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Kant, Critique de la raison pure

Explication de texte

Kant, Critique de la raison pure

4 heures

20 points

Intérêt du sujet • La conscience est le propre de l'homme. Elle fonde l'unité de la pensée et de la vie d'un individu. Elle fait de chacun de nous un sujet qui peut dire « je », un sujet responsable de sa pensée et de ses actes.

 

Expliquez le texte suivant :

Le : je pense doit nécessairement pouvoir accompagner toutes mes représentations ; car, si tel n'était pas le cas, quelque chose serait représenté en moi qui ne pourrait aucunement être pensé – ce qui équivaut à dire que la représentation ou bien serait impossible, ou bien ne serait du moins rien pour moi. La représentation qui peut être donnée avant toute pensée s'appelle intuition. Donc, tout le divers de l'intuition entretient une relation au : je pense, dans le même sujet où ce divers se rencontre.

[…] Je l'appelle l'aperception pure pour la distinguer de l'aperception empirique, ou encore l'aperception originaire parce qu'elle est cette conscience de soi qui, en produisant la représentation : je pense, laquelle doit pouvoir accompagner toutes les autres et est une et identique dans toute conscience, ne peut être accompagnée d'aucune autre.

Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, I, 2,

trad. Alain Renaut, Flammarion, 2006.

La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

 

Les clés du sujet

Repérer le thème et la thèse

Identifiez l'opposition entre le vocabulaire de l'expérience sensible (« représentations », « intuition », « divers », « empirique ») et celui de la conscience (« je pense », « aperception », « pour moi », « même sujet », « pure », « originaire », « une et identique »). Les mots mis en italique par l'auteur vous aideront beaucoup.

Les termes « intuition », « aperception empirique » ou « représentation » sont l'équivalent des perceptions sensibles immédiates données aux sens avant la conscience.

Dans quelle mesure faut-il distinguer l'aperception pure de l'aperception empirique ? Les perceptions se suffisent-elles à elles-mêmes ou supposent-elles autre chose pour les unifier ? D'où vient la conscience et pourquoi est-elle nécessaire ?

Il faut veiller à ne pas confondre « perceptions » et « aperception » : les perceptions sont multiples, sensibles et dispersées ; l'aperception est une, a priori, et unificatrice. L'aperception est la manière de saisir les perceptions d'un point de vue unifiant.

Dégager la problématique

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Repérer les étapes de l'argumentation

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : 1. Sans un « je pense », aucune pensée n'est possible (l. 1 à l. 6); Si l'on raisonnait par l'absurde, que se passerait-il si les représentations sensibles (couleurs, goûts, formes) étaient seules, livrées à elles-mêmes ?Repérez les implications et les conséquences absurdes de cette hypothèse.; Ligne 2 : 2. Le « je pense » est la condition de notre connaissance (l. 6 à l. 7); Repérez le connecteur logique qui annonce la thèse.En quoi cette thèse apparaît-elle comme le résultat d'une démonstration ?Quel rapport entre le divers sensible et le « je pense » est affirmé ?; Ligne 3 : 3. L'aperception pure conditionne l'aperception empirique (l. 8 à l. 12); Expliquez le vocabulaire technique utilisé : « aperception pure », « originaire »…Quel est le rôle du « je pense » et que signifie ici le verbe « accompagner » ?;

Les titres en couleurs et les indications entre crochets servent à guider la lecture mais ne doivent en aucun cas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] Nous disons couramment « je pense » ou « je parle », mais qui est ce « je » et d'où vient-il ? [Problématique] Le présent texte soulève la question de la formation de notre esprit pensant, des conditions de notre pensée et de notre connaissance, et de l'unité du sujet : comment sais-je que c'est moi qui pense, et non que ça pense ? [Thèse] Contre l'empirisme, qui défend que notre esprit se réduit à nos seules perceptions, Kant soutient que le sujet conscient précède l'expérience comme « aperception pure » et « originaire », afin d'assurer l'unité du divers sensible. Cela pose la question des conditions de notre connaissance, ainsi que celle du rapport entre pensée et expérience. Tandis que pour Hume le sujet pensant dérive de l'expérience, pour Kant le « je pense » précède et conditionne l'expérience. [Annonce du plan] Le texte se déroule en trois étapes : l'auteur commence par réfuter la thèse adverse ; il présente ensuite sa thèse qui fait du « je pense » la condition de l'expérience ; enfin, il développe sa définition du « je pense ».

1. Sans un « je pense », aucune pensée n'est possible

Le secret de fabrication

Généralement, un texte philosophique démontre une thèse, avant de réfuter une thèse contraire. Ici, l'auteur procède en sens inverse : il commence par approfondir la thèse à laquelle il s'oppose. Et cette réfutation revêt la forme d'un raisonnement par l'absurde : si A est faux, alors B est vrai.

A. La thèse de l'auteur : le « je pense » est nécessaire

L'auteur affirme sa thèse d'emblée, en une proposition simple : « Le je pense doit nécessairement pouvoir accompagner toutes mes représentations. »

Les représentations désignent ici les perceptions sensibles, comme celles d'une couleur, d'une odeur ou d'un objet. Le terme « représentation » suggère que ce n'est pas l'objet lui-même, mais un double sensible ou imaginaire que reçoivent nos sens en provenance de l'objet perçu. Or « se représenter » est une façon de penser, qui suppose un support ou un sujet.

