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S'entraîner
Affirmations de puissance, rivalités et coopérations
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Dissertation
Les nouveaux acteurs de la conquête spatiale
Intérêt du sujet • Le sujet invite à dresser une typologie des nouveaux acteurs de la conquête spatiale. Mais cette typologie doit être problématisée pour éviter le simple catalogue.
Les nouveaux acteurs de la conquête spatiale.
Les clés du sujet
Analyser le sujet
Dégager la problématique
La guerre froide entre les États-Unis et l'URSS (la Russie aujourd'hui) a initié la conquête spatiale. On peut donc considérer comme de « nouveaux acteurs » les États et compagnies qui s'affirment en dehors des deux superpuissances. Ces nouveaux acteurs accélèrent et complexifient l'appropriation de l'espace.
Dans quelle mesure les nouveaux acteurs de la conquête spatiale bouleversent-ils la géopolitique duale héritée de la guerre froide ?
Construire le plan
Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Accroche] Vous avez 20 millions de dollars pour vos prochaines vacances ? SpaceX peut vous proposer un séjour à 400 km d'altitude à bord de sa capsule Crew Dragon. [Présentation du sujet] Inaccessible jusque-là, le tourisme spatial fait partie des prestations offertes par certains nouveaux acteurs de la conquête spatiale. Privés ou étatiques, ceux-ci rebattent les cartes autrefois presque exclusivement détenues par les Américains et les Soviétiques, les seuls à ne pas pouvoir être qualifiés de « nouveaux acteurs » dans ce domaine où ils furent les pionniers. [Problématique] Dans quelle mesure les nouveaux acteurs de la conquête spatiale bouleversent-ils la géopolitique duale héritée de la guerre froide ? [Annonce du plan] Si les Occidentaux – États-Unis exclus – n'ont pas attendu les années 1990 pour se lancer dans l'espace [I], le fait nouveau est l'irruption de pays émergents – certains inattendus – dans la conquête spatiale [II]. Mieux encore, les entreprises du New Space présentent des projets aux limites de la science-fiction [III].
Le secret de fabrication
Il est important de capter l'attention du correcteur, afin de distinguer votre copie. Un peu d'actualité liée au sujet, formulée sur un ton plus direct, y parviendra. Il faut ensuite faire le lien avec le sujet : ici, le tourisme spatial vous permet d'introduire les nouveaux acteurs de la conquête spatiale.
I. Anciennes et nouvelles puissances spatiales occidentales
1. Les nouveaux acteurs occidentaux
Une soixantaine de pays ayant aujourd'hui une agence spatiale, un catalogue exhaustif serait fastidieux et inutile. Les États de l'Union européenne, qui créent l'Agence spatiale européenne (ESA) en 1975 et lancent le programme Ariane en 1979, font partie des premiers acteurs.
En France, c'est le général de Gaulle qui donne l'impulsion, avec la création du Centre national d'études spatiales (CNES) en 1961. La France a toujours été en pointe : jusqu'à fin 2019, elle était le premier contributeur européen à l'ESA ; le site européen de lancement se situe à Kourou, en Guyane.
D'autres puissances occidentales ont rejoint les rangs des puissances spatiales. Le Japon crée son agence JAXA en 2003. Ce pays dispose de technologies très avancées, à double usage, civil et militaire, dans le domaine satellitaire, mais aussi des fusées (lanceur H-IIA). Israël fonde son agence spatiale en 1983 et a tenté, sans succès, d'envoyer une sonde sur la Lune en 2019.
2. Anciens et nouveaux enjeux spatiaux pour les Occidentaux
Les enjeux économiques sont omniprésents pour des États qui fondent une grande partie de leur compétitivité mondiale sur l'innovation et l'avance technologique de leurs produits et services. Les applications liées aux satellites sont légion : télécommunications, positionnement, météo, climatologie, agriculture… Leur chiffre d'affaires annuel dépasse 300 milliards de dollars.
Les enjeux militaires sont moindres pour des Européens dont beaucoup comptent sur la protection américaine. La France a cependant créé en 2019 un Commandement de l'espace. Les satellites militaires français seront équipés de lasers et des nanosatellites patrouilleurs seront lancés à partir de 2023.
Les enjeux géostratégiques et géopolitiques sont parfois déterminants, comme c'est le cas pour Israël. Le contexte sécuritaire particulier de ce pays lui fait considérer les technologies spatiales comme indispensables.
[Transition] Les activités spatiales ne sont cependant plus aujourd'hui l'apanage ni des pionniers soviétiques et américains ni des acteurs occidentaux. Des puissances émergentes s'engagent à leur tour dans la conquête spatiale.
II. L'irruption des puissances spatiales émergentes
1. De nouveaux acteurs étatiques émergents
La Chine est en pointe en la matière. Le budget spatial chinois, bien qu'opaque, est estimé à 11 milliards de dollars, presque quatre fois le budget russe ! En 2019, la Chine a effectué 34 lancements, contre 22 pour la Russie et 21 pour les États-Unis. Son programme spatial inclut l'alunissage de Chang'e-4 sur la face cachée de la Lune.
