Écrit
Dissertation • Sarraute, Pour un oui ou pour un non
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Sujet d’écrit • Dissertation
Dispute et vérité dans Pour un oui ou pour un non
Intérêt du sujet • Le sujet invite à s’interroger sur la place de la « vérité » dans la pièce de Sarraute ; les deux personnages tentant désespérément de faire la vérité sur leur relation, sans y parvenir réellement.
Dans Pour un oui ou pour un non, la dispute a-t-elle pour fonction de faire éclater la vérité ?
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé. Votre réflexion prendra appui sur la pièce de Nathalie Sarraute au programme, sur le travail mené dans le cadre du parcours associé à cette œuvre et sur votre culture personnelle.
Les clés du sujet
Analyser le sujet
Formuler la problématique
Le sujet invite à s’interroger sur la fonction du dialogue entre les deux amis. Venu chercher une vérité sur sa relation avec h. 2, h. 1 la trouve-t-il ?
À quels obstacles cette quête se heurte-t-elle ? Dans le climat d’incompréhension qui s’installe, quelles vérités sont exprimées, avec quelles conséquences ?
Quelle est la nature de la vérité qui émerge à la fin de la pièce, dépassant la simple compréhension de l’éloignement de h. 2 ?
Construire le plan
1. h. 1 et h. 2 cherchent à clarifier leur relation… | Montrez que la pièce se construit à partir d’une interrogation initiale de h. 1. Comment la compréhension des raisons de l’éloignement de h. 2 progresse-t-elle tout au long de l’intrigue ? |
2. … mais l’incompréhension s’installe et se renforce | Analysez l’incompréhension de h. 1 apprenant les raisons de l’éloignement, ainsi que le sentiment de h. 2 d’être incompris. Montrez que le langage n’a jamais permis un échange véritable entre les amis et qu’il les sépare. |
3. Finalement, la dispute met au jour un profond antagonisme | Comment la dispute révèle-t-elle deux visions du monde diamétralement opposées ? Quelle évidence s’impose à la fin de la dispute pour h. 2 comme pour h. 1 ? |
Les titres en couleur ou entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Accroche] « Toute vérité n’est pas bonne à dire » proclamait déjà Figaro (Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1778, iv, 1) ; c’est à nouveau le cas dans Pour un oui ou pour un non, où toute vérité n’est pas forcément bonne à rechercher. [Explication du sujet]. Le sujet invite à s’interroger sur la fonction du dialogue entre les deux amis, dans cette pièce. En quête d’une vérité sur sa relation avec h. 2, h. 1 parvient-il à la trouver ? À quels obstacles cette démarche se heurte-t-elle ? Dans le climat d’incompréhension qui s’installe, quelles vérités sont-elles exprimées et avec quelles conséquences ? Finalement, à la fin de la pièce, quelle est la nature de la vérité qui émerge, dépassant la simple compréhension de l’éloignement de h. 2 ? [Problématique] En quoi la dispute permet-elle de découvrir des vérités aux multiples aspects, parfois inattendues ? [Annonce du plan] Nous verrons que le dialogue entre les deux amis procède d’un besoin de clarification, mais que celle-ci s’avère impossible et que la dispute renforce plutôt l’incompréhension et fait émerger une autre forme de vérité.
I. h. 1 et h. 2 cherchent à clarifier leur relation…
Le secret de fabrication
Dans cette première partie, on montre que l’intrigue de la pièce se construit autour d’une quête de vérité. h. 1 cherche à comprendre les véritables raisons de l’éloignement de h. 2 ; celui-ci les lui révèle progressivement.
1. Une interrogation initiale
L’intrigue de la pièce se fonde entièrement sur une recherche initiale de vérité entre deux anciens amis qui se sont éloignés.
Elle débute par un questionnement de h. 1 qui constitue la première réplique de la pièce : « Écoute, je voulais te demander… C’est un peu pour ça que je suis venu… je voudrais savoir… ».
h. 1 souhaite éclaircir la raison de l’éloignement soudain de h. 2. Cette interrogation se heurte d’abord au déni : « h. 2 : Mais que veux-tu qu’il y ait ?/h. 1 : C’est justement ce que je me demande. » Le lecteur comprend que la vérité sur ce sujet va être difficile à obtenir.
2. La révélation progressive des « raisons »
Progressivement, les raisons de cet éloignement se font jour, au rythme des révélations que h. 2 fait à contrecœur, par indices successifs, entraînant parfois des incompréhensions, comme le quiproquo sur « les mots » qu’on a « eus », ou pas.
Peu à peu, les causes deviennent de plus en plus explicites. Des expressions malheureuses sont à la source de la rupture (« C’est bien… ça… ») que les amis tentent d’analyser pour en comprendre les intentions.
Les protagonistes osent progressivement s’adresser directement leurs reproches. Des termes significatifs affluent : « condescendance » ; « jalousie » ; « poète raté »… Le spectateur accède partiellement à une vérité enfouie : celle de l’existence de griefs très prononcés entre les deux hommes.
