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La bataille de Yosemite

Étude critique de document

La bataille de Yosemite

2 heures

10 points

Intérêt du sujet • La nature états-unienne est considérée par la plupart des habitants du pays comme un élément essentiel de leur identité. C'est ce qu'illustre l'affaire du Yosemite Park évoquée par l'article suivant.

 

 D'après le document proposé, vous expliquerez les raisons des oppositions au rachat par une entreprise japonaise de la société exploitant les services de Yosemite Park et vous montrerez que ce parc constitue un des lieux de l'identité états-unienne.

DocumentLe parc naturel, patrimoine des États-Unis

L'article évoque la bataille qui opposa, fin 1990, l'entreprise japonaise d'électronique Matsushita et le gouvernement fédéral à propos du Yosemite Park. Cédant aux pressions, l'entreprise japonaise s'engagea, en janvier 1991, à revendre la société commerciale du parc à une fondation à but non lucratif.

L'acquisition de la firme américaine MCA1 par le japonais Matsushita, annoncée fin novembre [1990], provoque finalement un sursaut de nationalisme aux États-Unis. Non pas parce que, en offrant 6,6 milliards de dollars (33 milliards de francs) pour le rachat de la firme cinématographique MCA, le géant japonais de l'électronique met la main sur une partie du capital artistique américain. Depuis la reprise, l'an dernier, de Columbia par Sony, les Américains ont appris à ne plus s'émouvoir des incursions nippones en territoire hollywoodien.

Cette fois Matsushita a avancé, semble-t-il, ses pions un peu loin. En achetant MCA, le groupe japonais met aussi la main sur divers services (hôtels, restaurants, campings, épiceries…) situés dans le célèbre parc naturel de Yosemite, en Californie. C'est cette atteinte au patrimoine national que les autorités américaines ont choisi de dénoncer.

Les propriétés de MCA à Yosemite pèsent pourtant « seulement » 300 millions de dollars. Somme bien faible comparée aux milliards du Rockefeller Center2, autre symbole de la culture américaine également passé l'an dernier sous la coupe d'intérêts nippons. Mais il est plus facile, pour l'administration de Washington, de mobiliser son opinion sur une opération touchant à des arbres qui ont au moins l'âge de la nation américaine plutôt qu'à des intérêts industriels ou financiers. Le ministre de l'Intérieur, M. Manuel Lujan Jr, a d'ailleurs annoncé mardi 1er janvier [1991] sa volonté d'annuler la concession de MCA à Yosemite, en expliquant qu'il avait l'impression que « les Japonais achetaient la totalité des États-Unis ».

« La bataille de Yosemite », Le Monde et AFP, 3 janvier 1991.

1. MCA (Music Corporation of America), créée en 1924, était une entreprise états-unienne travaillant dans l'industrie du disque, du cinéma et dans la télévision.

2. Gigantesque ensemble commercial de 19 gratte-ciel sur la 5e Avenue à New York.

 

Les clés du sujet

Identifier le document

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Comprendre la consigne

La consigne vous invite d'abord à réfléchir à la pénétration économique japonaise aux États-Unis pendant les années 1990.

Il s'agit ensuite de comprendre pourquoi, d'après le texte, le rachat des infrastructures commerciales de Yosemite Park par Matsushita, a engendré une telle opposition.

Dégager la problématique et construire le plan

L'article évoque en particulier les investissements des FMN japonaises aux États-Unis au cours des années 1990.

Il traite surtout des réactions provoquées par ces investissements en mettant l'accent sur les oppositions suscitées par la mainmise des Japonais sur Yosemite Park.

L'enjeu du sujet est d'analyser les ressorts de cette affaire et de montrer comment le possible rachat de Yosemite Park cristallise l'opinion états-unienne, qui considère cet espace naturel comme un haut-lieu de l'identité nationale.

