Usages sociaux et politiques et enjeux de la préservation
S’entraîner
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Sujet spécimen 2021
étude critique de documents
Les menaces sur le patrimoine dans le monde
Intérêt du sujet • Ce sujet invite à s’interroger sur les menaces qui pèsent sur le patrimoine mondial : destruction de monuments par des groupes islamistes, détérioration par une fréquentation touristique excessive. Il convient ensuite de présenter les différents acteurs qui tentent de répondre à ces menaces à toutes les échelles.
En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, répondez à la question suivante : quelles menaces pèsent sur le patrimoine mondial et comment les différents acteurs tentent-ils d’y remédier ?
DOCUMENT 1
Mardi 24 janvier, la directrice générale de l’Unesco, Mme Irina Bokova, a reçu le maire de Venise, M. Luigi Brugnaro, au siège de l’Unesco, avec des représentants du gouvernement italien, afin de discuter de la protection du site de Venise et sa lagune, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1987.
Cette rencontre fait suite à la visite de la directrice générale à Venise les 3 et 4 novembre 2016 à l’occasion des 50 ans de la grande inondation de Venise. La discussion a porté sur les mesures mises en œuvre par les autorités italiennes et la municipalité de Venise pour assurer la protection du site à long terme. Le Comité du patrimoine réuni en juillet 2016 avait exprimé plusieurs recommandations et demandé à l’Italie d’en faire rapport avant le 1er février 2017.
Les autorités italiennes ont réaffirmé leur volonté de répondre aux préoccupations soulevées par le Comité du patrimoine mondial en juillet dernier à propos de la préservation de la ville de Venise. Cet engagement s’est traduit par l’adoption d’un nouveau « Pacte pour Venise », signé le 26 novembre dernier et qui prévoit 457 millions d’euros d’investissement pour la préservation de la ville de Venise et sa lagune au cours des quatre prochaines années. De plus, dans le cadre du plan stratégique national pour le développement du tourisme, présenté par le ministère des Activités et Biens culturels et du Tourisme le 16 décembre dernier, et dont l’objectif est de mettre le tourisme durable au centre des politiques nationales, une action spécifique pilote est prévue pour le suivi et la gestion des flux touristiques à Venise.
« Venise est un patrimoine partagé de valeur universelle exceptionnelle. Nous devons tous travailler ensemble, l’Unesco, le gouvernement, la municipalité et toutes les parties prenantes. Ce matin, le maire de Venise m’a présenté en détail le grand nombre d’actions réalisées et les projets concrets qu’il a l’intention de mettre en œuvre. J’ai pu mesurer l’ampleur des efforts menés conjointement par la municipalité et le gouvernement. Nous allons continuer à travailler dans cet esprit », a déclaré Irina Bokova.
« Ma présence aujourd’hui est le signe de la confiance et de l’attachement de Venise à la coopération internationale. J’ai présenté à la directrice générale les progrès accomplis au cours des quinze derniers mois par l’administration municipale, qui témoignent du fort engagement pour la revitalisation de Venise et montrent une inversion de tendance par rapport au passé. Je souhaite que cette rencontre soit le point de départ d’une coopération qui offre une nouvelle vision de la ville, une vision pour les vingt prochaines années, où tous s’engagent pour un avenir meilleur pour les jeunes et les générations futures », a déclaré le maire, Luigi Brugnaro.
L’entretien bilatéral entre la directrice générale et le maire s’est poursuivi par une journée de réunions de travail pour évoquer les différents aspects de la gestion de ce site du patrimoine mondial.
Source : publication sur le site Internet de l’Unesco du 24 janvier 2017, consultée le 23 mai 2020.
Document 2
Avant et après : le temple de Baalshamin, l’un des monuments emblématiques de Palmyre en Syrie, a été détruit par Daech en août 2015. Le site de Palmyre est inscrit sur la liste du patrimoine mondial en péril de l’Unesco.
ph © JOSEPHEID/AFP
Source : Joseph Eid, AFP, Le Monde, 2 avril 2016.
Les clés du sujet
Identifier les documents
Comprendre la consigne
La consigne vous invite à aller plus loin qu’une simple présentation des menaces qui pèsent sur le patrimoine, comme pourrait le suggérer une lecture rapide du sujet.
