Annale corrigée Dissertation

Formes d'organisation du travail et conditions de travail

France métropolitaine, septembre 2022

dissertation

Formes d’organisation du travail et conditions de travail

4 heures

20 points

Intérêt du sujet • La question des effets de l’organisation du travail constitue un aspect essentiel des débats actuels sur la valeur travail, éclairant sans doute une partie des crispations concernant la réforme des retraites en France.

 

Quels sont les effets de l’évolution des formes d’organisation du travail sur les conditions de travail ?

Document 1Les horaires de travail en France en 2016

Un peu plus d’un quart des salariés travaillent le dimanche selon les données 2016 du ministère du Travail, en décalage avec le rythme de la majorité de la population. Ce chiffre a augmenté de deux points par rapport à 2005. Le travail dominical est le lot commun de 34 % de l’ensemble des employés, et plus encore des employés de commerce (46 %). Les employés administratifs sont les moins ­concernés (8 %). Entre 2005 et 2016, la part des salariés qui travaillent le dimanche a progressé de dix points chez les employés de commerce, mais également de neuf points chez les ouvriers non qualifiés. Deux fois plus de ces salariés sont concernés aujourd’hui qu’il y a onze ans.

15 % des salariés sont à leur poste la nuit, au moins occasionnellement, entre minuit et cinq heures du matin, une proportion stable depuis 2005. La proportion est légèrement inférieure à la moyenne chez les cadres supérieurs, les professions intermédiaires et les employés, avec des taux situés entre 12 et 14 % en moyenne. […] Les ouvriers non qualifiés, comme les qualifiés, sont davantage concernés en 2016 qu’onze ans plus tôt : leur proportion est passée respectivement de 15 % à 17 % et de 23 % à 25 % au cours de la période.

5 % des salariés ont des horaires qui alternent sur deux équipes, soit le matin (souvent de 5 h à 13 h), soit l’après-midi (de 13 h à 21 h), avec un changement d’horaires toutes les semaines. Ce rythme est aussi appelé « travail posté » ou « en 2 × 8 » […]. Les ouvriers non qualifiés sont les plus concernés.

Source : Observatoire des inégalités, « Horaires de travail : La France flexible des peu qualifiés », 2021.

Document 2Enquête sur les conditions de travail en France en 2016 (en %)

Les tableaux indiquent le point de vue exprimé par les enquêtés sur chaque affirmation.

« Je peux organiser mon travail de la façon qui me convient le mieux. »

Tableau de 5 lignes, 6 colonnes ;Corps du tableau de 5 lignes ;Ligne 1 : ; Pas du tout d’accord; Pas d’accord; D’accord; Tout à fait d’accord; Non concernés; Ligne 2 : Cadres ; 1,4; 6,6; 50,7; 40,8; 0,5; Ligne 3 : Employés ; 6,1; 12,3; 50,3; 29,9; 1,4; Ligne 4 : Ouvriers ; 6,8; 14,6; 53,9; 23,1; 1,6; Ligne 5 : Ensemble ; 4,3; 11,7; 52; 31; 1;

« J’ai l’occasion de développer mes compétences professionnelles. »

Tableau de 5 lignes, 6 colonnes ;Corps du tableau de 5 lignes ;Ligne 1 : ; Pas du tout d’accord; Pas d’accord; D’accord; Tout à fait d’accord; Non concernés; Ligne 2 : Cadres ; 3,7; 13,5; 55,9; 26,3; 0,7; Ligne 3 : Employés ; 12,6; 21,1; 47,5; 12; 6,9; Ligne 4 : Ouvriers ; 15,7; 20,1; 47,4; 13,2; 3,6; Ligne 5 : Ensemble ; 9,6; 18,6; 52; 16,3; 3,4;

« Vu tous mes efforts, je reçois le respect et l’estime que mérite mon travail. »

Tableau de 5 lignes, 6 colonnes ;Corps du tableau de 5 lignes ;Ligne 1 : ; Pas du tout d’accord; Pas d’accord; D’accord; Tout à fait d’accord; Non concernés; Ligne 2 : Cadres ; 2,4; 16,4; 52,9; 27,4; 0,9; Ligne 3 : Employés ; 7,5; 16,6; 47,9; 24; 3,9; Ligne 4 : Ouvriers ; 8,4; 17,4; 49,4; 22,8; 2,1; Ligne 5 : Ensemble ; 6,1; 17,8; 49,9; 24,2; 2;

« Vu tous mes efforts, mes perspectives de promotion sont satisfaisantes. »

Tableau de 5 lignes, 6 colonnes ;Corps du tableau de 5 lignes ;Ligne 1 : ; Pas du tout d’accord; Pas d’accord; D’accord; Tout à fait d’accord; Non concernés; Ligne 2 : Cadres ; 12,2; 28; 39,3; 14,4; 6; Ligne 3 : Employés ; 20,3; 23,7; 30,6; 9,6; 15,7; Ligne 4 : Ouvriers ; 19,1; 23,9; 37,9; 12,2; 7; Ligne 5 : Ensemble ; 17,7; 26,5; 34,9; 11,4; 9,4;

Source : Dares, enquête « Conditions de travail », 2019.

