Sujet complet 2 • Exercice 2
SPRINT FINAL
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Sujet spécimen 2021 n° 2 • Exercice 2
La Grande Coupure
Intérêt du sujet • C'est une étude sur l'impact de la tectonique des plaques sur le climat. Vous reconstituerez les liens causaux à l'origine d'un changement climatique majeur qui a participé à la crise biologique Éocène-Oligocène.
Au début du xxe siècle, les paléontologues ont décrit de grandes modifications de la biodiversité à la limite de l'Éocène et de l'Oligocène, il y a environ 34 millions d'années.
Cet événement, connu depuis sous le nom de « grande coupure », a rapidement été expliqué par un important changement climatique que l'on cherche à reconstituer ici.
Caractériser le changement climatique ayant eu lieu lors de la transition Éocène-Oligocène et proposer des explications sur son origine.
Vous organiserez votre réponse selon une démarche de votre choix intégrant des données des documents et les connaissances utiles.
DOCUMENT 1Synthèse de données sur la transition Éocène-Oligocène
D'après Ghirardi, J., thèse, (2016) et Pearson, P. N., Nature, (2009)
DOCUMENT 2Reconstructions paléogéographiques et océanographiques autour du pôle Sud, depuis 86 Ma (en haut) et situation actuelle (en bas)
D'après Schaaf, A. Boesch, Q., Sciences de la Terre et de l'Univers, éditions Vuibert, p. 315
DOCUMENT 3Albédo de différentes surfaces terrestres
DOCUMENT 4Processus majeurs d'échanges de carbone entre atmosphère et géosphère
L'altération des carbonates :
CaCO3 + CO2 + H2O → Ca2 + + 2HCO3 –
L'altération des silicates :
CaSiO3 + 2CO2 + H2O → SiO2 + Ca2 + + 2HCO3 –
La précipitation des carbonates dans les océans :
Ca2 + + 2HCO3 – → CaCO3 + CO2 + H2O
Le piégeage de la matière organique, issue de la photosynthèse des végétaux, dans les roches :
CO2 + H2O → CH2O (matière organique) + O2
Le dégazage du manteau par le volcanisme libère du CO2.
D'après le site cnrs.fr
DOCUMENT 5Colonnes stratigraphiques montrant la succession des roches et leurs localisations dans la chaîne du Zagros
Les événements géologiques observés ici sont représentatifs de ceux qui se sont déroulés, à la même époque, des Alpes jusqu'à l'Himalaya.
D'après Allen, M. B., Palaeoclimatology, 2008
Les clés du sujet
Étape 1. Comprendre le sujet
Le mot-clé « changement climatique » amène à se poser la question du sens de ce changement : le climat s'est-il refroidi ou réchauffé à la fin de l'Éocène ? Cette question résolue, il faut répondre à la question suivante : quelles en sont les causes ?
Vos connaissances sur les facteurs influençant le climat vous permettent d'exploiter les documents, nombreux et complexes, afin de répondre à ces questions.
Étape 2. Exploiter les documents
Les données du document 1 permettent d'identifier la nature du changement climatique en s'appuyant sur le δ18O, qui est un indicateur des climats passés. L'étude de l'évolution de la concentration de CO2 atmosphérique permet de discuter de l'origine du changement climatique. Une information importante est donnée par le seuil de glaciation antarctique, à mettre en relation avec l'évolution du niveau marin.
Les documents 2 à 5 permettent de montrer comment la tectonique des plaques impacte le climat par l'activité volcanique et la création de reliefs, mais aussi en modifiant les circulations océaniques. Ils sont à mettre en relation avec les informations apportées par le document 1.
Étape 3. Construire la réponse
Introduction
Le climat de la Terre a beaucoup varié au cours de son histoire. L'ère mésozoïque fut globalement une période chaude sans calotte glaciaire aux pôles. L'ère cénozoïque débute de la même façon, mais vers – 34 millions d'années un changement climatique brusque est intervenu, à la transition Éocène-Oligocène. À l'aide des informations extraites des documents, nous allons en dégager les caractéristiques et identifier les causes qui en sont à l'origine.
