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Blessures de guerre (texte de M. Dugain, affiche "Les Gueules cassées")

France métropolitaine • Juillet 2024

Blessures de guerre

3 heures

100 points

Intérêt du sujet • Les documents s’intéressent aux « gueules cassées », ces poilus de la Première Guerre atrocement défigurés par des blessures ayant emporté une partie de leur visage.

 

Document A Texte littéraire

Adrien Fournier, le narrateur, et ses deux amis, Penanster et Weil, sont trois officiers gravement blessés au visage durant la Première Guerre mondiale. Ils sont soignés à l’hôpital du Val-de-Grâce. Un jour, ils y aperçoivent Marguerite, elle aussi victime d’une terrible blessure. Ils attendent depuis longtemps une occasion de lui parler.

Nos blessures ne pouvaient qu’effrayer cette femme qui se réfléchissait1 en nous, miroirs de son infortune, mais lorsque, après des jours d’attente et de guet, elle sortit et se trouva devant Penanster, elle ne se déroba2 point.

— Nous formons, lui expliqua-t-il, un club d’officiers qui compte à ce jour trois membres actifs et volontiers bienfaiteurs. Nous nous sommes aperçus qu’il y manquait une femme. Voulez-vous en faire partie ?

Pour toute réponse, elle nous adressa un sourire chaleureux, le sourire immaculé3 d’une bouche totalement épargnée, comme ses yeux et son front. Elle était comme un parterre de roses saccagé par le milieu. Elle avait été touchée au nez et aux pommettes et la déflagration lui avait également crevé les tympans car, comme Penanster poursuivait la conversation, elle continua de sourire, du sourire de ceux qui vivent dans un monde à part.

Penanster comprit alors qu’elle était sourde et ne pouvait que lire sur les lèvres. Lui seul avait une bouche intacte, où les mots prenaient forme. Je compris aussitôt que ni Weil ni moi ne pourrions jamais nous entretenir avec elle, les mouvements de nos lèvres étaient devenus sans signification car le son des mots reconstitués tels que nous les formions ne parviendrait jamais à son oreille.

Dans le langage qui commençait à s’instituer entre elle et Penanster, notre ami s’étonna de sa présence parmi nous. D’une voix à la douceur tiède qui faisait paraître encore plus injuste sa blessure, elle nous conta alors son histoire. Ébahis, appuyés les uns sur les autres, nous l’écoutions, intimidés par cette grande femme au charisme inaltéré.

Vers la fin de 1915, on manquait d’infirmières. Marguerite s’était portée volontaire. Elle était à cette époque aussi belle qu’inutile. Son père était un orfèvre fortuné, et elle ne manquait pas de prétendants, tous réformés ou embusqués4. Elle rêvait de s’éprendre d’un homme courageux. Elle fut affectée5 d’abord dans un hôpital de l’arrière, où sa beauté créa un tel trouble chez les convalescents6 aussi bien que chez les médecins que la situation devint insupportable. Sans imaginer probablement ce que serait la réalité, elle persuada un officier auquel elle s’était refusée de l’envoyer dans une antenne de secours à l’avant7.

Marc Dugain, La Chambre des officiers, 1999.

1. Se réfléchissait : se reflétait.

2. Elle ne se déroba point : elle ne partit pas, elle resta.

3. Immaculé : sans défauts.

4. Embusqués : qui ont bénéficié d’un poste qui n’était pas au front, donc d’un poste moins dangereux.

5. Elle fut affectée : elle fut envoyée comme infirmière.

6. Convalescents : soldats malades ou blessés qui sont en train de guérir.

7. À l’avant : au niveau de la zone de combat.

Document B Les Gueules cassées, Georges Conrad, affiche de l’Union des blessés de la face, lithographie

Coll. Bibliothèque municipale de Rouen, Est. atl. 200

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Travail sur le texte littéraire et sur l’image 50 points • 1 h 10

Les réponses doivent être entièrement rédigées.

