Faire son chemin
Corrigé
6
Le roman
fra1_1100_00_41C
Sujet inédit
Le personnage de roman • 14 points
Commentaire
a) Comment Zola rend-il compte de la réalité de la vente et du comportement de la foule ?
b) Montrez que le romancier transforme aussi cette vente en un véritable spectacle.
c) Quelle vision de l'homme et du monde le texte révèle-t-il ?
Trouver les idées directrices
- Appuyez-vous sur les trois axes du parcours de lecture, dont vous analyserez précisément les termes.
- Faites aussi la « définition » du texte pour en tirer des pistes de recherche.
Extrait de roman (genre) naturaliste (mouvement littéraire) qui décrit (type de texte) une journée de grande vente dans un grand magasin (thème), épique, presque fantastique (registres), réaliste et en même temps visionnaire (adjectifs), qui rend compte des sensations du personnage qui a organisé l'événement (thème) pour donner un aperçu de l'évolution du commerce et rendre compte de l'atmosphère fiévreuse de la vente (buts).
Pistes de recherche
Première piste : l'évocation réaliste d'une foule fébrile
- Analysez la description de la vente.
- Relevez et étudiez les éléments réalistes qui permettent de s'imaginer l'événement : lieux, produits, techniques de vente, personnages.
- Relevez les procédés par lesquels Zola rend compte de la foule (procédés grammaticaux, rythme des phrases…).
Deuxième piste : la métamorphose de la scène : Zola visionnaire
- Montrez comment Zola dépasse le réalisme, transforme la scène.
- Étudiez les images : à quels domaines sont-elles empruntées ?
- Quelle vision donnent-elles : de Mouret ? de la foule ?
- Quels rapports ces images établissent-elles entre Mouret et la foule ? Comment Mouret considère-t-il les femmes et la scène ?
- Déterminez le point de vue, la focalisation qu'adopte Zola.
- Analysez la nature des sensations et des sentiments de Mouret.
Troisième piste : la vision de l'homme et du monde
- Quelle portée plus générale et plus profonde peut prendre la scène ?
- Quelle vision de l'homme et du monde révèle-telle ?
- Comment Zola rend-il compte des changements fondamentaux de la société (dont Mouret tire profit) ?
- Quelle conception de la femme cette scène révèle-t-elle ?
- Montrez aussi l'importance du corps et de ses désirs.
> Pour réussir le commentaire : voir guide méthodologique.
> Le roman : voir lexique des notions.
Introduction
I. L'évocation naturaliste d'un grand magasin
Zola décrit le grand magasin avec le regard scientifique du naturaliste.
1. Les lieux et la marchandise
Le vocabulaire technique, précis, permet la mise en scène concrète du décor.
- Les termes « comptoirs », « caisse », « rayon » rendent compte de l'
organisation des lieux dans leur fonctionnement traditionnel. En contraste, Zola décrit précisément l'architecture résolument moderne du grand magasin (architecture industrielle), à travers les mots « bazar », « charpente mécanique », « escaliers suspendus », « ponts volants ». - Les
articles sont mentionnés dans leurdiversité et désignés par les termes « étoffes », « marchandises », « meubles », « ganterie », « articles de Paris ».
2. Les techniques de vente
Zola rappelle les
3. Les clientes
- Enfin, les
clientes qui se pressent à la vente sont évoquées de deux façons : soit d'une façon neutre (« la clientèle », « Mme Marty, Mme de Boves… »), soit d'une façon métaphorique (« cette mer de corsages »…). - L'
impression de foule est rendue par le pronom indéfini « on » (l. 5), les pluriels (« les ombres noires », « les têtes »), les accumulations (énumération des noms des clientes) ou le singulier générique (« la femme »), le rythme ample des phrases (l. 3-5, 13-16 ; l'avant-dernière phrase s'étend sur 5 lignes).
II. Une scène métamorphosée en vision épique
Mais Zola dépasse l'esthétique naturaliste et, par la force des images, métamorphose la scène pour en donner une vision épique.
1. Sa majesté Octave Mouret
De nombreuses métaphores transforment le commerçant en un personnage épique.
