France métropolitaine • Juin 2022
Sprint final
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France métropolitaine • Juin 2022
L’arroseur arrosé
Intérêt du sujet • La Fontaine raconte ici le combat entre un lion et un moucheron, dont l’issue est assez surprenante. Comme toujours dans une fable, le récit amusant permet d’illustrer une leçon de vie.
Document ATexte littéraire
Le Lion et le Moucheron
« Va-t’en, chétif1 insecte, excrément de la terre2 ! »
C’est en ces mots que le Lion
Parlait un jour au Moucheron.
L’autre lui déclara la guerre.
« Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de Roi
Me fasse peur ni me soucie ?
Un bœuf est plus puissant que toi :
Je le mène à ma fantaisie3. »
À peine il achevait ces mots
Que lui-même il sonna la charge4,
Fut le Trompette5 et le Héros.
Dans l’abord il se met au large6
Puis prend son temps, fond7 sur le cou
Du Lion, qu’il rend presque fou.
Le quadrupède écume, et son œil étincelle ;
Il rugit ; on se cache, on tremble à l’environ ;
Et cette alarme universelle
Est l’ouvrage d’un Moucheron.
Un avorton de Mouche en cent lieux le harcelle :
Tantôt pique l’échine8, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve à son faîte9 montée.
L’invisible ennemi triomphe, et rit de voir
Qu’il n’est griffe ni dent en la bête irritée
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux Lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l’entour de ses flancs,
Bat l’air, qui n’en peut mais10 ; et sa fureur extrême
Le fatigue, l’abat : le voilà sur les dents.
L’insecte du combat se retire avec gloire :
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va partout l’annoncer, et rencontre en chemin
L’embuscade d’une araignée ;
Il y rencontre aussi sa fin.
Quelle chose par là nous peut être enseignée ?
J’en vois deux, dont l’une est qu’entre nos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits ;
L’autre, qu’aux grands périls tel a pu se soustraire,
Qui périt pour la moindre affaire.
Jean de La Fontaine, Fables, livre II, fable 9, 1668
1. chétif : faible. 2. excrément de la terre : ce qui est rejeté par la terre. Il s’agit d’une insulte méprisante. 3. à ma fantaisie : comme je veux. 4. sonna la charge : annonça l’attaque. 5. Trompette : celui qui joue de la trompette pendant une bataille. 6. Dans l’abord il se met au large : pour commencer, il s’éloigne. 7. fond : se précipite pour attaquer. 8. l’échine : le dos de l’animal. 9. à son faîte : au plus haut. 10. qui n’en peut mais : qui n’en peut plus.
Document BIllustration d’Auguste Vimar, Le Lion et le Moucheron
Fables de La Fontaine, Alfred Mame, 1897
ph © BnF, Paris
Travail sur le texte littéraire et sur l’image 50 points • ⏱ 1 h 10
Les réponses doivent être entièrement rédigées.
Compréhension et compétences d’interprétation
▶ 1. Vers 1 à 8 :
a) Qui parle au vers 1 ? À qui s’adresse-t-il ? (1 point)
b) Quelle réaction ce propos déclenche-t-il et pourquoi ? (2 points)
▶ 2. Vers 9 à 29 :
a) Quel animal domine le combat ? Justifiez votre réponse en relevant trois expressions dans ce passage. (2 points)
b) Quelle tactique est utilisée par le moucheron aux vers 12 à 29 ? Quel en est le résultat ? (3 points)
c) Comment le fabuliste met-il en évidence le mouvement et l’agitation du combat ? Pour justifier votre réponse, vous vous appuierez notamment sur les verbes, les adverbes et le rythme des vers. (4 points)
▶ 3. Vers 15 à 29 : par quels groupes nominaux le lion est-il désigné ? Quel est l’effet produit ? (3 points)
▶ 4. Vers 30 à 34 : quel est le retournement de situation raconté par cette fable ? (2 points)
▶ 5. Au cours de la fable, de quel défaut le Lion et le Moucheron font-ils preuve à tour de rôle ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur l’ensemble de la fable. (5 points)
▶ 6. Vers 35 à 39 : comment comprenez-vous les deux enseignements que le fabuliste donne au lecteur ? (4 points)
▶ 7. a) Comment l’illustration donne-t-elle à voir les effets de l’attaque du moucheron sur le lion ? (4 points)
b) Comment s’y prend l’illustration pour laisser entrevoir la fin de la fable ? (2 points)
Grammaire et compétences linguistiques
▶ 8. « L’autre lui déclara la guerre » (vers 4).