Compréhension et compétences d’interprétation

 1. Qui sont les différents personnages de ce texte ? (2 points)

 2. Qu’ont-ils en commun ? Deux éléments de réponse sont attendus. (2 points)

 3. Lignes 9 à 27 : peut-on dire dans ce passage que tous les personnages arrivent à communiquer facilement ensemble ? Justifiez votre réponse en citant des passages précis du texte. (4 points)

 4. Lignes 28 à 37 : pour quelles raisons Marguerite souhaitait-elle s’engager comme infirmière de guerre ? Deux éléments de réponse justifiés par des citations du texte sont attendus. (5 points)

 5. « Elle était comme un parterre de roses saccagé par le milieu. » (lignes 11 à 12)

a) Quelle figure de style pouvez-vous identifier dans cette phrase ? Pourquoi est-elle particulièrement adaptée pour décrire le visage de Marguerite ? Un élément de réponse et une citation sont attendus. (3 points)

b) Complétez ce portrait physique de Marguerite par son portrait moral en identifiant deux traits de caractère du personnage. Vous justifierez chaque trait de caractère en vous appuyant sur le texte. (4 points)

 6. Quelles réflexions sur la Grande Guerre peut inspirer l’expérience des personnages ? Deux éléments de réponse, chacun justifié par des citations du texte, sont attendus. (6 points)

 7. L’affiche vous paraît-elle être une bonne illustration du texte ? Vous développerez votre réponse en vous appuyant sur deux arguments. Chaque argument doit être justifié en vous référant au texte et à l’image. (6 points)

Grammaire et compétences linguistiques

 8. « Nous formons, lui expliqua-t-il, un club d’officiers qui compte à ce jour trois membres actifs et volontiers bienfaiteurs. » (lignes 5 à 6).

Relevez les expansions du nom « club » et indiquez la classe gramma­ticale de chacune d’elles. (2 points)

 9. « Je compris aussitôt que ni Weil ni moi ne pourrions jamais nous entretenir avec elle » (lignes 18 à 19).

a) Recopiez cette phrase puis mettez la proposition subordonnée entre crochets et entourez le mot subordonnant. (1 point)

b) Précisez la fonction grammaticale de cette proposition subordonnée et mentionnez au moins une manipulation que vous avez utilisée pour trouver la réponse. (2 points)

 10. « la situation devint insupportable » (ligne 34).

a) Identifiez et nommez les trois éléments qui composent le mot souligné. (1,5 point)

b) Expliquez le sens de ce mot puis trouvez-en un synonyme. (1,5 point)

 11. Réécrivez le passage suivant en remplaçant « Marguerite » par « elles ». (10 points)

« Marguerite s’était portée volontaire. Elle était à cette époque aussi belle qu’inutile. Son père était un orfèvre fortuné, et elle ne manquait pas de prétendants, tous réformés ou embusqués. Elle rêvait de s’éprendre d’un homme courageux. »

Dictée 10 points • 20 min

Le nom « Penanster », ainsi que celui de l’auteur, le titre de l’œuvre et la date de publication sont écrits au tableau.

Marc Dugain

La Chambre des officiers, 1999

Marguerite devint naturellement le centre de nos préoccupations. Pour lui parler, nous nous adressions d’abord à Penanster, qui lui répétait nos propos par une lente décomposition des syllabes. Comme souvent chez ceux qui sont atteints de surdité, elle redoutait de parler trop fort, et nous ne nous lassions pas de cette voix douce qui contrastait singulièrement avec nos grognements. Elle s’intégra très rapidement à notre clan, même si nos rencontres quotidiennes étaient toujours de courte durée.

Elle n’avait pas informé de son état les membres de sa famille. Elle ne leur écrivait pas. Ils finirent par retrouver sa trace, mais elle refusa de se montrer. Penanster fut dépêché au-devant d’eux pour leur signifier le refus de Marguerite de les recevoir.

Rédaction 40 points • 1 h 30

Vous traiterez à votre choix l’un des sujets suivants.

Sujet d’imagination

Imaginez la suite du récit de Marguerite (lignes 28 à 37), du point de vue de la jeune femme, en utilisant la première personne et en terminant par l’accident qui a causé ses blessures. Vous mêlerez narration et description.

Vous commencerez ainsi :

« Me voilà désormais sur le front. Je ne ressentais pas la peur, je n’en avais pas le temps. »

Sujet de réflexion

Adrien et ses deux amis écoutent Marguerite raconter son histoire. Que peuvent apporter les récits de vie, réels ou fictifs, à celles et ceux qui les découvrent ?

Vous présenterez votre réflexion dans un développement argumenté et organisé. Vous illustrerez votre propos à l’aide d’exemples issus de vos lectures et de votre culture artistique personnelle (cinéma, peinture, bande dessinée…).

