La France dans l'Europe des nationalités
histoire
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La France dans l'Europe des nationalités
Le contrôle de la classe ouvrière sous le Second Empire
analyse de documents
Intérêt du sujet • La révolution industrielle suscite l'apparition d'une « classe laborieuse » perçue comme « dangereuse ». L'Empire la garde donc sous contrôle, malgré quelques avancées sociales.
Comment les ouvriers étaient-ils contrôlés sous le Second Empire ? Présentez et expliquez les moyens utilisés, puis montrez que l'étude des livrets ne suffit pas pour évaluer la politique sociale du régime.
Document 1
Toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, empêcher de s'y rendre et d'y rester avant ou après certaines heures, et, en général, pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux, s'il y a eu tentative ou commencement d'exécution, sera punie d'un emprisonnement d'un mois au moins, et de trois mois au plus.
Les chefs ou moteurs seront punis d'un emprisonnement de deux à cinq ans.
Seront punis aussi de la même peine les ouvriers qui auront prononcé des amendes, des défenses, des interdictions ou toutes proscriptions sous le nom de damnations, et sous quelque qualification que ce puisse être, soit contre les directeurs d'ateliers et entrepreneurs d'ouvrages, soit contre les autres.
Dans le cas du présent article et dans celui du précédent, les chefs ou moteurs du délit pourront, après l'expiration de leur peine, être mis sous la surveillance de la haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus.
Texte de 1810 reproduit sur la couverture intérieure des livrets ouvriers imposés par la loi de 1854.
Document 2
Ph© Jean Vigne/Kharbine-Tapabor
Frédéric Régamey, L'Obligation du livret ouvrier, vers 1854, gravure, Bibliothèque nationale de France.
Les clés du sujet
Comprendre la consigne
Le sujet porte principalement sur le « contrôle » de la classe ouvrière sous le Second Empire. Il faut utiliser les documents pour montrer les modalités, mais également les raisons, de ce contrôle.
La consigne invite encore à « évaluer » la « politique sociale » du régime. Toutefois, la formulation utilisée n'incite pas à suivre une démarche antithétique, seulement à nuancer la réalité du contrôle présentée par les documents.
Présenter les documents
Organiser sa réponse

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Contexte] Au xixe siècle, la bourgeoisie se méfiait de la classe ouvrière qu'elle considérait comme une « classe dangereuse ». [Problématique] Comment la contrôle-t-elle durant le Second Empire ? [Présentation des documents et annonce du plan] En 1854 est institué le livret que tout ouvrier devait avoir sur lui. Les deux documents – un extrait d'une loi de 1810 inscrit dans ce livret et une gravure réalisée vers 1854 par l'illustrateur Frédéric Régamey – permettent d'en découvrir certains aspects. Après avoir présenté et expliqué les contraintes législatives du livret selon les documents [I], puis les usages qui pouvaient en être faits [II], nous verrons comment la politique sociale de l'Empire a évolué [III].
I. Le contrôle par la loi
En 1854, une loi impose un livret à tous les ouvriers. Ce document rend compte de leurs qualifications, emplois et comportements au travail. Il est rempli par les employeurs.
Le conseil de méthode
Distinguez « expliciter » et « expliquer » . Expliciter c'est clarifier un mot ou un propos : une « coalition » est une « association » ; « cesser de travailler » c'est « faire la grève ». Expliquer c'est dire pourquoi un fait a lieu, en exposer les causes : pourquoi les avancées sociales sont-elles limitées ? Parce que l'aide n'est pas universelle.
Le livret rappelle à l'ouvrier les règles qu'il doit respecter et les peines qu'il encourt en cas d'infraction (doc. 1). Promulguée par Napoléon Ier et toujours en vigueur sous le Second Empire, la loi de 1810 interdit « toute coalition » (l. 1) : il n'est ainsi pas possible de former une association ou un groupe de pression – comme un syndicat, par exemple.
La loi punit de peines de prison toute action visant à « faire cesser », « interdire », « empêcher » le travail (l. 1-2). En d'autres termes, l'ouvrier ne dispose pas du droit de faire grève.
[Transition] Par la loi, le régime impérial contrôle la classe ouvrière. Mais comment sa surveillance se traduit-elle au quotidien ?
II. Des usages qui intimident
Présenté comme un moyen de lutter contre le vagabondage, le livret doit pouvoir être présenté à tout moment aux forces de l'ordre. L'ouvrier ne peut se déplacer dans le pays sans l'avoir sur lui. C'est ce qu'illustre le document 2 : un gendarme consulte le livret d'un ouvrier. Il peut l'interpeller si ce dernier n'est pas en règle.
à noter
Le vagabondage ou le fait d'errer de ville en ville sans travail fixe était un délit passible de trois à six mois d'emprisonnement.
Le livret est consulté par les employeurs qui sont aussi ceux qui le remplissent. Ils sont ainsi juges et partie. S'il ne veut pas être exclu du monde du travail, l'ouvrier est contraint de se soumettre aux exigences des patrons.
Les peines en jeu sont lourdes : d'un mois pour une simple « tentative » de manifestation hostile (doc. 1, l. 4-6) à cinq ans de prison pour les meneurs (l. 7-8). De telles punitions sont de véritables arrêts de mort économique et sociale pour les ouvriers révoltés.
Outre l'inscription de la peine dans le livret, le condamné subit encore l'humiliation d'être « mis sous surveillance » de la police après le terme de sa peine (l. 16-17). Un meneur peut ainsi être écarté du travail pendant dix ans !
[Transition] L'usage du livret asservit la classe ouvrière. Le régime propose toutefois quelques avancées sociales. Permettent-elles vraiment d'améliorer la condition ouvrière ?
III. Des avancées sociales à la portée limitée
En 1862, Napoléon III crée une société d'aide aux familles temporairement dans le besoin : la Société du Prince impérial prête ainsi de l'argent aux ouvriers en difficulté. La loi de 1864 constitue quant à elle une grande avancée sociale : elle abolit le délit de coalition de la loi Le Chapelier et institue un droit de grève. En 1868, est créée une caisse d'assurance contre les accidents du travail. Ces mesures témoignent de la bonne volonté sociale du régime.
à noter
Datant de 1791, la loi Le Chapelier interdisait, au nom de la liberté, les sociétés professionnelles, qu'elles soient patronales ou ouvrières.
Dans la pratique, toutefois, ces avancées sont insuffisantes. L'aide n'est pas universelle : les assurances mises en place ne changent pas les conditions de vie du plus grand nombre. Surtout, la loi de 1864 n'offre aucune garantie contre le licenciement de ceux qui voudraient faire usage du droit de grève. Dès lors, cette législation reste pratiquement sans effet.
Conclusion
[Réponse à la problématique] La confrontation des documents montre la dureté et l'efficacité du contrôle de la classe ouvrière sous le Second Empire. Les avancées sociales restent timides ou sans effet, le pouvoir discrétionnaire des patrons n'étant pas menacé. [Ouverture] La loi sur les associations de 1884 suffira-t-elle pour desserrer l'étau ?