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : I. Investissements des multinationales japonaises aux États-Unis; Quelles sont, d'après l'article, les entreprises états-uniennes rachetées par des capitaux japonais ?En quoi le rachat de MCA par Matsushita n'est pas une opération financière comme les autres ?; Ligne 2 : II. Le rachat de Yosemite Park : une opposition aux multiples raisons; Ne peut-on pas dire que l'opposition aux IDE japonais est teintée de nipponophobie ?Pourquoi Yosemite Park constitue-t-il un enjeu symbolique majeur ?; Ligne 3 : III. Une affaire économique devenue affaire d'État; Quel est le rôle des citoyens états-uniens dans l'opposition à Matsushita ?Quel est le rôle de l'État fédéral de cette affaire ?;

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] Depuis le xixe siècle, la Wilderness constitue un des lieux de l'identité états-unienne. [Présentation du sujet] Le texte qui nous est ici présenté est un extrait d'un article du Monde de janvier 1991, signé par la rédaction du quotidien et l'AFP (Agence France Presse). Il évoque les remous créés par la prise de contrôle des infrastructures commerciales de Yosemite Park (Californie) par l'entreprise japonaise d'électronique Matsushita. [Problématique] Comment cette affaire, dans un contexte de rachat d'entreprises états-uniennes par des multinationales japonaises, est-elle emblématique de l'attachement des États-Unis à son patrimoine national naturel ? [Annonce du plan] Nous verrons d'abord la façon dont les investissements japonais aux États-Unis se sont multipliés dans les années 1980 [I]. Nous analyserons ensuite les raisons pour lesquelles le rachat de Yosemite Park par la firme Matsushita a provoqué de multiples oppositions [II]. Enfin, nous observerons comment cette affaire, à l'origine économique, est devenue une affaire d'État [III].

I. Les investissements des FMN japonaises aux États-Unis

1. Des multinationales japonaises conquérantes

Les années 1980 correspondent à la période finale de la « haute croissance » au Japon (1950-1980) et à une période d'expansion mondiale du capitalisme japonais dont l'article se fait l'écho.

Le secret de fabrication

Il est indispensable de renvoyer au texte. Ceci peut prendre la forme de simples renvois ou de citations, mais celles-ci doivent être expliquées et venir à l'appui de votre démonstration.

Ainsi, outre le Rockefeller Center, gigantesque ensemble commercial new-yorkais composé de 19 tours racheté par Mitsubishi en 1989 (l. 16-18), les investissements japonais s'intéressent alors tout particulièrement au secteur des industries de divertissement, comme les studios de cinéma hollywoodiens. L'article mentionne ainsi « la reprise, l'an dernier, de Columbia par Sony » (l. 7), autre géant japonais de l'électronique.

2. Le rachat de MCA par Matsushita

En novembre 1990, Matsushita décide de racheter la société MCA (Music Corporation of America) pour la somme de 6,6 milliards de dollars (l. 1-4), prenant ainsi le contrôle d'une des principales maisons de production musicale et cinématographique de l'époque.

conseil

Essayez d'utiliser des citations courtes qui se fondent dans votre commentaire.

Mais « Cette fois Matsushita a avancé, semble-t-il, ses pions un peu loin » car « en achetant MCA, le groupe japonais met aussi la main sur divers services (hôtels, restaurants, campings, épiceries…) situés dans le célèbre parc naturel de Yosemite, en Californie » (l. 11-13). Paradoxalement, ce n'est pas le rachat d'un des plus gros studios cinématographiques qui va susciter une vive opposition mais la prise de contrôle des services du parc de Yosemite.

[Transition] Les investissements japonais aux États-Unis sont nombreux au cours des années 1980. C'est cependant autour de l'enjeu essentiellement symbolique représenté par les services commerciaux du parc de Yosemite que va se cristalliser l'opposition à Matsushita, comme nous allons le voir.

II. Les raisons d'une opposition

1. Un rejet teinté de nipponophobie

mot clé

La ­nipponophobie est la peur ou la détestation de tout ce qui est japonais.

L'article affirme que le rachat de MCA par Matsushita est à l'origine d'un « sursaut de nationalisme aux États-Unis » (l. 3). Le rachat de plusieurs symboles de la culture américaine, comme le Rockfeller Center de New York (l. 17) a visiblement été ressenti comme une provocation par beaucoup d'États-Uniens.

