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L'expression de la révolte dans les Cahiers de Douai

Sujet d’écrit • Dissertation

L’expression de la révolte dans les Cahiers de Douai

4 heures

20 points

Intérêt du sujet • Dès ses seize ans, Rimbaud fait reconnaitre son talent par des poètes influents. Qu’ont donc de si particulier ses poèmes pour les intéresser ainsi ?

 

 On dit de Rimbaud qu’il est un poète de la révolte : comment s’exprime-t-elle dans les Cahiers de Douai ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur les Cahiers de Douai, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé et sur votre culture personnelle.

 

Les clés du sujet

Analyser le sujet

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Formuler la problématique

C’est un adolescent à l’étroit dans son univers familial, scolaire, social, conscient des enjeux politiques de son époque, qui écrit les poèmes qui composent les Cahiers de Douai. On peut se demander comment Rimbaud se libère de tous ces liens dans son écriture poétique.

Construire le plan

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : 1. Comment se défaire des modèles littéraires ?; Demandez-vous quels sont les poèmes qui s’apparentent à des formes poétiques déjà vues.Comment Rimbaud y appose-t-il sa marque ?; Ligne 2 : 2. Les thématiques du refus; Recensez les poèmes dans lesquels Rimbaud exprime une révolte et demandez-vous contre quoi elle s’exerce.De quelles manières exprime-t-il sa révolte ?; Ligne 3 : 3. Une liberté créatrice; Intéressez-vous aux poèmes qui chantent la liberté.Montrez quelles libertés Rimbaud prend avec la langue et les règles de versification.;

Les titres en couleur ou entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] C’est un adolescent à l’étroit dans son univers familial, scolaire, social, conscient des enjeux politiques de son époque qui écrit les poèmes composant les Cahiers de Douai. [Sujet] On dit de lui qu’il est un poète de la révolte. [Problématique] On peut se demander comment Rimbaud se libère de tous ces liens dans son écriture poétique et cela dès ses premiers poèmes qui composent les Cahiers de Douai. [Annonce du plan] Nous ­verrons d’abord comment le poète parvient à se démarquer de l’influence de ses prédécesseurs ; puis nous traiterons des différents thèmes qui font le socle de ses révoltes ; enfin, nous verrons comment il crée sa propre voix poétique à la recherche d’une nouvelle langue.

I. Comment se défaire des modèles littéraires ?

1. L’empreinte des anciens

« Soleil et chair », long poème construit sur le modèle latin, chante la création du monde par les dieux de la mythologie. Mais, dans « Venus Anadyomène », le poète montre son insolence en faisant de Vénus un personnage repoussant.

Dans « Ophélie », poème à la césure régulière et au rythme lent, Rimbaud semble s’aligner sur les poètes romantiques qui ont souvent repris la figure d’Ophélia, personnage de Hamlet de W. Shakespeare. Mais le huitième quatrain éclate avec violence dans une vision poétique : « Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !/Tu te fondais à lui comme une neige au feu : /Tes grandes visions étranglaient ta parole/– Et l’Infini terrible effara ton œil bleu ! »

Rimbaud s’empare aussi du Tartuffe de Molière dans « Le Châtiment de Tartufe », mais va plus loin que le dramaturge. Il fait le portrait d’un personnage répugnant, en montre l’obscénité, et par-delà, celle de la religion hypocrite derrière laquelle Tartuffe se cache.

2. L’influence des modernes

Rimbaud, en envoyant ses poèmes à Théodore de Banville, cherche à se faire publier dans la revue Le Parnasse contemporain. Il doit donc faire allégeance au Parnasse tout en affirmant sa différence.

Si les références mythologiques de « Soleil et chair » s’inscrivent dans la veine parnassienne, « Bal des pendus », poème réaliste et grimaçant, va à l’encontre des principes du Parnasse qui s’érige contre le réalisme et la laideur.

Rimbaud admire Baudelaire. Des similitudes existent entre « Le Buffet » de Rimbaud et « le gros meuble à tiroirs » de Baudelaire (Spleen LXXVI). Mais si Baudelaire en fait la métaphore de son « triste cerveau », Rimbaud en révèle avec plaisir les secrets comme s’il feuilletait un vieux livre d’histoires.

citation

« Un gros meuble à tiroirs encombrés de bilans,/De vers, de billets doux, de procès, de romances,/Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,/Cache moins de secrets que mon triste cerveau. » Baudelaire, Les Fleurs du mal, « Spleen et Idéal », 1857.

[Transition] C’est donc dans la reprise et la réappropriation que Rimbaud s’émancipe des influences littéraires qui ont nourri sa culture poétique. Mais cette émancipation s’exprime aussi dans le choix des thèmes traités.

II. Les thématiques du refus

1. La mesquinerie bourgeoise tournée en dérision

« À la musique » est composé comme un diptyque. Les six premiers quatrains font un tableau sans pitié des « bourgeois poussifs ». Le gandin, le notaire, les rentiers, les employés de bureau, leur femme, les épiciers et même les voyous, nul n’échappe au regard méprisant du poète.