a) Donnez la fonction précise de chaque complément souligné. (1 point)
b) Réécrivez la phrase en remplaçant le pronom « lui » par le groupe nominal auquel il renvoie. (1 point)
c) Quelles manipulations avez-vous utilisées pour identifier la fonction de « la guerre » ? (2 points)
▶ 9. « Il rugit ; on se cache » (vers 16). Transformez ces deux propositions en une phrase complexe comportant une proposition subordonnée. (2 points)
▶ 10. « L’invisible ennemi » (vers 23).
a) De quels éléments le mot souligné est-il composé ? (1,5 point)
b) Donnez sa définition en vous appuyant sur la signification des éléments qui le composent. (0,5 point)
▶ 11. Réécrivez le passage suivant en remplaçant « Le malheureux Lion » par « Les malheureux Lions » : (10 points)
« Le malheureux Lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l’entour de ses flancs,
Bat l’air […] ; et sa fureur extrême
Le fatigue, l’abat » (vers 26-29)
Dictée 10 points • ⏱ 20 min
Le nom de l’auteur et le titre de l’œuvre sont écrits au tableau.
D’après Ésope
Fables, viie-vie siècle avant J.-C.
Le moustique et le lion
Un moustique s’approcha d’un lion et lui dit : « Je n’ai pas peur de toi, et tu n’es pas plus puissant que moi. Si tu veux, je te provoque même au combat ». Et, sonnant de la trompe, le moustique fondit sur lui, mordant le museau dépourvu de poil autour des narines. Quant au lion, il se déchirait de ses propres griffes, jusqu’à ce qu’il renonce au combat. Le moustique, ayant vaincu le lion, sonna de la trompe, entonna un chant de victoire, et prit son envol. Mais il s’empêtra dans une toile d’araignée : tandis qu’elle le dévorait, il se lamentait d’être tué par un vulgaire animal, une araignée, lui qui avait combattu les plus puissants animaux.
Rédaction 40 points • ⏱ 1 h 30
Vous traiterez à votre choix l’un des sujets suivants.
Sujet d’imagination
Le Moucheron « sonne la victoire » et « va partout l’annoncer ».
Imaginez le récit que fait le Moucheron de son combat victorieux aux autres animaux. Vous mettrez en évidence le caractère, les sentiments et les réflexions du Moucheron et vous pourrez montrer les réactions des autres animaux.
Votre récit peut être rédigé à la première ou à la troisième personne du singulier.
Sujet de réflexion
La littérature et les œuvres artistiques peuvent-elles nous aider à réfléchir sur notre propre comportement ? Vous répondrez à cette question dans un développement organisé, en vous appuyant sur des exemples pris dans les œuvres littéraires et artistiques que vous connaissez.
Les clés du sujet
Analyser les documents
Traiter le sujet d’imagination
Recherche d’idées
Conseils de rédaction
Le sujet ne t’oblige pas du tout à écrire en vers. Tu peux donc raconter cet épisode en prose.
Si tu choisis d’écrire un récit à la 3e personne, tu peux faire parler directement les personnages dans un dialogue.
Traiter le sujet de réflexion
Recherche d’idées
Conseils de rédaction
Privilégie un plan dialectique : une première partie (thèse) répondra par l’affirmative à la question posée, une seconde (antithèse) montrera les limites de l’influence des œuvres d’art sur notre comportement.
Efforce-toi de trouver des références personnelles qui mettent en valeur ta culture, et évite les allusions aux dessins animés de Disney.
Travail sur le texte littéraire et sur l’image
Compréhension et compétences d’interprétation
▶ 1. a) Le lion s’adresse au moucheron dans le vers 1, comme les deux vers suivants le prouvent : « […] le Lion/ Parlait un jour au Moucheron ».
b) Ces paroles déclenchent l’agressivité du moucheron : insulté par le lion (« chétif insecte, excrément de la terre »), il veut se venger de cet affront et lui déclare la guerre.
▶ 2. a) Le combat est immédiatement dominé par le moucheron, qui mène l’attaque. Il est sujet de nombreux verbes d’action : « il fond », « harcelle », « pique ». Sa victoire est également annoncée au début de l’affrontement par le mot « héros », puis à la fin par le verbe « triomphe ».
b) Le moucheron utilise une tactique qui va faire ses preuves : il pique sans relâche le lion en différents endroits : « fond », « pique », le « cou », « l’échine », « le museau » et enfin le « fond du naseau ». Cette tactique est une réussite puisque « le malheureux Lion se déchire lui-même » en essayant de tuer le moucheron.
c) La bataille est mouvementée : les verbes conjugués au présent de narration donnent de la vivacité à la scène. L’adverbe « tantôt », répété trois fois, met en valeur les attaques variées et incessantes de l’insecte. L’alternance de vers longs (alexandrins) et de vers plus courts (octosyllabes) rythme le récit.
