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La piraterie maritime

Étude critique de documents

La piraterie maritime

2 heures

10 points

Intérêt du sujet • Ce sujet vous invite à analyser un type de conflit particulier : la piraterie maritime. Pour ce faire, vous mobiliserez vos connaissances sur les conflits armés actuels. Les documents à étudier ne présentent pas de difficultés d'interprétation. Vous penserez bien à les mettre en relation.

 

Analysez de façon critique les documents pour mettre en évidence les enjeux, les acteurs et les modes de résolution de cette forme de conflit mondial.

Document 1La lutte contre la piraterie somalienne

[…] Très vite la piraterie somalienne s'organise et devient une véritable industrie criminelle, faisant peser une menace extrême sur l'ensemble du transport maritime. Les pirates somaliens acquièrent alors expertise et moyens leur permettant de cibler une grande diversité de types de navires, dans des zones toujours plus éloignées de leurs bases terrestres. Entre 2008 et 2011, alors que le phénomène est à son apogée, des centaines d'attaques sont enregistrées chaque année dans la zone du golfe d'Aden, de la mer d'Arabie et de l'océan Indien. Les pirates sont alors capables de détourner des navires de grande taille transitant à plusieurs centaines de miles nautiques au large de la Somalie et de kidnapper les équipages pour exiger des rançons. Au-delà des enjeux sécuritaires, l'impact économique du phénomène est considérable. La Banque mondiale évalue alors le coût économique de la piraterie est-africaine à plusieurs milliards de dollars par an. […]

Le développement, puis le déploiement des outils juridiques, militaires, sécuritaires qui, en quelques années, permettent d'endiguer le phénomène au large de la Corne de l'Afrique, se fait également à cette période au prix d'investissements massifs. La réglementation évolue pour exiger des opérateurs une plus grande maîtrise du risque, notamment en termes de prévention. De grands bailleurs de fonds institutionnels financent un certain nombre de programmes visant à renforcer les forces de sécurité et le système judiciaire des pays d'origine des pirates.

La protection physique des navires de commerce est assurée par le lancement, à la fin des années 2000, de plusieurs opérations militaires coordonnées, telles la Combined Task Force 151 (réunissant plusieurs dizaines de pays à l'initiative des États-Unis) ou la mission européenne Atalante. Ces opérations ont depuis été régulièrement renouvelées. Elles assurent des patrouilles régulières autour des principaux corridors commerciaux du golfe d'Aden, mettent parfois à disposition des bâtiments1 pour l'escorte des convois, et peuvent dans certains cas déployer des commandos à bord de navires marchands. C'est aussi dans le cadre de ces opérations que des individus suspectés de piraterie peuvent être appréhendés en pleine mer et que des missions de sauvetage sont menées à bien en cas d'attaque. Par ailleurs, les compagnies maritimes ont davantage recours, depuis les années 2010, aux services de compagnies de sécurité privées pour déployer à bord de leurs navires des gardes de plus en plus souvent armés, pour protéger leur flotte en transit au large de la Somalie. Là encore, les législations s'adaptent pour encadrer la pratique et permettre sa généralisation progressive.

Sébastien Benotti, « Piraterie maritime : espaces, formes et évolutions », in Thierry de Montbrial, Dominique David (dir.), Ramses 2020 : Un Monde sans boussole ?, Institut français des relations internationales/Dunod, 2019, Malakoff.

1. Bâtiments : ici, navires.

Document 2La piraterie dans le monde en 2019

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Les clés du sujet

Identifier les documents

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Comprendre la consigne

Vous devez souligner trois dimensions de la piraterie maritime : ses enjeux (ce qu'il y a à gagner ou à perdre) ; ses acteurs (les responsables, les victimes) ; les moyens de lutte contre cette menace.

Observez la structure du document 1, distinguant piraterie et lutte contre la piraterie. Par ailleurs, en utilisant un code couleur, surlignez ce qui concerne chacune des trois dimensions de la piraterie.

Dégager la problématique et construire le plan

La piraterie maritime constitue une menace pour de nombreux États. Par l'importance de ses enjeux, l'implication d'acteurs étatiques et non étatiques et la lutte armée qu'elle mobilise, c'est une forme de conflit.

La problématique à laquelle vous devez répondre est la suivante : dans quelle mesure la piraterie est-elle une forme de conflit mondial ?

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : I. Les enjeux de la piraterie maritime; Quels enjeux financiers et économiques pour les États touchés et les pirates ?Quels enjeux politiques pour les États et les pirates ?; Ligne 2 : II. Les acteurs; Quels sont les acteurs étatiques concernés ?Quels sont les acteurs non étatiques ?; Ligne 3 : III. Les formes de résolution; Quels moyens militaires sont mobilisés pour lutter contre la piraterie ?Quels autres moyens sont utilisés par les États ?;

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] En 2013, la géostratégie des espaces maritimes a été introduite dans les programmes de Terminale. C'est dire l'importance de ces espaces au regard de la montée en puissance de la piraterie maritime. [Présentation des documents] Les deux documents proposés proviennent de l'ouvrage Un Monde sans boussole ? Ramses 2020, paru en 2019. Le second a été réalisé à partir de sources diverses (GRIMM Partners, Joint War Committee Listed Areas et l'Ifri). Ils portent tous deux sur la piraterie maritime. Le premier est un texte géographique de Sébastien Benotti consacré à la piraterie somalienne ; le second un planisphère thématique portant sur la piraterie mondiale. [Problématique] Nous analyserons ces documents pour montrer dans quelle mesure la piraterie est une forme de conflit mondial. [Annonce du plan] Pour ce faire, nous soulignerons successivement les enjeux de la piraterie maritime [I], ses acteurs [II] puis les formes de lutte contre cette menace [III].

