S’entraîner
Se raconter, se représenter
6
fra3_2106_13_00C
Polynésie française • Juin 2021
L’autre membre de la famille
Intérêt du sujet • Les documents soulignent l’importance que peut prendre la pratique musicale dans une vie, a fortiori quand il s’agit d’un instrument de taille – le piano.
Document ATexte littéraire
Le passage proposé est la première page du roman.
Dans la maison de mon enfance vivait un intrus. À l’extérieur, tout le monde croyait que la famille Schmitt comptait quatre membres – deux parents, deux rejetons –, alors que cinq personnes habitaient notre domicile. L’intrus occupait le salon en permanence ; il y dormait, il y veillait, râleur, immobile, importun.
Accaparés par leurs tâches, les adultes l’ignoraient, sauf parfois ma mère qui, agacée, intervenait afin qu’il restât propre. Ma sœur seule entretenait une relation avec le fâcheux en le réveillant chaque jour vers midi, ce à quoi il réagissait bruyamment. Moi, je le haïssais ; ses grondements, son air lugubre, sa carrure austère, son aspect renfermé me rebutaient ; le soir, au fond de mon lit, je priais souvent pour son départ.
Depuis quand résidait-il parmi nous ? Je l’avais toujours vu là, incrusté. Brun, trapu, obèse, couvert de taches, l’ivoire des dents jauni, il passait du mutisme sournois au vacarme tapageur. Lorsque mon aînée lui consacrait du temps, je courais me réfugier dans ma chambre où je chantonnais, mains sur les oreilles, soucieux de me soustraire à leur dialogue.
Sitôt que j’entrais au salon, le contournant avec suspicion, je lui lançais un regard intimidateur pour qu’il demeurât à sa place et comprît que l’amitié ne nous unirait jamais ; lui feignait de ne pas me remarquer. Nous nous évitions avec un tel acharnement que notre défi empesait l’atmosphère. Le long des soirées, il écoutait nos conversations sans commenter, ce qui n’horripilait que moi, tant mes parents avaient l’habitude de sa présence obtuse.
L’intrus s’appelait Schiedmayer et c’était un piano droit. Notre famille se refilait ce parasite depuis trois générations.
Sous prétexte d’apprendre la musique, ma sœur le tourmentait quotidiennement. Ou l’inverse… Aucune mélodie ne sortait de ce buffet en noyer, mais des coups de marteau, des couacs, des grincements, des gammes édentées, des lambeaux d’air, des rythmes boiteux, des accords dissonants1 ; entre les Dernier soupir et autres Marche turque, je craignais en particulier une torture que ma sœur intitulait la Lettre à Élise2, conçue par un bourreau baptisé Beethoven3, qui me vrillait les oreilles comme la fraise du dentiste.
Un dimanche, tandis que nous fêtions mes neuf ans, tante Aimée, blonde, féminine, soyeuse, poudrée, fleurant l’iris et le muguet, désigna l’ogre endormi.
– Ton piano, Éric ?
– Surtout pas ! rétorquai-je.
– Qui en joue ? Florence ?
– Il paraît, grognai-je en grimaçant.
– Florence ! Viens nous interpréter un morceau.
– Je n’en sais aucun, gémit ma sœur dont, pour une fois, j’appréciai la lucidité.
Aimée se frotta le menton, lequel s’ornait d’une jolie fossette, et considéra l’indésirable.
– Voyons voir…
Je ris, l’expression « voyons voir » m’ayant toujours amusé, d’autant plus que ma mère l’employait sous la forme « voyons voir, disait l’aveugle ».
Indifférente à mon hilarité, Aimée souleva le couvercle de bois avec délicatesse comme si elle ouvrait la cage d’un fauve, parcourut les touches des yeux, les effleura de ses doigts fins qu’elle retira soudain quand un feulement traversa la pièce : le félin se cabrait, rétif, menaçant.
Alors, patiemment, tante Aimée réitéra ses précautions d’approche. De la main gauche, elle flatta le clavier. L’animal émit un son ouaté4 ; cas unique, il ne trépignait pas, il montrait presque de l’amabilité. Aimée égrena un arpège5 ; réceptif, le rustaud ronronna ; il cédait, elle l’apprivoisait.
Satisfaite, Aimée suspendit son geste, toisa le tigre qu’elle avait métamorphosé en chaton, s’assit sur le tabouret et, sûre d’elle autant que de la bête, commença à jouer.
