Annale corrigée Pratique du raisonnement scientifique 1

Allogamie chez les angiospermes

France métropolitaine, mai 2022 • Jour 1

Exercice 2

Allogamie chez les angiospermes

1 h 50

8 points

Intérêt du sujet • Cet exercice permet d’expliquer un très bel exemple de coadaptation entre deux espèces, l’une végétale, l’autre animale. Il mobilise les notions associées à la reproduction sexuée des plantes et celles sur la respiration mitochondriale.

 

Contrairement à l’autogamie, l’allogamie correspond à la fécondation croisée entre individus distincts d’une même espèce. D’une manière générale, l’allogamie est plus favorable à la diversité génétique que l’auto­ga­mie. Des mécanismes favorisant ce mode de reproduction ont été sélectionnés dans de nombreux groupes d’angiospermes au cours de l’évolution. C’est le cas en particulier au sein d’espèces capables de produire de la chaleur (thermogéniques) comme chez les philodendrons.

 Expliquer en quoi les particularités des philodendrons thermogéniques favorisent l’allogamie.

Vous organiserez votre réponse selon une démarche de votre choix intégrant des données des documents et les connaissances utiles.

DOCUMENT 1Les inflorescences de philodendrons

Les philodendrons ont des fleurs mâles et des fleurs femelles disposées sur un axe. L’ensemble forme une inflorescence entourée par une structure ressemblant à une grande feuille, la bractée.

Photographies de l’inflorescence des philodendrons

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ph © A. C. D. Maia and H. Teichert

D’après www.researchgate.net

DOCUMENT 2La thermogenèse chez les angiospermes

A. La respiration alternative

La majorité des angiospermes présente une température proche de celle de l’environnement. Cependant, certains végétaux ont des tissus qui sont capables de produire de la chaleur par un ensemble de mécanismes que l’on nomme « thermogenèse ». La thermogenèse a lieu au sein des membranes mitochondriales des tissus concernés.

Schéma simplifié de la synthèse d’ATP et de la production de chaleur au sein des membranes mitochondriales des cellules thermogéniques

svtT_2205_07_01C_02

D’après www.researchgate.net

B. Profil d’expression du gène UCP

Profil d’expression du gène UCP dans différentes parties d’un plant de philodendron

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Ito, K. & Seymour, R. (2006), Biology letters,

1. 427-30.

D’après www.researchgate.net

Une analyse de l’expression du gène codant pour la protéine UCP a été réalisée dans différentes parties d’un plant de philodendron thermogénique et à différents moments. Les résultats sont présentés dans le document ci-dessous. La présence d’une bande blanche indique que le gène UCP est exprimé et son intensité traduit le niveau d’expression du gène.

DOCUMENT 3Thermogenèse et reproduction sexuée

A. Photographies de l’inflorescence de Philodendron adamantum pendant la période de reproduction sexuée

L’inflorescence de chaque individu suit le processus de maturation décrit ci-dessous. Cependant, il existe un décalage dans le temps de la maturation des inflorescences de différents individus. Par ailleurs, lorsque les fleurs mâles d’un organisme deviennent matures, les pistils de la même inflorescence ne sont plus réceptifs aux pollens.

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Sur les différentes observations effectuées pendant l’expérience, seule l’espèce de coléoptère Erioscelis emarginata a été trouvée au contact de l’inflorescence.

D’après Maia et al., International Journal of Plant Sciences, septembre 2010, 171, p. 740-748

B. Évolution de la thermogenèse de Philodendron solimoesense

L’évolution de la thermogenèse de Philodendron solimoesense est comparable à celle de Philodendron adamantum. On a mesuré la différence de température entre l’inflorescence et l’air ambiant à partir du moment où les fleurs femelles atteignent leur maturité.

