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Dissertation
Les lieux de mémoire du génocide
Intérêt du sujet • Ce sujet interroge sur la finalité des lieux de mémoire. Leur nature diverse et l'absence de certains lieux de mémoire posent la question de leurs fonctions. Les notions d'histoire et de mémoire doivent également être mobilisées.
Les lieux de mémoire du génocide des Juifs et des Tsiganes
Les clés du sujet
Analyser le sujet
Dégager la problématique
Les lieux de mémoire du génocide des Juifs et des Tsiganes sont de nature différente. Multiples pour le génocide des Juifs, ils sont beaucoup plus rares pour celui des Tsiganes. Il faut donc s'interroger sur la finalité de ces lieux de mémoire et sur ces différences de traitement.
Quels rôles les lieux de mémoire du génocide des Juifs et des Tsiganes jouent-ils aujourd'hui ?
Construire le plan
Le sujet est analytique : il conduit à décrire une situation. On peut répondre à la problématique après avoir présenté les différents lieux de mémoire.

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Accroche] La mémoire du génocide des Juifs et des Tsiganes, lente à émerger, est devenue aujourd'hui omniprésente, et a même pris un caractère d'urgence avec la disparition progressive de ses derniers témoins. [Présentation du sujet] Les lieux de mémoire, tels que définis par Pierre Nora, sont des espaces mais aussi des symboles ou des dates, liés à des événements du passé dont l'on veut se souvenir. Concernant le génocide des Juifs qui s'est déroulé pendant la Seconde Guerre mondiale, les lieux de mémoire sont nombreux et de natures différentes alors qu'ils sont beaucoup plus rares pour les victimes tsiganes. [Problématique] Quels rôles ces lieux de mémoire peuvent-ils jouer aujourd'hui ? [Annonce du plan] S'ils diffèrent par leur nature [I], les lieux de mémoire permettent de mieux connaître le processus de destruction dont les Juifs et les Tsiganes ont été les victimes [II]. Cependant, ces lieux répondent surtout à un devoir de mémoire et témoignent d'un déséquilibre mémoriel [III].
Le secret de fabrication
Lorsque le sujet comprend une notion importante, comme ici celle de « lieu de mémoire », il est pertinent d'en citer l'auteur. Vous montrez ainsi que vous maîtrisez les concepts. Pierre Nora propose, lors de la parution de son ouvrage Les Lieux de mémoire (1984-1992), une réflexion générale sur les traces matérielles et immatérielles du passé.
I. De multiples lieux de mémoire pour le génocide
1. Les mémoriaux
Après la guerre, les centres de mise à mort installés en Pologne sont en partie détruits ou non accessibles. Pour les descendants des victimes, le recueillement sur les lieux du crime est impossible. C'est la raison pour laquelle des mémoriaux voient le jour ailleurs, loin des sites de l'anéantissement.
En 1956, un premier mémorial du Martyr juif inconnu est inauguré à Paris. Il deviendra le mémorial de la Shoah en 2005. En 1957, le Mémorial de Yad Vashem ouvre à Jérusalem. Par un vote de l'Assemblée israélienne, celui-ci obtient le droit de distribuer les autorisations de construire d'autres mémoriaux de la Shoah dans le monde.
à noter
En 1947 le gouvernement polonais ouvre Auschwitz pour en faire un lieu de mémoire, mais il met surtout en avant les victimes polonaises (5 millions de Polonais dont 3 millions de Juifs).
C'est ainsi que naît le Mémorial de l'Holocauste à Washington en 1993, considéré aujourd'hui comme le plus important, puis celui de Berlin en 2005. Ils sont particulièrement nombreux dans les grandes métropoles américaines.
2. Les sites du génocide
Si un lieu incarne la mémoire du génocide des Juifs et des Tsiganes, c'est bien Auschwitz-Birkenau. Le nombre de victimes (1,1 million dont 1 million de Juifs et 21 000 Tsiganes) efface presque les autres lieux de mémoire situés en Pologne : Treblinka, Chelmno, Sobibor, Belzec, Majdanek. D'autres sites où des Juifs ont été fusillés sont des centres de mise à mort, comme Babi Yar en Ukraine.
à noter
La recherche historique préconise d'utiliser le terme « centre de mise à mort » pour désigner des sites dans lesquels les Juifs étaient assassinés dès leur arrivée.
Les camps de concentration ou de travail forcé mais aussi les ghettos sont également des lieux de mémoire. Les détenus y mouraient de faim, de froid, d'épuisement ou du typhus. Les principaux camps sont Mauthausen, Sachsenhausen, Ravensbrück en Allemagne, Struthof en Alsace. Auschwitz-Birkenau et Majdanek étaient également des camps de travail forcé. Varsovie et Cracovie abritaient les principaux ghettos en Pologne.
Les camps de transit, ou camps d'internement, comme Drancy en région parisienne, le camp des Milles en Provence, Pithiviers, Beaune-la-Rolande, Westerbork aux Pays-Bas sont également des lieux de mémoire du génocide. Ces camps, situés dans les pays occupés par l'Allemagne nazie, recevaient des Juifs avant leur déportation.
