Annale corrigée Etude critique de document(s)

Les sociétés face au changement climatique : permanence et ruptures

France métropolitaine, mars 2023

étude critique de documents

Les sociétés face au changement climatique : permanence et ruptures

2 heures

10 points

Intérêt du sujet • Le sujet permet de présenter les fluctuations climatiques et leurs effets depuis le xixe siècle, mais aussi la façon dont les sociétés les perçoivent.

 

En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, montrez la permanence et les ruptures dans les relations que les sociétés entretiennent avec les milieux dans lesquels elles vivent.

Document 1

Ministère de l’Intérieur

Sciences et Beaux-Arts

Circulaire N° 18

Paris, le 25 avril 1821

Messieurs, depuis quelques années, nous sommes témoins de refroidissements sensibles dans l’atmosphère1, de variations subites dans les saisons et d’ouragans ou d’inondations extraordinaires auxquels la France semble devenir de plus en plus sujette.

On l’attribue en partie aux déboisements des montagnes, aux défrichements des forêts, au défaut d’abri qu’éprouvent nos campagnes, et à l’absence des obstacles naturels qui s’opposaient jadis aux vents et aux nuages du nord et de l’ouest.

Les mêmes causes produiraient les mêmes effets dans toute l’Europe, et ces phénomènes seraient dignes de fixer partout l’attention. Ces maux ne seraient pas sans remède, et il serait important que, particulièrement en France, on prît des mesures pour écarter les inconvénients, les malheurs dont le principe aurait été reconnu.

Dans l’état actuel des observations, il est peut-être difficile d’asseoir un jugement ; et c’est pour fixer mon opinion, pour voir ensuite quelles dispositions ordonner, que je viens vous demander des notes sur les divers points qui suivent :

1°- Quelles forêts existaient dans votre département il y a trente ans ? Dans quelle zone et à quelle élévation étaient-elles placées ? Quelles étaient leur étendue et l’espèce d’arbres dont elles étaient formées ?

2°- Quels étaient les propriétaires ?

3°- Quelles sont celles qui existent encore et celles qui ont été abattues ?

4°- Quelle influence a-t-on remarqué que la différence exerçât sur le système météorologique du département ? Les rivières ont-elles eu des eaux plus ou moins abondantes ? Les inondations, les pluies ont-elles été plus ou moins fréquentes ? Y a-t-il eu plus souvent de la neige ou de la grêle, et, dans les pays de montagnes, s’est-on aperçu que les glaces descendissent à plus basses régions, repoussant et refoulant la végétation vers les plaines ou les vallées ?

5°- Les vents ont-ils été plus violents, plus malfaisants, plus variables, et a-t-on remarqué que ceux du sud ou du nord exerçassent tout à coup, et par de soudains changements, de plus grands ravages que dans le siècle dernier, et lorsque la France enfin était mieux boisée ?

À ces questions, j’en pourrais ajouter d’autres ; mais vous verrez vous-mêmes, et sans avoir besoin de plus d’indications, à développer toutes les idées de cet ordre, dont vous croiriez utile de me faire part.

Je réunirai tous les documents que j’aurai reçus, je les communiquerai à l’Académie des sciences, et mon avis se formera sur ce que vous et elles auront d’abord émis en les motivant.

On a beaucoup fait et avec raison pour l’encouragement des prairies artificielles. Mais les forêts n’ont pas moins d’importance, et quand les recherches auxquelles je vous prie de vous livrer n’auraient de résultat que celui d’arrêter vos regards sur ce genre de cultures et de richesses, ma lettre aurait rempli en partie son objet.

Recevez, Messieurs, l’assurance de ma considération distinguée.

Le ministre secrétaire d’État de l’Intérieur

Signé : Siméon

Source : circulaire du ministre de l’Intérieur Siméon adressée à tous les préfets, avril 1821

1. L’hiver 1819-1820 est particulièrement froid : à Paris la Seine est glacée, on meurt de froid dans les rues ; les arbres sont détruits par le gel dans le Sud-Est.

