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Sujet inédit • Visions poétiques du monde
100 points
Invitation au voyage
Document A Texte littéraire
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
– Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Charles Baudelaire, « L'Invitation au voyage », Les Fleurs du Mal, 1857.
1. Hyacinthe : pierre fine de couleur orange à rouge.
Document B Claude Gellée dit Le Lorrain, Port de mer au soleil couchant, 1639
ph © Aisa/Leemage
Travail sur le texte littéraire et sur l'image 50 points • ⏱ 1 h 10
Les réponses doivent être entièrement rédigées.
Grammaire et compétences linguistiques
▶ 1. Relevez les mots appartenant au champ lexical du luxe, du raffinement. (4 points)
▶ 2. a) Quel est le mode employé dans les vers 15 à 26 ? (2 points)
b) Pourquoi ce mode ? (2 points)
▶ 3. Réécrivez les vers suivants en mettant « enfant » et « sœur » au pluriel et procédez aux modifications nécessaires (vers 1 à 6). (6 points)
« Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble ! »
Compréhension et compétences d'interprétation
▶ 4. a) Expliquez le titre du poème. (2 points)
b) Selon vous, à quel ailleurs le poète rêve-t-il ? (4 points)
▶ 5. a) À qui le poète s'adresse-t-il ? Justifiez votre réponse en citant des éléments du texte. (4 points)
b) De quelle façon le fait-il ? (4 points)
▶ 6. Que compare le poète aux vers 7 à 12 ? Expliquez la comparaison. (4 points)
▶ 7. a) Quelle est la figure de style employée par Baudelaire pour évoquer les vaisseaux (vers 29 à 34) ? (2 points)
☐ Une métaphore.
☐ Une personnification.
b) Justifiez votre réponse en citant des éléments du poème. (3 points)
c) Quel est, à votre avis, l'effet recherché par le poète ? (3 points)
▶ 8. Quelles impressions ou sentiments le tableau du Lorrain éveille-t-il en vous ? (5 points)
▶ 9. Quelles ressemblances ou dissemblances pouvez-vous discerner entre le poème et le tableau ? (5 points)
dictée 10 points • ⏱ 20 min
Le titre, la source de l'extrait sont écrits au tableau au début de la dictée.
J.-M.-G. Le Clézio
« Celui qui n'avait jamais vu la mer », 1982 in Mondo et autres histoires
© Éditions Gallimard, www.gallimard.fr
Premier contact avec la mer
Il s'assit sur le sable mouillé, et il regarda la mer monter devant lui presque jusqu'au centre du ciel. Il avait tellement pensé à cet instant-là, il avait tellement imaginé le jour où il la verrait enfin, réellement, pas comme sur les photos ou comme au cinéma, mais vraiment, la mer tout entière, exposée autour de lui, gonflée, avec les gros dos des vagues qui se précipitent et déferlent, les nuages d'écume, les pluies d'embrun en poussière dans la lumière du soleil, et surtout, au loin, cet horizon courbe comme un mur devant le ciel ! Il avait tellement désiré cet instant-là qu'il n'avait plus de forces, comme s'il allait mourir, ou bien s'endormir.
Rédaction 40 points • ⏱ 1 h 30
Vous traiterez au choix l'un des deux sujets.
Votre rédaction sera d'une longueur minimale d'une soixantaine de lignes (300 mots environ).
Sujet d'imagination
Décrivez à un ami le lieu idéal où vous aimez, ou aimeriez, vous évader. Il peut s'agir d'un lieu réel ou imaginaire.
Sujet de réflexion
Selon vous, les voyages sont-ils source d'enrichissement ? Vous répondrez à cette question dans un développement argumenté en vous appuyant sur votre expérience, vos lectures et votre culture personnelle.
Les clés du sujet
Les documents
Le texte littéraire (document A)
L'Invitation au voyage est un poème de Baudelaire extrait de Spleen et Idéal, première partie des Fleurs du Mal. Il est inspiré par Marie Daubrun, actrice qui sera brièvement l'une des inspiratrices et muses de Baudelaire. Le pays dont parle le poète pourrait être la Hollande qu'il ne connaît que par les tableaux de Vermeer, mais dont il rêve comme d'un lieu idéal.
L'image (document B)
Ce tableau nous montre un port de mer au crépuscule. Le Lorrain est connu pour sa peinture de paysages dont il s'applique à mettre en évidence la lumière particulière en fonction du moment de la journée.
