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La géopolitique maritime de la Chine

Étude critique de document

La géopolitique maritime de la Chine

2 heures

10 points

Intérêt du sujet • Une grande partie du « rêve chinois » du président Xi Jinping se déploie dans l'espace maritime. La Chine y affirme son projet de puissance.

 

En analysant le document et en vous appuyant sur vos connaissances, caractérisez le projet géopolitique chinois dans le domaine maritime.

DocumentLa Chine, « pays maritime fort », pour quoi faire ?

Première exportatrice de biens manufacturés et première importatrice d'énergie, l'économie chinoise dépend aujourd'hui à 90 % de la mer pour ses échanges, contre seulement 9,8 % à la fin des années 1970. La nécessité pour Beijing de protéger ses routes maritimes se traduit depuis dix ans par des patrouilles antipiraterie dans le golfe d'Aden et par une diplomatie navale active dans les mers lointaines. Mais […] la Chine reste avant tout focalisée sur ses intérêts fondamentaux : dissuader le séparatisme taïwanais et son corollaire, une intervention américaine au secours de l'île rebelle, et préserver le statu quo dans « ses mers » où des différends l'opposent à au moins sept pays. Dénoncée pour son intransigeance, elle cherche pourtant à promouvoir la coopération avec tous, à travers un plan « gagnant-gagnant », la route maritime de la soie, que ses détracteurs dénoncent comme la constitution d'un réseau d'influence et de points d'appui, bientôt mondial. […]

Si la Chine nie toute intention hégémonique de peser sur la terre, […] ses instruments navals de « pays maritime fort » pourraient affecter le futur de Taïwan, en rendant moins probable une assistance américaine en cas d'invasion.

La Chine semble en effet vouloir se doter de cinq porte-avions en complément du Liaoning, l'ex-Varyag (65 000 t), mis en service en 2012. En 2019, la marine recevra son deuxième porte-avions, qui en est dérivé. La classe suivante (002, deux unités) déplacerait 85 000 t et serait doté de trois catapultes électromagnétiques, la première unité étant déjà sur cale. Viendraient ensuite deux analogues de porte-avions nucléaires Ford américains (100 000 t) […]. [Mais] l'argument de la défense des routes maritimes n'a pas grand sens pour un porte-avions.

Alexandre Sheldon-Duplaix, « La Chine, “pays maritime fort”, pour quoi faire ? », DSI. Défense et Sécurité internationale, n° 138, Areion Group, Paris, nov.-déc. 2018.

 

Les clés du sujet

Identifier le document

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Comprendre la consigne

Quelles informations le texte donne-t-il pour comprendre les aspects maritimes du projet de puissance de la Chine ? Dans quelle mesure vos propres connaissances permettent-elles d'expliciter certains de ces aspects ? Dans quelle mesure permettent-elles de critiquer certains passages du texte ?

Le document doit être analysé avec soin pour dégager plusieurs thèmes que vous étudierez ensuite de façon critique.

Dégager la problématique et construire le plan

Dans quelle mesure la dimension maritime du projet géopolitique chinois peut-elle remettre en question les rapports de force internationaux actuels ?

Tableau de 2 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 2 lignes ;Ligne 1 : I. Les intérêts fondamentaux de la Chine; Quels sont les différents aspects des intérêts fondamentaux de la Chine en matière maritime ?; Ligne 2 : II. Des signes d'affirmation de puissance mondiale; Dans quelle mesure le déploiement de la puissance maritime chinoise est-il le signe d'une volonté de puissance ?;

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] Longtemps la Chine a tourné le dos à la mer. On se souvient des voyages de l'amiral Zheng He, entre 1405 et 1433, qui ne débouchèrent sur rien. [Présentation du sujet] Ce désintérêt pour la mer a vécu. La Chine contemporaine déploie au contraire des efforts soutenus pour devenir « un pays maritime fort ». C'est ce qu'aborde cet article d'un spécialiste des affaires maritimes, Alexandre Sheldon-Duplaix, dans la revue Défense et Sécurité internationale. [Problématique] Dans quelle mesure cette dimension maritime du projet géopolitique chinois peut-elle remettre en question les rapports de force internationaux actuels ? [Annonce du plan] Si la préservation des intérêts fondamentaux de la Chine contemporaine garantit à l'espace maritime une place de choix [I], le pays donne de la défense de ces intérêts une vision pacifique contredite par des actes qui sont ceux d'une puissance mondiale en voie d'affirmation [II].

