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Étude d'une modification climatique dans la région du lac Salinas au Pérou

France métropolitaine, mars 2023 • Jour 2

exercice 2

Étude d’une modification climatique dans la région du lac Salinas au Pérou

1 h 30

8 points

Intérêt du sujet • Les sédiments contenus dans les lacs constituent des archives des événements géologiques et climatiques ayant affecté une région. L’étude des sédiments du lac de Salinas est un bel exemple de reconstitution d’une histoire climatique locale.

 

Le climat d’une région est défini par deux paramètres principaux : la température et l’humidité. On s’intéresse au climat local du lac Salinas, un lac salé situé à 4 300 m d’altitude dans la région d’Arequipa au Pérou. Des études montrent que ce lac a enregistré une modification de certains paramètres climatiques au cours des 15 000 dernières années.

 Montrer quelle variation climatique a affecté la région du lac Salinas au cours des 15 000 dernières années.

Vous organiserez votre réponse selon une démarche de votre choix intégrant des données des documents et les connaissances utiles.

Document 1 Profil d’une carotte prélevée dans les sédiments du lac Salinas

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D’après Juvigné et al., « Étude téphrostratigraphique et bio-climatique du Tardiglaciaire et de l’Holocène de la Laguna Salinas, Pérou méridional », Géographie physique et Quaternaire, 1997

Document 2 La datation par radiochronologie à l’aide de la méthode du 14C

Il existe trois isotopes de l’atome de carbone. Deux sont des isotopes stables : le 12C (majoritaire à 98,9 %) et le 13C. Le troisième isotope, le 14C, est radioactif. Le CO2 atmosphérique contient principalement l’isotope stable 12C. Cependant, une très faible quantité (1 pour 1 012 molécules) de CO2 atmosphérique contient du 14C radioactif. Ce 14CO2 est produit en continu dans la haute atmosphère. On considère que le rapport 14C/12C du CO2 est relativement stable dans le temps. Cependant lorsqu’un organisme meurt, il n’échange plus avec son milieu et son propre rapport 14C/12C commence à décroître selon la courbe suivante.

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Figure 1. Évolution du rapport 14C/12C en fonction du temps écoulé depuis la mort de l’organisme

D’après Thierry Lhuillier, « Comment calculer l’âge grâce au carbone 14 », 2020 (acces.ens-lyon.fr)

Le temps de demi-vie du 14C est d’environ 5 730 ans ce qui permet de dater des échantillons contenant du carbone, et pour lesquels la fermeture du système a eu lieu il y a moins de 40 000 ans.

Le tableau suivant présente les mesures effectuées sur les échantillons de tourbe de la carotte de sédiments du lac Salinas.

Tableau de 2 lignes, 4 colonnes ;Tetière de 1 lignes ;Ligne 1 : Nom des échantillons;A;B;C;Corps du tableau de 1 lignes ;Ligne 1 : Rapport 14C/12C de l’échantillon; 9,86·10–13; 3,10·10–13; 1,69·10–13;

Document 3 Diagramme pollinique réalisé à partir des échantillons des tourbes localisées dans la carotte de sédiments du lac Salinas

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Légende :

Les doubles barres obliques svtT_2303_07_03C_03b entre 75 et 200 cm signifient que l’échelle n’est plus respectée dans l’intervalle car il n’y a pas de données disponibles.

Les figurés utilisés correspondent à ceux utilisés dans le document 1.

Les noms indiqués avec une majuscule (par exemple Alnus ou Asteraceae) correspondent à des noms de genre ou familles de végétaux.

D’après Juvigné et al., « Étude téphrostratigraphique et bio-climatique du Tardiglaciaire et de l’Holocène de la Laguna Salinas, Pérou méridional », Géographie physique et Quaternaire, 1997

Document 4 Relevé des diatomées présentes dans la carotte de sédiments du lac Salinas

Les diatomées sont des algues unicellulaires, vivant dans des milieux aquatiques très variés.