- Mouret est métamorphosé en
conquérant victorieux , comme en témoigne le champ lexical de la royauté qui file la métaphore (« un despote », « régnait », « caprice », « maître », « conquis »). Il a pour ses clientes le cynisme et le mépris du tyran pour ses sujets : il « les [tient] à ses pieds ». - Mouret prend aussi une
dimension religieuse : Zola le compare à un dieu créateur (« sa création »), à un prêtre (« culte »).
2. Un soir de bataille
L'événement, une banale journée de soldes, est amplifié par la métaphore guerrière.
- La scène est
vue comme un tableau , une peinture de ville incendiée, avec des jeux de contrastes lumineux dramatiques : « flamboiements » contraste avec « ombres noires » et « fonds pâles » en une sorte de clair-obscur. - Le magasin est sens dessus dessous,
« saccagé » comme si y avaient déferlé des hordes barbares (= les femmes). Cette métaphore jette une ombre négative sur la scène (signe ou présage d'une défaite ?). Pourtant, Mouret se réjouit de ce désordre qui, paradoxalement, témoigne du succès de son entreprise : ce sont les clientes qui sont responsables du « saccage », Mouret, lui, est le vainqueur de cette bataille et emporte le butin (« l'or »). - Si l'image n'est pas très cohérente, c'est parce que la
scène estdécrite à travers la méditation-rêverie de Mouret , comme en témoignent le vocabulaire de la victoire et de la défaite (« il les tenait à sa merci ») et l'emploi de termes péjoratifs pour décrire les clientes (« un peuple de femmes », « la bande », « un bétail »), vaincues sans gloire qui « vagabond[ent] », s'en allant « à moitié défaite[s] », « dépouillée[s] », « violée[s] ». - Pour donner l'impression d'épidémie, de fébrilité, Zola recourt à des comparaisons empruntées au domaine médical : « fièvre », « frissonnantes », « vertige »…
3. L'impression d'immensité naturelle
Enfin, par une amplification et un élargissement saisissants, Zola métamorphose cet univers urbain en un
III. Une vision de l'homme et du monde
Cette scène épique révèle également une vision du monde inspirée par le matérialisme du
1. Le recul de la religion et le triomphe d'un ordre nouveau
- Mouret tire les conséquences du
recul religieux qui marque l'époque, recul dû à l'influence du positivisme : le vide laissé par la perte de vitesse de la foi doit être remplacé par uneautre religion , celle du« culte du corps » et de sa beauté. - Pour mettre l'accent sur les
changements fondamentaux qui affectent l'époque, Zola multiplie les mots qui rendent compte de ces transformations, de l'ordre nouveau qui triomphe. Deux lexiques se combinent : celui de la religion qui recule (« dévote », « foi chancelante », « église », « religion », « confessionnal », « autel », « au-delà divin ») et celui des repères temporels ou des expressions qui marquent le changement, auquel Mouret sait répondre (« nouvelle », « remplacées », « jadis », « désormais » « depuis dix ans », « désertait peu à peu »).
2. La vision de la femme
L'image de la femme que révèle le passage est
- La femme est présentée comme un
être qui ne peut résister à la tentation , sorte d'Ève moderne dont le tentateur est Mouret à travers les marchandises, les étoffes du Bonheur des dames. C'est là l'image traditionnelle de la femme, depuis l'époque médiévale. - Mais son image est aussi celle que renvoie la médecine psychiatrique dont les débuts se situent à l'époque de Zola : la femme est une
hystérique , une créature nerveuse soumise aux caprices de son corps.
3. L'importance du corps et de ses désirs
Enfin, la scène est marquée par l'omniprésence du corps et de ses désirs.
- Les termes renvoyant à la
sensualité sont multiples : « violée », « volupté assouvie », « désir contenté », « lui qui les possédait », « Battant de désirs », « culte du corps » et « de la beauté ». - Ces termes sont l'expression des
fantasmes de Mouret , de l'homme, qui ne serait donc que volonté de puissance et de jouissance.
Les titres en couleurs servent à guider la lecture mais ne doivent pas figurer sur la copie.