Une longue histoire de la matière
Sciences
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Une longue histoire de la matière
La structure des frustules des diatomées
Intérêt du sujet • Plus de 100 000 espèces de diatomées (phytoplancton) sont présentes dans tous les milieux aquatiques. Leur coque transparente inspire les scientifiques.
Les diatomées sont des algues unicellulaires qui construisent une carapace de verre, le frustule, autour de leur membrane à partir de silice dissoute. Les caractéristiques de cette architecture vitreuse inspirent de diverses manières les chimistes, notamment en médecine, avec la création de nanovecteurs de médicaments.
Partie 1 • Une architecture vitreuse cristalline
Document 1Le frustule, une boîte de verre
Ph © Nancy Nehring / coll. E+/Getty images
Diatomée du genre Cymbella
Le frustule permet de protéger la cellule. Peu de prédateurs parviennent à le briser. Par ailleurs sa transparence rend possible la photosynthèse.
Longueur du frustule : 0,1 mm.
Document 2La structure multi-échelle d'une coque de frustule
Les coques du frustule sont percées de pores répartis sur trois couches. Ils permettent à la cellule de communiquer avec le milieu extérieur pour assurer son métabolisme.
Les diatomées sont en concurrence entre elles et avec d'autres organismes pour l'accès à la silice dissoute. Si la fabrication du frustule coûtait trop de ressources matérielles et énergétiques, d'autres algues moins exigeantes se développeraient plus vite et en plus grand nombre.
Ph © Serge Berthier, Institut des Nanosciences de Paris
Structure hiérarchique des pores du frustule de la diatomée Coscinodiscus wailessii
Document 3Diagramme de l'énergie en fonction de la longueur d'onde
Les ondes électromagnétiques sont caractérisées par leurs longueurs d'onde λ (en nanomètre pour la lumière visible) ou leurs fréquences.
L'analyse de la lumière transmise à travers un frustule montre que les rayons UV ne passent pas. Cette propriété est liée à l'interaction du rayonnement solaire avec la triple porosité hiérarchique du frustule. Les diatomées peuvent ainsi venir chercher les rayons solaires en surface, sans être brûlées par les UV, très énergétiques.
À partir de vos connaissances et des informations apportées par les documents 1 à 3, répondre aux questions suivantes.
▶ 1. Répondre au QCM en cochant la bonne réponse.
a) Les rayons stoppés par le frustule :
☐ sont de couleur violette.
☐ sont visibles à l'œil nu par les humains.
☐ ne transportent pas d'énergie.
☐ transportent plus d'énergie que la lumière visible.
b) L'énergie transportée par une onde électromagnétique :
☐ augmente lorsque la température diminue.
☐ augmente lorsque la longueur d'onde diminue.
☐ ne varie pas lorsque la longueur d'onde varie.
☐ diminue avec la longueur d'onde.
c) Une diatomée doit pouvoir s'approcher de la surface pour recevoir :
☐ les radiations visibles les plus énergétiques.
☐ les radiations nécessaires à sa photosynthèse.
☐ les radiations invisibles du soleil.
☐ les ultra-violets les plus énergétiques.
▶ 2. Les cristaux photoniques sont des structures périodiques qui « contrôlent » la propagation de la lumière constituée de photons.
Dans ses travaux sur les cristaux photoniques, Raphaël Pierre écrit :
« … On constate combien le comportement du photon est profondément modifié lorsque l'on structure de manière périodique un milieu initialement homogène. Les photons qui n'interagissaient pas dans le milieu homogène ne s'ignorent plus et communiquent désormais entre eux… La lumière est diffusée par les motifs et subit des réflexions multiples… »
a) Définir un cristal.
b) Expliquer ce qui, dans la structure d'une coque de frustule, permet une analogie avec un cristal.
c) Expliquer en quoi la structure d'une coque de frustule peut être comparée à celle d'un cristal photonique.