Il s’agit d’identifier les différents risques qui menacent le patrimoine et les mesures prises par les différents acteurs pour y faire face.
La problématique à laquelle vous répondrez est la suivante : en quoi ces documents témoignent-ils de la vulnérabilité du patrimoine et des politiques mises en œuvre pour le protéger ?
Dégager la problématique et construire le plan
Au regard du sujet, suivre le plan de la consigne est la solution la plus facile mais aussi la plus efficace afin de gagner du temps.

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Accroche] Le patrimoine est une trace du passé que les sociétés décident de transmettre aux générations futures pour ses caractéristiques exceptionnelles. Il est par définition fragile et doit donc être protégé. [Présentation du sujet] Le site Internet de l’Unesco, institution de l’ONU chargée de l’identification et la protection du patrimoine mondial, présente le 24 janvier 2017 un article sur la protection d’un site remarquable mais vulnérable : celui de Venise et de sa lagune. Un an plus tôt, le journal Le Monde publie une photo du site de Palmyre en Syrie, en grande partie détruit en août 2015 par l’organisation terroriste Daech. [Problématique] En quoi ces documents témoignent-ils de la vulnérabilité du patrimoine et des politiques mises en œuvre pour le protéger ? [Annonce du plan] Pour répondre à cette question, nous présenterons les menaces qui pèsent sur le patrimoine [I] puis les actions pour y faire face [II].
Le secret de fabrication
Lorsque le plan est suggéré dans la consigne, il faut veiller à ne pas répéter celui-ci dans la problématique. Utilisez alors des synonymes ou préférez une formulation plus générale.
I. Un patrimoine mondial menacé
1. Un patrimoine victime des aléas naturels
« Venise est un patrimoine partagé de valeur universelle exceptionnelle », ainsi s’exprime la directrice de l’Unesco en 2017, rappelant le statut particulier dont la ville et sa lagune bénéficient depuis 1987. Venise est non seulement inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco mais son caractère « universel » la place sous une vigilance particulière de l’institution onusienne.
C’est à l’occasion des « 50 ans de la grande inondation de Venise » qu’Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco, s’est rendue sur place. En effet, en 1966, Venise avait été victime de pluies torrentielles provoquant des inondations exceptionnelles et la détérioration de nombreuses œuvres d’art. L’opinion publique prit alors conscience de la vulnérabilité de Venise.
Venise est en effet particulièrement soumise aux aléas naturels : le phénomène d’acqua alta (« hautes eaux ») s’explique par la montée des eaux de l’Adriatique. Avec le changement climatique, le phénomène a tendance à devenir plus fréquent. Tassant les fondations de la ville, il menace des édifices exceptionnels tels la place Saint-Marc, sa basilique et le palais des Doges.
2. Un patrimoine menacé par le terrorisme
Ailleurs dans le monde, d’autres menaces, de nature politique, pèsent sur des sites patrimoniaux mondialement connus. C’est le cas du site de Palmyre, en Syrie, où le temple de Baalshamin a été détruit par Daech en août 2015. La superposition d’une photographie du site avant sa destruction avec une autre présentant l’ampleur des dégâts est saisissante.
conseil
Le site de Palmyre n’est pas un jalon du thème traité. Néanmoins, vous avez étudié le cas du Mali où la problématique est la même, ainsi que Daech dans le thème « Faire la guerre, faire la paix ». Ne cloisonnez pas vos connaissances.
Comme au Mali en 2012, le patrimoine est ici victime du fondamentalisme religieux. Le temple d’une divinité antique est détruit à l’explosif par Daech, organisation islamique qui depuis 2014 procède à la destruction organisée et au vol d’objets appartenant au patrimoine culturel des territoires qu’il contrôle en Irak, en Syrie ou en Libye.
3. Un patrimoine fragilisé par le « surtourisme »
Une autre menace est évoquée par le document 1, celle du « surtourisme ». Paradoxalement, le phénomène d’acqua alta fonctionne comme un cliché vendeur pour tout professionnel du tourisme à Venise, comme son carnaval. Il faut rappeler que près de 30 millions de touristes se rendent dans cette ville chaque année.
mot clé
Le surtourisme désigne un phénomène de saturation de certains sites touristiques par un nombre croissant de visiteurs.
