemble
des contenus du site