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La forêt et l'humain dans Mes forêts d'Hélène Dorion

Sujet d’écrit • Dissertation

La forêt et l’humain dans Mes forêts d’Hélène Dorion

4 heures

20 points

Intérêt du sujet • Ce sujet va vous permettre de réfléchir à la relation qu’entretiennent l’humain et les forêts dans le recueil.

 

 La critique Catherine Rochette affirme que, dans Mes forêts : « Chaque élément de la forêt devient un personnage, la forêt est aussi vivante que l’humain, tout est en symbiose. » Dans quelle mesure cette citation éclaire-t-elle votre lecture du recueil d’Hélène Dorion ?

Vous répondrez à cette question dans un développement argumenté. Votre réflexion prendra appui sur le recueil au programme et sur les textes étudiés dans le cadre du parcours « la poésie, la nature, l’intime ».

 

Les clés du sujet

Analyser le sujet

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Formuler la problématique

Quelles relations unissent la forêt et l’humain dans ce recueil ? Sont-elles seulement placées sous le signe de la fusion et de la « symbiose » ?

Construire le plan

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : 1. Une forêt « aussi vivante que l’humain »; Comment la forêt et ses différents éléments sont-ils personnifiés ?Quels profits l’humain trouve-t-il à fréquenter les forêts ?; Ligne 2 : 2. Un monde de bruit et de fureur; Montrez que le danger et la violence sont présents, à la fois dans les forêts et dans la société.Dans la dernière partie du recueil, repérez les indices d’une relation conflictuelle entre les humains et le reste du vivant.; Ligne 3 : 3. Une symbiose opérée grâce à la poésie; Comment les métaphores employées permettent-elles de tisser des liens entre les hommes et la nature ?Étudiez le motif du chemin : vers où va-t-il ?;

Les titres en couleur ou entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] Philosophe et poétesse, Hélène Dorion est une figure majeure de la poésie québécoise. Elle écrit le recueil Mes forêts dans sa maison, en plein cœur des bois au Canada. [Explication du sujet] Il n’est donc pas étonnant que Catherine Rochette écrive, au sujet de ce recueil : « Chaque élément de la forêt devient un personnage, la forêt est aussi vivante que l’humain, tout est en symbiose. » En effet, les poèmes représentent l’univers vivant de la forêt et s’interrogent sur les liens qui nous unissent à elle. [Problématique] On peut cependant s’interroger sur la relation qui unit la forêt et l’humain. Est-elle seulement faite d’harmonie, de « symbiose » ? [Annonce du plan] Nous montrerons dans un premier temps qu’Hélène Dorion représente dans son recueil une forêt vivante, dont la fréquentation profite à l’humain. [I] Nous verrons toutefois que cette relation n’est pas aussi harmonieuse que semble l’indiquer C. Rochette. [II] Enfin, nous nous demanderons dans quelle mesure la poésie nous permet d’atteindre cette « symbiose ». [III]

I. Une forêt « aussi vivante que l’humain »

 Le secret de fabrication

Il s’agit de montrer que la nature est personnifiée et considérée comme un être vivant dont la fréquentation est bénéfique à l’humain.

1. Une nature vivante

Les forêts semblent vivantes et apparentent le recueil à un récit qui met en scène des personnages.

Plusieurs éléments de la forêt sont personnifiés : on rencontre « la maigre cicatrice de l’écorce » (p. 75), on entend surtout « le bégaiement des feuilles » (p. 31) ou les forêts qui « hurlent » (p. 14), tandis que les nuages « chuchotent à l’oreille des pierres » (p. 30). Au-delà d’un simple procédé de style, la forêt devient ainsi une personne à part entière.

Les forêts semblent parfois animalisées : « Mes forêts sont lièvres et renards », « elles sont coyote ours noir orignal/sittelle geai bleu mésange » (p. 39). Ces personnifications font de chaque élément de la forêt un personnage participant à une histoire.