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Les « * » désignent les espèces qui sont reprises dans le document 5b.

D’après Juvigné et al., « Étude téphrostratigraphique et bio-climatique du Tardiglaciaire et de l’Holocène de la Laguna Salinas, Pérou méridional », Géographie physique et Quaternaire, 1997

Document 5 Écologie des organismes présents dans la carotte de sédiments

A. Milieux de vie actuels des organismes dont les pollens ont été retrouvés dans la tourbe du lac Salinas

Tableau de 7 lignes, 2 colonnes ;Tetière de 1 lignes ;Ligne 1 : Nom de groupe;Données écologiques;Corps du tableau de 6 lignes ;Ligne 1 : Alnus; Tolère les climats assez humides ou secs; Ligne 2 : Asteraceae; L’association des deux est caractéristique des steppes de haute altitude du Pérou, qui peuvent être plus ou moins sèches ou humides; Ligne 3 : Poaceae; Ligne 4 : Cyperaceae; Milieux humides; Ligne 5 : Lycopodium; Ligne 6 : Isoetes;

Les groupes sont ici des genres ou familles d’organismes.

D’après les sites du réseau des botanistes francophones : tela-botanica.org et de l’Institut national du patrimoine naturel : inpn.mnhn.fr

B. Diatomées et salinité de l’eau

Tableau de 15 lignes, 2 colonnes ;Tetière de 1 lignes ;Ligne 1 : Espèce de diatomée;Salinité de l’eau;Corps du tableau de 14 lignes ;Ligne 1 : Rhopalodia acuminata; Forte; Ligne 2 : Denticula sp.; Forte; Ligne 3 : Navicula mutica; Moyenne; Ligne 4 : Hantzschia amphioxys; Moyenne; Ligne 5 : Nitzschia perminuta; Moyenne; Ligne 6 : Diploneis sp.; Moyenne; Ligne 7 : Caloneis bacillum; Moyenne; Ligne 8 : Cymbella alpina; Faible; Ligne 9 : Cymbella norvegica; Faible; Ligne 10 : Cymbella falaisensis; Faible; Ligne 11 : Fragilaria lapponica; Faible; Ligne 12 : Navicula gallica; Faible; Ligne 13 : Navicula cfr. disjuncta; Faible; Ligne 14 : Navicula bryophila; Faible;

La salinité de l’eau d’un lac augmente lorsque l’évaporation est supérieure à l’apport d’eau par les pluies ou rivières.

D’après Lortie, « Les diatomées fossiles de deux tourbières ombrotrophes du Bas-Saint-Laurent, Québec », Géographie physique et Quaternaire, 1983 et d’après Juvigné et al., article cité, 1997

 

Les clés du sujet

Étape 1. Comprendre le sujet

Il s’agit de reconstituer l’histoire climatique de la région à partir des données enregistrées dans les sédiments d’un lac. La nature physique des sédiments est importante (ainsi des dépôts de sel traduisent une évaporation importante), mais bien plus précise est la mise en relation de la présence d’espèces fossiles.

Étape 2. Exploiter les documents

Le document 1 présente l’épaisseur, la nature et la disposition des couches sédimentaires les unes par rapport aux autres. C’est le document de référence qu’il va falloir « faire parler ».

Le document 2 permet une datation absolue des couches de tourbe, puis, grâce au document 1, une datation relative des autres couches de la carotte.

Les documents 3 et 4 sur l’évolution des populations fossiles fournissent des informations qu’il faut interpréter et traduire en évolution des paramètres climatiques (température et humidité) à l’aide des données du document 5.

