La matière
Stratégies en synthèse organique
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La matière
La tyrosine
Intérêt du sujet • À l'heure des compléments alimentaires, penchons-nous sur l'un d'eux : la tyrosine. Comment peut-elle être synthétisée par l'industrie pharmaceutique ? Comment procéder au contrôle de qualité d'une gélule ? De la stratégie de synthèse à la loi de Beer-Lambert, ce sujet vous permettra de réviser quasiment tout le programme de chimie !
© Solgar
Flacon de L-Tyrosine 500 mg
Les protéines, assemblage tridimensionnel d'acides aminés, sont omniprésentes dans notre organisme. Elles assurent une multitude de fonctions biologiques. La synthèse de ces macromolécules est réalisée « in vivo » (dans l'organisme) mais aussi « in vitro » (au laboratoire). Dans le corps humain, vingt acides aminés différents participent à l'élaboration des protéines. Parmi eux, on trouve la tyrosine.
La tyrosine est présente dans de nombreux aliments (amande, avocat, banane, graine de citrouille, fève de Lima, etc.).
Elle peut être consommée en compléments alimentaires sous forme de gélules (photo ci-dessous) pour lutter contre le stress et l'anxiété.
La formule topologique de la tyrosine, de masse molaire 181,0 g · mol–1, est donnée ci-dessous :
Partie 1. étude de la molécule de tyrosine ⏱ 10 min
▶ 1. Recopier la formule de la molécule de tyrosine. Entourer les groupes caractéristiques présents. (0,5 point)
▶ 2. Justifier la famille de composés à laquelle elle appartient. (0,5 point)
Partie 2. étude de la première étape de la synthèse de la L-tyrosine au laboratoire ⏱ 35 min
L'équation de la réaction de la première étape de la synthèse de la L-tyrosine est la suivante :
On réalise cette étape en faisant réagir 10,0 mL d'aniline avec un excès de chlorure d'éthanoyle. La masse d'acétanilide obtenue est alors de 11,2 g.
Données
Données physico-chimiques :
Masse volumique de l'aniline : ρ = 1,02 g · mL–1.
Table des données IR :
Électronégativité de quelques éléments :
▶ 1. Aspect macroscopique de la 1re étape de la synthèse
a) Indiquer la catégorie de la réaction correspondant à la première étape de la synthèse de la L-tyrosine. (0,25 point)
b) À partir de l'état physique des espèces mises en jeu dans la réaction, proposer une méthode expérimentale pour récupérer l'acétanilide du milieu réactionnel. (0,5 point)
c) À l'issue de la première étape, on réalise les spectres IR de l'aniline et du produit obtenu (représentés ci-dessous). Montrer que l'aniline a bien été transformée intégralement en acétanilide. (1 point)
Spectre IR de l'aniline
Spectre IR du produit obtenu à l'issue de la première étape
d) Montrer que le rendement de cette première étape, noté r, est de l'ordre de 75 %. Proposer une explication expérimentale pour rendre compte d'une valeur de rendement inférieure à 100 %. (1,5 point)
▶ 2. Aspect microscopique de la 1re étape de la synthèse
a) Sur la première étape du mécanisme réactionnel de la synthèse proposé sur la figure 1, ci-dessous, repérer en les entourant le site donneur et le site accepteur de doublets d'électrons qui interviennent dans cette étape. (0,25 point)
Figure 1. Première étape du mécanisme de la synthèse de la tyrosine
b) Compléter cette étape par des flèches courbes. Qu'indiquent ces flèches ? (0,5 point)
Partie 3. contrôle de qualité d'une gélule de L-tyrosine ⏱ 25 min
L'étiquette mentionne des gélules de L-tyrosine contenant 500 mg de principe actif. On désire vérifier cette information par un dosage spectrophotométrique.
Protocole expérimental suivi
Dissoudre totalement une gélule de L-tyrosine dans un volume de 2,00 L d'eau. La solution obtenue est notée S.
Préparer une solution aqueuse de L-tyrosine de concentration c0 = 2,5 × 10–3 mol · L–1 à partir d'un flacon de produit pur du laboratoire. Cette solution est notée S0.
À partir de la solution mère S0, préparer quatre solutions filles dont les concentrations sont fournies dans le tableau suivant :
Mesurer l'absorbance de chaque solution et tracer le graphe A = f(c).