▶ 3 Citer trois avantages de la présence de pores dans le frustule, pour les diatomées.
Partie 2 • Biomimétisme : la création de silice nanostructurée
Document 4Le procédé sol-gel
On a mis en œuvre des protocoles de polymérisation de la silice dans des conditions de température et de pression proches des conditions ambiantes. C'est la chimie dite « douce » car elle demande peu de ressources énergétiques et matérielles.
Document 5Création de nanovecteurs à double porosité hiérarchique
À l'intérieur du cytoplasme d'une diatomée en division, des vésicules créent des agrégats protéiques de forme sphérique de trois tailles différentes, qui constituent des gabarits autour desquels la silice polymérise. Les trois tailles de nanostructures de silice polymérisée sont excrétées puis elles s'auto-assemblent pour former le frustule.
Les chercheurs se sont inspirés de ce mécanisme pour créer des nanovecteurs de silice, bien tolérée par l'organisme, contenant un médicament anticancéreux. Pour cela, le procédé sol-gel a été adapté de différentes façons.
Première technique. On introduit dans le procédé sol-gel des tensioactifs (savons), c'est-à-dire des molécules constituées de deux parties fonctionnelles : une tête hydrophile et une chaîne carbonée hydrophobe. Les tensioactifs choisis forment des micelles cylindriques de quelques dizaines de nanomètres. Leur tête attire fortement la silice qui polymérise autour.
Deuxième technique. On modifie la technique précédente en dirigeant la formation des micelles cylindriques autour de billes de latex d'une centaine de nanomètres. On obtient un gabarit sphérique avec deux tailles de pores comme il est montré sur le schéma ci-dessous.
Avec ce dernier procédé, on crée des nanovecteurs (150 nm de diamètre) qui sont absorbés par les cellules. L'anticancéreux est associé à des nanoparticules d'or de 2 nm dans les nanopores de l'enveloppe, ce qui permet de le concentrer et de le stabiliser jusqu'à son relargage dans la cellule à tuer. La grande cavité a été chargée en particules d'or de 6 nm qui, chauffées par infrarouges, contribueront à détruire les cellules cancéreuses.
Source : Chimie des matériaux hybrides, Clément Sanchez.
À partir de vos connaissances et des informations apportées par les documents 4 et 5, répondre aux questions suivantes.
▶ 4. Expliquer comment se met en place une micelle en milieu aqueux et comment ces micelles guident la polymérisation de la silice dans le procédé sol-gel.
▶ 5. Nommer des molécules qui se comportent de manière similaire dans la membrane plasmique des cellules et les représenter dans un schéma de membrane.
▶ 6. Le terme « biomimétisme » signifie que les technologies cherchent à imiter la nature : soit directement, en reproduisant des formes naturelles, soit en s'inspirant de certains mécanismes de création des matériaux naturels.
Montrer en quoi la fabrication de billes de silice à double porosité constitue une forme de biomimétisme d'un frustule de diatomée.
Les clés du sujet
Comprendre les documents

Répondre aux questions
Coups de pouce
▶ 1. Aidez-vous du document 3 pour répondre au QCM.
▶ 3. Il s'agit de saisir des informations dans l'ensemble des documents.
▶ 4. Appuyez-vous sur vos connaissances sur la membrane plasmique.
▶ 6. Il s'agit de montrer en quoi la structure du nanovecteur et son processus de fabrication s'inspirent de la mise en place du frustule.
Aide à la résolution de la question 2. c
Partie 1 • Une architecture vitreuse cristalline
▶ 1. a) Les rayons stoppés par le frustule, les UV, transportent plus d'énergie que la lumière visible.
b) L'énergie transportée par une onde électromagnétique augmente lorsque la longueur d'onde diminue.
c) Une diatomée doit pouvoir s'approcher de la surface pour recevoir les radiations nécessaires à sa photosynthèse.
▶ 2. a) Un cristal est un empilement ordonné d'une entité, nommée motif : atome, molécule ou ions.
