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La justice et le travail d'histoire et de mémoire

Dissertation

La justice et le travail d'histoire et de mémoire

2 heures

10 points

Intérêt du sujet • Ce sujet mobilise les notions clés du cours pour analyser une question centrale du thème. Vous pourrez mettre en valeur vos qualités de synthèse pour expliquer comment la justice, à toutes les échelles, permet la construction de l'histoire et la transmission des mémoires des crimes de masse, dont vous développerez quelques exemples.

 

Comment la justice participe-t-elle au travail d'histoire et de mémoire ?

 

Les clés du sujet

Analyser le sujet

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Dégager la problématique

Les procès pour crimes de masse sont souvent l'occasion de révéler des faits à l'historien et de réparer des mémoires blessées. Pourtant, la justice ne parvient pas toujours à jouer ce rôle ; nuancer ses résultats est nécessaire.

Reformuler le sujet permet d'aller plus loin : la justice participe-t-elle toujours efficacement au travail d'histoire et de mémoire ?

Construire le plan

Ce sujet mobilise de nombreux exemples pris dans tout le thème : crimes de masse et génocides jugés par des tribunaux internationaux et nationaux. Histoire et mémoire étant deux notions différentes, deux parties sont nécessaires pour présenter leurs relations avec la justice. Une troisième partie viendra nuancer le propos.

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : I. La justice participe au travail d'histoire; Comment les procès peuvent-ils être un moment où se construit l'histoire ? Qui sont les acteurs judiciaires qui intéressent l'histoire ?; Ligne 2 : II. La justice participe au devoir de mémoire; Quelle mémoire s'exprime au cours des procès ?Quelles sont les finalités des procès pour crimes de masse ?; Ligne 3 : III. Une justice imparfaite dans sa quête de vérité et de réconciliation ; Quelles sont les limites de ce type de justice ?Les buts recherchés lors des grands procès sont-ils atteints ?;

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] Le processus judiciaire contribue à faire émerger la vérité, il favorise donc, a priori, le travail historique et mémoriel. [Présentation du sujet] Les crimes de masse de la deuxième moitié du xxe siècle ont donné lieu à des procès, locaux ou internationaux, qui sont des moments où l'histoire est rappelée. Ces procès ont pour but de punir les coupables, d'entendre les témoignages des victimes, leurs mémoires, mais aussi de reconstruire la cohésion des sociétés marquées par les violences d'un conflit. Cependant, concilier justice, écriture de l'histoire et devoir de mémoire peut être difficile.

[Problématique] Il est donc légitime de se demander si la justice participe toujours efficacement au travail d'histoire et de mémoire. [Annonce du plan] Nous verrons de quelle manière la justice contribue au travail de l'historien [I] et permet aux mémoires des victimes de s'exprimer [II]. Néanmoins nous pourrons également présenter ses limites quant à la recherche de la vérité et l'apaisement des débats mémoriels. [III]

Le secret de fabrication

Il n'est pas toujours nécessaire de présenter la problématique sous forme interrogative. Vous pouvez la formuler de façon indirecte afin de rendre plus fluide le lien avec la présentation du sujet.

I. La justice participe au travail d'histoire

1. La justice est une recherche de la vérité à toutes les échelles

Lors des grands procès internationaux, tels que ceux de Nuremberg (1945-1946), celui du conflit en ex-Yougoslavie (1993) et du Rwanda (TPIR-1994) ou lors des procès nationaux (procès « successeurs de Nuremberg », procès d'Eichmann, gacaca au Rwanda), les parties présentent des documents (écrits, photographies, films). Ces documents sont des sources pour l'historien.

conseil

Une argumentation repose sur des exemples : vous devez les multiplier et les choisir dans des jalons différents pour mettre en valeur vos capacités de synthèse.

Ainsi, lors du procès de Nuremberg où sont jugés 24 dignitaires nazis, une première histoire du nazisme s'écrit au moment des audiences : les preuves sont présentées par les Américains, des secrets diplomatiques et militaires sont dévoilés. Ce procès fait entrer les faits dans l'histoire de l'humanité, surtout lorsque le crime de génocide est reconnu par l'ONU en 1948.

Au TPIY, plus de deux millions de pages de compte rendus sont produits, ce sont également des sources précieuses pour l'historien et des pièces nécessaires pour qualifier les exactions commises. C'est sur leur base que les historiens débattent encore sur la qualification ou non des faits en génocide.

2. La justice met en récit de nombreux témoignages, sources d'histoire

Lors du procès de Nuremberg, 94 témoins sont entendus. La plus grande partie d'entre eux sont interrogés pour confirmer les éléments cités dans les documents produits. L'historien obtient ainsi des informations précieuses sur le déroulement des événements, sur la nature des ordres reçus, notamment en recoupant les témoignages avec d'autres sources.