Mesurer l'absorbance de la solution S.
Résultats expérimentaux
La courbe d'étalonnage obtenue est représentée ci-dessous.
Figure 2. Courbe d'étalonnage de l'absorbance A en fonction des concentrations molaires des solutions de L-tyrosine
La mesure de l'absorbance de la solution S est A = 1.
Donnée
Spectre d'absorption UV visible d'une solution aqueuse de L-tyrosine à pH = 7
Aucune absorbance n'est observée dans un autre domaine de longueur d'onde.
▶ 1. Quels réglages faut-il effectuer sur le spectrophotomètre pour réaliser le contrôle qualité ? (0,5 point)
▶ 2. Déterminer le volume de solution mère à prélever pour préparer 100,0 mL de solution S1. Nommer la verrerie utilisée pour préparer cette solution. (0,75 point)
▶ 3. La teneur en L-tyrosine de la gélule est-elle conforme à l'indication de l'étiquette du médicament ? (1,25 point)
Tout élément de la démarche sera valorisé même si celle-ci n'aboutit pas.
Partie 4. de la tyrosine à une protéine ⏱ 15 min
La tyrosine (TYR) entre dans la composition de protéines appartenant à la famille des endorphines.
Ces composés sont sécrétés, par exemple, lors d'activités physiques intenses. Ils possèdent des capacités à éliminer la sensation de douleur et à procurer une sensation de bien-être.
Une première liaison peptidique est créée par réaction de condensation entre la tyrosine et un autre acide aminé, la glycine (GLY) pour former dans un premier temps un dipeptide TYR-GLY suivant l'équation générale :
▶ 1. Sans aucune précaution particulière prise lors de cette synthèse, combien de dipeptides différents peut-on obtenir à partir de la tyrosine et de la glycine ? Utiliser une notation du type TYR-GLY pour rédiger votre argumentation. (0,5 point)
▶ 2. La stratégie adoptée pour la synthèse peptidique utilise la protection et la déprotection de fonctions. Proposer, en quelques phrases, une stratégie qui permette de synthétiser uniquement le dipeptide TYR-GLY. (1 point)
Les clés du sujet
Le lien avec le programme
Les conseils du correcteur
Coups de pouce
Aide à la résolution de la question 3 de la partie 3
Partie 1. étude de la molécule de tyrosine
▶ 1. Identifier des groupes caractéristiques
D'après la représentation topologique ci-dessous, la molécule de tyrosine possède trois groupes caractéristiques :
le groupe carboxyle caractéristique de la famille des acides carboxyliques ;
le groupe amino, positionné en α du groupe carboxyle, caractéristique de la famille des amines ;
le groupe hydroxyle.
▶ 2. Justifier la famille à laquelle appartient la tyrosine
Cette molécule organique comporte un groupe amino et un groupe carboxyle sur le carbone α. Cela permet de confirmer que la tyrosine appartient bien à la famille des acides α-aminés.
Partie 2. étude de la première étape de la synthèse de la L-tyrosine au laboratoire
▶ 1. a) Identifier une catégorie de réaction en chimie organique
à noter
Les trois catégories de réaction en chimie organique à connaître sont : élimination, addition et substitution.
Lors de la réaction de la première étape de la synthèse de la L-tyrosine, un atome d'hydrogène du groupe amino de l'aniline (entouré en rouge) est remplacé par le groupe d'atomes H3C–C=O du chlorure d'éthanoyle (entouré en bleu).
Il s'agit donc d'une réaction de substitution.
b) Isoler une espèce chimique du milieu réactionnel
À température ambiante de 25 °C, l'aniline et le chlorure d'éthanoyle se trouvent à l'état liquide, car, pour chacun d'entre eux, on a : Tf Téb.
D'autre part, concernant l'acétanilide, on a : 25 °C Tf.
Ainsi, l'acétanilide se trouve à l'état solide.
Pour isoler l'acétanilide solide du milieu réactionnel liquide, on propose d'utiliser un dispositif de filtration comme la filtration Büchner.
c) Justifier la disparition et la formation d'une espèce chimique
Spectre IR de l'aniline
Spectre IR du produit obtenu à l'issue de la première étape
Le spectre IR du produit obtenu à l'issue de la première étape présente :
une bande d'absorption fine et d'intensité moyenne vers 3 300 cm–1 associée à la liaison N–H d'un amide ;
une bande d'absorption fine et de forte intensité vers 1 670 cm–1 associée à la liaison C=O d'un amide.