Au milieu du salon ensoleillé, un nouveau monde avait surgi, un ailleurs lumineux flottant en nappes, paisible, secret, ondoyant, qui nous figeait et nous rendait attentifs. À quoi ? Je l’ignorais. Un événement extraordinaire venait de se dérouler, l’efflorescence d’un univers parallèle, l’épiphanie d’une manière d’exister différente, dense et éthérée, riche et volatile, frêle et forte, laquelle, tout en se donnant, conservait la profondeur d’un mystère.
Dans le silence chargé de notre éblouissement, tante Aimée contempla le clavier, lui sourit en guise de remerciement, puis releva son visage vers nous, ses paupières retenant mal ses larmes.
Ma sœur, déconfite, fixait d’un œil torve7 le Schiedmayer qui ne lui avait jamais fait l’honneur de sonner ainsi. Mes parents se regardaient, estomaqués que ce bahut sombre et ventripotent, côtoyé durant un siècle, dispensât de tels charmes. Quant à moi, je frictionnais mes avant-bras dont les poils s’étaient redressés et demandai à tante Aimée :
– Qu’est-ce que c’était ?
– Chopin, évidemment.
Le soir même, j’exigeai de prendre des cours, et une semaine plus tard, j’entamai l’apprentissage du piano.
Éric-Emmanuel Schmitt, Madame Pylinska et le secret de Chopin, 2018.
1. Dissonants : qui sonnent faux.
2. Dernier soupir, Marche turque, Lettre à Élise sont des titres de pièces musicales célèbres.
3. Beethoven et Chopin (qui apparaît à la ligne 62), célèbres compositeurs de musique du xixe siècle.
4. Ouaté : atténué.
5. Égrener un arpège : jouer un accord de musique, en détachant les notes les unes des autres.
6. Épiphanie : apparition, nouveauté.
7. Un œil torve : un regard de travers.
Document BGustave Caillebotte, Jeune homme au piano (1876)
Le jeune homme représenté est le compositeur et pianiste français Martial Caillebotte, frère du peintre Gustave Caillebotte.
Huile sur toile (81 cm x 116 cm), musée d’art Bridgestone, Tokyo.
ph © Photo Josse/Bridgeman Images
Travail sur le texte littéraire et sur l’image 50 points • ⏱ 1 h 10
Les réponses doivent être entièrement rédigées.
Compréhension et compétences d’interprétation
▶ 1. Quelle période de sa vie le narrateur évoque-t-il ? Justifiez votre réponse. (2 points)
▶ 2. a) « la famille Schmitt comptait quatre membres » (l. 2-3). Identifiez-les. (2 points)
b) Le narrateur écrit pourtant : « cinq personnes habitaient notre domicile » (l. 3-4). Comment expliquez-vous la différence entre les deux nombres ? Justifiez votre réponse. (2 points)
▶ 3. « l’ivoire des dents jauni » (l. 14-15). Que sont ces « dents » en réalité ? (2 points)
▶ 4. Dans les quatre premiers paragraphes, identifiez un moyen employé par l’auteur pour créer l’effet de surprise de la ligne 26. (2 points)
▶ 5. De la ligne 28 à la ligne 35, le narrateur exprime une souffrance quotidienne.
a) Quelle en est la cause ? (2 points)
b) Relevez une figure de style qui exprime bien cette souffrance. (2 points)
▶ 6. « Satisfaite, Aimée suspendit son geste, toisa le tigre qu’elle avait métamorphosé en chaton, s’assit sur le tabouret et, sûre d’elle autant que de la bête, commença à jouer. » (l. 62 à 64). D’après ce qui précède, de quelle métamorphose s’agit-il réellement ? Quelles sont les qualités de la tante Aimée qui permettent d’accomplir cette métamorphose ? (4 points)
▶ 7. En vous appuyant sur l’ensemble du texte pour structurer votre réponse, expliquez pourquoi le narrateur parle d’« événement extraordinaire » aux lignes 67-68. (6 points)
▶ 8. Comparez la vision de la pratique musicale offerte par le tableau de Gustave Caillebotte et celle du texte d’Éric-Emmanuel Schmitt. (6 points)
Grammaire et compétences linguistiques
▶ 9. « Dans la maison de mon enfance vivait un intrus. » (l. 1)
a) Indiquez la fonction grammaticale du groupe souligné. (1 point)
b) Réécrivez cette phrase en employant une structure plus courante. (1 point)
▶ 10. « il y dormait, il y veillait » (l. 5)
a) Que remplace le mot « il » ? (1 point)
b) Indiquez sa classe grammaticale. (1 point)
▶ 11. « Depuis quand résidait-il parmi nous ? » (l. 13)
a) Indiquez le mode et le temps du verbe « résidait ». (2 points)
b) Quelle est la valeur de ce temps ? (1 point)
▶ 12. « Aimée […] considéra l’indésirable » (l. 46-47)
a) Expliquez la formation du mot souligné. (2 points)
b) Que signifie-t-il ? (1 point)
▶ 13. « Depuis quand résidait-il parmi nous ? Je l’avais toujours vu là, incrusté. Brun, trapu, obèse, couvert de taches, l’ivoire des dents jauni […] » (l. 13-15)
Réécrivez le passage suivant en remplaçant « il » par « ils » et faites toutes les modifications nécessaires. (10 points)
Dictée 10 points • ⏱ 20 min
Le nom de l’auteur, le titre et la date de l’œuvre, ainsi que les termes « Chopin », « la Barcarolle », « mésange » sont écrits au tableau.
