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S'entraîner
Mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes
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Dissertation
Entretenir la mémoire du génocide des Juifs
Intérêt du sujet • Ce sujet transversal mobilise l'ensemble des connaissances développées dans le thème 3. Il faut ici s'interroger sur les moyens d'entretenir la mémoire et leurs objectifs. Ceux-ci varient en fonction des préoccupations du présent.
Entretenir la mémoire du génocide des Juifs.
Les clés du sujet
Analyser le sujet
Dégager la problématique
Il s'agit d'analyser les raisons pour lesquelles la mémoire du génocide est entretenue et les modalités de cette conservation. La façon d'entretenir la mémoire évolue au cours du temps.
La problématique à laquelle vous répondrez est la suivante : à quels enjeux historiques et mémoriels l'entretien de la mémoire du génocide répond-il ?
Construire le plan

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Accroche] Le sociologue Maurice Halbwachs définit la mémoire comme « la manière dont les groupes sociaux interprètent leur passé en fonction de leurs besoins présents ». [Présentation du sujet] La mémoire du génocide des Juifs, événement traumatique majeur du xxe siècle, parce qu'elle se construit, se transmet et évolue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, est devenue un sujet qui intéresse les historiens. [Problématique] À quels enjeux historiques et mémoriels l'entretien de la mémoire de ce génocide répond-il ? [Annonce du plan] Nous verrons que les moyens d'entretenir la mémoire de la Shoah sont multiples [I] et qu'ils répondent à des enjeux historiques et mémoriels qui évoluent [II].
Le secret de fabrication
Lorsque cela est possible, présentez vos deux ou trois idées principales (titres des parties) en une seule phrase. Chaque élément de la phrase correspondra alors à une partie, ce qui facilitera l'annonce du plan en introduction et la rédaction des transitions entre les parties.
I. Les différents moyens d'entretenir la mémoire du génocide…
1. La construction de lieux de mémoire
Dans l'immédiat après-guerre, les lieux de mémoire du génocide des Juifs et des Tsiganes sont rares. Ils permettent de souder la communauté des « survivants » mais se limitent souvent à des plaques dans les synagogues et les cimetières.
Les premiers mémoriaux voient le jour dans la décennie suivante : mémorial du Martyr juif inconnu en 1956, Yad Vashem à Jérusalem en 1957. Ces premiers lieux institutionnels fixent les règles des mémoriaux consacrés à la Shoah : ce sont des espaces de recueillement et de recherche. Ils participent à l'éveil de la mémoire.
Les « musées de la Shoah » se multiplient surtout à partir des années 1990 : Mémorial de l'Holocauste à Washington, Mémorial de la Shoah à Paris, Mémorial aux Juifs assassinés d'Europe à Berlin. Les camps de concentration, d'internement, les centres de mise à mort sont aménagés et deviennent de véritables musées in situ.
2. Les procès des criminels nazis après Nuremberg
Les procès qui se tiennent après Nuremberg permettent de juger les criminels nazis encore en liberté. Ils sont l'occasion d'entendre les témoins, d'écrire l'histoire et donc d'entretenir la mémoire. C'est le cas des douze procès qui se tiennent en Allemagne de l'Ouest et en Pologne jusqu'en 1949.
Le procès d'Eichmann en 1961 constitue un véritable tournant. Centré uniquement sur l'extermination des Juifs d'Europe, il permet à de nombreux témoins de s'exprimer et constitue un rappel, pour la diaspora juive, de son histoire.
Les derniers procès en Europe se déroulent entre les années 1980 et 2000. En France, le procès de Klaus Barbie en 1987 est un moyen de lutter contre le négationnisme qui menace alors l'histoire et la mémoire du génocide.
mot clé
Le négationnisme est une doctrine niant la réalité du génocide des Juifs, notamment l'existence des chambres à gaz.
3. Des œuvres littéraires et des films
Pendant le conflit et dans l'immédiat après-guerre, les premiers récits du génocide sont des témoignages, écrits pendant la déportation ou après la libération des camps. C'est le cas du Journal d'Anne Frank ou de l'ouvrage de Primo Levi Si c'est un homme. Puis les récits se tarissent, le discours est difficilement audible.
Le cinéma se saisit du sujet à partir des années 1970, surtout après l'œuvre de Claude Lanzmann, Shoah, en 1985. Plus de 2 000 films sortent entre 1985 et 2000, et plus de 20 000 depuis. Les ouvrages littéraires connaissent la même trajectoire.
[Transition] Faire émerger les lieux du génocide, publier les témoignages des rescapés, juger des crimes imprescriptibles, représenter sont des moyens de lutter contre l'oubli. Cependant ces moyens répondent aussi à des enjeux historiques et mémoriels en évolution, ils ont leur propre histoire.
II. … répondent à des enjeux historiques et mémoriels en évolution
1. Après 1945 : entretenir la mémoire n'est pas une priorité
Si les lieux de mémoire sont rares juste après le conflit, c'est que la priorité est au résistancialisme, notamment en France. Le sort des Juifs est alors amalgamé à celui des autres déportés. Les lieux du génocide sont aussi instrumentalisés par les autorités, en France, en URSS, pour glorifier toutes les victimes, sans mention de la particularité du sort des Juifs et des Tsiganes.
mot clé
Le résistancialisme est le fait de glorifier l'action résistante et de minimiser la collaboration en France pendant l'Occupation.
La priorité est également à la justice (Nuremberg) et aux premières recherches historiques. Il faut tourner la page de la guerre, installer la paix. Le temps n'est pas à la mémoire, mais à l'amnésie, à l'oubli des souffrances des déportés raciaux.
2. À partir du début des années 1960 : un besoin qui apparaît
Le procès d'Eichmann en 1961, plus que tout autre procès, ouvre le temps de l'anamnèse, celui du réveil des mémoires. La spécificité du génocide des Juifs, mais pas celui des Tsiganes, est alors révélée au grand public. Ce moment inaugure la tenue de nouveaux procès en Allemagne (ceux des dirigeants d'Auschwitz) dans les années 1970.
À cette occasion également, la série télévisée Holocaust est diffusée afin de lutter contre les propos négationnistes ; des œuvres littéraires, qui n'avaient pas connu le succès, sont à nouveau publiées.
3. Depuis 1980-1990 : entretenir la mémoire devient un impératif
Depuis 1980-1990, dans le contexte de la montée du négationnisme, puis dans les années 2000, avec la disparition des derniers témoins, entretenir la mémoire devient un impératif urgent. C'est le temps des commémorations, de l'hypermnésie. Le « devoir de mémoire » s'impose : des lieux de mémoire sont aménagés, notamment les sites des centres de mise à mort autour desquels un véritable tourisme s'organise.
La Shoah devient un sujet universel dans la littérature et le cinéma. De 1980 à 1991, Art Spiegelman publie Maus, un roman graphique sur la transmission de cette mémoire. Le film Le Fils de Saul (de László Nemes) obtient le Grand Prix du festival de Cannes en 2015.
Conclusion
[Réponse à la problématique] Entretenir la mémoire du génocide des Juifs répond à un double objectif : un objectif mémoriel (rendre hommage aux victimes et à leurs descendants) et un objectif historique (faire progresser la recherche mais aussi étudier l'évolution de ces mémoires). [Ouverture] Avec la disparition des derniers survivants de la Shoah, l'historien va perdre une précieuse source pour faire l'histoire. Entretenir la mémoire sera sans doute plus difficile, mais encore plus nécessaire.