D'autre part, ce spectre ne présente pas :
une bande d'absorption fine et d'intensité moyenne vers 3 400 cm–1 ;
une bande d'absorption fine et de forte intensité vers 1 600 cm–1.
Ces deux bandes sont associées à la liaison N–H d'une amine primaire.
Cette comparaison des spectres confirme la transformation d'un groupe amino en un groupe amide (voir ci-dessous). L'aniline a donc bien été transformée en acétanilide.
Le conseil de méthode
Pour justifier la disparition et la formation d'une espèce chimique à partir de spectres IR :
à partir des formules topologiques de l'aniline et de l'acétanilide, repérez pour chaque molécule le groupe caractéristique et les liaisons chimiques correspondantes ;
entourez les bandes d'absorption correspondant à ces liaisons chimiques ;
montrez que les bandes d'absorption des liaisons N–H amine primaire sont absentes du spectre IR de l'acétanilide et remplacées par celles des liaisons N–H amide et C=O amide.
d) Calculer le rendement d'une réaction
attention
Dans la relation n =
si ρ est en g · mL–1 alors vous devez garder le volume V en mL.
Commençons par calculer la quantité de matière initiale en aniline :
On a ni(aniline) =
De plus, on a ρ(aniline) = d'où m(aniline) = ρ(aniline) × V(aniline).
Ainsi, on obtient :
ni(aniline) = = = 1,10 × 10–1 mol.
D'après l'énoncé, le chlorure d'éthanoyle est introduit en excès, par conséquent, l'aniline est le réactif limitant.
Ainsi, si la réaction est totale, alors, à l'état final, l'avancement maximal est :
xmax = ni(aniline) = 1,10 × 10–1 mol.
D'après l'équation de la réaction, à l'état final, on a :
nf(acétanilide) = xmax = 1,10 × 10–1 mol.
Par conséquent, on a :
mf(acétanilide) = nf(acétanilide) × M(acétanilide)
= 1,10 × 10-1 × 135,0 = 14,9 g.
mot-clé
Le rendement d'une réaction peut s'exprimer par : r = ou r = .
Il s'exprime souvent en pourcentage.
D'après la définition du rendement, on a : r = = = 0,752 soit 75,2 %.
On confirme donc que le rendement de cette étape de synthèse est bien de l'ordre de 75 %.
Pour justifier que ce rendement n'est pas égal à 100 %, on peut avancer comme argument les pertes de matière de l'acétanilide, notamment lors de la filtration évoquée à la question 1. b de la partie 2, et lors du transvasement dans un verre de montre avant la pesée.
▶ 2. a) Repérer des sites donneur et accepteur de doublets d'électrons
Le site donneur d'électrons est le doublet non liant de l'atome d'azote. Le site accepteur d'électrons est l'atome de carbone engagé dans deux liaisons polarisées (la liaison C=O et la liaison C–Cl). Il porte donc une charge partielle δ+.
b) Modéliser des déplacements de doublets d'électrons
La flèche courbe n° 1 ci-dessus modélise le déplacement du doublet d'électrons du site donneur vers le site accepteur, correspondant à la formation de la liaison N–C.
Ce déplacement provoque le basculement d'un doublet d'électrons de la double liaison C=O vers l'atome d'oxygène (désormais chargé O–), ce qui est modélisé par la flèche n° 2.
Cela permet à l'atome de carbone de respecter la règle de l'octet.
Partie 3. contrôle de qualité d'une gélule de L-tyrosine
▶ 1. Rappeler les réglages à effectuer sur le spectrophotomètre
Pour régler le spectrophotomètre, il faut tout d'abord déterminer la longueur d'onde à laquelle la mesure d'absorbance devra être réalisée.
Nous devons repérer graphiquement la longueur d'onde notée λmax pour laquelle l'absorbance de la L-tyrosine est maximale.
Ainsi, par lecture graphique, on a : λmax = 280 nm. D'autre part, il faut « faire le blanc » c'est-à-dire étalonner l'appareil en mesurant l'absorbance du solvant (ici l'eau distillée) utilisé pour préparer les solutions.
▶ 2. Déterminer le volume de solution mère à prélever lors d'une dilution et préciser la verrerie à utiliser
attention
Lors d'une dilution, la quantité de matière de soluté se conserve.
