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Espace, mers et océans : les ressources énergétiques et minières

Étude critique de documents

Espace, mers et océans : les ressources énergétiques et minières

2 heures

10 points

Intérêt du sujet • Une grande partie des rivalités entre acteurs s'explique par les convoitises générées par les ressources, notamment énergétiques et minières. Évidentes pour les océans, ces ressources le sont moins pour l'espace.

 

En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, montrez leur apport à la question du partage, de l'exploitation et de la préservation des ressources dans les mers et océans et dans l'espace.

Document 1L'espace, un gisement de matières premières pour demain ?

Il est convenu de dire que l'homme consomme la Terre. Il consomme entre autres ses minéraux et ses énergies fossiles. Or, la Terre est finie, au sens de limitée. Parmi les matières non organiques ou renouvelables, ce qui est consommé est détruit. […] Certaines matières premières sont dites critiques lorsque les risques de pénuries sont élevés alors qu'un défaut d'approvisionnement aurait des conséquences importantes. […]

Ces matières premières ont été recherchées sur terre d'abord, puis dans le sol de plus en plus profondément. Aujourd'hui, les océans sont la nouvelle frontière. Les plateformes pétrolières et gazières se multiplient dans le monde. […] En fait, on connaît peu le potentiel minéral de la Terre. […] Des matières premières sur le sol ou dans le sous-sol des planètes, on ne connaît quasiment rien.

On s'est interrogé au tournant des années 2010 sur la pertinence et la nécessité d'entreprendre des recherches minières hors de la Terre. La réponse est encore en suspens. D'une part, la Terre n'a pas révélé toutes ses ressources. Elle reste une inconnue, notamment ses 4/5e recouverts par les mers et les océans. D'autre part, de nouvelles matières, des substitutions technologiques, apparaissent régulièrement. Enfin, l'exploitation des déchets industriels n'en est qu'à ses débuts. Et, ultime point, on ne connaît ni l'évolution de la demande en matières premières, ni le temps éventuel de la rupture. […]

Il y a donc une forte attente pour conquérir l'espace afin de s'assurer la fourniture de matières premières. Et cette conquête est le fait de sociétés privées, même si les contrats d'État (SpaceX) assurent une base importante d'activité. […] Le prochain marché est l'exploitation minière des planètes. C'est l'affaire de quelques dizaines d'années. Il faut se poser sur des planètes, tester leur sol et leur sous-sol. L'accélération viendra d'une prochaine hausse des prix des matières premières, comme en 2009-2011.

Philippe Cahen, « Demain, l'espace : pourquoi, comment, avec qui ? »
Diplomatie, Les Grands Dossiers n° 34, Areion Group, Paris, août-septembre 2016.

Document 2Appropriations et ressources de l'espace maritime mondial

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D'après Atlas de l'océan, Heinrich-Böll-Stiftung Schleswig-Holstein, 2018.

 

Les clés du sujet

Identifier les documents

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Comprendre la consigne

Quelles informations les documents donnent-ils sur le partage, l'exploitation et la préservation des ressources océaniques et spatiales ? Conformément au programme, on peut distinguer les rivalités mais aussi les coopérations entre les acteurs.

Le document 1 passe des océans à l'espace, dont l'étude constitue l'essentiel de l'article ; le document 2 se concentre sur l'espace maritime. Il faut donc montrer les spécificités de chaque espace.

Dégager la problématique et construire le plan

Dans quelle mesure l'exploitation des ressources océaniques et spatiales fait-elle l'objet de coopération ou de rivalité entre les acteurs ?

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : I. Quels besoins pour le monde de demain ?; Quel est le contexte dans lequel se situe l'exploitation des ressources océaniques et spatiales ?; Ligne 2 : II. Des appropriations différentes; Comment États et acteurs privés s'approprient-ils les espaces océaniques et extraterrestres ?; Ligne 3 : III. Les nouvelles frontières énergétiques et minières; Quelles sont les ressources spécifiques à chaque espace, océanique et extraterrestre ?;

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] Les écologistes alertent depuis des années sur l'épuisement des ressources naturelles, énergétiques et minières, de la planète. [Présentation du sujet] Deux documents – un texte tiré des « Grands Dossiers » de la revue Diplomatie et une carte issue de l'Atlas des océans de 2018 – présentent de nouveaux éléments de bilan de ces ressources. [Problématique] Dans quelle mesure les nouvelles frontières que constituent l'espace, les mers et les océans sont-elles à même d'apporter à l'Humanité les ressources dont elle aura besoin ? [Annonce du plan] Si la satisfaction des besoins du monde de demain inquiète, la pénurie de ressources ne semble justement pas pour demain [I]. Espace et océans constituent en effet des réserves de ressources considérables [II]. Mais ces espaces convoités sont appropriés de façon très différente par l'Humanité [III].