Évolution de la différence de température entre l’inflorescence et l’air ambiant pendant la période de reproduction sexuée

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D’après Pour la Science, septembre 2007

DOCUMENT 4Libération de molécules odorantes par l’inflorescence des philodendrons

A. Effet des molécules odorantes

Des études menées sur Philodendron adamantum ont montré que ses inflorescences émettaient une odeur lors du premier jour de la période de reproduction sexuée vers 18 h 30. La présence de 39 composés volatils différents a été révélée. Le dihydro-β-ionone et le méthyl jasmonate faisaient partie des composés les plus présents. Pour comprendre le rôle de ces substances émises par le végétal, on a placé à l’extérieur des appâts parfumés contenant ces deux molécules pendant 4 nuits et on a compté le nombre d’insectes s’en approchant.

Évolution du nombre d’insectes s’approchant des appâts en fonction de la nature des substances déposées

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D’après International Journal of Plant Sciences, septembre 2010

B. Effet de la température sur le mouvement des masses d’air

La masse volumique de l’air varie en fonction de différents paramètres comme la pression atmosphérique, la température et l’humidité. Une diminution locale de la masse volumique de l’air conduit à un mouvement ascendant de cette masse.

Évolution de la masse volumique de l’air sec en fonction de la température à une pression de 1 atmosphère

Tableau de 7 lignes, 4 colonnes ;Corps du tableau de 7 lignes ;Ligne 1 : Température en °C; Masse volumique en kg/m3; Température en °C; Masse volumique en kg/m3; Ligne 2 : − 5; 1,316; 25; 1,184; Ligne 3 : 0; 1,292; 30; 1,164; Ligne 4 : 5; 1,269; 35; 1,146; Ligne 5 : 10; 1,247; 40; 1,127; Ligne 6 : 15; 1,225; 45; 1,110; Ligne 7 : 20; 1,204; 50; 1,092;

D’après Wikipédia

 

Les clés du sujet

Étape 1. Comprendre le sujet

Tout d’abord, considérez les caractéristiques de la reproduction sexuée des philodendrons : leur pollinisation, croisée (allogamie), est notamment assurée grâce à la coopération d’une espèce de coléoptère. Il faut saisir que c’est la production de chaleur par l’inflorescence à maturité qui rend la coopération possible.

Expliquez le mécanisme de production de chaleur par les mitochondries des cellules de la partie stérile de l’inflorescence.

Étape 2. Exploiter les documents

Le document 1 montre les différentes parties de l’inflorescence.

Le document 2 schématise le mécanisme de production de chaleur par les mitochondries des cellules de la partie stérile de l’inflorescence.

Le document 3a permet d’établir que l’autogamie n’est guère possible chez les philodendrons.

Le document 4, associé au document 3b, permet d’expliquer comment la production de chaleur par l’inflorescence rend possible la pollinisation croisée par une espèce de coléoptère.

Étape 3. Construire la réponse

Tableau de 4 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 4 lignes ;Ligne 1 : Introduction; Présentez les notions d’autogamie et d’allogamie.Indiquez qu’on va rechercher ce qui favorise l’allogamie chez les philodendrons.; Ligne 2 : I. Autogamie et allogamie chez les philodendrons; Décrivez l’organisation de l’inflorescence en précisant ce qu’on peut en déduire sur le mode de reproduction (autogame ou allogame) du philodendron.Montrez en quoi les caractéristiques biologiques de la reproduction sexuée du philodendron rendent peu probable l’autogamie et facilitent l’allogamie.; Ligne 3 : II. Thermogenèse et pollinisation croisée; Montrez que la production de chaleur par l’inflorescence favorise une allogamie réalisée grâce à une espèce de coléoptère. Décrivez le mécanisme producteur de chaleur au sein des mitochondries des cellules stériles de l’inflorescence qualifié de « respiration alternative ».; Ligne 4 : Conclusion; Résumez comment une propriété métabolique de l’inflorescence associée à des propriétés biologiques de la reproduction font que les philodendrons sont des plantes allogames.;

Introduction

De nombreuses espèces de plantes possèdent des organes femelles et des organes mâles situés dans une même fleur, ou du moins présents sur la même plante. La pollinisation du pistil d’une plante par le pollen produit par la même plante est possible chez certaines espèces. Si cela est réalisé, on parle d’autogamie. Mais si le pollen d’une plante pollinise le pistil d’une autre plante appartenant à la même espèce, on parle d’allogamie (fécondation croisée).