Rédaction (sujet d'imagination)
Recherche d'idées
Choisis un lieu, en te le remémorant ou en l'imaginant. Prends le temps de créer ou recréer en pensée tous les éléments qui le composent : décor, luminosité, odeurs…
Conseils de rédaction
Il s'agit de décrire et non de faire un récit. Pense à employer de nombreux adjectifs qualificatifs, des compléments du nom, des subordonnées relatives pour qualifier chaque élément du décor, pour préciser leur forme, leur matière, leur texture, leur odeur, leur couleur…
Tu situeras ces différents éléments dans l'espace en employant des connecteurs spatiaux : au premier plan, à l'arrière-plan, à gauche, à droite, au loin, à l'horizon…
Rédaction (sujet de réflexion)
Recherche d'idées
Aimes-tu, ou aimerais-tu voyager ? Qu'est-ce qui t'attire dans les voyages : découvrir des paysages, des civilisations, faire des rencontres, vivre des aventures… Préfères-tu les villes ou les paysages naturels ? Aimes-tu visiter des musées ou escalader des montagnes ?
Tu peux aussi réfléchir aux lectures ou aux films qui t'ont donné le désir de voyager : les livres de Jack London sur le Grand Nord canadien, les romans de Jules Verne, les road movies…
Conseils de rédaction
Développe au moins trois arguments : le voyage comme source d'évasion, quête d'aventures, enrichissement culturel, découverte d'autres modes de vie…
Appuie-toi sur des exemples précis pour illustrer tes arguments.
Corrigé
Travail sur le texte littéraire et sur l'image
Grammaire et compétences linguistiques
▶ 1. Baudelaire choisit un lexique qui évoque le luxe, le raffinement : « douceur », « charmes », « ordre », « beauté », « luxe », « calme », « volupté », « luisants », « les plus rares (fleurs) », « ambre », « splendeur »…
▶ 2. a) Baudelaire emploie le conditionnel présent : « décoreraient », « parlerait ».
b) Le poète imagine ce que pourrait être ce lieu idéal, fantasmé : il laisse libre cours au rêve.
▶ 3. Les modifications sont mises en couleur.
attention !
Il ne faut pas mettre le verbe ressemble au pluriel : il ne s'accorde pas avec vous, mais avec pays !
« Mes enfants, mes sœurs,
Songez à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui vous ressemble ! »
Compréhension et compétences d'interprétation
▶ 4. a) Le poème est une invitation à voyager par l'imagination et la poésie loin du monde quotidien, dans un ailleurs rêvé où il serait possible d'aimer librement.
b) Le poète rêve à un lieu idéal où « tout n'est qu'ordre et beauté,/Luxe, calme et volupté ». Il s'agit d'un ailleurs imaginé, que l'on peut situer en Hollande, pays des canaux et des ciels brouillés qui fascinait Baudelaire, mais une Hollande fantasmée qui s'apparente aussi bien à l'Orient qu'à l'Occident.
▶ 5. a) Baudelaire adresse son poème à la femme aimée : « Mon enfant, ma sœur ». Elle est pour lui tout à la fois fille, sœur, amante, muse. Il s'agit d'un amour idéalisé, plus spirituel que charnel.
b) Le poète la tutoie. Il crée ainsi une intimité faite de douceur et de complicité : « Songe à la douceur/D'aller là-bas vivre ensemble ! »
▶ 6. Le poète compare les soleils voilés par des nuages chargés d'humidité aux yeux de son amante « brillant à travers leurs larmes ». Ils ont, pour lui, la même ambiguïté, le même mystère.
zoom
La personnification est en quelque sorte une forme particulière de métaphore : elle consiste à animer un objet, une chose ou à leur donner des caractéristiques humaines.
▶ 7. a) Il s'agit d'une personnification.
b) Le poète attribue aux vaisseaux des attitudes humaines : ils dorment, ils ont « l'humeur vagabonde » comme s'ils éprouvaient des sentiments.
c) Le poète crée ainsi une impression de magie. Les vaisseaux évoquent ces génies des contes orientaux dévoués à leurs maîtres : « C'est pour assouvir/Ton moindre désir/Qu'ils viennent du bout du monde. »
▶ 8. Le tableau éveille une impression de mystère face à l'océan : au-delà, c'est l'Orient ou l'Amérique, le « nouveau monde ». Le bateau, grand voilier qui sans doute s'éloigne, évoque une existence aventureuse, la découverte d'un univers riche et exotique. Les couleurs du couchant donnent au tableau une aura de mystère. Nous sommes attirés vers l'horizon, vers cet ailleurs rêvé, comme les personnages qui saluent le vaisseau en partance.
▶ 9. Ce tableau présente bien des ressemblances avec le poème de Baudelaire. Si le poète parle de canaux et qu'il s'agit ici d'un port de mer, c'est l'une des seules différences : le tableau propose lui aussi une invitation au voyage, un voyage exotique vers un ailleurs rêvé, où s'échangeront trésors d'orient et expériences nouvelles.
Le poète et son amante peuvent être assimilés aux personnages, au premier plan, sur la grève, qui regardent les navires s'éloigner vers le couchant ou rentrer au port après leur long périple.