La construction du recueil invite également à cette lecture : la première partie s’intéresse aux différents éléments composant la forêt : l’arbre, le ruisseau, le rocher, la branche, l’humus… Puis, progressivement, les poèmes prennent de l’ampleur jusqu’à déployer, dans la dernière section, « Le bruissement du temps », une histoire de l’humanité. En effet, les forêts portent en elles la trace d’histoires : « Mes forêts sont de longues tiges d’histoire » (p. 113). Les arbres semblent d’ailleurs en être les narrateurs : « Le temps jamais ne s’arrête/nous dit l’arbre/nous dit la forêt » (p. 110).

2. Une relation profitable à l’homme

Les forêts sont des lieux où les êtres vivants peuvent vivre en « symbiose ».

à noter

Le sujet part d’une citation. Pensez à y faire référence dans votre copie.

Les forêts d’Hélène Dorion sont présentées comme des lieux protecteurs pour l’homme afin de s’ancrer dans le monde, au contact d’une nature amie : « je me suis assise/au milieu de ces vastes alliés/sans voix » (p. 68). La poétesse semble se promener dans ces forêts, observer et écrire sur chaque élément qui lui offre cette protection. En ce sens, elle fait siennes les forêts, comme l’indique le déterminant possessif dans le titre du recueil.

Les forêts sont associées au sentiment d’exister : elles sont décrites comme un espace apaisé, où l’on peut exister librement, respirer : « la demeure/où respire ma vie » (p. 51). Elles sont également propices à une introspection bénéfique : « les forêts/apprennent à vivre/avec soi-même » (p. 13). Ce sentiment encadre le recueil, puisqu’Hélène Dorion débute et achève ce dernier en l’évoquant : « quand je m’y promène/c’est pour mieux prendre le large/vers moi-même. »

info

Le sentiment d’exister est décrit dans la cinquième promenade des Rêveries du promeneur solitaire (1782) de Jean-Jacques Rousseau comme le fait d’être pleinement présent au monde, afin d’atteindre le bonheur.

La verticalité des arbres, ancrés dans le sol, s’élançant vers le ciel, peut enfin symboliser un élan vers la spiritualité.

[Transition] Si le recueil rend les forêts « aussi vivante[s] » que l’humain et permet d’illustrer une association bénéfique entre eux, la relation entre ces êtres vivants n’est pourtant pas si apaisée.

II. Un monde de bruit et de fureur

 Le secret de fabrication

On étudie dans cette partie la violence et la sauvagerie contenues dans les forêts, comme dans la société des hommes.

1. Deux univers violents

Les forêts et le monde des hommes sont associés au fracas et au danger.

La forêt n’est pas seulement représentée comme un lieu protecteur et harmonieux, c’est également un lieu dangereux et sauvage. Les animaux qu’elle abrite sont des prédateurs, comme le hibou qui fond sur « la proie qui remue » (« Le sentier », p. 33). Le danger est aussi météorologique : les motifs de la cicatrice, de l’aiguille et de l’épine sont récurrents dans le recueil. Parfois, l’orage ou la tempête grondent.

Le monde des humains est, lui aussi, un monde violent. Les hommes sont assimilés à des « insectes affairés » (p. 73), pris par le temps, dominés par les écrans et les réseaux sociaux qu’Hélène Dorion résume par la formule « facebookinstagramtwitter » (p. 51). Les outils de la modernité semblent aussi venimeux que des animaux sauvages, comme en attestent les images qui leur sont associées : « rage virale », « comme un venin » (p. 86). Ils sont également violents entre eux, comme l’illustre la mention des guerres et des conflits tout au long du recueil.

Le bruit est particulièrement présent dans chaque univers. Ce vacarme, « alarmes du siècle » (p. 47) que rendent les mots et les sonorités de la poésie, invite au repli sur soi et non à l’ouverture au reste du monde.

2. Une relation conflictuelle

Les deux univers sont même parfois représentés comme antagonistes.