3. Les musées de la Seconde Guerre mondiale
Les musées plus largement consacrés à la Seconde Guerre mondiale ou les musées d'histoire et de la culture juive abritent généralement des salles consacrées à l'histoire du génocide. Leur but est de constituer une mémoire collective des faits se rapportant à la Shoah, ils sont considérés comme des lieux de mémoire.
En France, des centres d'histoire de la Résistance et de la déportation évoquent des étapes du génocide, notamment la détention dans des camps d'internement.
[Transition] Les lieux de mémoire du génocide des Juifs et des Tsiganes peuvent donc être regroupés dans trois catégories en fonction de leur nature. Ils retracent tous, à des degrés divers, l'histoire de cet événement.
II. Des lieux permettant de mieux connaître le génocide
1. Une approche contextualisée du génocide
Les mémoriaux les plus importants comportent tous des centres de documentation, une bibliothèque et une salle de conférences. C'est ainsi que l'a voulu Isaac Schneersohn, à l'origine du mémorial du Martyr juif inconnu. Dans ces centres de recherche, des archives personnelles y sont conservées, des conférences d'historiens y sont organisées, des témoignages de survivants s'y tiennent. Autant de sources variées pour faire l'histoire du génocide.
Les mémoriaux sont aussi d'importants espaces pédagogiques, organisant expositions, rencontres avec d'anciens déportés, visites des sites du génocide. Ils participent à la transmission de l'histoire aux nouvelles générations.
2. Une meilleure connaissance du processus génocidaire
à noter
Les différents espaces d'un camp comme Auschwitz I (voies ferrées, place de l'appel, infirmerie, etc.) évoquent aussi l'organisation rationnelle de l'univers concentrationnaire.
La visite des musées in situ permet une meilleure compréhension du processus génocidaire : dans la plupart des camps de concentration, le visiteur peut observer les ruines des chambres à gaz et des fours crématoires. Cela permet de comprendre que ces structures n'étaient pas réservées aux centres de mise à mort. Elles ont servi à éliminer les prisonniers trop faibles, des résistants ou des prisonniers de guerre.
Ce qui est sans doute le plus marquant dans la visite des centres de mise à mort, c'est ce qu'ils ne montrent pas. Des terrains vides, des chambres à gaz détruites, des ghettos à peine perceptibles dans le nouveau paysage urbain. C'est cette absence, souvent matérialisée par des panneaux, des photos, des stèles, qui reflète sans doute le mieux l'ampleur du génocide.
[Transition] Les lieux de mémoire du génocide des Juifs et des Tsiganes permettent donc d'appréhender un processus complexe et géographiquement éclaté. Néanmoins, ces lieux sont avant tout consacrés au devoir de mémoire.
III. Des lieux répondant surtout à un devoir de mémoire
1. Des lieux de commémoration
Les mémoriaux, les sites polonais, tous les lieux de mémoire du génocide des Juifs et des Tsiganes sont surtout des lieux de commémorations : chaque 27 janvier, ils accueillent chefs d'État, anciens déportés, familles des victimes et publics scolaires pour célébrer la libération d'Auschwitz.
Le devoir de mémoire est l'obligation morale et civique de se souvenir. C'est pourquoi les commémorations ont pour but de véhiculer les valeurs essentielles de la démocratie, contre les dérives totalitaires et l'antisémitisme.
2. Une approche souvent émotionnelle du génocide
Le visiteur d'Auschwitz I ne peut qu'être marqué par la vision de dizaines de vitrines avec leurs amas de cheveux et d'objets personnels des victimes, exposés pour rendre compte du nombre élevé de morts. Cette muséographie est une approche émotionnelle du passé.
à noter
Les nouveaux lieux de mémoire (ex. : ancienne gare de Bobigny) cherchent à montrer les traces matérielles et à respecter le pouvoir évocateur du site.
À Drancy, le « wagon du souvenir » installé devant la cité de la Muette par une association de rescapés ne correspond pas à une réalité historique : les convois partaient de la gare du Bourget et de Bobigny. Ce wagon a pour seul but de rappeler le sort des internés.
3. Un déséquilibre mémoriel
Le génocide des Tsiganes, oublié pendant quarante ans, manque aujourd'hui de lieux de mémoire et de mémoriaux officiels. Même s'ils sont nombreux à avoir trouvé la mort à Auschwitz et même à Natzweiler-Struthof en Alsace, leur sort n'est pas clairement relaté dans ces lieux de mémoire.
En 2012, Angela Merkel inaugure à Berlin un mémorial prévu depuis dix ans : le manque de documents et les tensions mémorielles au sein de la communauté tsigane expliquent ce retard. En 2016, François Hollande inaugure une statue en hommage aux 14 Tsiganes fusillés à Saint-Sixte, dans le Lot-et-Garonne. Il est le seul monument en France à commémorer la souffrance de cette communauté.
Conclusion
[Réponse à la problématique] Les lieux de mémoire, s'ils donnent accès à l'historien à de nombreuses sources, restent avant tout des espaces consacrés à entretenir le souvenir. Leur fonction essentielle est donc de permettre le devoir de mémoire. [Ouverture] Avec la disparition des derniers témoins du génocide, les lieux qui lui sont consacrés sont cependant un support précieux à la transmission de la mémoire. Auschwitz-Birkenau est devenu un site classé au Patrimoine mondial de l'Unesco en 1979 : il témoigne du plus grand crime contre l'humanité jamais commis.