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Les frises du Parthénon, un patrimoine au cœur de conflits

Amérique du Nord, mai 2024 • Jour 1

étude critique de documents

Les frises du Parthénon, un patrimoine au cœur de conflits

2 heures

10 points

Intérêt du sujet • La demande de restitution des frises du Parthénon oppose deux pays européens. Les espoirs grecs de récupérer celles-ci un jour sont régulièrement déçus.

 

 En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, vous montrerez que les frises du Parthénon sont au cœur d’enjeux multiples et font l’objet de conflits.

Document 1

Une décision ferme et définitive. Mercredi 11 janvier, Londres a annoncé maintenir les frises du Parthénon en exposition au sein du British Museum, douchant ainsi les espoirs d’Athènes, qui voulait tant le retour de ce trésor sur ses terres. « J’ai été très claire à ce sujet : je ne pense pas qu’elles devraient retourner en Grèce », a déclaré la ministre de la Culture Michele Donelan sur la BBC à propos de ce dossier épineux au cœur de tensions entre Londres et Athènes.

Depuis des décennies, la Grèce demande la restitution d’une frise de 75 mètres détachée du Parthénon ainsi que d’une des célèbres cariatides provenant de l’Érechthéion, petit temple antique également sur le rocher de l’Acropole, toutes deux pièces maîtresses du British Museum. Londres affirme que les sculptures ont été « acquises légalement » en 1802 par le diplomate britannique Lord Elgin, qui les a revendues au British Museum. Mais la Grèce soutient qu’elles ont été l’objet d’un « pillage » alors que le pays était sous occupation ottomane. La restitution des frises du Parthénon est un sujet hautement sensible en Grèce. Au musée de l’Acropole, un espace laissé vide est d’ailleurs réservé à cette frise.

Le 4 janvier, le journal britannique The Telegraph a réveillé l’espoir des Grecs en révélant que le président du British Museum, George Osborne, était en train de conclure un accord avec Athènes pour le retour en Grèce de ces trésors, dans le cadre d’un prêt à long terme, un « échange culturel » qui permettrait de contourner une loi britannique empêchant le musée londonien de démanteler sa collection. Les propos mercredi de la ministre de la Culture représentent donc une douche froide. « Nous ne devrions pas les renvoyer [les frises, NDLR], et en fait elles appartiennent au Royaume-Uni, où nous avons pris soin d’elles longtemps », a-t-elle dit. Le président du British Museum George Osborne « ne va pas les renvoyer. Ce n’est pas son intention. Il n’a aucun désir de le faire », a balayé la ministre. Elle semble écarter le prêt à long terme qui avait été évoqué : « Ce n’est certainement pas ce qu’il prévoit non plus. » Dans le podcast News Agents, la ministre a estimé que l’idée de prêts sur cent ans n’était « pas du tout dans l’esprit de la législation ».

Lundi, un porte-parole du gouvernement grec a admis que les négociations avec le British Museum n’étaient « pas faciles ». « Nous avons parcouru un long chemin, on a fait des pas (en avant) et les efforts continuent », a-t-il dit. « L’objectif est le retour définitif » des frises, a insisté ce porte-parole, car la Grèce « ne reconnaît ni la possession ni la propriété [de ces œuvres] par le British Museum ».

La pression s’est accentuée ces dernières années, dans le sillage des mouvements contre le racisme, pour que les musées occidentaux rendent des œuvres, notamment obtenues en période coloniale, à leur pays d’origine. La ministre britannique a d’ailleurs dit craindre qu’un retour des frises du Parthénon n’ouvre « la boîte de Pandore ». « C’est une pente très glissante », a-t-elle souligné.

Source : « Londres refuse de rendre les frises du Parthénon à la Grèce », Agence France-Presse dans le journal LePoint.fr, 12 janvier 2023.

Document 2

British Museum (Londres)

Musée de l’Acropole (Athènes)

Nombre de visiteurs en 2022

4 100 000

1 400 000

Nombre d’employés en 2022

939

Environ 200

Nombre d’abonnés de la page Facebook (septembre 2023)

1 700 000

415 000

Nombre d’abonnés de la page Instagram (septembre 2023)

2 000 000

37 000

Superficie du musée

13,5 hectares

2,5 hectares

Nombre d’objets exposés

80 000

4 250

Poids du tourisme dans le PIB du pays concerné

1 %

18 %

Sources : site Internet du ministère grec des Affaires étrangères (mfa.gr) ;

site Internet du British Museum (britishmuseum.org) ;

site Internet du musée de l’Acropole (theacropolismuseum.gr) ; donnéesmondiales.com ; artnewspaper.fr.

