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La Chine et l'espace

Dissertation

La Chine et l'espace

2 heures

10 points

Intérêt du sujet • Le sujet vous invite à analyser les liens entre la puissance géopolitique de la Chine et le domaine spatial. En quoi l'un renforce-t-il l'autre ?

 

La Chine et l'espace.

 

Les clés du sujet

Analyser le sujet

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Dégager la problématique

Le domaine spatial a vu l'affrontement des deux superpuissances (États-Unis et URSS) pendant la guerre froide. Or, l'émergence de la Chine réactive les rivalités dans ce domaine.

Dans quelle mesure la course à l'espace exprime-t-elle l'affirmation géopolitique et géoéconomique de la puissance chinoise et comment la renforce-t-elle ?

Construire le plan

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : I. Le « Grand Rattrapage »; Détaillez les étapes de la course à l'espace côté chinois.Relativisez ce « Grand Rattrapage ».; Ligne 2 : II. Des projets qui ouvrent une nouvelle ère; Faites le point des projets spatiaux chinois.Montrez en quoi ces projets sont avancés et soulignent les ambitions chinoises en la matière.; Ligne 3 : III. Des enjeux considérables; Analysez les enjeux géoéconomiques et géopolitiques.Analysez les obstacles auxquels la Chine doit faire face.;

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] Il y a très longtemps vivait Chang'e, l'épouse de l'archer Houyi. Ayant avalé à tort une double dose d'élixir d'immortalité, Chang'e perdit le contrôle de son corps et s'envola dans la Lune, où, depuis, elle vit éternellement. [Présentation du sujet] Cette légende chinoise nous rappelle que l'empire du Milieu s'est toujours intéressé à l'espace. Mais cet intérêt prend aujourd'hui des formes davantage technologiques. [Problématique] Dans quelle mesure la course à l'espace exprime-t-elle l'affirmation géopolitique et géoéconomique de la puissance chinoise et comment la renforce-t-elle ? [Annonce du plan] La Chine, partie en retard dans la course à l'espace, s'est en effet lancée dans un « Grand Rattrapage » [I]. Ses projets pour un avenir proche montrent qu'elle va aujourd'hui au-delà du simple rattrapage de l'Occident [II]. En effet, les enjeux tant économiques que géopolitiques liés au domaine spatial sont considérables [III].

Le secret de fabrication

Parfois, une accroche un peu différente des autres copies ou des pratiques habituelles peut surprendre le correcteur. C'est le cas ici : partez d'un élément de la mythologie chinoise (la déesse de la Lune, Chang'e) et rapprochez-la d'un des éléments du sujet (ici, la sonde spatiale Chang'e) pour mener le lecteur vers le sujet.

I. Le « Grand Rattrapage »

1. La Chine dépendante de l'aide soviétique

En 1956, en pleine guerre froide, le dirigeant chinois Mao Zedong inaugure un programme de missiles balistiques : l'objectif est militaire, mais il peut aussi servir à entrer dans la course à l'espace.

Avec l'aide des Soviétiques, les Chinois lancent en 1970 un premier satellite artificiel, Dong Fang Hong 1, au moyen d'une fusée Longue Marche 1. La Chine devient ainsi, après l'URSS, les États-Unis, la France et le Japon, la 5e puissance spatiale de l'Histoire.

à noter

Ce nom, Longue Marche, fait référence au périple de l'Armée populaire de libération dirigée par Mao pendant la guerre civile chinoise en 1934-1935.

2. Le tournant des années 2000

C'est cependant à partir des années 2000 que la Chine devient une puissance spatiale à part entière. Son exceptionnelle croissance économique depuis 1979 lui en donne enfin les moyens. Le budget spatial chinois – officiellement 11 milliards de dollars par an – semble modeste (48 milliards pour la NASA), mais il est en fait particulièrement opaque en raison de son caractère stratégique. Il finance en effet un programme spatial à marche forcée : le « Grand Rattrapage ».