Champ : ensemble des salariés ; France métropolitaine.

Document 3Implication dans l’amélioration de l’organisation du travail en France, en fonction de la profession exercée (en %)

Question posée aux salariés de France métropolitaine : « Êtes-vous impliqué(e) dans l’amélioration de l’organisation du travail ou des processus de travail de votre service ou organisation ? »

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Source : Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 2015.

Champ : salariés de France métropolitaine.

Document 4Intensité du travail et pression temporelle entre 1984 et 2016

Tableau de 13 lignes, 8 colonnes ;Corps du tableau de 13 lignes ;Ligne 1 : Proportion de salariés qui déclarent (en %) :; ; Cadres; Professions intermédiaires; Employés de commerce et services; Ouvriers qualifiés; Ouvriers non qualifiés; Ensemble ; Ligne 2 : Avoir au moins trois contraintes de rythme ; 1984; 3,5; 4,8; 2,3; 8,7; 10,5; 5,8; Ligne 3 : 1998; 19,6; 29,3; 20,9; 47; 45,3; 31; Ligne 4 : 2005; 22,8; 32,4; 19,9; 47,3; 46,1; 31,6; Ligne 5 : 2016; 23,9; 35,1; 29,2; 53,4; 49,1; 35,2; Ligne 6 : Ne pas pouvoir quitter son travail des yeux; 1984; 6,1; 9,8; 7,5; 25,5; 27,3; 15,5; Ligne 7 : 1998; 16,5; 25,9; 28,3; 49,3; 43,2; 31,9; Ligne 8 : 2005; 17,3; 29,5; 32,9; 53,6; 46,5; 33,7; Ligne 9 : 2016; 27,1; 41,5; 42,9; 65,8; 51,6; 43; Ligne 10 : Devoir fréquemment abandonner une tâche pour une autre plus urgente; 1984; –; –; –; –; –; –; Ligne 11 : 1998; 59,3; 60,7; 54,1; 51; 40,8; 55,7; Ligne 12 : 2005; 66,5; 66,5; 55,9; 51,1; 41,8; 59,5; Ligne 13 : 2016; 75,5; 74,8; 60,9; 49,7; 43,2; 65,4;

Source : Dares, enquêtes « Conditions de travail », 2016.

Champ : salariés de France métropolitaine.

 

Les clés du sujet

Analyser la consigne et dégager une problématique

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Problématique. Le passage d’une organisation taylorienne à une organisation post-taylorienne du travail a-t-il permis une amélioration des conditions de travail ?

Exploiter les documents

Document 1. Le texte porte sur les horaires de travail en 2016, notamment le travail dominical, le travail de nuit, ainsi que le « travail posté ». Comment évoluent ces horaires de travail ? Tous les salariés sont-ils concernés de la même façon par ces évolutions ?

Document 2. Le tableau livre les résultats d’une enquête sur les conditions de travail, en 2016, en fonction de l’appartenance socioprofessionnelle. Les conditions de travail sont-elles plutôt bonnes ? Peut-on mettre en évidence des différences selon les catégories socioprofessionnelles ?

Document 3. Le graphique présente les réponses à une question posée aux salariés sur leur implication dans l’amélioration de l’organisation du travail. Les salariés ont-ils tendance à considérer qu’ils sont impliqués ? Cette implication est-elle différente suivant la nature du travail et la qualification des salariés ?

Document 4. Le tableau reprend les résultats d’enquêtes portant sur l’intensité du travail et la pression temporelle, entre 1984 et 2016, selon l’appartenance socioprofessionnelle. Les réponses des ­salariés montrent-elles une amélioration des conditions de travail ? Peut-on mettre en évidence des différences selon les catégories socio­professionnelles ?

Définir le plan

Tableau de 2 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 2 lignes ;Ligne 1 : I. La nouvelle organisation du travail améliore les conditions de travail…; Comment évolue l’organisation du travail ?En quoi les effets de cette évolution sont-ils positifs pour les conditions de travail (documents 2 et 3) ?; Ligne 2 : II. … cependant, ces améliorations doivent être nuancées; Les effets de l’évolution des conditions de travail sont-ils positifs pour tous les salariés (documents 2 et 3) ?Quels sont les effets négatifs de l’évolution de l’organisation du travail (documents 1 et 4) ?;

Les titres des parties ne doivent pas figurer sur votre copie.

Introduction

[accroche] La réforme des retraites en France en 2023 a relancé les débats sur les conditions de travail. [présentation du sujet] Définies par les caractéristiques liées au poste de travail et à son environnement, celles-ci dépendent des formes d’organisation du travail, c’est-à-dire les méthodes de travail et la répartition des tâches dans une entreprise. [problématique] Le passage d’une organisation taylorienne à une organisation post-taylorienne du travail a-t-il ainsi permis d’améliorer les conditions de travail ? [annonce du plan] Pour répondre à cette question, nous verrons que l’évolution de l’organisation du travail a eu effectivement des effets positifs sur les conditions de travail, mais que cette amélioration doit être nuancée.

