La santé • Comportements et stress
S’ENTRAÎNER
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Polynésie française, mars 2021
Exercice 2
Influence du microbiote intestinal sur le comportement de stress
Intérêt du sujet • L’importance du microbiote dans divers aspects relatifs à la santé est désormais bien établie. Le sujet vise, à partir de données expérimentales chez les rongeurs, à montrer la façon dont le microbiote influence le comportement de stress.
Le microbiote intestinal est composé d’une grande diversité de micro-organismes. Si son rôle dans la digestion est bien connu, il semble qu’il joue également un rôle important dans le fonctionnement du cerveau. Des études récentes suggèrent qu’il aurait un impact sur le comportement.
Expliquer l’influence du microbiote intestinal sur le comportement des rats et des souris.
Vous organiserez votre réponse selon une démarche de votre choix intégrant des données issues des documents et les connaissances complémentaires nécessaires.
DOCUMENT 1Le dispositif open-field
Afin d’évaluer le comportement anxieux des rats ou des souris, on place les animaux dans différents dispositifs.
L’« open-field » : l’animal est placé dans un coin d’une enceinte rectangulaire, ouverte, fortement éclairée au centre. On observe l’animal pendant son exploration de l’enceinte. Plus l’animal passe par le centre, moins il est considéré comme anxieux.
Durée du test : 6 minutes.
Figure. Dispositif de l’« open-field »
D’après Rabot, 2015
DOCUMENT 2Méthode d’obtention de lignées axéniques
Les rats de lignées axéniques n’ont pas de microbiote, c’est-à-dire que leur tube digestif est stérile, il ne contient aucun micro-organisme.
La Bétadine est un antiseptique. Elle est utilisée ici pour éliminer les micro-organismes du pelage.
Schéma d’après Rabot, 2015
DOCUMENT 3Comportement anxieux de rats axéniques
Une étude a été réalisée sur une lignée de rats de souche S connue pour sa forte sensibilité aux agents stresseurs.
On dispose de deux lots de rats de souche S : un lot axénique et un lot de rats conventionnels. Les rats de ces deux lots sont placés indépendamment dans un dispositif « open-field » durant 6 minutes.
Résultats observés dans le dispositif « open-field » pour les deux lots de rats
D’après Crumeyrolle-Arias M., Jaglin M., Bruneau A., et al.
DOCUMENT 4Influence du microbiote sur l’activité de l’axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien
On dispose de deux lots de rats de souche S : des rats axéniques et des rats conventionnels. Chaque lot est divisé en deux groupes :
l’un soumis à un stress aigu sous la forme d’un séjour de 6 minutes dans un dispositif d’« open-field » ;
l’autre n’est pas soumis à ce stress aigu.
Le dessin ci-dessus rappelle la localisation de structures dans l’encéphale.
Résultats des mesures réalisées chez les rats axéniques et conventionnels soumis ou non à un séjour dans un dispositif d’« open-field »
On a mesuré chez ces rats plusieurs paramètres : la concentration sanguine en corticostérone et l’expression du gène codant la corticolibérine ou CRH dans l’hypothalamus.
D’après Rabot, 2015
DOCUMENT 5Influence de la consommation de Lactobacillus rhamnosus sur la réponse au stress de souris
On travaille sur une souche de souris S axéniques à qui on administre des bactéries Lactobacillus rhamnosus par voie orale. Ces bactéries font naturellement partie du microbiote.
On mesure la concentration de corticostérone dans le sang de ces souris en absence de stress et suite à un stress.
D’après Crumeyrolle-Arias M., Jaglin M., Bruneau A., et al.
Les clés du sujet
Étape 1. Comprendre le sujet
Des chercheurs mènent une étude comparative de la réponse comportementale et endocrinienne de rongeurs soumis à un agent stresseur, selon qu’ils sont pourvus ou non d’un microbiote intestinal.
En comparant l’intensité de la réponse chez les rongeurs conventionnels, pourvus de microbiote, et chez les rongeurs axéniques, qui en sont dépourvus, on établit l’influence du microbiote.
À partir de là, en exploitant les connaissances sur les zones cérébrales impliquées dans le stress, on précise que cette influence s’exerce au niveau du cerveau.
Étape 2. Exploiter les documents
Les documents 1, 2 et 3 renseignent sur le protocole expérimental et sur les caractéristiques des animaux qui y sont soumis.
Les documents 3 et 4 permettent de comparer les manifestations émotionnelles et endocriniennes chez les animaux conventionnels et axéniques, et donc de tirer des conclusions sur l’influence du microbiote sur l’intensité du stress.
Le document 5 est une contre-épreuve, c’est-à-dire une expérience complémentaire de vérification.
Étape 3. Construire la réponse
Introduction
L’importance du microbiote intestinal dans divers domaines en rapport avec la santé (digestion, synthèse de vitamines, maturation et activité du système immunitaire) est désormais bien établie. Les données expérimentales fournies par les documents permettent de voir si le microbiote a une action sur le comportement de stress des rongeurs, et par là sur l’activité cérébrale.
I. Le protocole expérimental (doc. 1, 2 et 3)
Le secret de fabrication
Au lieu d’étudier les trois premiers documents l’un après l’autre, on peut considérer qu’ils n’en forment qu’un, les deux premiers permettant de préciser les paramètres expérimentaux (animaux, dispositif) de l’expérience menée dans le document 3.
A. Les animaux en expérimentation
Les chercheurs ont utilisé deux groupes de rats appartenant à la même souche S (doc. 3). Les rats du premier lot sont des rats conventionnels, c’est-à-dire ayant acquis un microbiote dès leur naissance, lequel s’est enrichi par la suite. Ceux du deuxième lot, dits axéniques, sont dépourvus de microbiote dès leur naissance à la suite de pratiques des chercheurs visant à éliminer tout contact avec des bactéries (doc. 2).
