Les mémoires : lecture historique
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HISTOIRE
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CORRIGE
Sujet inédit
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- L'intitulé du sujet renvoie à la question du programme Les mémoires : lecture historique.
- Il est centré sur la notion de mémoire, qui désigne l'ensemble des souvenirs et des représentations d'un événement propres à une communauté. Cet ensemble est fondé sur une histoire commune.
- Il s'agit ici des mémoires de la Seconde Guerre mondiale qui, pour les Français, correspond à la période de l'Occupation et du régime de Vichy. Au cours de votre devoir, vous devrez montrer la façon dont cette période a produit différentes mémoires, avec un regard d'historien.
Dégager la problématique
Ainsi, pour faire le lien entre ces deux éléments, vous pourrez formuler une problématique de ce type : comment peut-on, avec un regard d'historien, décrire l'évolution des mémoires de la Seconde Guerre mondiale, de 1945 à nos jours ?
Définir le plan
- Pour répondre à cette question, un plan chronologique s'impose.
- D'après les travaux des spécialistes, deux étapes peuvent être distinguées : de 1945 à la fin des années 1960, une mémoire officielle s'impose à partir des années 1970, cette mémoire officielle est remise en cause par l'affirmation de mémoires diverses.
Introduction
I. De 1945 aux années 1970 : une mémoire héroïque
1. Une nécessité : reconstruire l'unité nationale
Définition
L'épuration désigne la répression, sauvage ou légale, menée à la Libération contre les personnes accusées de collaboration.
- En 1945, les Français sortent
traumatisés de la Seconde Guerre mondiale : la défaite militaire de mai-juin 1940 et l'armistice, la collaboration menée par le régime de Vichy, les persécutions politiques et raciales, l'épuration ont divisé la nation. - Dès la Libération, la priorité du général
de Gaulle est de reconstruire l'unité nationale autour de sa personne en pansant ces blessures : il faut oublier au plus vite ce qui divise. Pour lui, la République n'a jamais cessé d'exister : le régime de Vichy est « nul et non avenu ».
2. La construction d'une mémoire héroïque
Info
Le résistancialisme est une expression créée par l'historien français Henry Rousso.
- Les
gaullistes imposent la mémoire d'uneFrance unanimement résistante . C'est le mythe résistancialiste : la majorité de la population aurait combattu l'occupant allemand et le régime de Vichy dès le début du conflit, et aurait ainsi contribué à la libération du territoire. Le 18 juin 1960 est inauguré le mémorial de la France combattante au mont Valérien, qui devient unlieu de mémoire national. - Les
communistes contribuent à la construction de cette mémoire enexagérant leur rôle dans les mouvements de Résistance : le Parti communiste français (PCF) se présente comme le « parti des 75 000 fusillés ». Guy Môquet, fils de député communiste et militant fusillé par les Allemands en octobre 1941, devient pour eux une figure canonique.
3. Les « oubliés » de la mémoire officielle
Définition
Les « malgré-nous » sont les soldats alsaciens et lorrains enrôlés contre leur gré dans la Wehrmacht.
- Les
vaincus de la guerre sont oubliés par une mémoire qui valorise les héros de la France libre et de la Résistance : il s'agit des prisonniers de guerre, des travailleurs du STO, des « malgré-nous » alsaciens et lorrains, des déportés. Ainsi, la spécificité de la Shoah n'est pas reconnue, d'autant que les victimes peinent à exprimer leurs souffrances. - Après les procès de Pétain et de Laval et l'épuration légale (1945), les lois de 1951 et 1953 permettent l'
amnistie d'anciens collaborateurs (ex. : René Bousquet, ancien secrétaire d'État de la police de Vichy, amnistié en 1958).
II. L'émergence des mémoires de la Seconde Guerre mondiale (à partir des années 1970)
1. Un contexte favorable au réveil des mémoires
- La fin des années 1960 est marquée par le
déclin du gaullisme (de Gaulle démissionne en 1969)et du communisme , l'arrivée à l'âge adulte d'une génération n'ayant pas connu la guerre et l'essor d'unesprit contestataire (ex. : crise de mai 1968). - Des
œuvres cinématographiques portent unregard critique sur la période de l'Occupation et remettent en cause le mythe résistancialiste (ex. : Le Chagrin et la Pitié de Marcel Ophüls, 1971 Lacombe Lucien de Louis Malle, 1974). - Des
travaux historiques pionniers contribuent également à unréexamen des faits (ex. : La France de Vichy de Robert Paxton, 1973) puis à l'étude des mémoires elles-mêmes (ex. : Le Syndrome de Vichy de Henry Rousso, 1987).
2. L'affirmation de la mémoire de la Shoah
Info
Klaus Barbie a été chef de la Gestapo à Lyon de 1943 à 1944 Maurice Papon a été secrétaire général de la préfecture de Gironde de 1942 à 1944.
- Le procès d'Eichmann (1961) et la guerre des Six Jours (1967) favorisent l'
émergence d'une mémoire juive militante . Ainsi, l'avocat Serge Klarsfeld, fils de déporté, s'appuyant sur la loi de 1964 rendant imprescriptibles les crimes contre l'humanité, pourchasse des collaborateurs ayant contribué à la Solution finale. Son combat aboutit notamment aux procès de Klaus Barbie (1987) et de Maurice Papon (1998). - Des
œuvres cinématographiques sensibilisent le grand public à la Shoah (ex. : le téléfilm américain Holocaust diffusé en France en 1979, le film Shoah de Claude Lanzmann sorti en 1985).
Définition
Le négationnisme consiste à nier l'existence du Génocide, c'est-à-dire la réalité des chambres à gaz et de la Shoah.
- Cependant, le développement des
thèses négationnistes dans les années 1970 oblige les militants à ne pas baisser la garde : en 1981, Georges Wellers, survivant d'Auschwitz, doit publier Les chambres à gaz ont existé.
3. L'État face aux mémoires
Info
Les 16 et 17 juillet 1942, 13 000 Juifs sont arrêtés par la police parisienne et conduits au Vélodrome d'Hiver avant d'être déportés.
- En 1990, la
loi Gayssot qualifie de délit la contestation de l'existence des crimes contre l'humanité. - En 1993, le président François Mitterrand décide de faire du
16 juillet , jour anniversaire de la rafle duVel'd'Hiv' , unejournée nationale commémorative , sans toutefois reconnaître la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs. - Le
16 juillet 1995 , le président Jacques Chiracreconnaît officiellement cette responsabilité , tout en rendant hommage auxJustes , c'est-à-dire aux Français qui ont sauvé desJuifs de l'extermination nazie. À partir de 2000, le dimanche le plus proche du 16 juillet devient une journée nationale à la mémoire des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux Justes de France. - En 2007, le président Nicolas Sarkozy décide de consacrer une journée nationale en l'honneur de
Guy Môquet pour redonner toute sa place à la Résistance. Ce choix est vivement contesté par les enseignants et les historiens, qui dénoncent une instrumentalisation du personnage. - On assiste ainsi à une inflation de
lois mémorielles qui tendent à substituer ledevoir de mémoire audevoir d'histoire . Cependant, les historiens actuels proposent une analyse plus nuancée de cette période durant laquelle la majorité des Français semble s'êtreaccomodée de l'Occupation, en attendant des jours meilleurs.
Les titres en couleur servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas figurer sur la copie.