I. Les effets positifs de l’évolution des formes d’organisation du travail

Le secret de fabrication

Il est indispensable d’analyser l’évolution de l’organisation du travail, même si aucun document ne porte sur ces transformations elles-mêmes. Commencer le développement par des connaissances personnelles permet de montrer que la problématique du sujet est bien maîtrisée.

1. Du taylorisme au post-taylorisme

À la fin du xixe siècle, Frederick Winslow Taylor, ingénieur états-unien, définit une « organisation scientifique du travail » qui repose sur une double division du travail. La première, horizontale, consiste à séparer le travail d’exécution en une multitude de tâches simples réalisées par des ouvriers spécialisés (OS), peu qualifiés. La seconde division du travail est verticale, opérant une stricte séparation entre ceux qui conçoivent la production et son organisation et ceux qui exécutent les ordres donnés par le bureau des méthodes.

mot clé

La division du travail est la décomposition du travail en de nombreuses opérations afin d’accroître l’efficacité du travail.

L’organisation post-taylorienne du travail a pour objectif de mettre fin à la contestation du taylorisme à partir des années 1960. Elle tend à flexibiliser le travail en enrichissant les tâches des OS, ceux-ci devenant plus polyvalents. La division verticale du travail est remise en cause, les travailleurs peuvent désormais organiser et répartir eux-mêmes les tâches au sein d’une équipe.

2. L’amélioration des conditions de travail

L’un des objectifs de l’organisation post-taylorienne est de donner une plus grande autonomie aux travailleurs. Cet objectif semble atteint puisque lorsque l’on interroge les salariés sur leur implication dans l’amélioration de leurs conditions de travail, 61 % répondent qu’ils le sont « toujours ou la plupart du temps » (document 3).

En conséquence, questionnés sur leurs conditions de travail en 2016, plus de 80 % des salariés estiment qu’ils peuvent organiser leur travail selon leur convenance et près de 70 % pensent qu’ils ont l’occasion de développer leurs compétences professionnelles. De plus, toujours selon la même enquête, près des trois quarts déclarent recevoir du respect et de l’estime pour leur travail (document 2).

II. Inégalités et différences de conditions de travail

Le secret de fabrication

Dans cette seconde partie, l’analyse précédente est remise en cause de manière graduelle, d’abord en montrant que les améliorations ne concernent pas tous les salariés, puis que les conditions de travail propres à l’organisation post-taylorienne du travail doivent être questionnées.

1. Des améliorations selon l’appartenance socioprofessionnelle

Si d’une manière générale, les salariés ressentent une amélioration de leurs conditions de travail, les perceptions sont différentes selon la nature et la qualification du travail. Les salariés hautement qualifiés, ayant un travail de bureau, sont relativement les plus nombreux à considérer qu’ils sont impliqués dans l’amélioration de l’organisation du travail. À l’inverse, ceux qui ont un travail manuel peu qualifié sont relativement moins nombreux à exprimer le même ressenti (document 3).

Les salariés qui sont les plus satisfaits de leurs conditions de travail sont les cadres : plus de 90 % d’entre eux déclarent, par exemple, organiser leur travail selon la façon qui leur convient le mieux, alors que 77 % des ouvriers ont la même opinion. De même, plus de la moitié des cadres considèrent que leurs « perspectives de promotion » sont satisfaisantes, quand 6 employés sur 10 pensent le contraire (document 2).

2. Un travail et une pression temporelle plus intenses

conseil

Si vous citez un extrait de document dans votre développement, vous devez utiliser des guillemets.

Avec l’organisation post-taylorienne du travail, l’intensité du travail s’accentue, ainsi que la pression temporelle. Entre 1984 et 2016, la part des salariés ayant au moins « trois contraintes de rythme » a été multipliée par plus de six. 65,4 % d’entre eux doivent « fréquemment abandonner une tâche pour une autre plus urgente » en 2016, alors qu’ils étaient 55,7 % dans cette situation en 1998 (document 4).

L’évolution des horaires de travail a tendance à se dégrader pour une part croissante des travailleurs qui sont de plus en plus nombreux à travailler le dimanche et la nuit, ce qui les éloigne de la vie sociale car ils sont « en décalage avec le rythme de la majorité de la population » (document 1).

Conclusion

[bilan] Les enquêtes sur le ressenti des salariés passés d’une organisation taylorienne (ou scientifique) à une organisation post-taylorienne du travail montrent que leurs conditions de travail se sont améliorées. Cependant, il faut nuancer cette conclusion car tous les travailleurs ne sont pas concernés de la même façon : les moins qualifiés, le plus souvent ouvriers, sont relativement les moins nombreux à percevoir cette amélioration. En outre, la flexibilité demandée aux salariés tend à les éloigner de la vie sociale. [ouverture] De plus en plus, on constate une remise en cause de la valeur travail et on peut se demander si l’organisation post-taylorienne du travail n’en est pas la cause.

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