Document 2

hggspT_2303_07_01C_01

© C40 Cities Climate Leadership Group, Inc.

Traduction : « We have the power to move the world » signifie « Nous avons le pouvoir de faire avancer le monde ».

Source : illustration extraite du rapport annuel de C40 Cities, réseau de grandes métropoles engagées dans la lutte contre le dérèglement climatique, 2019

 

Les clés du sujet

Identifier les documents

hggspT_2303_07_01C_02

Comprendre la consigne

La consigne évoque la permanence, c’est-à-dire ce qui n’a pas changé, et les ruptures, autrement dit, les modifications dans les relations que les sociétés humaines entretiennent avec les milieux dans lesquels elles vivent.

Il faut donc trouver ces éléments de permanence : anthropisation des milieux, variations climatiques. Les éléments de rupture concernent l’accélération du dérèglement climatique et les réponses pour y faire face, qui ont changé au cours du temps.

Dégager la problématique et construire le plan

En quoi les fluctuations climatiques et la façon dont les politiques publiques y font face sont-elles révélatrices de l’évolution des relations que les sociétés entretiennent avec l’environnement ?

Tableau de 2 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 2 lignes ;Ligne 1 : I. Les acteurs politiques se préoccupent des variations climatiques…; Quelles sont les variations climatiques évoquées par les documents ?Comment et pourquoi expliquer ces variations ?; Ligne 2 : II. … mais celles-ci ont changé et les échelles et moyens d’intervention ont évolué; Quelles sont les caractéristiques du changement climatique actuel ?Comment ont évolué les moyens d’intervention ? À quelle échelle opèrent-ils ?;

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] Les hommes se préoccupent du climat depuis le Néolithique, mais la prise de conscience de l’impact de leurs activités sur l’environnement est récente. [Présentation des documents] Près de deux siècles séparent les documents soumis à notre étude. Le premier est une circulaire du ministre de l’Intérieur, Siméon, datant du 25 avril 1821. À la suite d’un hiver particulièrement rude, le ministre sollicite les préfets afin d’obtenir des informations précises sur l’état des milieux français, notamment des forêts. Le second document est une illustration d’un rapport du « C40 Cities », un réseau des plus grandes métropoles mondiales engagées en faveur de la protection de l’environnement, qui promeut les mobilités douces et la possibilité pour chacun de « faire avancer le monde ». [Problématique] En quoi les fluctuations climatiques et la façon dont les politiques publiques y font face sont-elles révélatrices de l’évolution des relations que les sociétés entretiennent avec l’environnement ? [Annonce du plan] Si les préoccupations concernant les variations climatiques sont anciennes et que les autorités tentent de les comprendre [I], ces variations ont changé de nature, et les acteurs ont changé d’échelle et de moyens d’intervention [II].

I. Les variations climatiques, une inquiétude ancienne

1. Des variations climatiques opposées

En 1821, le ministre de l’Intérieur s’interroge sur « les refroidissements sensibles dans l’atmosphère ». En effet, une note en fin de texte décrit un hiver 1819-1820 particulièrement rude : « à Paris la Seine est glacée, on meurt de froid. » Ce qu’ignore l’auteur, c’est que son époque appartient à une longue période de refroidissement climatique (de 1300 à 1860) appelée le « Petit Âge glaciaire ». Celui-ci se caractérise par des étés frais et pluvieux ayant de graves conséquences sur les récoltes et par quelques hivers très froids (1709, 1819).

L’illustration du rapport du C40 Cities fait référence à une variation climatique inverse : celle d’une augmentation des températures depuis l’ère industrielle causée par l’anthropisation. Cette augmentation des températures est due aux rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, de plus en plus importants sous l’effet de la croissance démographique, de la métropolisation et de l’augmentation des échanges mondiaux.