Démarré en 1975, le programme spatial de l'Inde se caractérise par une certaine frugalité (budget de 1,5 milliard de dollars). La mission Mangalyaan (Mars Orbiter), réalisée avant la mission chinoise, n'a coûté que 74 millions de dollars, moins que le film Gravity !
à noter
L'Inde est spécialisée dans le spatial low cost, en accord avec le jugaad, terme hindi signifiant « innovation frugale » ou « système D ».
D'autres acteurs émergent, qui tentent chacun de développer leurs capacités spatiales, tels la Corée du Nord, l'Iran en 2009, ou les Émirats arabes unis.
2. Nouveaux enjeux pour nouveaux acteurs
Ces acteurs développent des projets spatiaux pour des raisons économiques, afin d'accompagner leur développement. Le secteur spatial est également un vecteur d'innovation technologique majeur, capital pour des pays lancés à la poursuite de l'Occident dans ce domaine.
Les projets se déploient simultanément dans le domaine de la militarisation de l'espace, avec le lancement de satellites de surveillance et de renseignement, mais aussi d'armes antisatellites (Chine et Inde).
La conquête spatiale comporte une composante de prestige. Ainsi, la Chine prévoit la mise en orbite d'une station spatiale chinoise, la création d'un établissement chinois permanent sur la Lune, puis une mission martienne.
[Transition] Les nouveaux acteurs étatiques reprennent ainsi les objectifs qui furent jadis ceux des Américains et des Soviétiques : prestige politique et innovation technologique. Tel n'est pas le cas des acteurs du New Space.
III. Le boom du New Space
1. De nouveaux acteurs privés
L'agence spatiale américaine, la NASA, consacre depuis l'origine environ 80 % de son budget à des tâches assurées par des sociétés privées. Cette contractualisation s'est récemment développée certaines de ces sociétés ont acquis un rôle indépendant, et non plus de sous-traitance. C'est le New Space.
Essentiellement américaines, les entreprises d'Elon Musk (SpaceX), de James Cameron (Planetary Resources) ou de Jeff Bezos (Blue Origin) sont les exemples les plus connus d'une nébuleuse d'un millier d'entreprises qui ont investi la course à l'espace.
Parmi les acteurs non américains, le New Space russe est surtout constitué de start-up, tels CosmoCourse (tourisme spatial) ou StartRocket (publicité orbitale !). Le New Space français est très dynamique, avec Airbus ou bien Kinéis, qui compte envoyer en orbite une miniconstellation de 25 nanosatellites « made in France ».
à noter
L'URSS – farouchement anticapitaliste – a toujours privilégié les agences d'État jusqu'à sa chute en 1991.
2. Des enjeux spécifiques
L'objectif premier de ces acteurs du New Space est la recherche du profit. Leurs objectifs sont ambitieux : ravitailler l'ISS (Boeing, SpaceX), connecter le monde entier à Internet (projet Starlink), développer le tourisme spatial (Virgin Galactic, Blue Origin), exploiter les ressources minières extraterrestres, coloniser Mars (SpaceX)…
Or, le traité de l'Espace de 1967, qui interdit l'appropriation de l'espace ou des corps célestes par les États, ne concerne pas le secteur privé. En 2015, le Space Act du président Obama a autorisé les sociétés américaines à extraire les ressources minières des astéroïdes et des planètes. Les perspectives à moyen et long terme sont alléchantes, quoique risquées.
Les acteurs du New Space témoignent d'une dynamique capitaliste. Toutefois, le goût de l'aventure n'en est pas absent. La rentabilité de projets comme celui d'Elon Musk de coloniser Mars et de rendre l'espèce humaine « multiplanétaire » paraît lointaine et le retour sur investissement hasardeux. Mais n'était-ce pas déjà le cas du projet de Christophe Colomb ?
Conclusion
[Réponse à la problématique] La conquête spatiale, autrefois chasse gardée des deux superpuissances de la guerre froide, s'est donc largement démocratisée, voire banalisée. Mais l'affirmation de ces nouveaux acteurs étatiques traduit aussi l'émergence d'un monde multipolaire. La conquête spatiale est toujours un facteur de puissance et de prestige, où les nouveaux acteurs sont pour l'essentiel non occidentaux. Faut-il y voir une nouvelle manifestation du déclin de l'Occident, malgré l'entrée en force d'un New Space presque exclusivement occidental ? [Ouverture] Tout n'est cependant pas géopolitique dans la conquête spatiale. L'aventure en demeure partie intégrante. Ainsi la conquête de Mars et la proclamation de SpaceX, Making life multiplanetary : slogan ou promesse ? À l'heure où des questions se posent sur l'épuisement des ressources terrestres, la conquête spatiale apporte – certes à long terme – une nouvelle espérance.