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Le patrimoine : un enjeu de tensions dans le monde ?

France métropolitaine, juin 2024 • Jour 2

dissertation

Le patrimoine : un enjeu de tensions dans le monde ?

2 heures

10 points

Intérêt du sujet • Ce sujet mobilise des notions du thème 4 et peut s’appuyer sur les multiples exemples étudiés dans les axes 1 et 2. Vos qualités de synthèse vous aideront à démontrer que le patrimoine est à l’origine de nombreuses tensions et conflits d’usages mais qu’il est aussi un objet de coopérations.

 

 Le patrimoine : un enjeu de tensions dans le monde ?

 

Les clés du sujet

Analyser le sujet

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Dégager la problématique

Le sujet invite à montrer que le patrimoine peut être l’objet de tensions entre divers acteurs à différentes échelles. Il s’agit de décrire la nature et les origines de ces tensions. Le point d’interrogation suppose de nuancer ces tensions pour montrer que le patrimoine est aussi à l’origine de coopérations.

Le patrimoine n’est-il qu’un objet de tensions dans le monde ?

Construire le plan

I. Le patrimoine est un objet de tensions à toutes les échelles…

Quelles sont les natures des tensions entre les États ? Entre les États et des acteurs non étatiques ?

Quels sont les conflits d’usages à l’intérieur des États ?

II. … parce qu’il est au cœur de multiples enjeux

Quels sont les enjeux politiques du patrimoine ?

Quels sont ses enjeux économiques ?

Quels sont les enjeux sociaux du patrimoine ?

III. Cependant le patrimoine peut aussi être un objet de coopérations

Dans quelle mesure le patrimoine est-il l’objet de coopérations à l’échelle internationale ?

En quoi le patrimoine est-il l’objet de coopérations à l’échelle nationale et locale ?

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] En janvier 2024, le Royaume-Uni a annoncé la restitution temporaire d’objets spoliés au Ghana pendant la colonisation. Jusque-là exposés au British Museum et au Victoria & Albert Museum, ils revêtent une forte valeur culturelle pour l’ancienne colonie britannique. [Présentation du sujet] L’appropriation d’objets ou de monuments patrimoniaux, leur conservation et leur mise en valeur peuvent en effet être des sources de tensions. Ces tensions prennent la forme de conflits géopolitiques entre des États mais aussi de conflits d’usages entre de multiples acteurs à l’échelle nationale et locale. Pourtant, le patrimoine se veut par essence universel. [Problématique] Le patrimoine n’est-il qu’un objet de tensions dans le monde ? [Annonce du plan] Si le patrimoine est un objet de tensions à toutes les échelles [I], c’est parce que son appropriation, sa conservation et sa mise en valeur sont au cœur de multiples enjeux [II] ; cependant, le patrimoine peut aussi être un objet de coopérations [III].

conseil

Annoncer votre plan dans une phrase qui se poursuit en deux ou trois temps permet de faire ressortir les articulations de votre démonstration.

I. Le patrimoine est un objet de tensions à toutes les échelles…

1. Les tensions liées à l’appropriation du patrimoine

Le patrimoine peut être une source de tensions géopolitiques lorsqu’il n’est pas conservé sur son site originel. C’est le cas des frises du Parthénon, dont la majorité des marbres est exposée au British Museum. La Grèce revendique sa propriété tandis que le Royaume-Uni défend l’idée d’une œuvre universelle, qu’elle a cherché à protéger et à valoriser.

L’appropriation d’œuvres ou d’objets spoliés pendant la période coloniale, ou plus récemment par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, est également source de tensions. Des restitutions, notamment en faveur de pays africains, asiatiques et océaniens se poursuivent mais peinent à aboutir.

2. Les tensions liées à l’identification du patrimoine

L’identification du patrimoine est également une source de tensions : en 2012, à Tombouctou, au Mali, des centaines de manuscrits sont brûlés et sept anciens mausolées des savants de l’école coranique sont détruits par des groupes djihadistes. Ceux-ci dénoncent un culte associé à de l’idolâtrie et rejettent ce patrimoine culturel, symbole d’un Islam plus ouvert.

Le patrimoine est porteur de valeurs, il constitue aussi la trace d’un passé qui peut faire débat. C’est le cas du patrimoine monumental construit à Rome sous Mussolini ou en Espagne sous Franco. Considérer ces constructions comme des éléments patrimoniaux dignes d’être conservés, c’est-à-dire les patrimonialiser, suscite encore de nombreuses tensions dans chaque pays.

3. Les conflits sur la valorisation et la restauration du patrimoine

La mise en tourisme du patrimoine accroît les conflits d’usages entre les habitants des sites et les visiteurs : elle est, par exemple, à l’origine de la gentrification du quartier portuaire à Londres. Des habitants de Venise ou de Barcelone ont déserté leurs villes, victimes du surtourisme.

La muséification des grandes métropoles suscite des tensions entre les défenseurs de la conservation du patrimoine dans son état d’origine et ceux qui souhaitent des aménagements modernes. Cela a été le cas, par exemple, lors de la construction de la pyramide du Louvre à Paris en 1988. On accuse le présentisme (restauration selon les goûts actuels) de faire perdre au monument restauré l’histoire qu’il incarne.

mot clé

La muséification est un terme péjoratif car s’il renvoie au processus de mise en valeur d’un lieu grâce à son patrimoine, il sous-entend aussi des flux touristiques qui y sont associés.

