LA PLANÈTE
Les variations climatiques passées
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svtT_2000_00_00C
Exercice 2
Des climats anciens en Afrique intertropicale
Intérêt du sujet • Utilisez une approche originale pour étudier les climats anciens et découvrez comment des momies égyptiennes apportent de précieux indices.
DOCUMENT DE RÉFÉRENCE
Localisation géographique des sites étudiés
Le musée Testut-Latarjet et le musée des Confluences de Lyon ont mis à la disposition des chercheurs des fragments d'os et des dents de momies égyptiennes datées entre 5 500 ans BP (Before Present = avant 1951) et 1 500 ans BP, afin qu'ils recherchent des indices sur le climat africain de cette période.
DOCUMENT 1Variation du δ18O des os et des dents des momies égyptiennes
L'apatite (phosphate de calcium), constituant de l'os, et l'hydroxyapatite (phosphate de calcium hydraté), constituant de l'émail des dents, contiennent de l'oxygène dans le groupement phosphate. Des chercheurs ont ainsi pu mesurer le δ18O des fragments d'os et des dents de momies égyptiennes (δ18Op) couvrant une époque entre 5 500 ans BP et 1 500 ans BP.
D'après Touzeau et al., 2013 (modifié)
DOCUMENT 2Corrélation entre le δ18Op des os et des dents et le δ18Ow de l'eau de boisson
Le δ18O mesuré dans les os et les dents des êtres humains (δ18Op) est corrélé au δ18O de l'eau de boisson (δ18Ow) par l'équation simplifiée suivante :
(δ18Ow) = 1,54 (δ18Op) – 33,72
DOCUMENT 3Relation entre les précipitations mensuelles (histogramme) et le δ18O moyen mensuel de l'eau de pluie (courbe reliant les carrés) à Entebbe en Ouganda et Addis-Abeba en Éthiopie
En zone intertropicale, le facteur majeur contrôlant la composition du δ18O des eaux de pluie est la quantité de précipitations et non la température.
D'après les données IAEA (International Atomic Energy Agency) et WMO (World Meteorological Organization)
Dans le cas des Égyptiens, on peut considérer que l'eau de boisson est l'eau du Nil, eau tombée sous forme de pluie au-dessus des régions sources du Nil.
DOCUMENT 4Variations des flux sédimentaires détritiques dans les lacs Sinnda et Kitina (République du Congo)
Durant la période étudiée, ces lacs étaient situés en milieu forestier. Dans les milieux forestiers intertropicaux, les particules solides transportées par les cours d'eau proviennent surtout de l'érosion des berges.
Ainsi, la charge solide des cours d'eau est directement corrélée aux crues, et donc aux précipitations. Un assèchement complet du lac provoque une interruption de la sédimentation (hiatus).
D'après J. Bertaux, cnrs.fr
En utilisant les informations des documents et vos connaissances :
expliquez comment les études isotopiques menées sur des momies égyptiennes ont permis de reconstituer l'évolution des précipitations en Afrique intertropicale entre 5 500 ans BP et 1 500 ans BP ;
montrez que les résultats de cette étude sont en accord avec les données sédimentaires.
Les clés du sujet
Étape 1. Comprendre le sujet
Dans un premier temps, il faut établir les variations isotopiques de l'eau de boisson entre 5 500 BP et 1 500 BP.
Dans un second temps, en appliquant le principe de l'actualisme, il faut déboucher sur les variations de l'intensité des précipitations durant ce même intervalle de temps dans les régions sources du Nil.
Enfin, il faut montrer que ces variations climatiques tirées indirectement des momies sont en accord avec les données sédimentaires.
Étape 2. Exploiter les documents
Le document 1 renseigne sur l'évolution globale du delta isotopique des os et dents durant 4 000 ans.
Le document 2 permet d'établir l'évolution globale du delta isotopique de l'eau de boisson durant la même période.
Le document 3 permet, en appliquant le principe de l'actualisme, de connaître les variations des précipitations entre 5 500 BP et 1 500 BP.
Le dernier document permet de voir si les données relatives aux dépôts sédimentaires indiquent les mêmes variations climatiques que celles fournies indirectement par les momies.
Étape 3. Construire la réponse
Des chercheurs ont pu établir de manière indirecte la succession de climats en Afrique intertropicale. Nous allons voir comment la mise en relation de mesures du delta 18O effectuées dans des restes osseux et des dents de momies égyptiennes avec les précipitations a permis d'établir une histoire des climats entre 5 500 ans BP et 1 500 ans BP dans cette région. Nous verrons ensuite comment des observations sédimentaires viennent soutenir les résultats obtenus.