 

Les clés du sujet

Analyser les documents

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Traiter le sujet d’imagination

Recherche d’idées

Piste 1

Mobilise tes connaissances sur la Première Guerre ­mondiale : tu pourras évoquer la guerre des tranchées qui s’éternise, les milliers de morts, les conditions météorologiques difficiles, etc.

Piste 2

Imagine le quotidien d’une infirmière au front : il faut soigner des plaies parfois impressionnantes, rassurer les blessés et être constamment confrontée à la douleur et à la mort.

Conseils de rédaction

Pour les passages descriptifs, pense au champ lexical de l’horreur des tranchées : effroi, horrible, désespoir, froid, mitraille, rats, etc.

Consacre un paragraphe à poser le cadre du récit. Raconte ensuite le déroulement de l’accident, avant de conclure sur le regard que porte désormais Marguerite sur sa vie.

Traiter le sujet de réflexion

Recherche d’idées

Piste 1

Commence par définir ce qu’on appelle les récits de vie : biographies, autobiographies, témoignages, journaux intimes, récits dans des œuvres de fiction.

Piste 2

Réfléchis à ce qui peut rendre un récit de vie inté­ressant : est-ce sa véracité ? son caractère original ? son caractère universel permettant au lecteur de se projeter ?

Conseils de rédaction

Organise ta réponse en plusieurs paragraphes pour développer par exemple les idées suivantes : les récits de vie offrent des témoignages historiques ; ils évoquent des problématiques universelles ; ils nous permettent d’accéder à des univers inconnus.

Dresse une liste d’exemples à utiliser : livres (journal d’Anne Frank, ouvrages d’Annie Ernaux, récits d’enfance comme Vipère au poing…), films (biopics, films de guerre comme Dunkerque), bandes dessinées (Persepolis, albums de Tardi sur la Première Guerre), peintures (autoportraits comme ceux de Frida Kahlo).

Travail sur le texte littéraire et sur l’image

Compréhension et compétences d’interprétation

1. Le texte comporte quatre personnages : le narrateur Adrien Fournier, ses deux amis officiers, Penanster et Weil, et une femme nommée Marguerite.

2. Tous quatre ont été blessés au front et se retrouvent dans un hôpital. Ces blessures les ont défigurés : les visages des hommes ne pouvaient « qu’effrayer cette femme » (l. 1) qui, elle, « avait été touchée au nez et aux pommettes » (l. 12) et ne peut voir en eux que « les miroirs de son infortune » (l. 2).

3. La communication entre les personnages n’est pas facile. Marguerite est sourde et ne peut « que lire sur les lèvres » (l. 16-17) ; or des trois officiers qui veulent converser avec elle, seul Penanster « a une bouche intacte » (l. 17). Le narrateur et Weil ne peuvent donc s’adresser directement à elle.

4. Marguerite a souhaité s’engager pour contribuer à l’effort de guerre : elle veut se rendre utile car « [vers] la fin de 1915, on manquait d’infirmières » (l. 28). Elle aimerait d’autre part « s’éprendre d’un homme courageux » (l. 31-32), c’est-à-dire d’un homme parti au front alors qu’elle est réduite à l’arrière, à fréquenter « des réformés ou des embusqués » (l. 31), considérés comme des lâches qui ne veulent pas risquer leur vie.

5. a) Il s’agit d’une comparaison. Le parterre de roses évoque la beauté délicate et harmonieuse de la jeune femme, encore visible dans le « sourire chaleureux, le sourire immaculé d’une bouche totalement épargnée, comme ses yeux et son front » (l. 9-11). Mais ce « parterre de roses » est saccagé par le milieu, comme le visage de la jeune femme « touché au nez et aux pommettes ».

b) Le portrait moral de la jeune femme est marqué par le courage ; elle n’a pas craint de demander son affectation en première ligne : « elle persuada un officier […] de l’envoyer dans une antenne de secours à l’avant » (l. 35-37). Elle se montre également chaleureuse et aimable envers les officiers, malgré leur apparence effrayante : elle sourit et leur raconte sa vie « d’une voix à la douceur tiède qui faisait paraître encore plus injuste sa blessure » (l. 23-24).

