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L'homme est-il un être vivant comme les autres ?

Polynésie française • Juin 2017

dissertation • Série S

L'homme est-il un être vivant comme les autres ?

Les clés du sujet

Définir les termes du sujet

L'homme est-il un être vivant

Le vivant se définit par son activité organique, qui n'implique pas nécessairement la conscience : l'être vivant est un organisme, c'est-à-dire un système d'organes dont chacun participe au fonctionnement du tout. On distingue certaines fonctions propres au vivant : la nutrition, la reproduction, la cicatrisation et l'autorégulation, par lesquelles il résiste à la mort.

Comme les autres

Être « comme les autres » peut signifier être identique à eux, leur ressembler, ou encore être égal à eux. La question porte donc sur une comparaison entre l'homme et les autres êtres vivants, végétaux ou animaux.

Dégager la problématique et construire un plan

La problématique

Il s'agit de savoir si l'homme présente des spécificités par rapport aux autres êtres vivants, et lesquelles. Qu'est-ce qui est propre à l'homme, et qu'est-ce qui le distingue en particulier de cet être vivant proche de lui qu'est l'animal ? Y a-t-il entre eux des différences de nature, ou bien de degré ? Tout le problème est de savoir si l'homme ressemble aux autres vivants, s'il leur est identique, ou encore s'il peut être considéré comme leur égal.

Le plan

Dans un premier temps, nous verrons en quoi l'homme est plus qu'un être vivant. La vie ne saurait définir l'homme, être doué de raison et d'âme.

Dans un deuxième temps, nous étudierons en quoi l'homme est un être vivant supérieur aux autres. Pourtant, l'homme ressemble aux vivants : mais est-il leur égal ?

Enfin, nous verrons que l'homme est un être vivant comme les autres.

Il faut reconnaître avant tout l'unité du vivant.

Éviter les erreurs

Le sujet vous invite à interpréter la formule « comme les autres » : être comme les autres peut signifier être identique, égal, ou différent d'eux, ce qui renvoie à un repère du programme que vous devrez mettre en œuvre.

Corrigé

Les titres en couleurs et les indications entre crochets servent à guider la lecture mais ne doivent en aucun cas figurer sur la copie.

Introduction

Y a-t-il une spécificité de l'homme au sein des êtres vivants ? Si nous ne ressemblons pas à une fleur ni à une bactérie, il semble en revanche que nous soyons très proches de l'animal auquel nous ne sommes pourtant pas enclins à nous identifier. Mais en quoi lui serions-nous supérieur ? Le vivant se définit par son activité organique, qui n'implique pas nécessairement la conscience : l'être vivant est un système d'organes dont chacun participe au fonctionnement de l'ensemble, et qui se distingue par certaines fonctions : la nutrition, la reproduction, la cicatrisation et l'autorégulation, par lesquelles il résiste à la mort. Être « comme les autres » peut signifier leur ressembler, être identique ou encore être égal à eux. De fait, l'homme fait partie des êtres vivants : mais présente-t-il des spécificités par rapport aux végétaux ou aux animaux, et lesquelles ? Y a-t-il entre eux des différences de nature, ou bien de degré ? Tout le problème est de savoir si l'homme est radicalement différent des autres êtres vivants, en quoi il leur ressemble, ou encore si tous les êtres vivants peuvent être considérés d'une égale dignité.

1. L'homme serait bien plus qu'un être vivant

A. L'homme n'est pas réductible au vivant

Dans un premier temps, on pourrait penser que même s'il fait partie des êtres vivants, l'homme ne saurait se définir par la vie comprise comme activité organique. C'est ce qu'affirme Descartes pour qui cette activité est analogue au fonctionnement d'une machine. Ainsi, la théorie mécaniste du vivant, selon laquelle il y aurait analogie de fonctionnement entre l'être vivant et l'objet artificiel, établit à la fois la proximité de l'inanimé et du vivant, et la différence de nature entre l'homme et les autres vivants.

B. L'homme serait le seul être vivant doué d'âme et de raison

info

La ressemblance désigne un rapprochement entre des objets différents ayant certains éléments en commun.

En effet, dès lors que s'efface la frontière qui sépare le vivant de l'automate, apparaît la spécificité de l'homme parmi les vivants : seul l'homme, dit Descartes, dispose d'une âme, et d'une raison, dont l'existence est attestée par son langage. Si l'animal, ce vivant que l'on pourrait penser proche de nous en ce que l'on observe chez lui des comportements qui ressemblent aux nôtres, a bien une « voix » par laquelle il communique ses passions, il ne dispose pas pourtant de ce pouvoir de manifester sa pensée par des signes qu'est le langage. S'il n'a pas de langage, c'est donc qu'il ne pense pas. Par ailleurs, précise Descartes, si les bêtes « pensaient ainsi que nous, elles auraient une âme immortelle aussi bien que nous ; ce qui n'est pas vraisemblable, à cause qu'il n'y a point de raison pour le croire de quelques animaux, sans le croire de tous, et qu'il y en a plusieurs trop imparfaits pour pouvoir croire cela d'eux, comme sont les huîtres, les éponges, etc. ».

C. L'homme est radicalement différent des autres êtres vivants

Ainsi, l'homme ne saurait se définir par son caractère de vivant mais avant tout par son âme et par sa raison, qui marqueraient sa différence de nature, et non de degré, avec l'animal. Autrement dit, l'homme serait radicalement distinct de l'animal. Cette conception anthropologique conclut ainsi à une supériorité radicale de l'homme qui fonde ses droits sur l'ensemble des êtres vivants : il semble que l'homme soit bien plus, et finalement toute autre chose qu'un animal.

