France métropolitaine 2022 • Contraction – Essai
écrit
8
fra1_2206_07_00C
France métropolitaine, juin 2022 • Contraction – Essai
Le combat pour l’égalité : quelle efficacité ?
Intérêt du sujet • Ce sujet vous permet de réfléchir à l’engagement pour l’égalité, à ses moyens d’action et à ses chances de réussir.
1. Contraction • Vous résumerez ce texte en 196 mots. Une tolérance de +/– 10 % est admise : votre travail comptera au moins 176 mots et au plus 216 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.
2. Essai • Martine Reid écrit : « George Sand milite sans relâche pour l’égalité, “beau rêve, dit-elle, dont je ne verrai pas la réalisation”. » Selon vous, écrire et combattre pour l’égalité, est-ce viser forcément une efficacité immédiate ?
Vous développerez de manière organisée votre réponse à cette question, en prenant appui sur La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges, sur le texte de l’exercice de la contraction et sur ceux que vous avez étudiés dans le cadre de l’objet d’étude « La littérature d’idées du xvie au xviiie siècle ». Vous pourrez aussi faire appel à vos lectures et à votre culture personnelle.
document
Toute sa vie, George Sand s’est montrée très attentive à la condition des femmes de son temps. On en trouve d’innombrables preuves dans sa correspondance, mais aussi dans ses romans, dans sa monumentale Histoire de ma vie et dans les nombreux articles et brochures qu’elle a publiés.
George Sand s’intéresse particulièrement aux questions qui regardent la vie privée des femmes : le droit à la libre disposition de soi et de ses biens, le mariage et la maternité. Elle réclame inlassablement l’obtention des droits civils, dont le divorce (supprimé en 1816 et rétabli en 1884), qui feront des femmes les égales des hommes. Parce qu’à l’heure où elle écrit, celles-ci sont considérées comme « mineures », dépendantes de leur père puis de leur mari, comme le prévoit le Code civil en vigueur depuis 1804. George Sand juge qu’il est trop tôt pour réclamer pour les femmes des droits politiques, qui leur permettraient de voter et de se présenter aux élections.
Si elle réclame le divorce, elle juge toutefois que celui-ci ne doit être obtenu que pour pouvoir se remarier dans de meilleures conditions. Le « contrat social » qui lie un homme et une femme lui paraît absolument nécessaire. Le mariage assure à la femme un nom, un toit, du pain ; il assure aussi à ses enfants un devenir et un avenir stable. Quant aux femmes, elles doivent trouver dans cette structure l’équilibre qui convient au plein exercice de leur « nature », qui leur fait trouver le bonheur dans la maternité et l’éducation de leurs enfants. Ce combat relève avant tout pour George Sand de l’égalité, égalité des droits devant la loi, des époux dans le mariage, l’un ne pouvant disposer de l’autre comme de sa chose, notamment dans le domaine sexuel. Cette égalité va de pair à ses yeux avec l’égalité des conditions, la « cause de la femme et celle du peuple » offrant « une similitude frappante ».
Toutes les femmes attentives à ces questions ne sont pas du même avis. Les représentantes du saint-simonisme (mouvement d’inspiration socialiste) jugent bon de réclamer les droits politiques en même temps que les droits civils, et invitent par ailleurs, loin du mariage, à une certaine liberté dans le domaine sexuel. En février 1848, George Sand écrit régulièrement dans l’organe officiel du Gouvernement provisoire, le Bulletin de la République, et participe à la diffusion des idées socialistes ; les saint-simoniennes souhaitent que l’écrivaine se présente à la députation1. Parce qu’elle ne dispose pas des droits civils, et qu’elle considère qu’ils sont la condition de l’exercice des droits politiques, George Sand refuse. […]
En matière de « féminisme », George Sand n’est pas la plus audacieuse. Elle défend le mariage et la famille et voit dans leur refus une « déplorable fantaisie ». Elle distingue manifestement ce qu’elle a pu obtenir pour elle-même (une séparation légale), ce qu’elle a choisi de vivre (liberté affective, indépendance de ton et de conduite) de ce qu’elle souhaite pour les femmes des villes et celles de la campagne, auxquelles elle s’intéresse particulièrement.