Ils sont méprisables dans leur aspect physique qui montre leur suffisance et dans la petitesse de leurs préoccupations liées à l’argent et à l’apparence.

À l’inverse, l’autoportrait de Rimbaud, au rythme plus vif, le montre en étudiant débraillé. Nul besoin, comme les pioupious, de caresser les bébés ou de parler pour enjôler les bonnes, le jeu des regards suffit pour exprimer le désir.

2. Les attaques contre Napoléon III, le politique, la religion

En 1870, date des Cahiers de Douai, Napoléon III est Empereur des Français et déclare la guerre aux Prussiens. Rimbaud montre son opposition à Napoléon III et à la guerre franco-prussienne dans plusieurs sonnets.

Il utilise la structure du sonnet pour dénoncer les prétentions bonapartistes. Dans « Morts de Quatre-vingt-douze… », il exalte l’héroïsme des soldats morts pour les idéaux de la Révolution française (onze premiers vers) et réserve la chute pour dénoncer la manipulation des bonapartistes. Dans « L’Éclatante Victoire de Sarrebrück », le poète achève de ridiculiser l’Empereur dans les deux tercets.

C’est aussi sous la forme du sonnet qu’il s’attaque à l’Empereur de manière directe – « Rages de Césars » – ou indirecte – « Le Mal », dans lequel sont mis en accusation et le Dieu qui se rit de la guerre et l’Empereur qui l’a déclarée.

3. La dénonciation de la misère

Dans « Le Forgeron », Rimbaud reprend une anecdote historique et dresse un tableau précis des rapports de classe entre paysans, ouvriers et la noblesse qui abat sa puissance sur les classes pauvres et les maintient dans la misère.

Le poème « Les Effarés » montre les enfants pauvres, affamés et gelés regardant le boulanger cuire son pain dans la chaleur de son fournil. Ils n’ont droit ni à la chaleur ni au pain, mais au « vent d’hiver ».

« Le Forgeron », en alexandrins réguliers, à la forme emphatique, est une accusation argumentée ; « Les Effarés », composé de tercets de deux octosyllabes et d’un tétrasyllabe, joue sur l’émotion. Les tétrasyllabes forment un poème interne (« Leurs culs en rond »/« Le lourd pain blond »/« Dans un trou clair »/« Chante un vieil air »/« Chaud comme un sein »/« On sort le pain »/« Et les grillons »/« Sous leurs haillons »/« Qu’ils sont là, tous »/« Entre les trous »/« Du ciel rouvert »/« Au vent d’hiver »).

[Transition] Nous avons vu les principaux thèmes sur lesquels Rimbaud exerce sa critique et la manière dont il ajuste sa voix à la thématique traitée, mais il prend aussi d’autres voies pour clamer son goût pour la liberté.

III. Une liberté créatrice

1. La « liberté libre »

Cette révolte contre toutes les autorités et les injustices va de pair avec la revendication d’une liberté totale, comme il l’écrit à Izambard en novembre 1870 : « Que voulez-vous, je m’entête affreusement à adorer la liberté libre. »

Cette liberté vraiment libre, Rimbaud la trouve dans la fugue et le vagabondage, dont il raconte des épisodes dans « Au Cabaret-Vert », ou dont il dit le bonheur dans le célèbre « Ma Bohême ».

Il n’y a ici plus d’attache aux anciens, d’appropriation ni de prise en compte d’un contexte politique et social, mais une relation totalement personnelle au cosmos, à la nature et à l’écoute des sensations.

2. Une poésie inventive

Cette expérience de la liberté contribue à l’invention d’une poésie qui, sous des dehors de légèreté (« Roman »), cherche une « langue nouvelle ».

citation

« En attendant, demandons aux poètes du nouveau, – idées et formes. Tous les habiles croiraient bientôt avoir satisfait à cette demande. – Ce n’est pas cela ! » Rimbaud, Lettre dite du Voyant, Lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871.

Rimbaud prend des libertés avec la langue, il crée des néologismes – on « Robinsonne » (« Roman ») – et emploie des expressions triviales relevant d’un lexique familier, voire grossier.

Dans ses vers, le poète semble s’amuser à tordre la langue et la syntaxe. Les nombreux rejets perturbent la cohérence syntaxique, et parfois même le sens : « Tout plein, c’est un fouillis de vieilles vieilleries,/De linges odorants et jaunes, de chiffons/De femmes ou d’enfants, de dentelles flétries » (« Le Buffet »).

Conclusion

[Synthèse] Les Cahiers de Douai forment un riche recueil dans lequel s’expriment les différentes facettes de l’écriture poétique du jeune Rimbaud : réappropriation parfois insolente de la poésie de ses prédécesseurs, révolte ouverte face aux événements et à la société de son époque, revendication d’une liberté totale le menant à la création d’une poésie inventive.

[Ouverture] C’est cette nouvelle poésie qu’il expose dans les Lettres dites du « Voyant » dans lesquelles il porte un jugement critique sur les poètes du xixe siècle et énonce les principes d’une poésie radicalement nouvelle.

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