I. Les enjeux de la piraterie maritime

1. Des enjeux économiques

Pour les pirates, il s'agit de financer leurs activités criminelles. Le document 1 rappelle cet enjeu : « la piraterie somalienne s'organise et devient une véritable industrie criminelle » (document 1, l. 1-2).

Pour les États, la priorité est de garantir la libre circulation de leurs navires de commerce tout en limitant le coût des pertes financières liées à la piraterie : « la Banque mondiale évalue alors le coût économique de la piraterie est-africaine à plusieurs milliards de dollars par an » (document 1, l. 13-15).

2. Des enjeux politiques

Les pirates entendent affirmer leur puissance face aux États comme le souligne le document 1 : « Les pirates sont alors capables de détourner des navires de grande taille… pour exiger des rançons » (l. 9-12).

Face aux pirates, les États cherchent avant tout à sécuriser les points de passage stratégiques. Il s'agit notamment des détroits comme ceux de Malacca, d'Ormuz et de Bab El-Mandeb (document 2). En même temps, ils affirment leur souveraineté, en tant que capacité à faire respecter leurs droits.

à noter

Le détroit d'Ormuz est le principal point de passage du trafic pétrolier mondial (plus de 30 % du total).

II. Les acteurs de la piraterie maritime

1. Des acteurs étatiques

De nombreux États sont touchés par la piraterie : il s'agit en particulier des principaux importateurs de pétrole, comme la Chine, les États-Unis, et les États de l'Union européenne.

Comme l'indique le document 2, la Somalie est le principal foyer de pirates : située en bordure d'un passage maritime stratégique (le golfe d'Aden), habitée par une population jeune et pauvre, ce pays, sans structure étatique digne de ce nom, a vu exploser la piraterie.

2. Des acteurs non étatiques

Comme l'évoquent les lignes 9-12 du document 1, les pirates somaliens attaquent les navires (cargos, pétroliers), s'emparent de leurs cargaisons et prennent en otage les équipages. Ces derniers sont libérés moyennant de considérables rançons.

conseil

Plutôt que de citer le document, vous l'explicitez ici en décrivant le fonctionnement des pirates.

Les institutions internationales comme la Banque mondiale financent les programmes de lutte contre la piraterie et d'aide aux pays d'origine des pirates (« De grands bailleurs de fonds institutionnels… des pirates », document 1, l. 21-24). Ces interventions soulignent bien la dimension mondiale de cette forme de conflit.

Les compagnies d'assurances maritimes assurent les navires de commerce. Leur rôle est indirectement évoqué par l'expression « La réglementation évolue pour exiger des opérateurs une plus grande maîtrise du risque » (document 1, l. 19-20).

Depuis 2010, des compagnies de sécurité privées sont sollicitées par les compagnies maritimes pour protéger les équipages et les cargaisons. Elles suppléent les États lors d'opérations militaires, à l'instar des sociétés militaires privées.

III. La lutte contre la piraterie maritime

1. La coopération internationale

Il s'agit tout d'abord d'une coopération juridique mise en œuvre par les États victimes d'actes de piraterie : la réglementation du commerce maritime s'adapte en exigeant des compagnies maritimes une meilleure prévention des risques (document 1, l. 19-20).

Il s'agit également d'une coopération militaire : les États lancent des opérations militaires coordonnées dans les zones les plus vulnérables (document 1, l. 25-33). Ces opérations permettent d'escorter les convois de navires marchands, d'intercepter des pirates ou de sauver des équipages victimes d'attaques. C'est le cas de la Combined Task Force 151 commandée par les États-Unis ou de la mission Atalante menée par l'Union européenne. Cette mission, à laquelle contribuent 24 États de l'Union, s'est déployée à partir de 2008 dans le golfe d'Aden et dans l'océan Indien (documents 1 et 2).

Le secret de fabrication

Cette mention fait le lien entre le document 1 qui évoque cet exemple et le document 2 qui permet de le localiser (« Opérations militaires coordonnées de lutte contre la piraterie maritime au cours des 15 dernières années » en légende). Vous vous inscrivez alors dans la logique de l'étude critique de deux documents que vous associez de façon pertinente.

2. L'aide au développement

Des bailleurs de fonds institutionnels, comme la Banque mondiale, financent des programmes destinés à renforcer les forces de sécurité somalienne (document 1, l. 21-23). Cela induit que la lutte contre la piraterie est d'abord une affaire nationale.

Dans la même logique, des programmes internationaux sont mis en œuvre pour consolider le système judiciaire somalien afin qu'il soit apte à juger les pirates. En effet, police et justice sont deux fonctions régaliennes difficilement assumées par un « État failli ».

mot clé

Un État failli est un État incapable d'assurer ses missions essentielles.

Conclusion

[Réponse à la problématique] Ainsi, ces documents nous montrent que la piraterie maritime est bien une forme de conflit mondial : fondée sur des enjeux économiques et politiques, elle mobilise des acteurs étatiques et non étatiques. La lutte contre cette menace nécessite une coopération internationale complétée par l'aide au développement. [Intérêt et limites des documents] Ces documents soulignent bien la dimension mondiale de cette question. Cependant, bien que récents, ils ne montrent pas le basculement de la piraterie vers le golfe de Guinée.

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