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La charte de 1814

L'Europe entre restauration et révolution

La charte de 1814

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Intérêt du sujet • L'avènement de Louis XVIII en 1814 fonde la Restauration, régime politique qui se pose dès lors – ainsi que son nom l'indique – comme un retour à un état antérieur. Mais le roi ne peut ignorer que la France a changé.

 

La charte de 1814 est-elle une « restauration » de l'Ancien Régime ? Après avoir montré que le texte proposé par Louis XVIII tient compte des événements traversés par la France depuis 1789, évaluez les pouvoirs que le roi se réserve, puis expliquez la situation que la charte institue.

La phrase soulignée devra être commentée.

DocumentPréambule de la Charte constitutionnelle proclamée le 4 juin 1814 (extraits)

LOUIS, Par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, À tous ceux qui ces présentes verront, salut.

La divine Providence en nous rappelant dans nos États après une longue absence nous a imposé de grandes obligations. La paix était le premier besoin de nos sujets, nous nous en sommes occupés sans relâche ; et cette paix si nécessaire à la France comme au reste de l'Europe est signée. Une Charte constitutionnelle était sollicitée par l'état actuel du Royaume ; nous l'avons promise et nous la publions. Nous avons considéré que, bien que l'autorité tout entière résidât en France dans la personne du Roi, nos prédécesseurs n'avaient point hésité à en modifier l'exercice […] : nous avons reconnu que le vœu de nos sujets pour une Charte constitutionnelle était l'expression d'un besoin réel […]. Sûr de nos intentions, fort de notre conscience, nous nous engageons devant l'Assemblée qui nous écoute à être fidèle à cette Charte constitutionnelle. […] Nous avons volontairement, et par le libre exercice de notre autorité royale, accordé et accordons, fait concession et octroi à nos sujets, tant pour nous que pour nos successeurs, et à toujours de la Charte constitutionnelle qui suit :

Article 1. Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs. […]

Article 4. Leur liberté individuelle est également garantie, personne ne pouvant être poursuivi ni arrêté que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.

Article 5. Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection.

Article 6. Cependant la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l'État. […]

Article 13. Au Roi seul appartient la puissance exécutive. […]

Article 15. La puissance législative s'exerce collectivement par le Roi, la Chambre des Pairs et la Chambre des Députés des départements.

Article 16. Le Roi propose la loi. […]

Article 19. Les Chambres ont la faculté de supplier le Roi de proposer une loi sur quelque objet que ce soit, et d'indiquer ce qu'il leur paraît convenable que la loi contienne. […]

Article 22. Le Roi, seul, sanctionne et promulgue les lois.

 

Les clés du sujet

Comprendre la consigne

La consigne propose de confronter les concessions faites par Louis XVIII à la Révolution aux pouvoirs politiques qu'il « se réserve ». Elle invite ensuite à expliquer la situation qui en découle.

Présenter le document

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Organiser sa réponse

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : I. Les concessions du roi; Rappelez ce qu'est une charte.Que fait le roi des « vœux de ses sujets » (l. 11-12) ? Quels principes de 1789 sont inscrits dans le texte ?Cherchez dans la charte les pouvoirs qui échappent au roi. Qui les détient ?; Ligne 2 : II. Les pouvoirs du roi; Recensez les pouvoirs politiques du roi. Comment se combinent-ils ?En termes de pouvoir, que signifie « nous avons volontairement… concession et octroi à nos sujets » (l. 15-17) ? Dans quelle position se place le roi par rapport à la charte ? Comment se justifie-t-il ?Quelle alliance l'article 6 renoue-t-il ?; Ligne 3 : III. Une restauration limitée; Évaluez la puissance politique du roi par rapport aux députés et à ses sujets.En quoi un texte constitutionnel, l'existence d'une assemblée et l'affirmation des libertés sont-ils des nouveautés ? Confrontez ces points avec vos connaissances sur l'Ancien Régime.;

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Contexte] Napoléon Ier vaincu, les Bourbons sont rétablis sur le trône de France. [Problématique] L'avènement de Louis XVIII, frère de Louis XVI, se traduit-il par une restauration de l'absolutisme ? [Présentation du document et annonce du plan] Le 4 juin 1814, le roi présente un texte constitutionnel qu'il nomme « charte ». Nous en analyserons les extraits proposés afin de mettre en avant les concessions du roi à la Révolution [I], puis les prérogatives que le monarque se réserve [II]. Il sera alors possible de déterminer dans quelle mesure le nouveau pouvoir est une « restauration », ou non, de l'Ancien Régime [III].

à noter

Une charte est un texte solennel qui définit les règles d'une société. Elle fait alors office de Constitution.