Si elle n’est pas la plus audacieuse, elle est la plus efficace, et, de loin, la plus connue. Comme Hugo, Lamartine ou plus tard Zola, George Sand met au service de ses idées un talent exceptionnel et une matière romanesque considérable. Après avoir contesté le mariage dans ses premiers romans, elle élabore des scénarios dans lesquels les protagonistes finissent par se marier, mais non sans avoir travaillé d’abord, chacun à sa manière, à se trouver l’égal de son ou de sa partenaire. Tout oppose, par exemple, la petite Fadette, sauvageonne misérable, au fils de paysans fortunés amoureux d’elle, Landry Barbeau. Le roman de 1851 montre comment l’héroïne devient pourtant peu à peu l’égale de celui qu’elle finira par épouser, égale en savoir et en intelligence, mais aussi financièrement. Cette égalité passe notamment aux yeux de George Sand par une valorisation des savoirs traditionnels et des savoirs ménagers, pour lesquels elle imagine une rémunération dans Nanon (1872). Extrêmement attentive au quotidien des femmes, George Sand milite sans relâche pour l’égalité, « beau rêve, dit-elle, dont je ne verrai pas la réalisation ». Elle le fait en créant une revue, puis un journal d’opposition ; elle le fait en intervenant dans le débat public sous la forme de « lettres ouvertes » et de brochures ; elle le fait enfin par la création d’héroïnes pourvues « des meilleures qualités des deux sexes », courageuses, intelligentes et débrouillardes, amoureuses sans renoncer à leur indépendance, fières de ce qu’elles savent, de ce qu’elles font et de ce qu’elles aiment – féministes, incontestablement.
Martine Reid, « George Sand : le combat d’une romancière féministe »,
revue Textes et documents pour la classe, 15 septembre 2014.
1. Députation : fonction de député.
Les clés du sujet
Observer le texte à contracter
Chercher des idées pour l’essai
1. Se battre pour l’égalité exige des résultats rapides.
Expliquez pour quelles raisons il peut y avoir parfois une urgence vitale à obtenir des progrès immédiats.
Trouvez des exemples de lutte pour l’égalité dans des domaines différents : lutte pour l’égalité hommes-femmes, contre les injustices sociales, contre le racisme…
2. Mais certains combats demandent de la patience et du temps.
Demandez-vous quels obstacles peuvent empêcher les combats pour l’égalité d’obtenir des résultats rapides.
3. Ainsi, le combat est aussi affaire de transmission sur le long terme.
Trouvez des exemples de militants célèbres, morts aujourd’hui, mais dont on se souvient encore : comment sont-ils devenus des icônes ? Quel rôle ont-ils joué à leur époque et jouent-ils encore aujourd’hui ?
1. Contraction
Dans nombre de ses écrits, George Sand s’est engagée pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Si elle défend l’institution du mariage, censée garantir aux épouses et à leurs enfants une existence rassurante et harmonieuse, elle n’en réclame pas moins pour elles le [50] droit au divorce, qui leur permettrait de s’émanciper de la tutelle de leurs maris. De même milite-t-elle contre les discriminations de classe.
Certes, bien des femmes de son temps sont allées plus loin dans leurs revendications, demandant par exemple l’égalité en matière politique, que refuse George Sand [100]. En comparaison, ses idées paraissent ainsi plus conventionnelles, quand elle défend des valeurs traditionnelles comme le mariage, qu’elle a pourtant peu respectées dans sa vie.
Mais ce qui la distingue des autres militantes, ce sont sa célébrité et son talent littéraire, qu’elle met à profit pour faire valoir [150] ses idées. Elle utilise ainsi des formes d’écriture très variées : articles journalistiques, textes argumentatifs divers, romans dont les héroïnes sont libres, égales aux hommes et dotées comme eux de qualités positives.
182 mots
2. Essai
Les titres des parties ne doivent pas figurer dans votre copie.
Introduction
Aujourd’hui, une nouvelle génération de jeunes militants, portés par l’exemple de Greta Thunberg, tente d’agir contre l’urgence climatique, mais les gouvernants tardent à prendre des mesures radicales et leur lenteur montre que les changements sont parfois longs à obtenir. En est-il de même dans le domaine plus particulier du combat pour l’égalité ? Peut-on espérer une efficacité immédiate, ou seul le temps peut-il remédier aux problèmes d’injustice ? Dans un premier temps, nous verrons que l’on peut, en s’engageant activement, obtenir des résultats rapides. Puis nous montrerons que ces combats demandent pourtant de la patience et que l’action est donc aussi une affaire de transmission.
I. Se battre pour l’égalité exige des résultats rapides.
Si ceux qui se battent pour l’égalité n’avaient pas l’espoir de progrès rapides, on peut craindre qu’ils ne s’engageraient pas avec autant de ténacité.
