L'origine du génotype des individus
LE VIVANT
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Exercice 2
La myopathie de Duchenne
Intérêt du sujet • Ce sujet va vous amener à vous intéresser à un cas de génétique humaine en rapport avec l'hérédité liée au sexe. À partir de l'étude d'un arbre généalogique et d'un caryotype, vous allez devoir estimer la probabilité de transmission d'une maladie héréditaire.
La myopathie de Duchenne est une maladie dégénérative des fibres musculaires. Les personnes atteintes de cette maladie ne synthétisent pas ou synthétisent mal une protéine, la dystrophine.
On désigne par m l'allèle qui code pour une dystrophine non fonctionnelle et par m+ l'allèle codant pour une dystrophine fonctionnelle.
Dans la famille dont l'arbre généalogique est retracé dans le document 2, on s'étonne que Mlle X (III9) soit myopathe.
Après avoir établi la localisation chromosomique du gène à partir des informations extraites de l'arbre généalogique, expliquez aux membres de cette famille l'origine de la myopathie de Mlle X et la probabilité qu'a le couple III5-III8 d'avoir un enfant myopathe.
Document 1Fréquence de la myopathie de Duchenne
La myopathie de Duchenne est une maladie héréditaire monogénique qui atteint essentiellement des garçons dans la proportion, en France, de 1 sur 3 500, et très rarement des filles. Dans la population, la fréquence de l'allèle impliqué est de l'ordre de 1 sur 30. Dans le petit nombre de cas où les hommes souffrant de la maladie ont atteint l'âge d'avoir des enfants, les garçons issus de tels pères n'ont jamais été atteints. On connaît en revanche plusieurs cas où une femme a eu des garçons myopathes de pères différents.
Document 2Arbre généalogique d'une famille où plusieurs membres sont atteints de la myopathie de Duchenne
Document 3Caryotype de Mlle X (III9)
Ph © SOVEREIGN – ISM
Les clés du sujet
Étape 1. Comprendre le sujet
Pour conduire l'argumentation, il faut envisager les différentes localisations chromosomiques a priori possibles du gène de la dystrophine et, pour chacune d'elles, en tirer les conséquences sur les phénotypes dans les populations et chez les individus de l'arbre généalogique.
Il faut ensuite confronter ces prévisions aux données fournies pour les documents afin de conclure sur la localisation la plus probable.
Pour la seconde partie du sujet, il s'agit de rechercher une anomalie dans le caryotype de la femme III9 et montrer que ceci permet d'expliquer pourquoi cette femme est myopathe.
Enfin, il faut déterminer les génotypes des individus pour lesquels on demande d'établir des prévisions sur leur descendance.
Étape 2. Exploiter les documents
Il est judicieux de commencer par l'exploitation du document 2 et d'utiliser ensuite les autres documents pour apprécier la pertinence des hypothèses que vous aurez pu faire à partir de ce document 2 sur la localisation chromosomique du gène.
Le document 1 présente des données sur la fréquence de la myopathie de Duchenne dans la population.
Le document 2 permet de déterminer la dominance ou la récessivité du phénotype myopathe, et donc des allèles du gène.
Le document 3 est le caryotype de la femme dont on doit expliquer l'origine de la myopathie. Son étude permet de détecter une anomalie expliquant sa myopathie.
Étape 3. Construire la réponse
Introduction
La myopathie de Duchenne est une maladie génétique monogénique. Pour expliquer les modalités de la transmission de cette maladie, nous allons d'abord, à partir des documents, établir si l'allèle responsable de la myopathie est dominant ou récessif et réfléchir ensuite à la localisation chromosomique du gène de la dystrophine. Nous verrons ensuite comment cette connaissance sur la localisation du gène permet d'expliquer le phénotype de la femme III9 et la probabilité pour que le couple III8-III5 ait un enfant myopathe.
I. Dominance ou récessivité de l'allèle responsable de la myopathie de Duchenne
Le conseil de méthode
Pour mettre en évidence une récessivité, il faut rechercher dans l'arbre généalogique une personne dont le phénotype est différent de ceux de ses deux parents.
Les individus II5, III4, III6 sont atteints de myopathie, et leurs parents ne le sont pas.
Puisque c'est une maladie héréditaire, l'un des parents au moins devrait posséder l'allèle m. Si cet allèle était dominant, un des parents devrait être myopathe. Ce n'est pas le cas. L'allèle m est donc récessif.
à noter
Il existe en réalité dans toutes les populations plusieurs allèles (et non un seul) du gène et responsables d'une myopathie plus ou moins grave. Tous ces allèles sont récessifs : pour raisonner on peut n'en considérer qu'un seul.
II. Localisation chromosomique du gène de la dystrophine
A. Le gène est-il situé sur un autosome ?
Si le gène est situé sur un autosome, cela suppose que toutes les personnes myopathes ont des parents hétérozygotes.
mot-clé
Un autosome est un chromosome non sexuel.
Ainsi, les personnes II1, II4 et II7 du document 2, en couple avec l'un des membres de la famille observée, doivent être porteuses de l'allèle responsable.
Or la fréquence de l'allèle m dans la population est faible, ce qui rend cette condition très peu probable. En outre, cela n'explique pas que la maladie n'affecte qu'exceptionnellement les femmes.
Le secret de fabrication
Remarquez bien que le raisonnement fait intervenir la fréquence de l'allèle responsable de la maladie dans la population.