La formulation « doit nécessairement pouvoir » indique ici une nécessité logique et annonce la réfutation qui suit. Enfin, le verbe « accompagner » indique un redoublement réflexif du je : le sujet s'approprie la représentation et la fait sienne.

B. La thèse empirique adverse : l'expérience suffit

À peine cette thèse brièvement énoncée, l'auteur démontre l'absurdité de la thèse empiriste adverse (« car, si tel n'était pas le cas »), selon laquelle l'expérience se suffit à elle-même. Il en souligne les implications et les conséquences absurdes. Sans le « je pense » :

je n'aurais absolument pas conscience des perceptions, je ne saurais donc pas qu'elles existent ;

les représentations n'existeraient pas, puisqu'il n'y aurait personne pour se les « re-présenter », elles ne seraient que des présentations dans le vide ;

les perceptions ne seraient pas miennes, mais elles seraient dispersées de façon anonyme. Pouvoir dire « mes perceptions » ou « je perçois » suppose l'existence préalable d'un je.

Dans le Traité de la nature humaine, Hume considère que notre esprit est comme un flux de perceptions dont l'unité se forme peu à peu par associations. C'est ce que réfute Kant : le « je pense » n'est pas le résultat, mais la condition transcendantale de mon expérience sensible.

[Transition] Ayant réfuté la thèse adverse, l'auteur peut désormais réaffirmer sa thèse sur la nécessité du « je pense ».

2. Le « je pense » est la condition de notre connaissance

Le secret de fabrication

Cette deuxième étape étant très brève et synthétique (une phrase !), il faut veiller à donner une explication très détaillée de tous les termes.

A. L'intuition sensible doit être unifiée

Le divers de l'expérience sensible, ou « intuition », doit être unifié pour pouvoir être pensé. On ne peut se représenter des sensations disparates. Kant contredit ici la théorie sensualiste de Condillac, pour qui toute l'activité de l'esprit est contenue dans la sensation. Dans le Traité des sensations, ce dernier imagine une statue « animée d'un esprit dépourvu de toute espèce d'idée », qui respire l'odeur d'une rose et dont la conscience s'identifie à l'odeur de rose.

définition

L'intuition est ce qui m'est donné par les sens. Le terme « empirique » renvoie à ce qui vient de l'expérience sensible.

B. Le « je pense » unifie l'intuition

Chaque perception en moi est accompagnée du même « je pense ». L'esprit humain ne peut percevoir sans recueillir et rassembler ses perceptions dans une forme unifiante.

Comparons cette idée au point de fuite, en perspective : ce point n'existe pas « en soi », mais il est nécessaire de le supposer pour avoir une vision cohérente. Si l'on regarde un tableau de la Renaissance, ce qu'il représente fait un ensemble cohérent si l'on adopte le point de vue du spectateur à l'origine de la perspective.

C. Le « je pense » assure donc l'unité du sujet

Il est la condition a priori ou transcendantale de toute expérience. Le « je pense » n'est pas lui-même connu par expérience, car l'expérience ne nous donne que des perceptions éparses et en désordre. Il est supposé comme condition nécessaire pour que cela devienne mon expérience unifiée.

définition

A priori ou transcendantal désigne, chez Kant, ce qui précède l'expérience sensible et la rend possible.

[Transition] Dans un troisième et dernier mouvement, le texte explicite ce pouvoir d'unification en précisant les concepts qui servent à le désigner.

3. L'aperception pure conditionne l'aperception empirique

Le secret de fabrication

Cette dernière étape explicite la thèse que l'auteur reformule au moyen d'un vocabulaire plus technique qu'il faut s'efforcer de comprendre et de définir.

A. L'aperception précède la perception

L'aperception se distingue de la perception dans la mesure où elle désigne le pouvoir d'accueil et de synthèse des perceptions diverses. Le terme d'« aperception » a été créé par Leibniz, chez qui il désigne simplement une perception accompagnée de réflexion et de conscience. Kant y ajoute le pouvoir d'unification constitutif du sujet et de l'esprit.

B. « Aperception pure » vs « aperception empirique »

Tous nos actes de perception font intervenir un pouvoir intellectuel qui n'en dérive pas. L'« aperception pure » est dite encore « originaire » pour signifier qu'elle précède nos perceptions.

L'« aperception empirique » est notre pouvoir de recevoir des données sensibles, lequel réside dans les sens et non dans la pensée.

C. L'unité d'aperception fonde le « je pense » et la conscience

L'ensemble de ces définitions nous conduit à voir dans l'« aperception originaire », ou dans le « je pense » transcendantal, le sujet conscient. L'on revient ici au sens latin de la conscience : cum-scire (« savoir avec ») implique de faire quelque chose en le sachant et en le rassemblant.

Conclusion

Dans ce texte, Kant soutient une conception rationaliste de la conscience et du sujet, irréductibles à la seule perception. Cette idée suppose un dédoublement de l'esprit réflexif qui, tout en même temps, perçoit le monde et se sait le percevoir. Cette conscience est propre à l'homme, qu'elle rend responsable de sa connaissance (science) et de ses actes (morale). Elle explique comment notre esprit unifie notre expérience et constitue l'unité du je. Cette définition de la conscience s'oppose au cogito cartésien, auquel le formalisme de Kant et de Husserl reproche son caractère « substantiel » : la conscience n'est pas une chose parmi d'autres existants, mais la forme qui unifie les objets perçus.

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