Les bateaux qui se détachent, à droite, noirs, sur le fond orangé, semblent eux aussi « dormir », tels des vaisseaux « dont l'humeur est vagabonde ».
Là aussi, le soleil couchant revêt le paysage « d'hyacinthe et d'or ».
dictée
Point méthode
1 Attention à l'accord des verbes se précipitent et déferlent : il faut les accorder avec le pronom relatif qui mis pour les vagues (pluriel).
2 Ne confonds pas les homophones grammaticaux ou et où : ou peut être remplacé par ou bien.
3 Attention à tout devant entière : tout ne s'accorde pas, car il est placé devant un adjectif commençant par une voyelle.
Il s'assit sur le sable mouillé, et il regarda la mer monter devant lui presque jusqu'au centre du ciel. Il avait tellement pensé à cet instant-là, il avait tellement imaginé le jour où il la verrait enfin, réellement, pas comme sur les photos ou comme au cinéma, mais vraiment, la mer tout entière, exposée autour de lui, gonflée, avec les gros dos des vagues qui se précipitent et déferlent, les nuages d'écume, les pluies d'embrun en poussière dans la lumière du soleil, et surtout, au loin, cet horizon courbe comme un mur devant le ciel ! Il avait tellement désiré cet instant-là qu'il n'avait plus de forces, comme s'il allait mourir, ou bien s'endormir.
Rédaction
Voici un exemple de rédaction sur chacun des deux sujets.
Attention les titres en couleur ne doivent pas figurer sur ta copie.
Sujet d'imagination
[Présentation générale du lieu] Imagine une petite crique aux eaux turquoises encadrée de rochers qui la protègent. Les vagues s'y font douces et tièdes. Le sable est soyeux et chaud sous les pieds, fin et nacré. Pour y accéder, il faut emprunter un petit chemin en pente douce qui serpente parmi les bambous, bordé de lauriers roses et de mimosas d'un jaune éclatant. On y respire les parfums entêtants du thym, du romarin, du myrte.
[Arrière-plan] Au loin, la ligne d'horizon se détache, claire et nette, traversée parfois de petites voiles blanches.
[Premier plan] Imagine comme il est doux d'avancer dans ces eaux cristallines, de se plonger dans les vagues et de nager en explorant les fonds marins aux poissons colorés et aux coquillages délicats.
conseil
Pour développer ton récit, tu peux évoquer le paysage à différents moments de la journée.
[Paysage au coucher du soleil] Au coucher de soleil, la lumière se fait magique et colore le sable, l'eau, les rochers, de rose, d'orangé, de rouge. C'est le moment que je préfère. J'aime observer le soleil disparaître à l'horizon, se noyer peu à peu jusqu'à n'être plus qu'une ultime petite tache rouge avalée par l'obscurité.
[Conclusion] Je ne sais pas si cet endroit existe encore tel que je l'ai connu ou s'il ne subsiste plus que dans un recoin de ma mémoire, rêvé, recréé, mais cela importe peu puisqu'il me suffit d'y songer pour en retrouver toute la magie.
Sujet de réflexion
[Introduction] J'ai toujours entendu dire que les voyages forment la jeunesse. C'est un dicton populaire, mais je pense qu'il dit vrai. Pour moi, les voyages sont une grande source d'enrichissement.
conseil
Classe tes arguments dans un ordre que tu auras choisi et articule-les au moyen de connecteurs.
[Les voyages permettent de découvrir de nouveaux horizons] Tout d'abord, ils peuvent être une source d'évasion. Mes premiers grands voyages ont été romanesques ou cinématographiques : j'ai navigué en compagnie de pirates avec Jim Hawkins dans L'Île au trésor, et je suis partie à la conquête de l'Ouest dans les westerns. Ces lectures, ces films m'ont donné l'envie de découvrir le monde par moi-même et d'explorer volcans, déserts, forêts vierges… Quoi de plus fascinant que le Stromboli, le Sahara, l'Amazonie, ou que le vaste Pacifique ?
[Les voyages apportent un enrichissement culturel] Voyager, c'est également s'enrichir, se cultiver, c'est découvrir des villes, des civilisations parfois très anciennes, merveilleusement préservées. C'est explorer des musées, comme celui du Prado à Madrid, ou encore celui des Offices à Florence. Voyager, c'est aussi rencontrer des hommes aux modes de vie différents du nôtre, aux coutumes qui peuvent nous sembler étranges : quoi de mieux pour nous aider à lutter contre nos préjugés ?
[Les voyages peuvent déclencher une prise de conscience écologiste] Voyager, c'est enfin prendre conscience combien certains milieux uniques sont en danger, combien il est temps de réagir si l'on ne veut pas voir disparaître la banquise par exemple ou la forêt amazonienne.
[Conclusion] Voyager, c'est donc une façon de s'enrichir, de s'initier au vaste monde et de voler de ses propres ailes loin du cocon familier dans lequel on a grandi.