Aussi, la « gestion des flux touristiques » est devenue un casse-tête pour les autorités de la ville, comme le rappelle le texte : ce sont près de 77 000 personnes par jour qui déambulent dans un centre-ville d’une superficie de 17 km2. Les rues bondées, les transports saturés, les prix exorbitants de l’immobilier, le non-respect de lieux sacrés sont liés à ce « surtourisme ». Venise devient un parc d’attractions.
[Transition] Les menaces qui pèsent sur le patrimoine entraînent des mouvements de protestation. Ils viennent du monde entier concernant la Syrie, ils sont issus d’organisations de résidents à Venise. Cela oblige les différents acteurs du patrimoine à intervenir.
II. Un patrimoine mondial à protéger
1. De nombreux acteurs à toutes les échelles
« Nous devons tous travailler ensemble, l’Unesco, le gouvernement, la municipalité et toutes les parties prenantes » : cette citation du document 1 présente la multiplicité des acteurs de la protection du patrimoine. Au premier rang desquels l’Unesco, organisme de l’ONU qui, dès 1954 adopte une convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé.
À partir de 1978, le comité du Patrimoine mondial distingue le caractère exceptionnel de certains biens ou sites en les inscrivant sur une liste. Ils sont alors placés sous la sauvegarde internationale par l’intermédiaire d’une coopération financière et matérielle.
L’Unesco peut aussi les classer sur la liste du patrimoine « en péril », comme c’est le cas de Palmyre. Venise a failli rejoindre cette liste à la suite d’une demande du maire. Ce classement permet à l’Unesco d’engager d’importants travaux ou de déplacer certains biens patrimoniaux comme au Mali.
Cette inscription, donnant une mauvaise image d’un site prisé des touristes, comme Venise, peut être un moyen de pression sur les autorités afin que celles-ci prennent des mesures concrètes pour protéger ce site. Ces mesures sont mises en œuvre par les autorités centrales (gouvernements) mais aussi par les collectivités territoriales (municipalité de Venise).
2. Les mesures de protection
Les autorités italiennes et celles de Venise ont répondu aux demandes de l’Unesco en adoptant un « pacte pour Venise » en 2016, c’est-à-dire un plan d’investissement pour « sauvegarder » et revitaliser la ville. Plusieurs solutions sont à l’étude ou mises en place : contrôler les locations de logements, instaurer un quota de visiteurs (portiques), créer une nouvelle taxe.
Il s’agit des « projets concrets » évoqués par le maire. Des mesures de protection plus anciennes ont aussi vu le jour, comme le très coûteux projet MOSE, sorte de « cloisons oscillantes » permettant de limiter les inondations.
à noter
Depuis la date de l’article, la ville de Venise a interdit en 2021 la fréquentation du grand canal aux gros paquebots de croisière (bateaux de plus de 200 touristes).
À Palmyre, tout reste à faire. Le rôle de l’Unesco est pour l’instant d’évaluer précisément les dommages subis et de récolter des fonds avant d’entreprendre peut-être des actions de restauration une fois la situation politique stabilisée.
Conclusion
[Réponse à la problématique] La patrimonialisation peut être au cœur d’enjeux géopolitiques, comme en Syrie, qui aboutissent à la destruction de biens patrimoniaux. L’attractivité touristique peut aussi mettre en péril la préservation du patrimoine, comme à Venise. Le patrimoine est donc vulnérable et il revient à l’Unesco et aux autorités nationales et locales de prendre des mesures pour le préserver, que ce soit par des opérations concrètes de protection ou par des mesures de restauration. [Ouverture] Quelles que soient les mesures prises, elles engagent des investissements coûteux. À l’heure où le monde vit une crise sanitaire sans précédent, ces sujets ne semblent plus être une priorité pour les différents acteurs locaux. Si la Covid-19 a vidé Venise de ses touristes, nul doute que la municipalité de la « Sérénissime » sera plus encline à mener des campagnes de communication pour les faire revenir qu’à accélérer la mise en place d’une « taxe » pour limiter leur afflux.