6. La lecture de ce texte peut inspirer plusieurs réflexions sur la Grande Guerre. On peut s’arrêter d’abord sur l’horreur de ces blessures qui défigurent et rendent la communication difficile ; le retour à la vie civile avec un visage dévasté fut très douloureux pour beaucoup. On comprend également que ces blessures n’ont pas touché que les soldats : des femmes aussi, comme Marguerite, ont été blessées. Autrefois « aussi belle qu’inutile » (l. 29), elle a désormais le milieu du visage mutilé.

info +

Le texte souligne l’injustice de la guerre, mais tu peux également mention­ner des aspects plus positifs, comme la camaraderie et l’entraide.

7. À première vue l’affiche illustre assez fidèlement le texte en montrant un soldat meurtri, au visage caché par des bandages, éprouvant des difficultés à marcher et s’appuyant sur une infirmière : on retrouve les personnages du texte. Mais le lieu n’est pas le même et l’image ne montre pas ces visages défigurés à vie par des « blessures » qui ne peuvent « qu’effrayer » ; de même, elle délaisse l’idée que les femmes puissent aussi être victimes de ces blessures, car l’infirmière est totalement épargnée.

conseil

Tu as intérêt à présenter une réponse nuancée, qui te permettra d’établir les points communs puis les différences entre les deux documents.

Grammaire et compétences linguistiques

8. Le nom « club » est accompagné de deux expansions. La première, « d’officiers », est un groupe nominal prépositionnel. La seconde, « qui compte à ce jour trois membres actifs et volontiers bienfaiteurs » est une proposition subordonnée relative.

9. a) Je compris aussitôt [ que ni Weil ni moi ne pourrions jamais nous entretenir avec elle].

b) Cette subordonnée est COD du verbe « comprendre ». Il s’agit d’un complément essentiel puisqu’on ne peut pas la supprimer ; on peut aussi remplacer la proposition par un pronom : je le compris aussitôt.

10. a) Le mot « insupportable » est construit par dérivation à l’aide de trois éléments : le préfixe privatif in-, le radical -support-, et le suffixe -able.

info +

On parle de dériv­ation pour un mot construit avec l’ajout de préfixe et/ou suffixe au radical.

b) « Insupportable » signifie donc : qu’on ne peut pas accepter, qui est trop difficile à vivre. Il a pour synonyme insoutenable.

11. Les modifications sont en couleur.

Elles s’étaient portées volontaires. Elles étaient à cette époque aussi belles qu’inutiles. Leur père était un orfèvre fortuné, et elles ne manquaient pas de prétendants, tous réformés ou embusqués. Elles rêvaient de s’éprendre d’un homme courageux.

Dictée

Point méthode

1 Ne confonds pas les terminaisons -er et pour les verbes du 1er groupe. Écris -er s’il s’agit du verbe à l’infinitif, que tu peux remplacer par un infinitif du 3e groupe comme « prendre » ou « vendre » pour le reconnaître.

2 Sois attentif à ces homonymes fréquents : sont peut être remplacé par « étaient » et son par « mon » ; se peut être remplacé par « me » et ceux par « les gens ».

3 Quand leur est employé comme pronom, il ne prend jamais de -s, même s’il renvoie à plusieurs personnes. Remplace-le par « lui » pour le reconnaître.

 

Marguerite devint naturellement le centre de nos préoccupations. Pour lui parler, nous nous adressions d’abord à Penanster, qui lui répétait nos propos par une lente décomposition des syllabes. Comme souvent chez ceux qui sont atteints de surdité, elle redoutait de parler trop fort, et nous ne nous lassions pas de cette voix douce qui contrastait singulièrement avec nos grognements. Elle s’intégra très rapidement à notre clan, même si nos rencontres quotidiennes étaient toujours de courte durée.

Elle n’avait pas informé de son état les membres de sa famille. Elle ne leur écrivait pas. Ils finirent par retrouver sa trace, mais elle refusa de se montrer. Penanster fut dépêché au-devant d’eux pour leur signifier le refus de Marguerite de les recevoir.

Rédaction

Voici un exemple de rédaction sur chacun des deux sujets.

Attention, les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Sujet d’imagination

[Description de l’univers des tranchées] Me voilà désormais sur le front. Je ne ressentais pas la peur, je n’en avais pas le temps. Je découvrais le quotidien de nos soldats, les vrais héros, ceux de la première ligne. Et c’était un spectacle horrible : partout du sang, des pleurs, de la suie, et le bruit incessant de la canonnade. Les tranchées grouillaient de soldats tous semblables ; leurs uniformes boueux n’étaient plus reconnaissables ; et ils couraient en tous sens dans un désordre indescriptible. Nous étions deux infirmières pour seconder le médecin, alors qu’il en aurait fallu cent.