C’est en effet, le sentiment d’urgence qui anime ces militants : combattre des situations d’inégalité, c’est vouloir changer l’existence souvent difficile de millions de personnes, c’est même parfois sauver des vies. Aux États-Unis, en 2020, l’affaire George Floyd, un afro-américain mort étouffé pendant une interpellation policière, a provoqué de nombreuses manifestations qui ont montré combien la communauté noire subit encore précarité et racisme de manière inquiétante, et qu’elle espère de rapides changements de mentalité et de comportement pour que les Noirs, comme les Blancs, puissent enfin vivre en paix et en sécurité.
à noter
Un ou deux exemples par paragraphe suffisent amplement, mais il faut penser à bien les développer, pour en faire une analyse détaillée.
On comprend alors pourquoi le combat pour l’égalité possède une intensité particulière et se fait parfois de manière violente. Dans les années 1980-1990, l’association Act Up s’est battue pour l’égalité de traitements en matière médicale, accusant les laboratoires pharmaceutiques et les gouvernements de ne pas assez s’engager dans la lutte contre le sida sous prétexte que les homosexuels en étaient les principales victimes. L’activisme de ses membres a souvent choqué, mais ce sont ces provocations qui ont permis d’alerter l’opinion et d’obtenir des avancées significatives dans le domaine de la médecine et de la prévention, pour tous sans distinction.
II. Mais certains combats demandent de la patience et du temps.
Cependant le combat pour l’égalité implique un changement de mentalité qui, souvent, ne peut se faire rapidement.
Dans toute société, il existe en effet des formes de résistance qui empêchent les progrès. Parfois même, c’est la société tout entière qui n’est pas prête au changement. Ainsi, quand Olympe de Gouges écrit sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne pour lutter, notamment, contre les préjugés sexistes, elle s’attaque radicalement aux vieux fondements d’une société patriarcale. On comprend hélas pourquoi cette œuvre est passée inaperçue en son temps, voire pourquoi elle a été méprisée par des hommes qui refusaient de partager leurs droits et leurs pouvoirs avec les femmes.
Ainsi, les militants ne peuvent pas toujours obtenir des résultats immédiats et doivent accepter que l’évolution se fasse progressivement, étape par étape. C’est ce que montre l’action de George Sand, très engagée pour que les femmes obtiennent plus de droits civils, mais persuadée qu’il était trop tôt, au xixe siècle, pour qu’elles acquièrent des droits politiques. Il a d’ailleurs fallu attendre 1944 pour que le suffrage soit universel en France, quand Charles de Gaulle a signé une ordonnance accordant aux femmes le droit de vote.
III. Ainsi, le combat est aussi affaire de transmission sur le long terme.
Chaque combat doit être considéré au moment de son déroulement mais aussi à long terme : il sert d’abord à transmettre des valeurs et des modèles de lutte, dont les générations suivantes pourront s’inspirer.
En effet, ceux qui se battent activement contre toutes les formes d’inégalité sont comme les maillons d’une longue chaîne : chacun reprend l’héritage de ses prédécesseurs et poursuit la lutte. Quand le président et poète sénégalais Léopold Sédar Senghor écrit « Élégie pour Martin Luther King » en 1979, il rend hommage au grand militant de la lutte pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis, pour s’approprier ce combat et le relancer. Dans le domaine des inégalités sociales, Victor Hugo a montré, dans son épopée poétique La Légende des siècles (1859), que chaque siècle a dû combattre de nouvelles formes de despotisme et d’injustice, et que chaque héros est redevable des efforts réalisés par les combattants des générations précédentes.
à noter
Comme l’y invite le sujet, il est important d’utiliser des exemples empruntés à l’histoire, mais aussi des exemples d’écrivains engagés.
Certains militants deviennent même des figures emblématiques, qui servent d’exemples inspirants aux générations suivantes, parfois des siècles après : l’efficacité de ces modèles peut donc être double, à la fois immédiat et sur le long terme. C’est le cas de Rosa Parks qui, en refusant de céder sa place de bus à un Blanc, comme la loi l’exigeait en 1955, est très vite devenue une figure majeure de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis : son image a été reproduite sur des timbres postaux ; on a donné son nom à de nombreuses écoles ; son visage est presque connu de tous aux États-Unis.
Conclusion
Ainsi, même si parfois la lutte ne s’accompagne pas de changements immédiats dans une société trop figée, il ne faut pas désespérer pour autant : les effets peuvent se produire sur le long terme, notamment par le souvenir de grandes figures du combat, devenues, avec le temps, des icônes inspirantes. À chacun, donc, d’être vigilant et de s’engager pour faire partie de cette longue histoire de la justice et de l’égalité.