Étape 3. Construire la réponse

Tableau de 4 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 4 lignes ;Ligne 1 : I. Datation des sédiments et hypothèse sur la variation climatique; Présentez les sédiments qui se succèdent dans la carotte (doc. 1).Datez les couches de tourbe à l’aide de la courbe du document 2.Datez les autres couches grâce au principe de superposition.Faites une hypothèse sur la nature de la variation climatique en exploitant les données sédimentaires (présence de dépôts de sel) et situez-la dans le temps.; Ligne 2 : II. Informations fournies par les pollens; Confirmez la nature de la variation climatique et précisez le moment de cette variation à l’aide du diagramme pollinique.; Ligne 3 : III. Informations fournies par les diatomées; Confirmez et précisez les conclusions précédentes à l’aide des données sur les diatomées.; Ligne 4 : Conclusion; Résumez les informations apportées par l’ensemble des données pour reconstituer l’histoire climatique de la région.;

Introduction

Pour connaître les caractéristiques passées du climat d’une région, les géologues font l’analyse de carottes de sédiments. Celle des sédiments du lac Salinas au Pérou montre une variation du climat local survenue au cours des 15 000 dernières années. À partir de l’exploitation des documents, nous allons préciser cette variation climatique.

I. Datation des sédiments et hypothèse sur la variation climatique

Le secret de fabrication

On exploite de façon complémentaire les documents 1 et 2 (informations sur l’âge) et on utilise les données du document 1 en lien avec la question posée (identifier la variation climatique et la situer dans le temps).

A. Âge relatif et âge absolu des sédiments

L’observation de la carotte (doc. 1) révèle trois types de sédiments : la tourbe, formée à partir de végétaux morts, qui contient également de nombreux grains de pollens des plantes qui vivaient à proximité du lac ; le téphra, composé de matériaux volcaniques (cendres, ponces) émis au cours d’éruptions explosives par un ou plusieurs volcans situés à proximité du lac ; les sédiments lacustres, contenant des cristaux de sel.

Le principe de superposition (chronologie relative) implique que les formations sont de plus en plus anciennes lorsqu’on descend la colonne de sédiments. La couche de tourbe C est la formation la plus ancienne.

La méthode de chronologie absolue du 14C sur des échantillons issus des tourbes A, B et C établit le rapport 14C/12C de chaque échantillon. Ce rapport est d’autant plus faible que le temps écoulé depuis la mort des végétaux est important (doc. 2). Ainsi, le rapport de la tourbe C est de 1,69·10–13, ce qui correspond à un âge de 14 700 ans environ. Il est de 3,10·10–13 pour la tourbe B, ce qui correspond à un âge de 9 700 ans environ. Le rapport de l’échantillon de tourbe A, de 9,86·10–13, indique un âge d’une centaine d’années.

En associant les données des chronologies relative et absolue, on situe dans le temps les formations autres que tourbeuses. L’âge minimal de chaque couche de téphra est celui de la tourbe qui la surmonte : une centaine d’années pour la plus récente, 9 700 ans pour la plus ancienne. Les sédiments lacustres, compris entre les couches A et B, se sont déposés après 9 700 ans.

Ces informations permettront de dater la variation climatique, dont nous allons montrer l’existence en étudiant la nature des sédiments et les éléments fossiles qu’ils renferment.

B. Profil de la carotte et variation climatique

La tourbe indique un milieu humide. Les sédiments lacustres situés au-­dessus de la tourbe B contiennent des cristaux de sel, dont la formation peut être associée à une forte évaporation. Cela semble indiquer une période de sécheresse (températures plus élevées, humidité plus faible), donc une variation climatique, qui aurait eu lieu après 9 700 ans (âge de la tourbe B).

On peut tester et préciser cette hypothèse à l’aide des données fossiles qu’on interprète en appliquant le principe de l’actualisme, qui admet que les exigences climatiques des êtres vivants du passé n’ont pas changé par rapport à celles de leurs équivalents actuels.

II. Informations fournies par les pollens (doc. 3 et 5)

Le diagramme pollinique (doc. 3) a été réalisé à partir des données sur les pollens recueillis dans toutes les formations tourbeuses.