[Récit de la blessure] C’était peu de temps après mon arrivée, peut-être dix, peut-être quinze jours après mon changement d’affectation. Le manque de sommeil et l’horreur constante me transformaient en machine, capable d’obéir mais incapable de ressentir, et c’était mieux ainsi ; car qui aurait pu supporter ces morts, ces visages détruits, ces membres coupés sans devenir fou ? Mais ce jour-là, alors que je sortais du poste de secours pour accueillir un nouveau blessé, je fus prise d’une curieuse sensation d’irréalité : un souffle terrible fit valser le soldat, le brancard, la tente qui abritait les amputés. Soulevée dans les airs, j’eus les tympans transpercés par un bruit strident, et je perdis connaissance. Lorsque je revins à moi, on m’avait évacuée vers un hôpital de l’arrière : j’avais mal et j’étais enfermée dans le silence. Je ne pouvais entendre les paroles que l’on m’adressait ; mais je pouvais nettement distinguer l’effroi sur le visage des gens qui m’observaient.

[Retour au présent] Je suis restée deux mois dans cet hôpital avant d’arriver au Val-de-Grâce. On m’a dit que c’est un éclat d’obus qui m’a défigurée. Et me voici devant vous, compagnons d’infortune, pour ne pas avoir pris conscience des risques encourus avant de me porter volontaire. Moi qui aspirais à l’amour héroïque, il me semble que toute mon existence se déroulera désormais au-delà de l’amour… car qui pourrait aimer une femme sans visage ?

conseil

La fin du récit marque un retour au présent : la narratrice peut donc interpeller directement ses interlocuteurs, désignés ici par le GN « compagnons d’infortune ».

Sujet de réflexion

[Introduction] Les personnages de La Chambre des officiers écoutent, « ébahis » et attentifs, la jeune Marguerite leur raconter sa vie. Mais pourquoi sommes-nous, comme eux, si souvent intéressés par le récit d’une vie qui n’est pas la nôtre ?

[Des exemples de vies exceptionnelles] Certains récits retracent des vies exceptionnelles. C’est le cas de Marguerite, l’infirmière du roman de Marc Dugain : s’il n’était pas rare d’être blessé au front, il l’était beaucoup plus pour une séduisante jeune fille de bonne famille de se retrouver complètement défigurée. Anne Frank, en écrivant son Journal, rend compte elle aussi de sa vie devenue exceptionnelle par le contexte historique : la persécution des Juifs pendant la Seconde Guerre oblige sa famille à vivre cachée dans un grenier pendant plusieurs années. On apprend ainsi par ces récits des réalités dont on ignorait tout.

conseil

Pense, à chaque fois que tu mentionnes un livre ou un film, à préciser son auteur ou réalisateur.

[Des récits poignants] Les récits de vie laissent par ailleurs rarement les lecteurs indifférents. En lisant les différentes étapes d’une existence, notamment dans les récits à la première personne, nous pouvons facilement nous sentir émus. Nous partageons ainsi l’effroi et la haine du narrateur de Vipère au poing, de Hervé Bazin, lorsqu’il est confronté à la cruauté de sa mère ; nous souffrons avec Marjane Satrapi dans Persepolis quand elle comprend qu’elle vit désormais sous un régime autoritaire. L’emploi de la première personne, en donnant un tour personnel au récit, éveille notre empathie.

[Des vies qui sont un peu aussi les nôtres] Enfin, les récits de vie évoquent parfois des quotidiens assez proches du nôtre. Annie Ernaux, dans La Femme gelée, retrace le quotidien inégalitaire dans son couple. Son questionnement sur la condition de la femme fait écho à notre réalité. Le film Simone, le voyage du siècle, d’Olivier Dahan, qui retrace la vie de Simone Veil, met lui aussi en scène des combats toujours d’actualité, comme les droits des femmes ou les droits des détenus.

[Conclusion] Les raisons d’apprécier les récits de vie sont donc multiples. En lisant ces récits, modèles ou contre-modèles, on apprend à connaître les autres ; mais on apprend sans doute aussi à mieux se connaître soi-même.

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