I. Le refroidissement du climat à la transition Éocène-Oligocène
A. Informations fournies par les variations de la concentration en CO2 de l'atmosphère
Pendant la transition Éocène-Oligocène, le CO2, un des principaux gaz à effet de serre, voit sa concentration baisser, quelle que soit la méthode d'évaluation de la concentration. On sait que température et concentration en CO2 sont directement corrélées. Ainsi, une baisse de la concentration en CO2 traduit un refroidissement du climat. À la fin de la transition, cette concentration descend au niveau du seuil permettant l'installation d'une calotte glaciaire sur l'Antarctique.
B. Informations fournies par les variations du delta isotopique 18O des calcaires
Le conseil de méthode
Le document 1 ne fournit aucune indication sur la signification du δ18O. Vous devez l'expliciter. Il dépend, en période chaude, de la température. En période froide (présence d'une calotte glaciaire), il dépend surtout du volume des glaces. Ici, il s'agit d'une période de transition durant laquelle il y a formation d'une calotte glaciaire. Ainsi, en vous aidant du document sur l'évolution du niveau marin, vous pouvez repérer le moment où l'évolution du δ18O traduit l'installation d'une calotte antarctique.
Pendant la fin de l'Éocène, de – 37 à – 34 millions d'années, le δ18O des sédiments calcaires est stable, au voisinage de 1 ‰. Pendant le début de l'Oligocène, à partir de – 33,5 Ma, le δ18O est de 2 ‰ environ. Il y a donc une augmentation brusque du rapport isotopique durant la période de transition.
Les sédiments calcaires (CaCO3) sont principalement constitués par des tests de micro-organismes, notamment les foraminifères. Ces derniers prélèvent des ions HCO3– et Ca2+ dans l'eau de mer. En période chaude, le δ18O des tests de foraminifères dépend essentiellement de la température de l'eau de l'océan : il augmente lorsque la température diminue. En période froide, il dépend en plus du volume des glaces : plus ce volume est important, plus l'océan est enrichi en 18O. Il augmente donc lorsque la température de l'eau baisse et lorsque l'eau se trouve piégée dans les calottes et les glaciers. Le changement climatique à la transition Éocène-Oligocène est donc un refroidissement.
à noter
En période chaude, plus la température de l'eau est élevée moins les foraminifères incorporent de 18O à leur coquille.
En période froide, les molécules H216O, plus légères que les molécules H218O, s'évaporent préférentiellement et sont « piégées » dans la glace. Ainsi, plus le volume des glaces est important, plus l'océan est enrichi en 18O.
Les données sur l'évolution de la teneur en CO2 et sur le δ18O témoignent d'un englacement probable de l'Antarctique à la suite de ce refroidissement.
C. Informations fournies par les variations du niveau marin
À la fin de l'Éocène, le niveau marin est de 50 mètres au-dessus du niveau actuel avec une marge d'erreur de +/– 10 mètres. À la transition (– 33,9 Ma) et pendant tout le début de l'Oligocène, le niveau chute pour devenir équivalent au niveau actuel avec une marge d'erreur faible. Cela conforte les conclusions précédentes, à savoir l'installation d'une calotte glaciaire sur l'Antarctique à la fin de la transition Éocène-Oligocène.
Le secret de fabrication
Nous avons choisi l'ordre d'exploitation des données de façon à marquer une progression : d'abord les données qui témoignent d'un refroidissement et de l'installation probable d'une calotte glaciaire (A et B), puis celles sur le niveau marin, qui confortent les conclusions précédentes (C).
II. Les causes du refroidissement
A. Les facteurs ayant contribué à la baisse de la concentration en CO2 dans l'atmosphère
La baisse de la concentration en CO2 a pu être une des causes du refroidissement du climat à la transition Éocène-Oligocène par diminution de l'effet de serre. Mais quelle est l'origine de cette baisse ? Le document 4 renseigne sur les mécanismes qui prélèvent du CO2 de l'atmosphère et le piège sous forme de roches carbonatées ou carbonées.
Dissous dans l'eau de pluie, le CO2 atmosphérique forme des ions HCO3– et H+ qui dissolvent les carbonates. L'altération d'une mole de carbonates consomme une mole de CO2 avec production de deux moles de HCO3– dissous dans l'eau des rivières et des fleuves. La précipitation des carbonates dans les océans redonne une mole de CO2 à partir de deux moles de HCO3–. En revanche, l'altération des silicates consomme deux moles de CO2 avec formation de deux moles de HCO3– alors que la précipitation de deux moles de carbonates dans les océans ne libère qu'une seule mole de CO2. On en conclut que, à l'échelle des temps géologiques (Ma), l'altération des roches carbonatées n'impacte pas la teneur en CO2, mais que celle des silicates abaisse la teneur en CO2 de l'atmosphère. Ainsi, une augmentation de l'altération des roches silicatées a pu entraîner la baisse de la teneur en CO2.