À partir des informations fournies dans les documents, nous allons rechercher ce qui favorise l’allogamie chez les philodendrons.

I. Autogamie et allogamie chez les philodendrons

A. L’organisation de l’inflorescence

Le document 1 montre que l’inflorescence de la plante est composée à son sommet uniquement de fleurs mâles (étamines). En revanche, à sa base, l’inflo­res­cence est composée uniquement de fleurs femelles (pistils).

Comme ces fleurs sont présentes sur la même plante, rien n’interdit a priori l’autogamie malgré la présence d’une partie stérile entre les régions mâles et femelles de l’inflorescence.

B. L’autogamie est empêchée

Le document 3a indique qu’il y a un décalage dans le temps de la maturation des fleurs mâles et femelles : celles-ci arrivent à maturité un jour avant les fleurs mâles. En outre, lorsque les fleurs mâles d’une plante arrivent à maturité, les pistils de la même inflorescence ne sont plus réceptifs au pollen. Selon ces données, le pollen produit par une plante ne peut pas polliniser les pistils des fleurs femelles de la même plante.

 Le secret de fabrication

Le document fournit toutes les informations sans qu’il soit nécessaire de les extraire des données. Il ne faut pas se limiter à les répéter, mais les intégrer dans un raisonnement débouchant sur une conclusion.

C. L’allogamie est facilitée

Le décalage dans le temps de la maturation des inflorescences de différents individus explique que le pollen d’une plante puisse féconder les fleurs d’autres individus, qui peuvent être réceptives à ce moment-là.

Le document 3a signale aussi la présence de coléoptères de l’espèce Erioscelis emarginata au contact de l’inflorescence. Comme le document montre un coléoptère recouvert de pollen s’apprêtant à quitter l’inflorescence, on peut penser que cet insecte participe à la pollinisation croisée des philodendrons en visitant des plantes différentes. Ces deux propriétés de la reproduction favorisent l’allogamie.

II. Thermogenèse et pollinisation croisée

A. Synchronisation de l’attraction du pollinisateur et de la maturation des fleurs femelles

Le document 3a indique que le premier jour, la maturation des fleurs femelles a lieu entre 18 h 30 et 21 h 30. Or le document 3b signale qu’à la même période, la température de l’inflorescence est jusqu’à 16 °C supérieure à celle du milieu ambiant. Cela implique une production de chaleur par l’inflorescence pendant cette période.

Le document 4 indique qu’à la même période l’inflorescence émet des substances odorantes variées. Il y a donc une concordance dans le temps entre la maturation des pistils des fleurs femelles, la production de chaleur par l’inflo­res­cence et l’émission d’un parfum.

L’expérimentation relatée dans le document 4a montre que l’association de deux substances du parfum émis par l’inflorescence, le méthyl jasmonate et le dihydro-β-ionone, attire spécifiquement les coléoptères de l’espèce Erioscelis emarginata, insecte pollinisateur des philodendrons.

Le document 4b indique que la masse volumique de l’air diminue lorsque la température augmente. L’intense production de chaleur par l’inflorescence fait que l’air au voisinage est chauffé et s’élève. Cela favorise la dispersion en hauteur des substances odorantes, volatiles, et donc l’attraction qu’elles exercent sur les coléoptères. La thermogenèse de l’inflorescence agit donc de façon complémentaire à l’émission de parfum pour faciliter la pollinisation croisée.

B. Mécanisme de la thermogenèse

Il reste à découvrir les particularités du métabolisme des philodendrons qui permettent à leur inflorescence de produire beaucoup de chaleur, favorisant l’allogamie. Le document 2a indique que cette faculté est due à une caractéristique de leurs mitochondries, qui possèdent une protéine transmembranaire, l’UCP, dans leur membrane interne.

à noter

Il faut bien repérer les divers compartiments de la mitochondrie, qui sont indiqués dans la légende, afin de les utiliser à bon escient dans votre texte.