En 2003, un premier taïkonaute est envoyé autour de la Terre dans une capsule Shenzhou 5. En 2008, un Chinois à bord d'une capsule Shenzhou 7 effectue une première sortie extravéhiculaire. En 2011, la Chine lance sa première station spatiale, Tiangong 1. Elle est aujourd'hui numéro 1 en matière de lancements spatiaux, assurant en 2019 un tiers des lancements. Elle multiplie les mises en orbite de satellites.

mot clé

Un taïkonaute est un spationaute chinois. Ce nom a été construit à partir du mot chinois taikong, « espace » et du suffixe -naute « navigateur ».

3. Objectif Lune ou le début de l'ère Chang'e

En 2013, la Chine franchit une nouvelle étape et rejoint le rang des puissances lunaires. Cette année-là, la mission Chang'e 3 dépose à la surface de notre satellite naturel un petit rover automatique, Yutu (« Lapin de jade »). En 2018, l'agence spatiale chinoise, la CNSA, récidive en lançant sa sonde lunaire, Chang'e 4, qui comprend un atterrisseur et un autre rover, Yutu 2.

L'exploit est tout autre cependant, car l'atterrisseur se pose le 3 janvier 2019 sur la face cachée de la Lune, ce qu'aucune autre puissance spatiale n'avait jamais réalisé, en raison de l'obstacle que constitue alors la Lune pour les communications avec la Terre (un projet que ni Américains ni Soviétiques n'ont jugé cependant utile d'accomplir… il y a quarante ans !).

à noter

La Lune tourne autour de la Terre en lui présentant toujours la même face.

[Transition] Le Grand Rattrapage est aujourd'hui à peu près terminé. La Chine est désormais une puissance spatiale de premier plan. Autrefois fondé sur des transferts massifs d'anciennes technologies soviétiques puis russes, voire sur un espionnage non moins massif des technologies occidentales, son programme spatial est à présent autonome. Une nouvelle ère s'ouvre.

II. Des projets qui ouvrent une nouvelle ère

1. Une station spatiale chinoise permanente

Si les Américains ont annoncé leur retrait de la station spatiale internationale (ISS) à partir de 2024, le gouvernement chinois a pour sa part prévu la mise en orbite, d'ici 2022, d'une station spatiale habitée. Cette station, Tiangong 3 (« palais céleste »), permettra alors à la Chine d'être le seul pays au monde à disposer d'une station orbitale.

Ce projet est destiné à mettre au point les technologies spatiales dont manque la Chine, à préparer les équipages à des vols spatiaux de longue durée, et aussi à effectuer des expériences scientifiques en microgravité.

2. Une base lunaire habitée

Cette expérience du vol spatial sera en effet déterminante pour la poursuite des projets spatiaux chinois. Le Grand Rattrapage de la Chine dans la conquête spatiale serait en effet incomplet sans l'envoi d'un humain sur la Lune, puisque cela a été fait par les États-Unis dès 1969. La Chine veut cependant aller plus loin, avec la création, d'ici 2030, d'une base lunaire permanente, peuplée dans un premier temps par des robots, puis par des humains.

Un simulateur de base lunaire a été construit à Pékin par l'université de Beihang, pour s'entraîner à des séjours de longue durée. Des retours d'échantillons lunaires sont programmés par les missions Chang'e 5 et 6. Chang'e 7 et 8 devront explorer complètement le pôle Sud de la Lune et mener les essais technologiques préalables à l'installation de la base lunaire. Celle-ci sera le point de départ pour d'autres projets, plus ambitieux encore.

3. Des projets à plus long terme

La Chine a en effet d'autres projets en cours. Certains sont directement liés à sa future station Tiangong 3, comme la création de centrales solaires dans l'espace. Ce projet, qui utilise des technologies bien connues, est déjà en cours de réalisation : une station solaire expérimentale devrait fonctionner entre 2021 et 2025.