 

Les clés du sujet

Identifier les documents

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Comprendre la consigne

Le conflit oppose les États grec et britannique, au-delà des musées.

Ce différend montre que le patrimoine relève d’enjeux culturels, économiques, sociaux et politiques.

Dégager la problématique et construire le plan

Le conflit remonte à 1801-1802, mais le terme « enjeux » appelle un plan thématique.

La multiplicité des enjeux et des acteurs explique la difficulté à trouver une solution au conflit.

I. Un conflit, fruit de l’histoire

Comment les Athéniens ont-ils été dépossédés d’une partie des frises du Parthénon ?

Pourquoi le contexte remet-il cette question au premier plan ?

II. Des enjeux économiques et sociaux

Quelles sont les retombées économiques des frises du Parthénon ?

Pourquoi la question de leur propriété semble-t-elle impossible à résoudre ?

III. Un instrument de puissance

Comment les frises participent-elles au soft power ?

Quels rapports de force révèlent-elles entre les deux pays ?

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] En février 2024, le styliste britannique Erdem Moralioglu a choisi de présenter sa nouvelle collection au British Museum, devant les frises du Parthénon, suscitant ainsi la colère des autorités grecques. [Présentation du sujet] Les deux documents reviennent sur ce conflit qui remonte à deux siècles, entre la Grèce et le Royaume-Uni. Le premier est l’extrait d’un article de l’hebdomadaire Le Point, rédigé en 2023 à partir d’informations de l’Agence France-Presse, tandis que le second est un tableau comparant le rayonnement du British Museum et du musée de l’Acropole à partir de cinq sources. Les tensions autour de ces frises montrent que le patrimoine est une question géopolitique. [Problématique] Pourquoi les frises du Parthénon suscitent-elles un conflit de longue durée entre la Grèce et la Grande-­Bretagne ? [Annonce du plan] Il s’agit d’abord d’un conflit historique réactivé ces dernières années en raison d’enjeux multiples [I]. Le potentiel économique et social des frises explique la cristallisation des positions [II], mais la Grèce semble encore dans l’incapacité d’imposer sa volonté au Royaume-Uni [III].

Le secret de fabrication

Veillez à bien équilibrer l’étude des deux documents. Idéalement, vous devez utiliser les deux dans toutes vos parties. La consigne appelle à les confronter, vous devez donc vérifier si certaines informations se complètent ou se contredisent. Au brouillon, utilisez des feutres de couleur différente pour répartir les informations entre les trois parties.

I. Un conflit, fruit de l’histoire

1. Les origines du conflit

Au début du xixe siècle, la Grèce était sous domination ottomane (l. 15-16). Lord Elgin (l. 13), ambassadeur britannique, négocie donc avec les Ottomans le droit de démonter certains marbres de la frise du Parthénon, puis les vend au gouvernement britannique, qui les cède au British Museum.

Aujourd’hui, 60 % des frises sont exposées au British Museum. Mais, en 1830, la Grèce est devenue indépendante et demande donc la restitution de son bien. Ses autorités parlent d’ailleurs de « pillage » (l. 15), alors que Londres explique que Lord Elgin les a « acquises légalement » (l. 12-13).

2. La question de la restitution

Avec la patrimonialisation, chaque pays s’appuie sur son patrimoine pour mettre en avant son histoire. Or, les frises du Parthénon rappellent l’histoire antique d’Athènes et de son Acropole (l. 11), soit le moment où la Grèce dominait la Méditerranée. Comme le montre le tableau, le British Museum peut exposer 80 000 objets sur 13,5 hectares, contre 4 250 sur 2,5 hectares pour le musée de l’Acropole. Les frises pourraient donc devenir le fleuron de ce dernier.

mot clé

La patrimonialisation désigne le proces­sus par lequel est créé et constitué un patrimoine.

Le cas des frises se pose dans un cadre plus global puisque depuis quelques années certains musées occidentaux ont décidé de rendre des objets d’art pris à des pays africains pendant la colonisation (l. 42-44). La France a ainsi restitué vingt-six objets au Bénin en 2022.

[Transition] Le conflit autour des frises du Parthénon ne peut donc se compren­dre sans en retracer l’histoire, mais il s’accentue aujourd’hui en raison des retombées économiques et sociales de ces trésors.