Le secret de fabrication

L'annonce du plan est toujours un moment délicat. Plutôt que des formulations lourdes (« dans une première partie nous verrons que… »), résumez votre plan en quelques phrases.

I. Quels besoins pour le monde de demain ?

1. Un monde en pénurie ?

Le document 1 pose la question de la pénurie des ressources énergétiques et minières (« ses minéraux et énergies fossiles », l. 2). En effet, celles-ci ne sont pas renouvelables à l'échelle humaine. Le texte reprend ainsi la critique écologiste du modèle de développement productiviste : « l'homme consomme la Terre » (l. 1). Il pose dès lors la question de « risques de pénuries » (l. 5).

Les ressources énergétiques et minières terrestres sont finies, et leur « défaut d'approvisionnement aurait des conséquences importantes » (l. 6-7), mettant en péril l'équilibre de nos civilisations. Pour le pétrole, par exemple, qui représente encore aujourd'hui l'essentiel de l'énergie utilisée dans les transports routiers, maritimes et aériens, se pose la question du pic de Hubbert : celui-ci se produit lorsque la moitié des réserves – la plus facile et rentable à exploiter – est atteinte ; dès lors, la production ne peut que décliner et le coût s'élever.

2. Une pénurie à relativiser

Nous sommes encore loin de la pénurie. C'est en effet méconnaître les lois de l'offre et de la demande : « on ne connaît ni l'évolution de la demande en matières premières, ni le temps éventuel de la rupture » (l. 21-22). Une demande plus forte en énergie et en minerais va se traduire par une élévation de leur prix, et ainsi permettre la mise en exploitation de gisements autrefois délaissés. Par ailleurs, l'augmentation des prix va favoriser le développement des énergies renouvelables et donc leur rentabilité, ou encore celui du recyclage (« l'exploitation des déchets industriels », l. 20) et donc le passage à une économie semi-fermée où la consommation des ressources est moindre, réduisant ainsi la demande.

C'est ensuite méconnaître l'innovation technologique. Les « substitutions technologiques » (l. 19) améliorent également les procédés existants. Ainsi, depuis 2005, aux États-Unis, la fracturation hydraulique couplée aux forages horizontaux permet l'exploitation des gaz et pétrole de schiste et aussi des hydrocarbures lourds. Cette nouvelle technologie a permis de repousser la date du pic de Hubbert pour le pétrole et a propulsé les États-Unis au rang de premier producteur mondial de gaz et de pétrole !

conseil

Réutiliser la même expression rhétorique permet de connecter les deux paragraphes et d'amorcer la transition vers la deuxième partie.

[Transition] Mais c'est enfin méconnaître le nouveau champ qui s'offre à la découverte des ressources : l'espace et les océans.

II. Les nouvelles frontières énergétiques et minières

1. Mers et océans : anciennes et nouvelles ressources

Le texte établit en effet que « les océans sont la nouvelle frontière » (l. 9-10), que les progrès de l'Humanité permettent de repousser sans cesse. De fait, la Terre « reste une inconnue, notamment ses 4/5e recouverts par les mers et les océans » (l. 17-18). Au gré des découvertes, « les plateformes pétrolières et gazières se multiplient dans le monde » (l. 10-11), par exemple dans l'Arctique, ou grâce aux techniques de forage de l'offshore profond, notamment au large de l'Angola ou du Brésil. La carte ne permet cependant pas de les étudier.

mot clé

L'offshore profond se situe au-delà de 500 m de profondeur. Les installations de forage opèrent jusqu'à 3 000 mètres de profondeur des puits qui peuvent dépasser 7 000 mètres.