D'autres projets sont liés à la future base lunaire, comme l'extraction de l'hélium-3 ou de minerais lunaires. Enfin, la Chine tourne ses regards vers Mars : la décennie 2020 devrait être celle de l'envoi de sondes martiennes, avec des rovers d'exploration, des retours d'échantillons vers 2030, et même la colonisation de la planète après 2040.

[Transition] La Chine a certes toujours du retard dans la course à l'espace : ses grandes réussites d'aujourd'hui sont celles des États-Unis et de l'URSS des années 1960. Il est néanmoins hors de doute que les efforts de Pékin vont au-delà du simple rattrapage. Les enjeux sont en effet considérables.

III. Des enjeux considérables

1. Des enjeux économiques

L'innovation spatiale est en effet un levier de développement, qui entraîne de nombreux secteurs économiques. Or, la Chine a placé le développement technologique au premier plan de ses préoccupations, avec le plan Made in China 2025. Les dépenses de R&D ont augmenté de 900 % en dix ans et atteignent aujourd'hui 400 milliards de dollars. L'économie chinoise de 2049, date de réalisation du « rêve chinois » du président Xi Jinping, doit être le leader technologique mondial.

Les technologies spatiales sont donc un vecteur essentiel de ce développement technologique, par les applications infinies qui en découlent. La techno­logie solaire spatiale permettra un développement propre et peu coûteux. Les ressources minières lunaires repousseront les limites de l'épuisement annoncé des ressources terrestres.

2. Des enjeux géopolitiques

La maîtrise spatiale est un atout géopolitique et symbolique majeur, qui renforce le prestige, donc le soft power du pays, ce qui explique le silence sur les échecs et la publicité donnée aux succès spatiaux chinois. Sur le plan intérieur, la fierté nationale est un outil de gouvernement essentiel pour l'État chinois, obsédé par le contrôle de sa propre population.

Sur le plan géostratégique, les applications militaires de l'espace sont légion : navigation satellitaire, détection des missiles balistiques, guidage des drones, satellites d'observation optique et électronique… Or, les activités spatiales chinoises sont sous le contrôle de l'Armée populaire de libération, et la plupart de ces activités sont mixtes, c'est-à-dire à double emploi civil et militaire.

3. L'espace, prochain théâtre d'affrontement ?

La Chine ayant fait la preuve régulière de ses capacités d'espionnage, les États-Unis leur appliquent la réglementation ITAR. Aucun composant électronique américain sensible ne peut ainsi figurer dans les satellites lancés par la Chine ou dans toute autre activité spatiale.

mot clé

L'International Traffic in Arms Regulation, réglementation sur le trafic d'armes international, existe depuis 1976.

L'isolement de la Chine dans le domaine spatial est donc lié à des raisons économiques et géostratégiques, les États-Unis considérant à juste titre Pékin comme son principal rival au xxie siècle. Il est vrai que le partage de technologies sensibles avec un partenaire qui a régulièrement montré sa capacité à copier illégalement des technologies étrangères ne va pas de soi.

Conclusion

[Réponse à la problématique] Le Grand Rattrapage chinois dans la course à l'espace, même s'il doit pour le moment être encore relativisé, débouche sur des projets susceptibles d'assurer à la Chine du xxie siècle une suprématie totale. Le domaine spatial renforce en effet le développement économique par les effets d'entraînement technologique qu'il implique. L'espace est donc un des leviers d'affirmation économique de la Chine. Mais la maîtrise du domaine spatial a également des implications militaires et géostratégiques majeures, à la fois de hard et soft power. En cela, l'espace participe de l'affirmation géopolitique de la puissance chinoise et la renforce de façon itérative. [Ouverture] Le « rêve chinois » du président Xi Jinping comporte manifestement une dimension spatiale. Hollywood ne s'y est pas trompé : dans le film Seul sur Mars, la NASA accepte une offre de sauvetage chinoise impliquant une fusée secrète. Finalement, l'honneur est sauf et c'est un vaisseau américain qui sauve Matt Damon. Mais pour combien de temps encore ?

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