I. Les concessions du roi aux principes de la Révolution

Le conseil de méthode

Pour justifier vos réponses, citez un mot du texte ou un groupe de mots (« liberté » ou « vœux de ses sujets », par exemple). Localisez vos citations dans le texte (« article 4 » ou « l. 11-12 »). Mais attention : une citation ne suffit pas toujours pour faire argument. Il vous faut expliquer en quoi l'extrait cité répond au sujet : ici, les « vœux des sujets » sont des « revendications du peuple ».

Texte faisant Constitution, le roi prend en compte les « vœux de ses sujets » (l. 11-12), autrement dit les revendications du peuple. Il leur accorde le respect des valeurs proclamées en 1789 par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : l'égalité (article 1), la liberté (articles 4 et 5) et la justice selon la loi (article 4).

Les assemblées (Chambre des pairs et Chambre des députés) disposent d'une partie du pouvoir législatif (article 15). Elles peuvent aussi soumettre au roi des propositions de loi (article 19).

à noter

La Chambre des pairs est une assemblée législative représentant la noblesse du pays. Ses membres sont choisis par le roi et leur siège est héréditaire.

La justice est assurée par des magistrats qui jugent selon la loi (article 4). Le roi n'est plus « fontaine de justice » comme sous l'Ancien Régime.

[Transition] Louis XVIII l'admet lui-même : il fait des « concessions » à ses sujets (l. 17) ; quels pouvoirs se réserve-t-il toutefois ?

II. Les pouvoirs politiques que se réserve le roi

Par l'article 13, le roi détient « seul » la « puissance exécutive ». C'est lui qui gouverne, décide de la paix ou de la guerre – il y fait allusion l. 4-5 –, nomme les ministres. Il retrouve sur ce plan les pleins pouvoirs de Louis XVI.

Il exerce un important contrôle sur le pouvoir législatif : non seulement il partage celui-ci avec les assemblées (article 15), mais il choisit les lois à voter (article 16) et les promulgue (article 22). Il peut ainsi les retarder ou les bloquer. Ces prérogatives en matière législative donnent donne au roi un contrôle indirect sur le pouvoir judiciaire : le juge décide selon la loi choisie par le roi.

En proclamant le catholicisme religion d'État, l'article 6 restaure l'alliance du trône et de l'Église qui prévalait sous l'Ancien Régime au détriment des autres confessions.

[Transition] Le roi se réserve un important contrôle du pouvoir. Mais s'agit-il pour autant d'une « restauration » de l'Ancien Régime ?

III. L'avènement d'une monarchie limitée

Le conseil de méthode

Le préambule de la charte permet de mettre en évidence les justifications apportées par le roi à son pouvoir. Louis XVIII fait référence à la « divine Providence », à l'intérêt du royaume et à ses « prédécesseurs ». Pourquoi insiste-t-il sur ces références ? Montrez comment la forme soutient le fond. Expliquez la position de pouvoir que le roi veut imposer à ses sujets.

Le roi gouverne le pays selon les lois qu'il met en œuvre ou accepte et peut sanctionner toute personne qui contrevient à ces lois. Ses pouvoirs sont étendus : les députés sont soumis à son bon vouloir et les pairs sont même choisis par lui. Les Français sont ses « sujets » et la charte n'a de valeur que parce que Louis XVIII le veut bien. « L'autorité tout entière réside en France dans la personne du Roi », rappelle-t-il (l. 9-10).

La monarchie est cependant « constitutionnelle ». La charte définit ainsi des règles ou des coutumes que le roi doit suivre : respect de la « divine Providence » (l. 3), de l'intérêt du royaume (l. 8) ou de traditions établies par ses « prédécesseurs » (l. 10). Le pouvoir du roi n'est pas absolu. Bien que les députés soient élus au suffrage censitaire, leur choix lui échappe. Les libertés individuelles (d'opinion et religieuse) sont un acquis révolutionnaire qui n'est pas remis en cause.

à noter

Le suffrage censitaire est un système qui accorde le droit de vote aux personnes payant un certain niveau d'impôt (plus de 300 francs à l'époque).

Les idées révolutionnaires ont fait leur chemin. Revenu sur le trône par la grâce d'une coalition étrangère, Louis XVIII fait des concessions parce qu'il y est contraint par la volonté populaire. Les Français n'accepteraient pas le retour à l'Ancien Régime.

Conclusion

[Réponse à la problématique] La charte de 1814 établit une restauration monarchique avec un roi puissant, mais elle ne constitue pas un retour au régime absolutiste qui prévalait avant 1789. D'importantes concessions sont faites par un monarque au trône fragile face à des Français méfiants. [Ouverture] La chute de Charles X, en 1830, n'est-elle pas la preuve que les sujets du roi sont de véritables citoyens ?

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