Éric-Emmanuel Schmitt
Madame Pylinska et le secret de Chopin, 2018.
Ce matin, je m’accoude à la fenêtre et contemple la nature, laquelle ignore le deuil et ne connaît que la vie. […] Je descends au salon et ouvre le piano à queue. Aussitôt, mes trois chiens accourent ; après une caresse de la truffe sur mes paumes, ils s’allongent sous l’instrument, répétant la conduite de l’enfant de Chopin auprès de sa mère. Ils frémissent, ils languissent.
J’entame la Barcarolle… Le calme s’impose. La musique me donne accès à l’étonnement. Le temps ne passe plus, il palpite. Je ne subis plus la durée, je la savoure. Tout devient merveille. Je m’extasie d’être et me coule dans le ravissement. […]
Troublé, je manque une note, deux, rate mon accord, lève les mains et me retourne.
Rapide, la mésange file dans le ciel, tourbillonne, […] hésite, repart, se fige de nouveau.
Rédaction 40 points • ⏱ 1 h 30
Vous traiterez au choix l’un des sujets suivants.
Sujet d’imagination
Le piano prend la parole et raconte un épisode vécu dans la maison du narrateur.
Sujet de réflexion
« Le soir, j’exigeai de prendre des cours, et une semaine plus tard, j’entamai l’apprentissage du piano ».
Selon vous, est-il bon de prendre des décisions aussi soudainement ?
Les clés du sujet
Analyser les documents
Traiter le sujet d’imagination
Recherche d’idées
Conseils de rédaction
Le discours du piano peut être raconté au présent ou au passé.
Pense à utiliser un indicateur temporel pour marquer le début de l’épisode : un matin, ce jour-là, le lendemain…
Traiter le sujet de réflexion
Recherche d’idées
Conseils de rédaction
Efforce-toi, dans l’introduction, de reformuler la question posée par le sujet pour montrer que tu l’as bien comprise.
Entre les deux paragraphes qui défendent des réponses opposées, pense à ménager une transition.
Travail sur le texte littéraire et sur l’image
Compréhension et compétences d’interprétation
▶ 1. Le narrateur évoque son enfance, comme le prouvent les indications suivantes : « dans la maison de mon enfance » et « tandis que nous fêtions mes neuf ans ».
▶ 2. a) La famille compte quatre membres : le narrateur, sa sœur aînée Florence et leurs deux parents (« deux parents, deux rejetons »).
b) Si la famille compte quatre membres au sens strict, le piano est compté comme un cinquième « habitant » par le narrateur. Ce dernier éprouve du rejet pour ce « fâcheux », cet « intrus » qui prend tant de place. Plus loin, « je le haïssais » montre l’hostilité de leurs rapports.
▶ 3. Les « dents » désignent les touches du piano faites en ivoire qui ont pris une teinte jaune avec les années. Le piano est ainsi personnifié : même détesté par le narrateur, il appartient littéralement à la famille.
rappel
La personnification consiste à donner des caractéristiques humaines à ce qui ne l’est pas.
▶ 4. La personnification employée dans les quatre premiers paragraphes ne permet pas immédiatement de comprendre qu’il s’agit d’un instrument. La révélation de la ligne 26 n’en est alors que plus surprenante, car tous les termes employés auparavant pour le désigner donnaient l’impression de s’appliquer à un être humain : « râleur, importun, obèse ».