II. Des enjeux économiques et sociaux

1. Un objet vecteur de ressources

Les deux musées attirent respectivement 4,1 millions de touristes à Londres et 1,4 million à Athènes, selon le tableau. Ces visiteurs sont donc une source de revenus pour ces musées mais aussi pour les deux capitales où ils logent plusieurs jours. Or, les frises du Parthénon, comme la Joconde au Louvre, sont un objet d’art pouvant renforcer l’attrait du musée d’Athènes.

En outre, les deux musées de Londres et d’Athènes comptaient en 2022 respectivement 939 et environ 200 employés. À cela s’ajoutent des emplois pour le traitement spécifique d’une œuvre antique : « nous avons pris soin d’elles longtemps » (l. 28), aime à rappeler la ministre britannique de la Culture. Les œuvres nécessitent à la fois un cadre et un savoir-faire particuliers.

2. La propriété, une question complexe

Le Point parle d’un « dossier épineux » (l. 7) car il est très difficile d’affirmer qui est vraiment le propriétaire. Quand Lord Elgin a négocié avec les Ottomans, ces derniers dominaient la Grèce alors que la parenthèse ottomane ne représente qu’une page de l’histoire millénaire des frises. À cela s’ajoute une dimension affective puisque, pour Athènes, il s’agit du « retour de ce trésor sur ces terres » (l. 4).

Deux phrases du texte montrent que le compromis est difficile, voire impossible, à trouver. D’un côté, la ministre britannique de la Culture affirme : « en fait, elles appartiennent au Royaume-Uni » (l. 27). De l’autre côté, la Grèce « ne reconnaît ni la possession ni la propriété par le British Museum » (l. 39-40).

Le secret de fabrication

Pensez à analyser les termes employés et éventuellement le champ lexical, en particulier si des mots reviennent fréquemment. Cela est fait ici dans le II.2 et le III.2. Les verbes et les phrases retenus révèlent le point de vue de l’auteur, qui montre la ferme opposition entre les deux parties et le déséquilibre du rapport de force.

[Transition] Les frises du Parthénon sont bien plus qu’un objet d’histoire et révèlent un rapport de force déséquilibré.

III. Un instrument de puissance

1. Les frises au service du rayonnement

Les réseaux sociaux influencent désormais le tourisme. Or, le tableau nous informe que 2 millions de personnes sont abonnées à la page Instagram du British Museum, contre seulement 37 000 pour le musée de l’Acropole. Le simple désir de prendre une photo devant les frises à Athènes pourrait accroître le rayonnement de son musée.

Par ailleurs, l’économie grecque est bien plus dépendante du tourisme, puisque le tableau montre que ce secteur y représente 18 % du PIB, contre 1 % au Royaume-Uni. L’Acropole, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, est le site le plus visité du pays et le retour des frises renforcerait cette attractivité mais aussi le surtourisme.

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On appelle « surtourisme » la perception d’un nombre trop élevé de touristes, ayant des effets néfastes sur l’environnement et les populations locales.

2. Un rapport de force déséquilibré

Si les frises semblent plus importantes pour la Grèce, le rapport de force demeure nettement en faveur des Britanniques. Certaines expressions reflètent cette réalité : « Londres refuse » dans le titre de l’article, « une position ferme et définitive » (l. 1), « nous ne devrions pas les renvoyer » (l. 26).

À l’inverse, les termes et expressions retenus pour qualifier la position grecque relèvent d’un certain pessimisme : « douchant ainsi les espoirs d’Athènes » (l. 3), « on a fait des pas » (l. 37) et « les efforts continuent » (l. 37-38). Au milieu du texte, la phrase « Au musée de l’Acropole, un espace laissé vide est d’ailleurs réservé à cette frise » (l. 17-18) s’apparente à une utopie.

Conclusion

[Réponse à la problématique] Ces deux documents montrent donc bien que les frises du Parthénon sont au centre d’enjeux multiples qui dépassent la seule question de leur propriété. Ils présentent la question de façon assez complète, mais ils gagneraient à être enrichis par le point de vue d’un Athénien pour comprendre le rapport de la population aux frises du Parthénon. [Ouverture] Alors que le tourisme se concentre aujourd’hui sur certaines zones et que le patrimoine s’inscrit au cœur d’enjeux multiples, les conflits autour d’objets, comme les frises du Parthénon, mais aussi de certains lieux, comme Venise, se multiplient et s’accentuent.

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