Toutes indiquent une végétation dominée par les astéracées et les poacées, association caractéristique des steppes de haute altitude du Pérou, qui pouvaient être plus ou moins sèches ou humides (doc. 5). Cette association ne suffit donc pas pour déterminer le climat qui régnait à cette époque.

La tourbe C présente, en plus de l’association astéracée-poacées, des pollens de plantes de milieux humides : cypéracées, lycopodium et isoètes.

La tourbe B, datée de –9 700 ans, ne contient aucun pollen de plante de milieu humide. Elle est située sous les dépôts de sédiments lacustres riches en sel, associés à une évaporation élevée, donc à un climat sec.

Les données polliniques viennent donc confirmer une variation climatique survenue il y a 9 700 ans : Entre –14 700 ans et –9 700 ans, le climat était humide, puis il est devenu plus sec.

III. Informations fournies par les diatomées (doc. 4 et 5)

Certaines espèces de diatomées sont indicatrices de la salinité de l’eau où elles vivent, laquelle dépend de l’évaporation et de la pluviosité.

La couche de tourbe C (420-360 cm de profondeur) ne comporte aucune espèce caractéristique d’une forte salinité. On y trouve quelques espèces vivant dans des milieux de salinité moyenne, et, en forte ou très forte abondance, de nombreuses espèces indicatrices d’une faible salinité (Cymbella norvegica, alpina et falaisensis, Navicula cfr. disjuncta et bryophila).

La couche de tourbe B (200 cm), située sous les sédiments lacustres, contient majoritairement une espèce de faible salinité : Navicula gallica, et, en moindre abondance, des Cymbella, également caractéristiques d’une faible salinité. Cependant elle contient aussi, en faible quantité, des espèces de moyenne et de forte salinité : Nitzschia amphioxus et Rhopalodia acuminata. On peut supposer que c’est au cours de la période de dépôt de ces sédiments que le climat est devenu plus sec, ce qui a pu conduire à un assèchement et à la salinisation du lac.

Les dépôts de tourbe suivants ne contiennent que des espèces de moyenne et de forte salinité. Rhopalodia acuminata et Denticula sp., caractéristiques des milieux très salins, sont majoritaires dans le dernier dépôt, la couche de tourbe A, datée d’une centaine d’années.

Ainsi, la salinité de l’eau du lac augmente du bas vers le haut de la séquence étudiée : vers –10 000 ans, le climat devient plus sec. Cette sécheresse se maintient et s’accentue il y a une centaine d’années.

Le conseil de méthode

Parmi toute cette diversité d’espèces, on peut se perdre. Recherchez la présence ou l’absence dans une couche des espèces de faible ou de forte salinité. Les espèces de moyenne salinité sont plus tolérantes aux écarts de salinité : ce sont de moins bons indicateurs.

Conclusion

Durant les 15 000 dernières années, le lac Salinas a enregistré l’évolution locale de l’environnement en piégeant des sédiments, dont la nature renseigne sur l’humidité et sur la température du climat.

La richesse en carbone des couches de tourbe permet de les dater (grâce à la méthode de datation au 14C) et donc de dater relativement les autres formations. La mise en relation des données témoigne d’une variation climatique survenue il y a 10 000 ans, à la fin de la dernière glaciation (tardiglaciaire) et au début de l’holocène :

1) Entre –15 000 et –10 000 ans (tourbe C), la région était couverte d’une végétation de steppe humide, le lac recevait suffisamment d’eau pour que des diatomées de faible salinité y prospèrent.

2) Il y a 10 000 ans, le climat est devenu plus sec : l’absence de pollens de milieu humide dans les couches de tourbe, la présence de sédiments lacustres riches en sel traduisant une forte évaporation, et l’abondance des diatomées fossiles de forte salinité (évaporation supérieure à l’apport d’eau dans le lac) confirment cette variation vers un climat plus sec et probablement moins froid.

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