Il faut commencer par déterminer le volume V0 de solution mère S0 qu'il faut prélever pour préparer la solution S1 à la concentration souhaitée.
Solution mère S0
C0 = 2,5 × 10–3 mol · L–1 et on ne connaît pas V0.
Solution fille S1
C1 = 5,0 × 10–4 mol · L–1 et V1 = 100,0 mL.
Sachant que, lors d'une dilution, la quantité de matière de soluté se conserve, on a donc n0 = n1 d'où C0V0 = C1V1.
Ainsi, V0 = = = 20 mL.
Pour préparer cette solution, il faut utiliser une fiole jaugée de 100,0 mL et une pipette jaugée de 20 mL pour le prélèvement.
▶ 3. Pour savoir si la teneur en L-tyrosine de la gélule analysée est bien conforme à l'indication de l'étiquette du médicament mentionnant que les gélules contiennent 500 mg de L-tyrosine, il faut déterminer la masse de L-tyrosine présente dans la solution S préparée en dissolvant une gélule de L-tyrosine.
Étape 1. Déterminer la concentration molaire en L-tyrosine de la solution S préparée
à noter
Pensez à tracer, sur le document-réponse 2, la droite d'étalonnage pour faire apparaître la construction graphique permettant de déterminer CS.
On sait que l'absorbance de la solution S est égale à A = 1. Par lecture graphique (page suivante), on en déduit que la concentration molaire en L-tyrosine de la solution S est :
CS = 0,00135 mol · L–1 soit :
CS = 1,35 × 10–3 mol · L–1.
Étape 2. Déterminer la masse de tyrosine contenue dans la solution S préparée
La masse de tyrosine est donnée par :
mtyrosine = CSVSMtyrosine
mtyrosine = 1,35 × 10–3 × 2,0 × 181,0 = 4,9 × 10–1 g = 4,9 × 102 mg.
Étape 3. Calculer l'écart relatif
L'écart relatif sur la masse de tyrosine dans la gélule est donné par :
ER = = = 0,02 soit 2 %.
Étape 4. Conclure
La gélule analysée contient 490 mg de L-tyrosine. On retrouve l'indication portée sur l'étiquette de ce médicament avec un écart relatif de 2 %.
Partie 4. de la tyrosine à une protéine
▶ 1. Déterminer le nombre de dipeptides différents issus de la réaction entre deux acides aminés différents
Pour former la liaison peptidique, il faut qu'un groupe carboxyle réagisse avec un groupe amino. Or, un acide aminé possède à la fois un groupe carboxyle et un groupe amino. Ainsi, lorsqu'on fait réagir la tyrosine avec la glycine sans protection particulière, il peut y avoir formation de plusieurs peptides différents.
En effet, le groupe carboxyle de la tyrosine peut réagir avec le groupe amino de la glycine pour former le dipeptide TYR-GLY.
De la même façon, le groupe carboxyle de la glycine peut réagir avec le groupe amino de la tyrosine pour former le dipeptide GLY-TYR.
Les groupes amino et carboxyle de deux acides aminés identiques peuvent aussi réagir ensemble : cela conduit à la formation des dipeptides TYR-TYR et GLY-GLY. Le nombre de dipeptides envisagés est donc égal à quatre : TYR-TYR, GLY-GLY, TYR-GLY et GLY-TYR.
▶ 2. Proposer une stratégie de synthèse pour obtenir un dipeptide souhaité
Si l'on souhaite synthétiser uniquement le dipeptide TYR-GLY, il faut former la liaison peptidique en faisant réagir sélectivement, la fonction acide carboxylique de la tyrosine avec la fonction amine de la glycine.
Cela implique qu'il faut préalablement protéger la fonction amine de la tyrosine et la fonction acide carboxylique de la glycine en les faisant réagir avec des réactifs adaptés. Ainsi, ces deux groupes fonctionnels ne pourront pas réagir. C'est l'étape de la protection.
Ensuite, on fait réagir les deux groupes fonctionnels non protégés de la glycine et de la tyrosine : c'est l'étape de la réaction. Il y a alors formation de la liaison peptidique souhaitée.
Enfin, il faut déprotéger les groupes fonctionnels préalablement protégés. C'est l'étape de la déprotection. On obtiendra ainsi le dipeptide souhaité TYR-GLY.