La carte se concentre en effet sur de nouvelles ressources minières offertes par les océans, qui constituent donc des réserves potentielles. Dans les océans reposent ainsi des concrétions rocheuses, riches en minerais variés, qui font jusqu'à 25 cm d'épaisseur sur 6,35 millions de km². Leur exploitation très difficile explique que, sur la carte, ne figurent que des réserves et des zones avec permis d'exploration. C'est le cas au large du Brésil ou dans le Pacifique central. Les cheminées hydrothermales, situées en bordure de plaques tectoniques, sont d'exploitation tout aussi malaisée.

2. Les ressources spatiales : demain l'eldorado ?

Les ressources offertes par l'espace extraterrestre sont plus mal connues encore : « Des matières premières sur le sol ou dans le sous-sol des planètes, on ne connaît quasiment rien » (l. 12-13). La conquête spatiale n'en est en effet qu'à ses débuts. Les applications spatiales demeurent centrées sur l'espace terrestre.

Pourtant, le texte (l. 27-30) ouvre des perspectives à « quelques dizaines d'années », en cas de forte « hausse des prix des matières premières ». Dans un tel contexte, et avec l'abaissement des coûts des lancements spatiaux, l'exploration des ressources de l'espace extra-atmosphérique n'est plus une utopie. Le texte ne le précise pas, mais la Lune offre déjà des possibilités, comme l'hélium-3, carburant idéal pour un futur réacteur nucléaire à fusion contrôlée.

[Transition] Si l'eldorado énergétique et minier n'est sans doute pas pour tout de suite, nombreux sont les acteurs qui se pressent déjà pour s'en disputer la propriété.

III. Espace, mers et océans : des appropriations différentes

1. Mers et océans : une appropriation massive

La carte montre en effet l'appropriation de l'espace maritime mondial par les États, à travers les ZEE. Ces zones économiques exclusives, qui délimitent une zone de 200 milles marins (environ 360 km) où les ressources économiques sont la propriété exclusive de l'État concerné, ont été instituées par la convention des Nations unies sur le droit de la mer, dite convention de Montego Bay (1982).

La carte montre le caractère massif des zones appropriées. Les trois Méditerranées, européenne, caraïbe, asiatique, le sont en entier. Les grands océans le sont partiellement. L'océan Arctique l'est en totalité sur cette carte, mais la coupure ne montre pas la totalité de cet espace. La plupart des États qui en ont eu la possibilité ont d'ailleurs déposé des demandes d'extension, dont la carte effectue un recensement. La France, par exemple, a déposé des demandes d'extension pour 800 000 km², autour des îles Kerguelen notamment. Que reste-t-il pour les eaux internationales, dites « héritage partagé de l'humanité » ? Un espace mité, qui se réduit au fil des ans.

à noter

L'océan Arctique n'est en réalité pas approprié en totalité. Il est l'objet de concurrences acharnées entre les États riverains, dont la Russie.

2. Espace : le champ des possibles

Pour l'espace extra-atmosphérique, en revanche, l'appropriation par les États est absente des documents. En fait, le traité de l'Espace de 1967, qui fait toujours référence, interdit l'appropriation de l'espace ou des corps célestes par les États. Il prévoit aussi la non-militarisation de la Lune et l'interdiction de mise en orbite d'armes nucléaires. Selon les Nations unies, l'espace extra-atmosphérique rejoint le statut de la haute mer ainsi que le continent antarctique.

Or, ce traité de l'Espace ne concerne pas le secteur privé, en dépit d'arguties juridiques jusqu'ici vaines. Cela explique sans doute que, en 2015, le Space Act du président Obama ait autorisé les sociétés américaines à extraire les ressources minières des astéroïdes et des planètes…

Conclusion

[Réponse à la problématique] Espace et océans permettent donc, dans une très large mesure, d'infirmer les prophéties apocalyptiques sur la pénurie des ressources naturelles, énergétiques et minières. À deux nuances près : ces espaces, nouvelles frontières de l'Humanité, sont encore mal connus et leur exploitation économique appartient à un futur plus ou moins proche ; surtout, leur appropriation inégale par les États, voire par les entreprises privées, est annonciatrice de conflits géopolitiques aiguisés à mesure que la donne énergétique et minière terrestre sera bouleversée. [Ouverture] Enfin, l'exploitation de ces ressources ne sera-t-elle pas compromise par la lutte contre le réchauffement climatique ?

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