B. Le gène est-il situé sur le chromosome Y ?
Si le gène était situé sur une région propre au chromosome Y, et donc absent du chromosome X, tout garçon myopathe devrait avoir un père myopathe.
à noter
Les chromosomes sexuels X et Y possèdent des régions homologues et des régions non homologues. Les gènes présents dans la région propre au chromosome X n'existent pas sur le chromosome Y et inversement.
L'arbre généalogique (document 2) montre que ce n'est jamais le cas. En outre, le document 1 indique que les garçons ayant un père myopathe ne sont jamais atteints. Le gène de la dystrophine n'est donc pas situé sur le chromosome Y.
C. Le gène est-il situé sur une région propre au chromosome X ?
Dans cette hypothèse, les garçons myopathes ont pour génotype XmY. Ils ont reçu le chromosome X de leur mère qui doit donc être hétérozygote Xm+Xm.
Les femmes I2, II3 et II6 ont donc ce génotype, et les femmes II3 et II6 ont reçu le chromosome Xm de leur mère. Le fait que ces femmes aient aussi des garçons non myopathes s'explique très bien car elles sont hétérozygotes.
III. Origine du génotype de la femme III9
D'après le document 1, l'individu III9 est un cas rare de myopathie car la personne malade est une femme. D'après l'hypothèse précédente de localisation du gène sur le chromosome X, et compte tenu du caractère récessif de l'allèle m, cette femme devrait avoir pour génotype XmXm.
Cela suppose que son père possède le chromosome Xm et a donc le génotype XmY. Celui-ci devrait donc être myopathe, or ce n'est pas le cas. L'hypothèse de localisation sur le chromosome X semble infirmée.
En analysant son caryotype (document 3), on constate qu'il présente une anomalie chromosomique : la femme III9 ne possède qu'un seul chromosome X. Ainsi, il devait manquer un chromosome X au spermatozoïde ou à l'ovule à l'origine de sa conception.
à noter
Il s'agit du syndrome de Turner.
Supposons que cela soit chez le spermatozoïde. Dans ce cas, le seul chromosome X de la femme III9 provient de sa mère II6. Celle-ci est hétérozygote et a donc pu lui transmettre le chromosome X porteur de l'allèle m (Xm). L'hypothèse que l'anomalie chromosomique ait eu lieu lors de la formation du spermatozoïde de son père est donc corroborée.
Le conseil de méthode
Un autre raisonnement plus complet est possible.
On suppose cette fois que c'est l'ovule qui ne possédait pas de chromosome X.
Dans ce cas, c'est le spermatozoïde qui aurait fourni le chromosome X de la femme III9. Comme elle est myopathe, le père devrait être myopathe.
Ce n'est pas le cas. Cette hypothèse doit être abandonnée.
C'est donc bien le spermatozoïde du père qui ne possédait pas de chromosome X.
Lors d'une méiose chez l'homme II7, il y a eu une anomalie :
soit dans la migration des chromosomes X et Y à la première division de la méiose ;
soit dans la migration des deux chromatides d'un chromosome X à la deuxième division.
IV. Probabilité pour le couple III5-III8 d'avoir un enfant atteint de myopathie
La femme III8 a un frère myopathe, donc sa mère est hétérozygote. Il y a une probabilité de 1/2 pour qu'elle soit hétérozygote elle-même. De même, si elle est hétérozygote, il y a une probabilité de 1/2 pour qu'elle transmette l'allèle m à son fils.
L'homme III5 n'est pas myopathe, il a donc le génotype Xm+Y. En conséquence, les filles du couple III5-III8 ne peuvent pas être myopathes.
La probabilité de naissance d'un garçon est de 1/2. La probabilité pour que le couple ait un enfant myopathe est le produit des probabilités de tous les événements pour qu'il le soit : 1/2 ⋅ 1/2 ⋅ 1/2 = 1/8.
Conclusion
Seule l'hypothèse d'une hérédité liée au sexe, où le gène codant pour la dystrophine est situé sur la région propre au chromosome X, rend compte des caractéristiques de l'arbre généalogique présenté.
En particulier, cela explique que seuls les garçons sont atteints, car ils ne possèdent qu'un seul allèle du gène ; si celui-ci code pour une dystrophine non fonctionnelle, cela se traduit par le phénotype myopathe. Chez les filles, il faut que les deux allèles soient mutés pour que le phénotype myopathe se réalise. Cela est très rare, car les garçons myopathes n'ont généralement pas de descendants.
Le phénotype myopathe de Mlle X semble contredire cette localisation du gène, car son père n'est pas myopathe et n'a pu lui transmettre l'allèle muté. L'analyse de son caryotype fournit une explication : elle ne possède qu'un seul chromosome X. Elle a reçu son unique chromosome X de sa mère, hétérozygote, qui lui a donc transmis l'allèle muté. Son génotype s'apparente alors à celui des garçons myopathes.
Ainsi, les caractéristiques de l'hérédité liée au sexe sont à prendre en compte lorsque l'on établit la probabilité pour un couple d'avoir un enfant myopathe. Par exemple, si le père n'est pas myopathe, on peut assurer (à moins d'une anomalie au cours de la méiose) que les filles ne seront pas atteintes. Seuls les garçons peuvent l'être si la mère est hétérozygote.