▶ 3. Le lion est désigné par différents groupes nominaux : « le quadrupède », « la bête irritée » et enfin « le malheureux Lion ». Si la première désignation est neutre, les deux suivantes montrent la progression du combat.
▶ 4. La fable présente un retournement de situation : le moucheron, vainqueur, va rencontrer un adversaire plus puissant, une araignée, qui le tue.
▶ 5. Le lion et le moucheron font preuve du même défaut : l’arrogance. Le lion, se croyant le plus fort, est vaincu par un moucheron, qui à son tour, se vantant de sa victoire, est dévoré par une araignée. La vanité et la vantardise sont ainsi punies.
▶ 6. Le fabuliste délivre deux morales : d’abord, que les dangers qui nous semblent minimes sont sans doute les plus à craindre. Ensuite, que les succès dans les entreprises difficiles ne protègent pas des échecs dans les plus petits projets.
▶ 7. a) Le lion semble engagé dans une danse endiablée : il se tient en équilibre sur une patte, les piqûres de l’insecte le rendent fou, mais ses griffes n’atteindront pas son ennemi. Il en sera réduit à se déchirer lui-même en tentant de l’attraper. Le moucheron, visible devant le lion, prend le temps d’observer son œuvre, certain d’échapper à la fureur du fauve.
b) L’issue de la fable est représentée sur la gravure. À gauche, au premier plan, l’araignée, au centre de sa toile, attend son heure.
Grammaire et compétences linguistiques
▶ 8. a) « la guerre » est COD du verbe « déclara » ; « Lui » est COI du même verbe.
info +
On peut également parler de COS, puisque le verbe est suivi de deux compléments d’objets.
b) L’autre déclara la guerre au lion.
c) On repère d’abord le verbe conjugué (« déclara ») et on identifie son sujet (« l’autre »). Pour trouver la fonction de « la guerre », on pose la question « qui ? » ou « quoi ? » après le sujet et le verbe : l’autre déclara quoi ? La guerre. C’est donc un COD.
▶ 9. On se cache parce qu’il rugit, ou bien : on se cache puisqu’il rugit.
info +
Ces subordonnées introduisent un rapport de cause. On aurait également pu dire : « il rugit si bien que l’on se cache » (conséquence), ou encore : « on se cache lorsqu’il rugit » (simultanéité).
▶ 10. a) Le mot est composé du préfixe privatif -in, du radical -vi- (qui vient du verbe voir) et du suffixe -ible (qui sert à former l’adjectif et indique une idée de possibilité).
b) Le mot signifie « qui ne peut pas être vu ».
▶ 11. Les malheureux lions se déchirent eux-mêmes,
Font résonner leur queue à l’entour de leurs flancs,
Battent l’air […] ; et leur fureur extrême
Les fatigue, les abat.
Dictée
Point méthode
1 Ne confonds pas se ou s’ (que l’on trouve dans la conjugaison des verbes pronominaux) avec ce. Si tu changes le sujet de la phrase, se sera modifié : « il se lamente » devient « je me lamente ».
2 Souviens-toi que les participes passés qui se terminent par le son « u » s’écrivent -u et non -ut.
3 Sois attentif aux verbes conjugués au passé simple : à la 3e personne du singulier, les verbes du 1er groupe se terminent en -a comme « s’approcha », tandis que les verbes des autres groupes ont une terminaison en -t, comme « fondit ».
Le moustique et le lion
Un moustique s’approcha d’un lion et lui dit : « Je n’ai pas peur de toi, et tu n’es pas plus puissant que moi. Si tu veux, je te provoque même au combat ». Et, sonnant de la trompe, le moustique fondit sur lui, mordant le museau dépourvu de poil autour des narines. Quant au lion, il se déchirait de ses propres griffes, jusqu’à ce qu’il renonce au combat. Le moustique, ayant vaincu le lion, sonna de la trompe, entonna un chant de victoire, et prit son envol. Mais il s’empêtra dans une toile d’araignée : tandis qu’elle le dévorait, il se lamentait d’être tué par un vulgaire animal, une araignée, lui qui avait combattu les plus puissants animaux.