La prise de contrôle par Sony et par Matsushita des studios Columbia et MCA a également permis à ces sociétés de mettre « la main sur une partie du capital artistique américain » (l. 6). Sans doute le journaliste utilise-t-il ici l'expression « mettre la main », dont la tonalité est péjorative, pour retranscrire l'état d'esprit de beaucoup d'États-Uniens.

2. Le Yosemite Park : un des lieux de l'identité états-unienne

Néanmoins, il est apparemment paradoxal que cette vague de nipponophobie éclate à propos de la prise de contrôle des services commerciaux de Yosemite Park. En effet, alors que Matsushita a déboursé 6,6 milliards de dollars pour acquérir MCA (l. 4-5), la valeur des sociétés commerciales de Yosemite Park, d'un intérêt économique secondaire, ne représente que 300 millions de dollars (l. 15-16).

L'opposition à la prise de contrôle de Yosemite Park par la FMN japonaise n'est donc pas de nature économique mais symbolique. Premier parc naturel, créé par l'État de Californie en 1864, le Yosemite Park, dans lequel se trouvent « des arbres qui ont au moins l'âge de la nation américaine » (l. 20-21) est perçu comme un des lieux essentiels de l'identité et son passage sous contrôle étranger est alors perçu par beaucoup d'États-Uniens comme une dépossession.

[Transition] L'hostilité au rachat des sociétés commerciales de Yosemite Park relève, comme nous venons de le voir, de motifs symboliques. C'est sur cette thématique que vont s'organiser de multiples formes d'oppositions vis-à-vis de la multinationale japonaise.

III. Une affaire économique devenue une affaire d'État

1. L'opinion états-unienne contre Matsushita ?

Ainsi que le fait observer l'article, l'opinion américaine s'est apparemment sentie peu concernée par le rachat par des firmes japonaises de groupes états-uniens au poids économique considérable, comme les studios de la Columbia ou le Rockefeller Center. L'opinion a, à l'inverse, réagi pour la cession d'une société ayant en charge « quelques arbres ».

Ceci montre que la question de la vente de Yosemite Park met en jeu des représentations qui touchent aux mythes fondateurs des États-Unis. La Wilderness, dont Yosemite Park avec ses arbres pluricentenaires, est perçue comme un des lieux de l'identité américaine, et une partie de l'opinion états-unienne voit donc dans l'offensive économique de Matsushita une menace contre celle-ci.

à noter

Célèbre pour ses chutes, ses dômes rocheux et ses forêts, Yosemite Park est parcouru chaque année par plus de 3,5 millions de randonneurs.

Le secret de fabrication

L'analyse, c'est-à-dire la compréhension, du document et son commentaire critique impose de mobiliser un important savoir, faute de quoi votre devoir n'est pas une étude critique mais une paraphrase. Ainsi, il est par exemple indispensable de mobiliser vos connaissances sur la représentation de la Wilderness et l'histoire des parcs naturels aux États-Unis.

2. Le rôle de l'État fédéral

C'est sur ce sentiment que capitalise l'État fédéral lorsqu'il décide d'intervenir, via Manuel Lujan Jr, secrétaire à l'Intérieur sous la présidence de George W. Bush, faisant ainsi de cette affaire, à l'origine économique, une affaire d'État.

Celui-ci prend l'initiative d'annoncer « mardi 1er janvier sa volonté d'annuler la concession de MCA à Yosemite, en expliquant qu'il avait l'impression que “les Japonais achetaient la totalité des États-Unis” » (l. 23-25).

Conclusion

[Réponse à la problématique] D'une simple affaire d'ordre commercial, le rachat de la société MCA par la FMN Matsushita devient une affaire d'État dans la mesure où Yosemite Park est perçu par les États-Uniens comme un élément de leur identité. [Critique du document] Cependant, le document ne nous permet pas de définir l'ampleur exacte des protestations. [Ouverture] Mais on peut supposer qu'elles furent très fortes, puisque Matsushita finit par céder, acceptant de revendre rapidement la société commerciale du parc de Yosemite à une fondation états-unienne à but non lucratif.

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