Au Rwanda, les témoignages permettent de mettre au jour des charniers mais aussi de nuancer certaines responsabilités. Les procès se déroulent parfois sur les lieux mêmes des crimes afin de procéder à des reconstitutions minutieuses et faire éclater la vérité, but que la justice partage avec l'histoire.

[Transition] Les procès, quelle que soit l'échelle de juridiction, répondent à un impératif de justice mais aussi d'histoire. Ils sont également un moment où les mémoires des conflits peuvent s'exprimer, avec toute leur subjectivité.

II. La justice participe au devoir de mémoire

1. Une multiplicité des mémoires

conseil

Commencez chaque paragraphe par l'idée générale que vous allez ensuite illustrer par deux ou trois exemples concrets.

Les procès sont l'occasion d'écouter des témoignages qui diffèrent en fonction des souvenirs et des expériences vécues. Ils sont un moment où l'on écoute la douleur des victimes, de leurs familles, ils participent au devoir de mémoire, même des décennies après les événements.

Ainsi, le procès d'Eichmann est l'occasion d'ouvrir « l'ère du témoin » (selon l'historienne Annette Wieviorka) : les récits provoquent l'identification aux souffrances des victimes et une prise de conscience mondiale en 1961.

Là où il n'y a pas eu de justice, comme après la guerre d'Algérie (lois d'amnistie), les mémoires n'ont pu être écoutées. Cela a donné lieu à beaucoup de frustrations et même à une guerre des mémoires entre les harkis, les anciens du FLN, les pieds-noirs et plus largement entre la France et l'Algérie.

2. Des mémoires à écouter pour réconcilier

En permettant l'arrestation et la condamnation de criminels au sein de l'appareil d'État, la justice internationale (TPIY) ou locale (gacaca) permet de pacifier des sociétés déchirées par la guerre. Les procès sont l'occasion de bâtir une mémoire collective pour commencer un processus de deuil.

Ainsi, au Rwanda, les tribunaux gacaca font intervenir l'ensemble des communautés. Certains comportements, comme le sauvetage de Tutsi par leurs voisins Hutu ou les tentatives pour limiter la violence, sont mis en évidence. Le but est alors de favoriser la réconciliation nationale.

[Transition] Les procès sont donc, pour les mémoires, l'occasion de s'exprimer. Mais la réparation individuelle et collective ne peut avoir lieu que si la justice est efficace et impartiale.

III. Une justice imparfaite dans sa quête de vérité et de réconciliation

1. Des sources imparfaites

Le temps de la justice n'est pas celui de l'histoire : elle n'a pas le recul nécessaire pour faire émerger toute la vérité. L'historien bénéficie au contraire d'un temps plus long, d'archives plus variées, ce qui lui permet d'avoir un regard plus objectif sur les événements.

Lors du procès de Nuremberg, les documents examinés proviennent essentiellement des Américains. Depuis la fin de la guerre froide, les historiens ont eu accès à des archives soviétiques plus fournies.

Par ailleurs, au Rwanda, par exemple, des cas de fausses accusations, d'intimidations de témoins ont été révélés par des ONG ou par l'historienne Hélène Dumas. Autant de témoignages qui compliquent la recherche.

conseil

N'hésitez pas à citer des noms d'historiens spécialistes d'une question. Ils participent à un débat historiographique et aussi parfois politique.

2. Une réconciliation souvent difficile des mémoires

Dans certains cas, comme au Rwanda ou en ex-Yougoslavie, les historiens soulignent l'instrumentalisation de la justice à des fins de réconciliation nationale. Au Rwanda, les violences commises par le Front patriotique rwandais ont été souvent occultées, la vérité en a été déformée.

En ex-Yougoslavie, la justice a échoué dans cette quête de cohésion nationale : le TPIY n'a pas empêché la suite des massacres, pire, à chaque jugement, souvent rendu des années après les faits, les dirigeants politiques de l'un ou l'autre camp ont radicalisé leur discours et attisé les divisions.

Conclusion

[Réponse à la problématique] Les procès pour génocide ou crimes de masse, en permettant l'accès à des documents, contribuent au travail d'histoire. En se prononçant, la justice reconnaît aussi la mémoire des victimes. Ainsi, justice, histoire et mémoire se complètent. Mais pour être efficace dans ce rôle, la justice se doit d'être impartiale. [Ouverture] Ne revient-il pas plutôt à la justice de punir les coupables, à l'historien de poursuivre ses recherches et aux sociétés d'être des « passeurs de mémoires » ?

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