[Transition] Les tensions liées à l’appropriation, à l’identification et à la valorisation du patrimoine s’expriment aux échelles internationale et locale. Elles s’expliquent par des enjeux politiques, économiques et sociaux.

II. … parce qu’il est au cœur de multiples enjeux

1. Des enjeux de puissance et de rayonnement

Le patrimoine est un instrument du soft power puisqu’il permet à un pays de rayonner dans le monde : il peut devenir un décor des rencontres diplomatiques entre chefs d’État et participer à la mise en scène du pouvoir. C’est le cas du château de Versailles, qui devient la résidence des dirigeants étrangers en visite officielle en France, comme John F. Kennedy en 1961.

Ces visites d’État sont l’occasion de dîners fastueux, comme lors de la venue en France du roi Charles III en 2023. Ceux-ci répondent à des stratégies politiques : il s’agit de diplomatie culinaire.

2. D’importants enjeux économiques

Le tourisme est l’activité majeure des villes muséifiées dont certains quartiers ou monuments sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. À Venise, il rapporte à la municipalité 2 milliards d’euros­ par an, à Paris il représente environ 5 milliards d’euros­ par an (hôtellerie, restauration, loisirs).

info +

La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques à Paris a permis de diffuser au monde entier les images des rives de la Seine classées par l’Unesco en 1991.

La ville espère d’importantes retombées économiques dans le futur.

Le patrimoine est devenu aujourd’hui un produit à valoriser dans une logique commerciale : la fréquentation des musées et des monuments ne cesse d’augmenter. Cet engouement est lié à la volonté des responsables de collections de créer des événements. Les grands musées du monde (le Louvre, le MET) se livrent ainsi une véritable concurrence.

3. Des enjeux sociaux et mémoriels

À partir du xixe siècle, le patrimoine prend une place importante dans la construction des identités nationales. Ainsi, un musée de « toutes les gloires de la France » est inauguré au sein du château de Versailles, en 1833, afin de réconcilier les Français derrière une histoire commune.

De même en Grèce, la question de la restitution des frises du Parthénon est un enjeu identitaire et national. Depuis la chute de la dictature militaire en 1974, ces marbres sont devenus un symbole du prestige antique de la Grèce et du retour de la démocratie dans le pays.

[Transition] Ainsi, le patrimoine représente des enjeux multiples, sources de concurrences et parfois de conflits. Néanmoins, réduire le patrimoine aux tensions dont il est l’objet, c’est oublier que sa protection et sa valorisation sont aussi parfois une source de coopérations dans le monde.

III. Le patrimoine peut aussi être un objet de coopérations

1. À l’échelle internationale

Les États signataires de la Convention de l’Unesco de 1972 s’engagent à conserver et protéger les biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Lorsque ceux-ci sont inscrits sur cette liste ou sur celle du patrimoine en péril, ils sont placés sous sauvegarde internationale par l’intermédiaire d’une coopération financière et matérielle, comme ce fut le cas pour le Mali.

Le droit international témoigne aussi de coopérations qui se mettent en place autour de la protection du patrimoine. Depuis la destruction par Daech de vingt-huit sites patrimoniaux situés en Syrie et en Irak entre 2014 et 2015, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté, en 2017, une résolution faisant de la destruction du patrimoine culturel un crime de guerre.

Enfin, le prêt d’œuvres patrimoniales ou de collections entières entre les différents musées du monde est le signe d’un autre type de coopérations. Celles-ci s’illustrent également par l’ouverture d’antennes du musée Rodin, du Centre Pompidou, du musée Louvre ou du musée Guggenheim hors de leur pays d’origine.

2. À l’échelle nationale et locale

Aux échelles nationale et locale, acteurs publics et privés collaborent pour financer la restauration, la conservation et la valorisation d’éléments patrimoniaux : c’est le cas de grandes entreprises comme Dior, qui a contribué à la restauration de la galerie des Glaces à Versailles, ou de LVMH en faveur de Notre-Dame de Paris après l’incendie de 2019 (200 millions d’euros).

La restauration du patrimoine détruit par les conflits est également une occasion de coopération après le retour à la paix. Ainsi au Mali, les chantiers de reconstruction mis en place par l’Unesco entre 2013 et 2015 ont permis aux artisans de transmettre aux jeunes générations leur savoir-faire.

Enfin, la coopération peut également concerner les États, les collectivités territoriales et les associations locales lorsqu’il s’agit de présenter une candidature à l’Unesco. Ainsi, l’association Bassin minier uni a bénéficié dès 2002 de l’aide de communes du Nord-Pas-de-Calais ainsi que du soutien de l’État pour faire inscrire le bassin au patrimoine mondial en 2012.

Conclusion

[Réponse à la problématique] Le patrimoine, parce qu’il est convoité et disputé, est source de tensions à propos de son appropriation, sa dépossession, son identification, sa restauration et sa valorisation. Comme il est un élément du soft power ainsi qu’une source d’importants revenus et de cohésion nationale, le patrimoine est au cœur de politiques de coopérations à toutes les échelles. [Ouverture] Aujourd’hui, les conflits d’usages liés au surtourisme sont les tensions les plus souvent relayées par les médias. Ainsi, la ville de Barcelone vient de décider d’interdire les locations saisonnières d’ici 2029. Mais, comme le rappelle le géographe français Olivier Lazzarotti, « la destruction ou simplement l’oubli des lieux du passé est bien plus fréquente faute de touristes qu’à cause des touristes ». Le tourisme peut donc aussi sauver le patrimoine.

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