Le document 2b précise que le gène codant l’UCP ne s’exprime que dans les cellules de la région stérile de l’inflorescence pendant une période brève, celle où l’inflorescence produit de la chaleur. Cela confirme que cette protéine est impliquée dans la production de chaleur.

Le document 2a schématise le mécanisme par lequel la respiration mitochondriale assure la conversion de l’énergie des métabolites. Pour toutes les cellules de la plante, y compris les cellules stériles de l’inflorescence en dehors de la période de la thermogenèse, cette énergie est convertie en ATP grâce à l’activité d’une enzyme transmembranaire, l’ATP synthase.

L’ATP est la seule source d’énergie utilisable pour toutes les activités cellulaires. L’expression du gène UCP entraîne un changement dans la conversion énergétique des cellules. Le fonctionnement de leurs chaînes respiratoires est toujours le même, mais, dans la conversion énergétique, l’UCP devient fonctionnelle à la place de l’ATP synthase (au moins en grande partie), et toute l’énergie des métabolites est convertie en chaleur : il n’y a pas synthèse d’ATP. La chaleur est une forme d’énergie non utilisable par les cellules, et elle se dissipe dans le milieu. Ce sont les caractéristiques du métabolisme énergétique des philodendrons qui assurent la thermogenèse.

 Le secret de fabrication

Nous n’avons pas utilisé toutes les informations du schéma car elles ne font pas partie des connaissances exigibles. On y voit que l’oxydation des métabolites par le cycle de Krebs engendre un gradient de protons dans l’espace intermembranaire, et que c’est l’énergie de ce gradient qui est convertie en ATP ou totalement en chaleur.

C. Bilan sur l’allogamie des philodendrons

À partir de 18 heures le premier jour, les fleurs femelles arrivent à maturité et la production de chaleur par les inflorescences est maximale, ce qui va finalement attirer spécifiquement les coléoptères. À cette période, les bractées sont écartées, ce qui facilite la visite de ces insectes.

À 11 heures le lendemain, les insectes qui sont encore en train de butiner les inflorescences sont enfermés entre les bractées à la suite de la production d’une substance collante. Les fleurs femelles ne sont déjà plus réceptives au pollen, tandis que les fleurs mâles arrivent à leur tour à maturité. Les coléoptères, plus ou moins enfermés dans les inflorescences par les bractées, se couvrent de pollen.

À 18 heures, ils quittent leur inflorescence sans polliniser les fleurs femelles, devenues non réceptives. Cependant les fleurs femelles des inflorescences d’autres individus sont, elles, parvenues à maturité avec décalage, et accueillent les coléoptères recouverts de pollen.

Conclusion

Le décalage dans le temps de la maturité des étamines des fleurs mâles et du pistil des fleurs femelles au sein d’une inflorescence ainsi que la réceptivité très limitée dans le temps des pistils font que l’autogamie a une très faible probabilité de se produire.

La concordance entre maturation des fleurs femelles, thermogenèse par l’inflorescence, et émission de substances odorantes a pour conséquence la visite des fleurs femelles à maturité par des coléoptères pollinisateurs, ce qui favorise l’allogamie.

La thermogenèse joue un rôle essentiel dans la reproduction sexuée des philodendrons. Elle est déclenchée au moment où les fleurs femelles sont à maturité, par l’expression d’un gène, dans les cellules stériles de l’inflorescence, qui code pour une protéine mitochondriale, l’UCP. Grâce à cette protéine, l’énergie libérée par la respiration est totalement convertie en chaleur.

Les caractéristiques génétiques du philodendron témoignent ainsi d’un haut niveau d’adaptation à l’espèce Erioscelis emarginata : spécificité des parfums à cette espèce, protéine UCP assurant la thermogenèse, colle emprisonnant les coléoptères jusqu’au moment de polliniser de nouvelles inflorescences. Ce niveau d’adaptation résulte sûrement d’une coévolution de ces deux espèces, animale et végétale.

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