[Transition] L’enjeu de la dispute est donc bien de parvenir à une vérité qui oppose les deux hommes. Mais cette vérité peut-elle être accessible ?
II. … mais l’incompréhension s’installe et se renforce
Le secret de fabrication
Ici, on montre que les paroles échangées ne permettent pas de trouver un terrain d’entente, une vérité commune (qui pourrait consister en une responsabilité partagée) ; elles ne font qu’alimenter le conflit.
1. L’incompréhension ou le refus de comprendre
Cependant, les raisons évoquées par h. 2 demeurent incompréhensibles pour h. 1. De son côté, h. 2 se sent incompris, de manière irrémédiable. Leur recherche de vérité se heurte à une absence d’empathie véritable l’un pour l’autre, les rendant incapables de prendre chacun une part de responsabilité dans l’éloignement et de mettre ainsi un terme à leur querelle.
pour aller + loin
Tels h. 1 et h. 2, dans Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès, Adrien et sa sœur Mathilde, revenue d’Algérie alors en pleine guerre, se déchirent, sans aucune empathie l’un envers l’autre, sur fond de conflit d’héritage.
L’intervention des voisins est également emblématique de ce cloisonnement des consciences. L’exposé alambiqué des doléances de chaque personnage laisse h. 3 et f. perplexes, et les fait fuir : « h. 2 : Oh mais qu’est-ce que vous pouvez comprendre…/h. 3 : Pas grand-chose, en effet./f. : Moi non plus, je ne veux pas suivre… du reste je n’ai pas le temps, il faut que je parte… ».
Les deux personnages sont également victimes du regard accusateur d’une société qui refuse de comprendre leurs interrogations ; une société qui condamne h. 2, « celui qui rompt pour un oui ou pour un non », et qui jugerait négativement leur décision de rupture : « Ils ne veulent plus se revoir de leur vie… quelle honte… ».
2. L’obstacle du langage
La vérité des deux personnages reste inaccessible également en raison de la difficulté à se faire comprendre par le langage. Ainsi, tandis que h. 2 perçoit de l’ironie dans un commentaire fait par h. 1 à f. à son propos (« je lui ai, paraît-il, parlé sur un ton condescendant »), h. 1 affirme parler sérieusement.
h. 1 et h. 2 sont soumis à leurs « tropismes » (notion mise au point par Sarraute elle-même, dès 1939), ces mouvements instinctifs du langage qui peuvent être interprétés maladroitement. Alors que la réconciliation semble possible, une phrase malheureuse (« La vie est là… ») engendre la rupture.
[Transition] La dispute ne permet donc pas de clarifier les relations et ne fait que creuser l’incompréhension et la colère. Le spectacle théâtral fait-il peut-être émerger un autre type de vérité ?
III. Finalement, la dispute met au jour un profond antagonisme
Le secret de fabrication
Dans cette troisième partie, on montre que la dispute met au jour une opposition radicale entre deux manières d’être au monde, et débouche sur une évidence brutale : la nécessité d’une rupture définitive.
1. La révélation d’un antagonisme
La pièce fait émerger surtout une vérité indéniable : celle d’une opposition radicale entre deux mondes dont les personnages ne sont que des représentants assez caricaturaux.
à noter
Chacun des deux amis possède des traits de caractère (découverts progressivement par le spectateur au cours de la pièce) que l’autre ne cesse de lui reprocher. Cette opposition culmine dans les dernières répliques de la pièce : « Oui/Non ! ».
Entre h. 1, l’homme mondain, parfaitement intégré dans la société, et h. 2, l’artiste marginal qui rejette les codes et les normes du bonheur moderne, une défiance réciproque et larvée s’est installée et doit nécessairement, un jour ou l’autre, se manifester.
2. L’évidence de la rupture
La pièce met ainsi à nu les rouages mécaniques d’un délitement tragique. Les mots deviennent de plus en plus durs, comme les accusations réciproques de se « piéger » dans des « souricières ». Les souvenirs qui refont surface, comme celui de la barre des Écrins (« J’ai eu envie de te tuer »), sont l’expression d’un désir de violence intemporel.
Finalement, h. 1 et h. 2 partagent, avec le même sentiment d’urgence, cette évidence : la nécessité de leur rupture.
« h. 1 : À quoi bon s’acharner ?
h. 2 : Ce serait tellement plus sain…
h. 1 : Pour chacun de nous… plus salutaire… »
Conclusion
[Synthèse] La dispute, dans la pièce de Sarraute, constitue donc bien le mécanisme qui permet de se mettre en quête de certaines vérités, mais se heurte d’abord à l’incompréhension réciproque et aux affres du langage, avant de révéler l’antagonisme irrémédiable entre les deux protagonistes.
[Ouverture] D’autres logodrames, comme Juste la fin du monde (1990) de J.-L. Lagarce, analysent également ce mécanisme de désir vain d’une vérité.