I. Évolution du δ18Op de dents et d'os de momies égyptiennes de 5 500 à 1 500 ans BP (document 1)
Le conseil de méthode
Il ne faut pas faire une analyse pointilliste des valeurs fournies, mais relever des valeurs significatives qui permettent de dégager une évolution globale.
À 5 500 ans BP, le δ18O des os et des dents est au plus égal à 22 ‰, et généralement inférieur. À 1 500 ans BP, ce delta est toujours supérieur à 22 ‰. On constate donc une augmentation du δ18O en 4 000 ans.
Cette augmentation globale sur 4 000 ans reflète une tendance générale, qui s'amorce à partir d'environ 3 300 ans BP et devient nette à partir de 2 500 ans BP. Le document 1 n'apporte en revanche pas d'informations sur la signification de l'augmentation du δ18Op au cours du temps.
II. Signification climatique de l'augmentation du δ18Op
On peut considérer que, depuis 5 500 ans BP au moins, l'eau de boisson des Égyptiens est l'eau de pluie qui alimente le Nil (document 3).
Le document 2 indique une corrélation entre le δ18Op et le δ18Ow de l'eau de boisson. La formule proposée montre que le δ18Ow évolue de la même façon que le δ18Op. Ainsi, la valeur « 20 » du δ18Op correspond à « – 2,92 » pour le δ18Ow et, lorsque le δ18Op vaut 23, le δ18Ow de l'eau est 1,7. On peut donc en conclure que, comme le δ18Op des os et des dents a augmenté entre 5 500 ans BP et 1 500 ans BP, le δ18Ow de l'eau de boisson a lui aussi augmenté.
à noter
On peut se limiter à exploiter l'équation fournie en indiquant que la formule montre que, lorsque le delta isotopique des os et des dents augmente, celui de l'eau de boisson augmente aussi.
Les graphes du document 3 permettent de déterminer la signification d'une augmentation du δ18Ow de l'eau de boisson. Les histogrammes montrent comment la quantité de précipitations influe sur le δ18Ow de l'eau de pluie.
à noter
Ces calculs aident à comprendre pourquoi l'échelle des deltas isotopiques est différente entre les documents 1 et 3.
On reconnaît deux saisons de pluie à Entebbe (avril-mai et octobre-novembre) et une seule saison de pluie à Addis-Abeba (juillet à septembre) : dans les deux cas, le δ18Ow de l'eau de pluie chute.
Inversement, une augmentation du δ18Ow correspond à une diminution des précipitations, donc à une période plus sèche.
Puisque le δ18Ow de l'eau de pluie a augmenté entre 5 500 ans BP et 1 500 ans BP, cela signifie une diminution de la quantité des précipitations dans les régions voisines des sources du Nil au cours de cette période.
Entre 5 500 ans BP et 1 500 ans BP, particulièrement à partir de 3 000 ans BP, le climat de la région des sources du Nil devient plus sec, moins pluvieux.
Le secret de fabrication
On applique ici le principe d'actualisme : on détermine, à partir de données actuelles, la relation entre delta isotopique et précipitations puis on considère que cette relation a toujours été du même ordre au cours du temps, ce qui permet de reconstituer les variations passées des précipitations.
III. Climat et données sédimentaires
La sédimentation a été étudiée dans des lacs situés à une latitude voisine de celle des sources du Nil blanc (région d'Entebbe), mais plus à l'ouest.
Au lac Kitina, le flux sédimentaire détritique était important il y a 5 500 ans BP. Il a diminué régulièrement jusqu'à 2 500 ans BP et, de 2 500 ans BP à 1 500 ans BP, ce flux sédimentaire est devenu très faible, quasiment nul. Cela indique une diminution importante des précipitations durant cette période.
Les données sur le lac Sinnda confirment celles du lac Kitina, mais de façon encore plus frappante. En particulier, l'assèchement complet entre 4 000 ans BP et 1 200 ans BP indique des précipitations très faibles.
Bilan
Les données sédimentaires confirment donc l'existence d'un climat relativement pluvieux il y a environ 5 500 ans BP, une diminution de la pluviosité de 5 500 ans BP à environ 3 000 ans BP et enfin une période de sécheresse qui se termine à 1 500 ans BP.
Les données sédimentaires renseignent directement sur la pluviosité intertropicale au cours du temps. Le fait qu'elles soient en accord avec les données isotopiques (δ18O) sur les os et les dents montre que ces dernières peuvent renseigner indirectement, mais de façon fiable, sur l'évolution climatique.