Rédaction
Voici un exemple de rédaction sur chacun des deux sujets.
Attention, les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Sujet d’imagination
[Récit] Extrêmement content de lui, le moucheron s’en alla chercher une oreille attentive : il voulait tant raconter son combat… Il voleta jusqu’à une clairière, où des lapins grignotaient au soleil. Notre insecte se rengorgea, fit du bruit pour attirer leur attention et commença le discours que voici.
[Discours du moucheron] « Savez-vous qui je suis ? demanda l’orgueilleux. J’ai vaincu le plus gros et le plus fort d’entre nous, le lion en personne ! Sa Majesté m’avait insulté et Sa Majesté l’a bien regretté.
remarque
Tu peux employer le présent de narration, ou raconter l’histoire au passé ; mais ne mélange pas les deux systèmes de temps.
Vraiment ? demanda timidement un lapereau minuscule.
Vraiment, se vanta l’important. Malgré ses rugissements et sa morgue, il n’a rien pu faire face à moi. Je l’ai piqué, piqué et repiqué, sa peau en est toute ensanglantée. Comme il se contorsionnait de manière grotesque sous mes attaques ! On l’aurait cru possédé ! »
[Réactions des animaux] L’histoire était belle et se répandit rapidement. De tous côtés, renards, loups, pies et rats accoururent, oubliant leurs querelles habituelles pour voir de près cet insecte roi. Celui-ci ne se lassait pas de raconter ses exploits, qui grossissaient à chaque fois. Ce n’était plus un lion, mais trois qui désormais étaient morts sous ses assauts. Si les lapereaux restaient ses plus fervents adorateurs, certaines bêtes se mirent à ricaner des discours de l’insolent. La chouette et le lézard surtout, se sachant insensibles aux piqûres du pauvre orgueilleux, ne prenaient plus la peine de dissimuler leur incrédulité.
conseil
Établis une liste de substituts pour désigner le moucheron et éviter les répétitions : l’orgueilleux insecte, le vainqueur du combat, l’insupportable vantard…
[Fin de l’épisode] Cela mit en fureur notre moucheron, qui partit ailleurs conter ses prouesses. Hélas, il ne savait pas, héros éphémère, que la gloire serait de courte durée ; l’araignée, patiemment, tissait sa toile et le guettait.
Sujet de réflexion
[Introduction] Les œuvres d’art, telles les Fables de La Fontaine et leurs morales, peuvent-elles réellement avoir une influence sur notre vie et guider nos comportements ? Nous verrons que c’est la volonté de nombreux artistes, mais que cela n’est pas toujours suivi d’effets.
[Thèse] Tout d’abord, nous pouvons voir que certaines œuvres d’art nous amènent à nous questionner sur nous-mêmes. Molière, dans ses pièces, montre souvent les dangers de certains traits de caractère excessifs, afin de nous en éloigner. Qui voudrait ressembler à Harpagon, l’avare de la pièce du même nom ? On peut également penser aux œuvres engagées, qui dénoncent certains comportements et incitent à en adopter d’autres. Dans sa chanson « Le Déserteur », Boris Vian proteste contre les guerres colonialistes et invite à refuser d’aller combattre. Plus près de nous, la chanson de Bigflo et Oli « Rentrez chez vous » fait réfléchir au regard que l’on porte sur les réfugiés : les horreurs de la guerre et de l’exil pourraient aussi toucher les Français.
[Antithèse] Néanmoins, si les œuvres d’art essayent souvent de nous influencer, leur impact peut sembler limité. La Première Guerre mondiale et ses millions de morts ont été un traumatisme terrible. Des romans, comme À l’ouest rien de nouveau, de l’Allemand Erich Maria Remarque ou encore Les Croix de bois de Roland Dorgelès, en témoignent. Hélas, vingt ans après, les nations européennes s’engageront de nouveau dans un conflit extrêmement meurtrier. De la même manière, le street art s’efforce de nous faire prendre conscience des inégalités sociales, du racisme, de l’urgence climatique… Pourtant, force est de constater que si ces œuvres sont admirées, les comportements ne changent guère.
info +
L’expression street art désigne toutes les formes d’art réalisées dans la rue, comme les graffitis.
[Conclusion] Si certaines œuvres d’art réussissent à nous faire réfléchir, trop souvent leur impact semble limité : nos mauvais penchants persistent et nos habitudes ne semblent pas profondément modifiées.