Certains poèmes font état de préoccupations écologiques face à la destruction de la nature par les hommes : « Du portable au jetable/le jardin où périt un monde/où l’on voudrait vivre » (p. 65). Les activités humaines semblent détruire le monde : « un bruit de ferraille déchire le paysage comme un vêtement usé. » (p. 73). La synesthésie rend plus sensible la violence des dommages causés par l’homme.

mot clé

La synesthésie désigne une associa­tion de plusieurs perceptions, ici l’ouïe, le toucher du fer et la vue du paysage.

Dans « Avant l’horizon », à la fin du recueil, Hélène Dorion rappelle la domination exercée par l’homme sur les autres êtres vivants, qu’il considère comme sa propriété : « On a dit que le coyote l’ours blanc/nous appartenaient/que les oiseaux volaient dans notre ciel/les poissons nageaient dans nos mers » (p. 104).

[Transition] Ainsi, le recueil fait état de deux mondes où la sauvagerie est présente. L’homme ne vit pas toujours en harmonie avec la nature et semble même la détruire.

III. Une symbiose opérée grâce à la poésie

 Le secret de fabrication

Dans cette partie, il s’agit de montrer que le travail d’écriture poétique crée des liens au sein du vivant pour inviter à trouver le chemin d’une nouvelle relation, plus harmonieuse.

1. Le travail poétique crée du lien

En créant des analogies, la poésie permet de lier l’humain et la nature.

C’est la poésie qui permet d’opérer la symbiose notamment par l’emploi des images qui réconcilient les deux mondes. Le verbe « être », régulièrement employé dans les poèmes qui débutent par « Mes forêts sont », crée des métaphores. Il est aussi un moyen d’exprimer le lien, l’union de toutes choses. En effet, les forêts sont « un champ », « du temps », « des bêtes », « un dessin ». Ainsi, elles deviennent un lieu imaginaire qui abrite l’ensemble du vivant.

L’humain devient lui-même un élément de cette forêt métaphorique : « je suis cette branche/qui avance comme va le vent », « je suis cette ramille qui frémit » (p. 70). En métamorphosant le monde, la poétesse se métamorphose elle-même.

François Cheng, dans son recueil Double chant (1998), propose également des poèmes où l’humain et la nature fusionnent en un ensemble vivant.

2. Trouver un chemin vers l’humanité

Le motif du chemin est récurrent et se charge d’une valeur symbolique.

L’image du sentier revient plusieurs fois dans le recueil. Il peut représenter le chemin emprunté lors d’une promenade en forêt, mais également un chemin métaphorique, celui de la poésie qui ouvre un sentier pour aller vers soi-même et se connaître : « Et quand je m’y promène/c’est pour prendre le large/vers moi-même » (p. 114). La poésie permet ce mouvement à la fois hors de soi et en soi. L’intime est ainsi relié à la nature.

La fin du recueil dessine un horizon à atteindre. Les forêts, telles qu’elles apparaissent dans le recueil, ouvrent une voie vers un renouvellement des rapports dans l’univers du vivant : « un poème murmure/un chemin vaste et lumineux/qui donne sens/à ce qu’on appelle humanité » (p. 111). La poésie d’Hélène Dorion proposerait ainsi une voie vers une redéfinition de notre rapport au monde, un sentiment plus aigu de notre existence au sein du vivant qui nous invite à revoir nos choix de vie.

Conclusion

[Synthèse] En définitive, Catherine Rochette a raison d’évoquer la « symbiose » que le recueil propose entre les forêts et l’humain. Si leur relation est a priori profitable à l’homme, on remarque également qu’ils sont liés par la violence et le fracas. La poésie permet alors de tisser un lien entre ces êtres vivants pour proposer un chemin vers une nouvelle relation, plus apaisée, plus harmonieuse, qui a plus de sens.

[Ouverture] En cela, la poésie d’Hélène Dorion s’inscrit dans les préoccupations écologiques de l’époque et dans une poésie du vivant, à l’instar de la poétesse Fabienne Raphoz.

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