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S’entraîner
L’École
26
Polynésie française, mars 2021
dissertation
Les inégalités de réussite scolaire
Intérêt du sujet • Les inégalités scolaires constituent un enjeu fort pour notre société car elles sont susceptibles de remettre en cause la cohésion sociale. Il est donc important d’en comprendre les causes.
Comment expliquer les inégalités de réussite scolaire ?
Document 1Niveau de diplôme des 25-34 ans selon le milieu social, en 2018, en France (en %)
Source : ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, L’État de l’école 2019.
Champ : France métropolitaine + DOM (hors Mayotte), données provisoires.
1. CAP : Certificat d’aptitude professionnelle ; BEP : Brevet d’études professionnelles.
Document 2Environnement familial et accès aux livres
Les parents [de Lucie, 5 ans, en grande section maternelle], Pierre et Aline, se sont rencontrés en 1994 et pacsés en 2012. Né en 1964, Pierre a 51 ans au moment de l’enquête. C’est un écrivain connu et reconnu, publiant dans une maison d’édition parisienne renommée […].
Née en 1974, Aline, la mère, a 41 ans et enseigne actuellement à trois quarts de temps la philosophie dans un lycée de Besançon. Depuis ses maternités, elle a utilisé ses congés parentaux et les temps partiels pour être plus présente auprès de ses filles et avoir aussi du temps pour elle. […]
Des tableaux, essentiellement d’art contemporain, originaux ou simples reproductions, tapissent les murs. Dans toutes les pièces, les livres envahissent les étagères. […] Les chambres se trouvent à l’étage. Celles des filles, chacune disposant de la sienne, se situent de part et d’autre de celle de leurs parents. Dans la chambre de Lucie, une bibliothèque regroupe les livres pour enfants et des bandes dessinées de toutes sortes […].
À la maison le livre est central et banal. […] Objet du quotidien dont la présence est banalisée, ils n’ont plus rien d’exceptionnel pour des enfants qui peuvent quotidiennement en constater l’usage et en mesurer l’importance aux yeux des adultes. Lucie et Élise voient cependant que les livres ne sont pas des objets comme les autres, qu’ils sont destinés à être lus et qu’il faut pour ça acquérir des compétences qui permettent d’entrer en contact avec eux. L’envie de lire est générée presque naturellement chez les enfants vivant une telle situation, tant ils souhaitent pouvoir à leur tour d’accéder aux mystères contenus par ces objets. À propos de Lucie, Pierre dit : « Parfois, elle prétend presque savoir déjà lire, enfin elle déchiffre quand même. Dès qu’elle peut déchiffrer un mot, elle est toute fière. »
Source : Enfances de classe, sous la direction de Bernard Lahire, 2019.
Document 3Attentes des familles en matière de formation et vœu d’orientation en fin de troisième générale, selon qu’au moins un des parents est ou non bachelier

Source : d’après Insee, France, portrait social, 2009.
Champ : France, entrants en sixième en 1995.
Lecture : quand aucun d’entre eux n’avait le baccalauréat, 14,1 % des parents déclarent que le CAP ou le BEP sont les diplômes les plus utiles pour trouver un emploi.
1. CAP : Certificat d’aptitude professionnelle ; BEP : Brevet d’études professionnelles.
2. Moyenne obtenue par l’élève en français, mathématiques et première langue vivante.
Document 4Effectifs de l’enseignement supérieur en 2018-2019

Source : D’après Insee, 2020.
1. Les proportions sont calculées en excluant les étudiants dont l’origine sociale n’est pas renseignée, soit 14 % en moyenne. Cette proportion est inférieure à 20 % sauf dans les écoles de commerce (37 %), les autres écoles et formations (31 %) et les écoles artistiques (45 %).
2. Notamment établissements privés, ENS, écoles juridiques et administratives.
Note : CPIS : cadres et professions intellectuelles supérieures ; DUT : Diplôme universitaire de technologie ; AES : administration économique et sociale ; SHS : sciences humaines et sociales ; STAPS : sciences et techniques des activités physiques et sportives ; CPGE : classes préparatoires aux grandes écoles ; STS : section de technicien supérieur ; ENS : École normale supérieure.
Les clés du sujet
Analyser la consigne et dégager une problématique
Problématique. Quels sont les principaux facteurs agissant sur la réussite scolaire ?
Exploiter les documents
Document 1. Le graphique permet de comparer le niveau de diplôme des 25-34 ans en France en 2018. Quelle est l’origine sociale des plus diplômés de cette génération ? Quel peut être le rôle de l’origine sociale dans la réussite scolaire ?
Document 2. Le texte décrit un exemple d’environnement familial dans lequel les enfants sont stimulés à lire et à assimiler les principaux savoirs scolaires. Quelle place la famille occupe-t-elle dans la réussite scolaire ? Par quelles voies l’environnement familial peut-il faciliter cette réussite ?
Document 3. Le tableau statistique permet de comparer les attentes en termes d’orientation pour leurs enfants des parents en fonction de leur niveau de diplôme (baccalauréat ou non). Quelles sont les différences dans les attentes familiales sur l’orientation des enfants ? Comment ces attentes peuvent-elles agir sur la réussite scolaire ?
Document 4. Les données du tableau renseignent sur les effectifs de l’enseignement supérieur en fonction du type d’enseignement et de l’appartenance socioprofessionnelle des parents. Quels sont les enseignements du supérieur les plus valorisés ? Quelle est la catégorie socioprofessionnelle des parents dans ces études les plus valorisées ?
Définir le plan