à noter
La structure du frustule présente un motif qui rappelle une organisation similaire à celle d'un motif cristallin.
b) • La structure d'une coque de frustule présente une porosité hiérarchique. Les trous de plus grand diamètre (1 μm) sont organisés de manière régulière, formant un réseau hexagonal à deux dimensions, en dessous duquel une couche percée de trous de diamètre plus petits (250 nm), présente également une organisation assez régulière.
Elle-même recouvre une couche de trous encore plus petits (50 nm). La répétition régulière des pores hexagonaux de 1 μm avec leurs sous-porosités peut être assimilée à une structure cristalline, le pore hexagonal étant le motif.
c) D'après la définition, un cristal photonique est une structure périodique qui modifie la propagation de la lumière. Nous venons de montrer que la coque d'une frustule peut être assimilée à une structure cristalline. Le document 3 détaille une autre particularité de ce frustule : celui-ci est capable de réfléchir les rayonnements ultraviolets, ce qui protège la diatomée de ce type de rayonnement. On peut alors conclure que la coque d'un frustule se comporte comme un cristal photonique qui modifie la propagation des différentes longueurs d'onde de la lumière solaire.
▶ 3. Grâce aux pores, la cellule est protégée tout en restant en contact avec le milieu extérieur : elle importe les éléments dont elle a besoin pour vivre et rejette les déchets de son métabolisme. Par ailleurs la mise en place du frustule poreux n'est pas trop coûteuse en énergie et en matière : elle demande peu de silice. Enfin, le frustule est une structure légère, ce qui permet à la diatomée de remonter vers la surface pour chercher la lumière.
Partie 2 • Biomimétisme : la création de silice nanostructurée
▶ 4.
Le conseil de méthode
Appuyez-vous sur vos connaissances pour analyser et interpréter des documents inconnus. Ainsi vous ne savez peut-être pas ce qu'est une micelle ou un tensioactif ; dans ce cas repérez les deux parties d'un tensioactif sur le schéma. Ces deux parties sont comparables à celles des phospholipides qui structurent la bicouche lipidique d'une membrane.
Les tensioactifs sont des petites molécules à double polarité : la queue est une chaîne carbonée hydrophobe, et la tête est chargée positivement (cationique), ce qui lui confère une affinité avec l'eau. Les parties hydrophobes se regroupent entre elles et forment des structures (micelles) cylindriques. La silice est chargée négativement, elle est donc attirée par les têtes positives hydrophiles des tensioactifs et polymérise à la surface des micelles.
▶ 5. Les phospholipides membranaires sont également des molécules avec une tête hydrophile (groupement phosphate) et deux queues hydrophobes (acides gras).
▶ 6.
Le conseil de méthode
Cherchez au brouillon le(s) point(s) commun(s) entre les nanovecteurs et les frustules ainsi que leurs différences avant de rédiger votre réponse.
Les chercheurs ont créé des nanovecteurs en silice, dans la même matière première que les frustules. De plus ils ont créé une structure poreuse hiérarchique comme pour les frustules : une grande sphère centrale délimitée par une couche de silice percée de nanopores cylindriques. La forme des pores est différente de celle des pores d'un frustule et il n'y a que deux niveaux de porosité, donc les chercheurs n'ont pas imité complètement la structure du frustule.
Ils se sont en revanche inspirés du mécanisme qui permet de créer différentes tailles de pores chez les diatomées. Celles-ci créent des gabarits organiques de trois tailles, autour desquels la silice polymérise. Les chercheurs ont imité cela en introduisant deux sortes de gabarits dans leur procédé sol-gel : les micelles cylindriques de 5 nm de diamètre et les billes de polystyrène de 100 nm de diamètre. Dans le nanovecteur siliceux, les plus petites particules d'or et les médicaments sont piégés dans les nanopores de 5 nm, tandis que la grande cavité a été chargée en particules d'or plus grosses.