Les rats des deux lots ne se distinguent que par la présence ou l’absence de microbiote. Les différences dans le comportement et la physiologie des rats des deux lots sont donc liées à l’action du microbiote.
B. Le dispositif où les rats sont placés
Les rongeurs préfèrent les endroits sombres aux endroits éclairés. De ce fait, pour un rat placé dans l’enceinte du dispositif « open-field » (doc. 1), la zone centrale fortement éclairée constitue un agent stresseur.
À la suite de ce stress aigu, les réactions comportementales et physiologiques des rats des deux lots sont comparées.
C. Les paramètres étudiés par les chercheurs
Deux marqueurs de la réaction émotionnelle de stress pendant l’exploration de l’enceinte durant les 6 minutes sont mesurés : le nombre de passages dans la zone éclairée aversive et le temps passé dans les coins obscurs de l’enceinte. Plus le nombre de passages est réduit et plus le séjour dans les coins est important, plus l’animal est stressé.
Les auteurs ont aussi étudié un marqueur endocrinien du stress, la concentration plasmatique de corticostérone, équivalent du cortisol humain, juste après les 6 minutes d’exposition à l’agent stresseur. Plus cette concentration est forte, plus l’intensité du stress de l’animal est grande.
II. Les réponses émotionnelles et endocriniennes à l’agent stresseur
A. Comparaison des réactions émotionnelles des rats conventionnels et des rats axéniques
Le nombre de passages des rats axéniques dans la zone éclairée est environ trois fois plus faible que celui des rats conventionnels. Inversement, le temps passé dans les coins, donc les endroits obscurs, est plus élevé (330 s contre 300 s) chez les rats axéniques.
Ces deux paramètres indiquent que les rats axéniques soumis à un stress aigu sont plus anxieux que les rats conventionnels. Le microbiote intestinal diminue donc les réactions émotionnelles d’anxiété des rats.
B. Comparaison de l’activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) des rats axéniques et conventionnels
La corticostérone est une hormone sécrétée par les glandes surrénales. Sa sécrétion dépend de l’activation de l’axe HHS : des neurones hypothalamiques secrètent une neurohormone, la CRH, qui stimule la sécrétion d’une hormone, l’ACTH, par l’hypophyse. Celle-ci agit sur les glandes surrénales des rongeurs en stimulant la production et la sécrétion de corticostérone.
En l’absence de stress, la concentration plasmatique de corticostérone est la même chez les rats axéniques et les rats conventionnels. Le microbiote intestinal n’influence donc pas l’activité de base de l’axe HHS.
Chez les deux lots de rats, la concentration plasmatique de corticostérone à la suite du stress a considérablement augmenté par rapport à la concentration de base. Cela montre qu’au cours du stress il y a une activation de l’axe HHS. Mais la concentration de corticostérone est plus importante chez les rats axéniques que chez les rats conventionnels, presque trois fois plus élevée. Cela traduit une activation plus importante de l’axe HHS chez les rats axéniques. Le microbiote diminue donc l’activation de l’axe HHS au cours du stress.
La concentration de l’ARNm du gène codant pour la CRH dans les neurones hypothalamiques à la suite du stress est plus élevée chez les rats axéniques (la différence est considérée comme significative). Chez eux, la synthèse de CRH par l’hypothalamus est donc plus forte que chez les rats conventionnels, d’où une activation plus importante de l’ensemble de l’axe et une plus forte sécrétion de corticostérone. Cela indique que l’action du microbiote sur l’axe HHS s’exerce en premier au niveau hypothalamique, donc sur le cerveau.
Le secret de fabrication
Repérez comment on a utilisé les données sur l’ARN messager pour déboucher sur l’impact du microbiote sur le cerveau.
III. Influence de l’apport de microbiote sur le stress des souris axéniques
L’expérience proposée dans le document 5 est la contre-épreuve de celle du document 4. L’apport de microbiote à des souris axéniques modifie-t-il leur réaction endocrinienne au stress ?
La consommation de Lactobacillus rhamnosus aboutit à l’acquisition d’un microbiote intestinal, certes peu diversifié, par les souris axéniques. On constate que les souris axéniques pourvues ou non de ce microbiote ont, en absence de stress, la même concentration de corticostérone, ce qui confirme que le microbiote ne modifie pas l’activité de base de l’axe HHS.
À la suite du stress, la concentration de corticostérone est environ deux fois plus faible chez les souris axéniques pourvues d’un microbiote que chez les souris axéniques qui en sont dépourvues. Cela confirme que le microbiote intestinal au cours du stress limite l’activation de l’axe HHS.
Conclusion
Les informations extraites de l’analyse des documents 3, 4 et 5 indiquent que le microbiote intestinal a pour effet, au cours de l’exposition à un agent stresseur, de limiter les réactions émotionnelles à un stress aigu ainsi que l’activation de l’axe HHS.
Les messages nerveux engendrés au niveau des récepteurs stimulés par l’agent stresseur (stimuli lumineux) parviennent au cortex cérébral et activent des régions cérébrales du système limbique, en particulier l’amygdale, spécialisée dans la perception des émotions, et l’hippocampe, spécialisé dans leur mémorisation (doc. 4). Le système limbique, ainsi stimulé, envoie des messages nerveux à l’hypothalamus, ce qui déclenche l’activation de l’axe HHS et donc une sécrétion accrue de corticostérone.
Le fait que le microbiote limite l’ampleur des réponses émotionnelles et endocriniennes au cours d’un stress montre son influence sur le cerveau, au niveau du système limbique. Les documents ne renseignent toutefois pas sur la manière dont il agit à distance sur l’activité cérébrale.