Les titres des parties ne doivent pas figurer sur votre copie.
Introduction
[accroche] Les enquêtes internationales sur les systèmes éducatifs mettent en évidence les inégalités que connaît la France en matière de réussite scolaire. [présentation du sujet] Comment peut-on expliquer un tel phénomène ? La réussite scolaire est mesurée par l’accès aux différents niveaux scolaires et de diplômes et elle est considérée comme une ressource socialement valorisée. Or, l’existence d’inégalités signifie qu’il y a des différences d’accès à cette ressource. [problématique] Quels sont alors les principaux facteurs de la réussite scolaire ? [annonce du plan] Un premier facteur tient à l’origine sociale, entretenue par le système scolaire ; un second facteur est le rôle de la famille.
I. Origine sociale et inégalités scolaires
1. L’influence de l’origine sociale sur la réussite scolaire
Le secret de fabrication
Les documents portent surtout sur l’origine sociale et la famille comme facteurs d’inégalités scolaires. Cependant, il est nécessaire de mettre en avant d’autres déterminants, en vous appuyant sur vos connaissances.
En 2018, en France, 65 % des enfants de cadres et de professions intellectuelles supérieures âgés de 25 à 34 ans ont un diplôme du supérieur long, contre 16 % des enfants d’ouvriers (document 1). Cette même année, plus de la moitié des élèves de classes préparatoires aux grandes écoles et des prépas intégrées, qui sont les formations les plus valorisées, sont des enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures, 10,3 % sont des enfants d’ouvriers (document 4).
Les données statistiques montrent bien que l’origine sociale des élèves explique en grande partie les inégalités de réussite scolaire. En effet, ce sont les enfants dont les parents ont le niveau de diplôme le plus élevé qui ont la plus grande probabilité de réussir leurs études. Selon le sociologue Pierre Bourdieu, cette situation est le résultat de la transmission d’un capital culturel valorisé par le système scolaire.
mot clé
Le capital culturel défini par Pierre Bourdieu désigne les diplômes, les connaissances (langage, savoir…) ainsi que la possession d’objets culturels comme les livres.
2. Le système scolaire renforce le rôle de l’origine sociale
On peut expliquer cette valorisation du capital culturel des plus diplômés par la proximité culturelle des enseignants qui ont connu, eux-mêmes, la réussite scolaire. Ces derniers ont donc, inconsciemment, tendance à valoriser la culture des élèves qui maîtrisent le mieux la culture scolaire, privilégiant ainsi ceux issus de milieux favorisés.
Le manque de mixité sociale des établissements scolaires influence aussi les inégalités de réussite scolaire. On peut l’expliquer par la carte scolaire qui oriente les élèves dans les écoles en fonction de leur lieu de résidence. Il existe également un « effet établissement » : certaines écoles se révèlent plus efficaces, grâce à des pédagogies favorisant la progression des élèves.
à noter
En France, on mesure l’« effet établissement » en calculant sa valeur ajoutée, égale à la différence entre les résultats obtenus et ceux attendus en fonction des caractéristiques sociales des élèves.
II. Le rôle de la famille dans la réussite scolaire
1. L’environnement familial favorise la réussite scolaire
La famille est une instance de socialisation, et plus particulièrement de socialisation selon le genre. Or, celle-ci a des effets sur les inégalités de réussite scolaire. Les filles ont des résultats scolaires supérieurs à ceux des garçons, pourtant, dans l’enseignement supérieur, elles sont surreprésentées dans les filières les moins valorisées (document 4).
mot clé
La socialisation selon le genre correspond à l’intégration de valeurs et de normes différentes entre les filles et les garçons.
L’environnement familial joue un rôle important dans les inégalités scolaires. Ainsi, les enfants vivant dans un milieu familial qui les met en contact avec des outils scolaires comme les livres sont favorisés (document 2). De même, l’attention des parents auprès de leurs enfants pour les initier aux pratiques scolaires est également un facteur de réussite scolaire.
2. Attentes et stratégies des familles
Pour le sociologue Raymond Boudon, les familles définissent des stratégies scolaires selon un calcul coûts-avantages. Les coûts sont ceux liés aux études, les avantages ceux obtenus grâce à un diplôme de niveau élevé. Or, pour les enfants de milieux défavorisés, les coûts sont le plus souvent supérieurs aux avantages, et inversement pour les ménages les plus aisés.
Les familles, dans le système scolaire français, jouent un rôle important dans les choix d’orientation des enfants. Or, ces choix dépendent des attentes des parents. C’est dans les familles dont l’un des parents a le baccalauréat que les attentes pour des études longues dans les filières valorisées sont les plus importantes (document 3).
Conclusion
[bilan] En France, deux facteurs primordiaux jouent un rôle déterminant pour expliquer les inégalités de réussite scolaire. Le premier tient à l’origine sociale des élèves : ceux issus des milieux favorisés, ayant reçu de leurs parents un capital culturel, auront plus de chances de réussir leurs études. Et ce d’autant plus que ces élèves sont privilégiés par l’École elle-même qui valorise des savoirs scolaires maîtrisés par leurs parents diplômés. Un second facteur tient au milieu familial. Celui-ci tend à défavoriser les filles et peut créer un environnement propice, ou non, à la réussite scolaire. De plus, les stratégies familiales, notamment en matière d’orientation, accentuent les différences d’accès aux diplômes. [ouverture] Ce constat établi, il s’agit alors de s’attacher à réduire ces inégalités de réussite scolaire, la question étant de savoir comment procéder pour y parvenir.