Le secret de fabrication

Dans une étude de document, il est capital de citer le texte, de l'insérer entre guillemets, et d'en préciser les numéros de lignes. Si le sujet ne donne pas ces numéros de lignes, il faudra le faire vous-même, à la main. Tentez ensuite d'expliquer, d'illustrer, de mettre en perspective, voire de critiquer le texte à la lumière de vos connaissances.

I. Les intérêts fondamentaux de la Chine

1. La dépendance maritime de la Chine

Le document établit le changement fondamental du paradigme maritime chinois : autrefois dépendante de la voie maritime pour « 9,8 % à la fin des années 1970 » (l. 3-4), c'est-à-dire avant les réformes de Deng Xiaoping, « l'économie chinoise dépend aujourd'hui à 90 % de la mer pour ses échanges » (l. 2-3). Entre-temps, le PIB de l'empire du Milieu s'est envolé grâce à une insertion réussie dans la mondialisation.

Or, cette dépendance concerne aussi bien les importations (d'énergie) que les exportations (de produits manufacturés) : le pays est le premier exportateur mondial (l. 1), mais aussi le 2e importateur mondial derrière les États-Unis. On comprend mieux, dès lors, « la nécessité pour Beijing de protéger ses routes maritimes » (l. 4-5), notamment celle du détroit de Malacca, et sa lutte « antipiraterie dans le golfe d'Aden » (l. 5-6), sur la route du canal de Suez.

2. Taïwan et les mers de Chine

Mais la Chine « reste avant tout focalisée sur ses intérêts fondamentaux » (l. 7-8). La question taïwanaise, brûlante depuis 1949, fait partie des casus belli pour la Chine continentale, qui n'a jamais accepté le séparatisme de l'île contrôlée par le Kuomintang. Or, à plusieurs reprises, les velléités de récupérer l'île rebelle se heurtèrent à la puissance de l'US Navy (1954-55, 1958, 1995-96).

à noter

Le Kuomintang est le Parti nationaliste chinois qui perdit la guerre civile contre le Parti communiste mené par Mao Zedong.

De même, dans les mers de Chine méridionale et orientale, les « intérêts fondamentaux » (l. 7-8) de la Chine se heurtent, d'une part, aux pays riverains, d'autre part, aux puissances occidentales, qui mènent des opérations pour assurer la liberté de navigation. En mer de Chine méridionale, les revendications chinoises (la ligne à neuf traits) s'expriment au mépris du droit maritime de la convention de Montego Bay.

[Transition] La préservation de ces intérêts fondamentaux s'exprime-t-elle toutefois, comme semble l'indiquer l'auteur, par des voies pacifiques ?

II. Des signes d'affirmation de puissance mondiale

1. Statu quo et coopération ?

L'auteur affirme en effet la volonté chinoise de « préserver le statu quo » (l. 9-10). Une affirmation difficile à valider en l'état. En effet, le statu quo signifie pour la Chine la reconnaissance de la toute-puissance de la marine américaine dans la zone, et donc une situation de sujétion incompatible avec les discours nationalistes (« le rêve chinois ») du président Xi Jinping.

La « coopération avec tous, à travers un plan “gagnant-gagnant”, la route maritime de la soie » (l. 12-13), est la face publique d'une stratégie de « constitution d'un réseau d'influence et de points d'appui, bientôt mondial » (l. 14-15). Le changement d'échelle montre bien que le projet de puissance chinois s'affirme.

2. Les porte-avions chinois, outils de projection de puissance

La montée en puissance de la marine chinoise n'est pas décrite dans le document : rappelons cependant qu'en quatre ans, la Chine a construit l'équivalent en tonnage de la marine française ou britannique !

L'article conclut sur les porte-avions chinois. Non seulement 6 unités sont prévues, mais elles se modernisent – catapultes électromagnétiques pour la classe 002 (l. 23-24), et les navires de classe 003 seraient tout à fait comparables aux mastodontes américains (classe Gerald Ford, 100 000 tonnes, l. 25-26). Or, les porte-avions sont par essence des outils de projection de puissance, des outils donc incompatibles avec l'image d'une Chine pacifique centrée sur la défense de son seul espace maritime proche.

Conclusion

[Réponse à la problématique] La Chine est donc fortement dépendante de la mer, sans avoir encore pour autant les moyens de contrôle de son espace maritime aux différentes échelles. Sa stratégie de constitution d'une puissance maritime de rang mondial vise la défense de ses intérêts, mais remet aussi en question les structures d'une planète océane où la marine américaine fait la loi. [Ouverture] Preuve supplémentaire de l'intérêt nouveau de la Chine pour la dimension maritime : en 2005, le pays a célébré en grande pompe le 600e anniversaire des voyages de l'amiral Zheng He, après l'avoir laissé dans l'oubli le plus complet pendant six siècles.

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