Le piano est également sujet de verbes d’action : « il y dormait, il réagissait bruyamment, il écoutait nos conversations ».
▶ 5. a) La souffrance du narrateur est sonore : tous les sons que sa sœur fait sortir du piano sont douloureux pour ses oreilles.
b) Plusieurs figures de style soulignent cette souffrance, comme la comparaison de la ligne 35 : « qui me vrillait les oreilles comme la fraise du dentiste ».
info +
On aurait pu également citer la métaphore filée du supplice avec les termes « craignais, torture, bourreau », ou l’énumération l. 30-32.
▶ 6. On comprend que la tante Aimée réussit à produire des sonorités mélodieuses en jouant du piano : le monstre imposant et dissonant s’est métamorphosé en instrument de musique. La tante semble ainsi posséder plusieurs qualités : la délicatesse, la patience et l’assurance pour apprivoiser la bête. Sa maîtrise technique est accompagnée d’une sensibilité certaine puisque son jeu ouvre « un nouveau monde » pour le narrateur.
▶ 7. Le narrateur évoque un « événement extraordinaire ». Écouter le morceau joué par sa tante lui permet de découvrir une autre réalité : « un univers parallèle, une manière d’exister différente » où les contraires se côtoient ; de vieil ennemi, détesté et redouté, le piano est devenu synonyme d’émotion. Le meuble encombrant et sombre révèle ses charmes à toute la famille, qui ne soupçonnait pas que cela fût possible.
▶ 8. Les deux documents évoquent une scène intime de l’univers domestique. Le piano imposant occupe une place importante dans l’espace et dans l’histoire des deux familles. Le tableau de Caillebotte montre l’instrument utilisé, reflétant la lumière, en action. Le pianiste, frère du peintre, concentré, doit jouer souvent comme en témoignent les nombreuses partitions disposées sur l’instrument. Les deux documents s’efforcent donc de dépeindre la beauté d’un morceau de piano joué dans la sphère familiale.
Grammaire et compétences linguistiques
▶ 9. a) Le groupe souligné est le sujet du verbe « vivait », placé ici après le verbe. On parle de sujet inversé.
b) Un intrus vivait dans la maison de mon enfance.
▶ 10. a) « Il » remplace « l’intrus », sujet employé en début de phrase.
b) « Il » est un pronom personnel (masculin, troisième personne du singulier).
▶ 11. a) Le verbe « résidait » est employé à l’imparfait de l’indicatif.
b) Le temps indique ici une action non limitée dans le temps, qui peut durer.
▶ 12. a) Le mot est formé à l’aide du préfixe privatif in-, suivi du radical désir, et enfin du suffixe -able.
b) Le mot est employé pour désigner quelqu’un qui n’est pas désiré, dont la présence n’est pas souhaitée.
▶ 13. Depuis quand résidaient-ils parmi nous ? Je les avais toujours vus là, incrustés. Bruns, trapus, obèses, couverts de taches, l’ivoire des dents jauni […].
attention
Le participe passé « vus » est employé avec l’auxiliaire avoir. Il s’accorde avec le COD « les » placé avant le verbe.
Dictée
Point méthode
1 Ne confonds pas « ce », employé devant un nom commun, qui est un déterminant démonstratif, et « se », pronom réfléchi faisant partie d’une forme verbale.
2 Retiens l’orthographe de ces mots : accourir, s’accouder, deuil, languir, s’extasier.
3 Sois attentif à la terminaison du présent de certains verbes du 3e groupe : les verbes comme descendre ont pour terminaison -ds à la première personne du singulier.
Ce matin, je m’accoude à la fenêtre et contemple la nature, laquelle ignore le deuil et ne connaît que la vie. […] Je descends au salon et ouvre le piano à queue. Aussitôt, mes trois chiens accourent ; après une caresse de la truffe sur mes paumes, ils s’allongent sous l’instrument, répétant la conduite de l’enfant de Chopin auprès de sa mère. Ils frémissent, ils languissent.
J’entame la Barcarolle… Le calme s’impose. La musique me donne accès à l’étonnement. Le temps ne passe plus, il palpite. Je ne subis plus la durée, je la savoure. Tout devient merveille. Je m’extasie d’être et me coule dans le ravissement. […]
Troublé, je manque une note, deux, rate mon accord, lève les mains et me retourne.
Rapide, la mésange file dans le ciel, tourbillonne, […] hésite, repart, se fige de nouveau.
Rédaction
Voici un exemple de rédaction sur chacun des deux sujets.