[Transition] Pourtant, l'homme n'est-il pas bien plus comparable à un animal qu'à une machine, et, en ce sens, n'est-il pas avant tout un être vivant, ayant la vie en commun avec les autres êtres vivants ?

2. L'homme serait un être vivant supérieur aux autres

A. Le vivant n'est pas une machine mais un ensemble de fonctions

La théorie cartésienne établit qu'il n'y a ni pensée ni sensibilité chez l'animal : la vie résiderait dans la seule « chaleur du cœur ». Pourtant, n'est-ce pas nier la spécificité du vivant ? Dans la Critique de la faculté de juger, Kant met en évidence la spécificité de l'être organisé par rapport à la machine : c'est que tout vivant, dit-il, dispose d'une « force formatrice », qui consiste en un ensemble de fonctions par lesquelles il lutte contre la mort. Tout vivant dispose ainsi du pouvoir de se nourrir, de se reproduire, de s'autoréguler et de s'autoréparer. L'huître, l'éponge, ces animaux auxquels nous ressemblons peu, et sur lesquels s'appuie Descartes pour montrer qu'il n'est pas concevable de prêter une âme aux animaux, disposent comme nous de cet extraordinaire pouvoir de s'adapter à leur environnement ou de créer de nouvelles vies.

B. L'homme ressemble aux autres vivants mais n'est pas égal à eux

info

« Égal », qui vient du latin aequalis, signifie « du même niveau ». « Identique », qui vient du latin idem, signifie « le même ».

Faut-il alors admettre que nous sommes des êtres vivants comme les autres, en ce sens que nous serions identiques à eux ? Si nous ressemblons, par cet ensemble de fonctions que nous avons en commun, au reste des êtres vivants, il n'en reste pas moins, dit Kant, qu'ils ne sont pas nos égaux. En effet, s'il faut reconnaître une sensibilité à l'animal, il faut cependant, précise-t-il, distinguer l'homme de tout autre vivant en ce qu'il dispose d'une dignité particulière, résidant dans son aptitude morale.

C. L'homme est un être vivant moral

Ainsi, si nous n'avons pas tous les droits sur les autres vivants, ceux-ci étant des êtres sensibles, nous n'avons pas, pour autant, de devoirs envers eux : nous n'avons de devoirs qu'envers des sujets moraux, capables eux aussi de se reconnaître des devoirs vis-à-vis de nous. Or, les animaux ne sont pas dotés de cette raison par laquelle je reconnais la loi morale en moi : incapables de moralité, ils ne sont pas susceptibles d'être engagés dans une relation morale qui suppose la réciprocité. Nous sommes donc des êtres vivants supérieurs à tous les autres en dignité, et c'est seulement par devoir vis-à-vis de nous-mêmes, pour ne pas nous abîmer moralement, que nous devons veiller à ne pas brutaliser les vivants sensibles.

[Transition] Pourtant, pour quelles raisons devrait-on attribuer une supériorité à l'homme du fait de son aptitude morale ? L'homme n'est-il pas, du point de vue de la vie, l'égal des autres vivants ?

3. L'homme serait un être vivant comme les autres

A. Les vivants sont une communauté sensible

De fait, il convient de s'interroger sur ces tentatives sans cesse renouvelées d'identifier des différences de nature au sein des êtres vivants, et, par là, des hiérarchies. Tout l'enjeu d'une définition de l'homme n'est-il pas de fonder en droit le pouvoir qu'il exerce en fait sur la nature ? Dans La Libération animale, Peter Singer compare le sexisme, le racisme, et le spécisme défini comme « un préjugé ou une attitude de parti pris en faveur des intérêts des membres de sa propre espèce et à l'encontre des intérêts des membres des autres espèces ». Définir des espèces animales distinctes de l'espèce humaine, dit-il, n'a d'autre fondement que la volonté d'opérer des discriminations entre ces espèces. D'un point de vue moral, les vivants sont à envisager comme une communauté, en ce qu'ils ont en commun leur sensibilité.

B. L'homme est un être vivant parmi d'autres

Mais alors, si l'homme est avant tout membre de cette communauté des êtres vivants, ne peut-on pas dire que rien ne le distingue essentiellement de l'animal ? En affirmant que « l'homme et l'animal sont, et pour le moral et pour le physique, identiques en espèce », Schopenhauer souligne l'identité essentielle de l'homme et de l'animal, identité niée par cette morale spéciste sans autre fondement que théologique, et « qui méconnaît l'éternelle essence, présente en tout ce qui a vie, l'essence qui, dans tout œil ouvert à la lumière, resplendit comme dans une profondeur pleine de révélations ». Dire que les vivants sont égaux par essence, c'est rappeler à cette morale qui opère des différences que, du point de vue de la vie, rien n'établit la différence de nature ni la supériorité de l'homme sur les autres vivants.

Conclusion

En définitive, l'homme n'est pas seulement comparable aux autres vivants : s'il est bien un être vivant particulier, il est essentiellement identique à eux. Tout l'enjeu de cette réflexion anthropologique est de savoir quel rapport nous devons établir avec les autres êtres vivants. Si nous sommes des êtres vivants parmi d'autres, si ce qui prévaut est l'unité du vivant, dès lors, plus rien ne saurait fonder les droits dont nous nous réclamons sur les animaux, ni même sur des végétaux auxquels on reconnaîtrait une sensibilité.

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