La synthèse des matières organiques par photosynthèse prélève du CO2 dans l'atmosphère. Une augmentation de la photosynthèse puis du piégeage des matières organiques formées a pu entraîner une baisse de la concentration en CO2 de l'atmosphère. En effet, le piégeage des matières organiques fait que le CO2 qui a servi à leur synthèse n'est pas restitué à l'atmosphère.
Le document 5 décrit les roches présentes dans la chaîne du Zagros. Aux points 2, 3 et 4, les roches datant de l'Éocène sont volcaniques. Elles témoignent de la subduction de la lithosphère océanique de la plaque arabique sous la plaque eurasiatique. Ce volcanisme d'arc cesse à la limite Éocène-Oligocène, ce qui doit correspondre à la collision entre les deux plaques. À la même époque, la chaîne des Alpes et celle de l'Himalaya se formaient de la même façon. L'arrêt du volcanisme à la transition Éocène-Oligocène a contribué à la baisse de la teneur en CO2 atmosphérique.
Le volcanisme libère du CO2 dans l'atmosphère, mais la subduction et la collision créent des reliefs, à l'origine d'une érosion et d'une altération importantes, notamment des roches silicatées. Cela se traduit par l'existence dans les sédiments oligocènes d'une roche détritique, le grès. Ainsi, l'érosion et l'altération des roches silicatées à la fin de l'Éocène ont pu entraîner une baisse de la teneur en CO2 de l'atmosphère.
à noter
Dès le départ, et tant que dure la création des reliefs, l'érosion et l'altération sont très fortes. Ainsi, on estime que la moitié des reliefs de l'Himalaya ont été détruits depuis le début de la surrection de la chaîne.
Enfin, la transition Éocène-Oligocène est marquée dans l'ensemble de la chaîne par la présence de sédiments très riches en matière organique, particulièrement importante à la station 1. Cela traduit un piégeage important de la matière organique, qui a contribué à la baisse du CO2 atmosphérique à cette époque.
B. Répartition des masses continentales et climat
Il y a 86 millions d'années, l'Antarctique était proche de l'Australie et relié à l'Amérique du Sud. La mise en place d'une dorsale a entraîné le déplacement de l'Antarctique vers le pôle Sud et son éloignement de l'Australie et de l'Amérique du Sud. L'ouverture du passage du Drake, entre l'Amérique du Sud et l'Antarctique, a lieu vers – 34 Ma, au moment de la transition Éocène-Oligocène. Cela a permis la formation d'un courant froid circumpolaire autour de l'Antarctique, toujours à l'œuvre actuellement. Il a isolé thermiquement l'Antarctique et y a facilité l'installation d'une calotte glaciaire.
Avant la transition Éocène-Oligocène, la surface de l'Antarctique n'était pas englacée. Son albédo dépendait de la végétation qui s'y trouvait (entre 0,1 et 0,2). L'englacement de l'Antarctique a augmenté son albédo (0,5), ce qui a renforcé le refroidissement de sa surface et facilité le développement de la calotte glaciaire.
mot-clé
L'albédo est la fraction de l'énergie solaire qui est réfléchie vers l'espace. Sa valeur est comprise entre 0 et 1, et est d'autant plus élevée que la surface est réfléchissante.
Conclusion
Le changement climatique qui s'est produit lors de la transition Éocène-Oligocène est caractérisé par un net refroidissement du climat. Jusque-là, il n'y avait pas de calotte glaciaire aux pôles. C'est à cette époque que se met en place celle de l'Antarctique.
Ce refroidissement semble être dû à deux grandes causes. La première est la baisse de la concentration en CO2 de l'atmosphère (altération des silicates, piégeage de la matière organique), qui a diminué l'effet de serre. La seconde est une modification des circulations océaniques, qui a isolé thermiquement l'Antarctique, situé au pôle Sud, et augmenté son albédo. Ces deux causes sont liées à la tectonique des plaques.
Enfin, l'augmentation de l'albédo et la baisse de la teneur en CO2 atmosphérique sont des facteurs qui autorenforcent le sens de leur variation. Ils ont probablement contribué à accentuer le refroidissement à la fin de la transition Éocène-Oligocène.