Attention, les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Sujet d’imagination
[Contexte] Ma vie est triste, car je m’ennuie. Trop souvent, les membres de ma famille m’oublient. On me nettoie parfois, d’un petit geste rapide et impatient, comme un gosse malpropre qui prend trop de place. Chaque semaine, la maladroite Florence s’exerce à me torturer et mes plaintes n’y font rien. Il faut qu’un étranger à notre petit cercle familial arrive pour que je puisse parfois sortir de ce profond ennui qui est mon quotidien et exprimer ma sensibilité. Comment s’appelait cette jolie tante qui aimait tant Chopin et me réveilla avec ses mains gracieuses ? Aimée, je crois, un nom prédestiné.
[Épisode particulier] Ce matin toutefois, il s’est passé quelque chose. Le petit Éric s’est approché de moi et m’a caressé du bout des doigts. Auparavant lorsqu’il entrait dans le salon, il me jetait un regard hostile. Il me détestait. Je lui faisais peur : j’en impose, je luis, et il ne connaît rien de moi. Il évitait jusqu’à présent soigneusement de me frôler tant ma taille l’effrayait, et j’avoue que je prenais plaisir à susciter son effroi. Cela me distrayait de mon ennui profond. Mais ce matin tout a changé. Il a promené ses doigts sur mon dos, puis a grimpé sur le tabouret et a touché mes touches de ses petites mains. Timide, il n’a pas osé tout de suite produire un son. Il semblait hésiter : les noires ou les blanches ? Et puis… et puis il a posé ses deux mains, et a plaqué un accord. Un accord timide, mais un accord tout de même. Puis il s’est enhardi, a décalé ses doigts, a cherché un autre accord… qu’il n’a pas trouvé tout de suite. J’ai protesté par des grincements désagréables, mais il ne s’est pas découragé, et touche après touche, a fini par trouver l’accord parfait.
[Réflexions tirées de l’épisode] Se pourrait-il que la musique de la tante Aimée ait produit des miracles ? Que ce petit animal hostile puisse se transformer en être sensible ? Et sa sœur, cette bécasse de Florence, aura-t-elle aussi été touchée par la grâce et renoncera-t-elle à me martyriser tous les matins ?
conseil
À la personnification du piano peut correspondre l’animalisation des humains.
Sujet de réflexion
[Introduction] Certaines décisions sont mûrement réfléchies, d’autres prises sans questionnement préalable. Doit-on faire des choix spontanés ou est-il préférable de prendre le temps de raisonner avant de se décider ?
[Des décisions soudaines] L’incipit du roman Madame Pylinska et le secret de Chopin se présente comme un récit d’enfance mené à la première personne, où le narrateur porte le même prénom que l’auteur, « Éric ». Il raconte la décision soudaine prise après avoir écouté sa tante jouer du Chopin au piano : prendre à son tour des cours sans attendre. La grande émotion qu’il a ressentie impose ce choix comme une révélation, et peut expliquer la rapidité de cette résolution. En effet, plus le sentiment éprouvé est fort, plus la décision peut être instantanée car évidente. Cette décision est certes précipitée, mais elle n’est pas farfelue et correspond à une envie sincère et profonde.
[Transition] Toutefois, il n’est pas toujours bon de faire certains choix sans réflexion personnelle aboutie. L’enjeu de certaines décisions est en effet trop important pour être pris à la légère.
[Des décisions réfléchies] On demande ainsi aux élèves de prendre assez tôt des décisions concernant leur orientation : ces choix, au collège puis au lycée, auront un impact sur leurs études supérieures et donc en théorie aussi sur leur futur métier. Est-il raisonnable alors de s’engager dans une voie pendant plusieurs années sans y avoir longuement réfléchi ? Certains, influencés par des séries télévisées, aimeraient être avocats et commencent de longues études de droit sans savoir exactement de quoi il retourne. Peut-être se rendront-ils compte un peu tard que le métier est très éloigné de l’univers décrit dans les films qui avaient pu motiver leurs choix. Une solide réflexion aurait sans doute été une meilleure solution.
[Conclusion] Les décisions soudaines ne sont pas forcément mauvaises, mais elles ne sont pas forcément bonnes non plus ! Tout dépend de la profondeur des envies et du poids de ces choix sur notre vie.
info +
La conclusion ne se contente pas de rappeler les grandes étapes de la réflexion. Elle permet de surmonter la contradiction apparente entre les deux parties.