2. L’appel aux experts pour mieux comprendre ces changements

Dans la circulaire qu’il envoie aux préfets, le ministre Siméon manifeste sa volonté de comprendre l’origine des variations climatiques : « On l’attribue en partie aux déboisements des montagnes. » Il fait ici référence aux défrichements qui ont suivi les famines de la fin du xviie siècle. Les surfaces cultivées se sont étendues et le bois a été utilisé pour se chauffer.

conseil

Attention à la syntaxe quand vous citez les documents. Vos citations, entre guillemets, doivent s’intégrer à votre démonstration sans être trop longues.

Le ministre lance alors des enquêtes, dont un recensement précis de l’état des forêts, comme Colbert l’avait fait lors de la Grande Réformation (1661-1685). Il souhaite soumettre les observations des préfets « à l’Académie des sciences » pour « voir ensuite quelles dispositions ordonner ». L’action politique sollicite donc l’avis des experts.

à noter

Cette circulaire a sans doute permis au code forestier de voir le jour en 1829. La grande ordonnance de Colbert de 1669 avait en effet été peu appliquée.

Le changement climatique évoqué dans le document 2 se fonde aussi sur les observations d’experts : ceux du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat), créé en 1988. Ayant pour mission d’évaluer les risques liés au changement climatique, le GIEC rédige des rapports régulièrement mis à jour grâce à des moyens modernes d’analyse.

[Transition] Ces variations climatiques que les autorités cherchent à comprendre sont devenues beaucoup plus préoccupantes. Les échelles d’intervention des différents acteurs publics et les moyens qu’ils engagent sont les signes des mutations des relations entre les sociétés et leurs milieux.

conseil

N’hésitez pas à rappeler la problématique générale de temps en temps : cela donne du sens à votre démonstration.

II. Un changement climatique global, des politiques qui évoluent

1. Un changement global

Si au xixe siècle, Siméon a conscience de variations climatiques à l’échelle nationale (« France de plus en plus sujette ») et à l’échelle européenne (« mêmes effets dans toute l’Europe »), il n’y a pas encore de prise de conscience d’un dérèglement mondial. Or aujourd’hui, les scénarios du GIEC évoquent des hausses de températures pouvant aller jusqu’à + 4,4 °C ou plus d’ici la fin du siècle, par rapport à l’ère préindustrielle.

Alors qu’au xixe siècle, les variations climatiques étaient essentiellement imputées à l’agriculture, aujourd’hui, toutes les activités humaines (agriculture, industrie, transport) sont considérées comme responsables de l’entrée dans une nouvelle ère géologique : l’anthropocène.

2. Des échelles et des modes d’intervention qui évoluent

Au xixe siècle, les mesures de protection de la nature étaient décidées de façon centralisée par l’État, dans le but d’« écarter les inconvénients, les malheurs ». Au-delà de la dégradation des forêts françaises contre lequel il était urgent d’agir pour des raisons essentiellement économiques, Siméon fait référence à des dangers plus politiques qu’engendrent les aléas climatiques, comme les crises frumentaires, souvent à l’origine de révoltes sociales.

À la fin du xxe et au xxie siècle, les analyses, les échelles d’intervention et les acteurs ont changé : il est surtout question de protection et de préservation de l’environnement, plutôt que de sa seule exploitation. Si les objectifs environnementaux sont toujours fixés par les États, au sein de conférences mondiales (sommet de la Terre à Rio en 1992, COP 21 à Paris en 2015), leur mise en œuvre doit être locale (agenda 21).

Ainsi, le réseau des C40 Cities montre l’implication des métropoles, qui cherchent à diminuer leur impact écologique par des mesures concrètes : construction de bâtiments HQE, réduction des déchets, développement d’espaces végétalisés, mobilités douces, comme ici le vélo. Les citoyens sont appelés à être des acteurs de la transition écologique, ils en ont le « pouvoir » (en vert dans le slogan).

info +

Le réseau C40 Cities Climate leadership group a été créé en 2005 par le maire de Londres. Il rassemble aujourd’hui 94 métropoles.

Conclusion

[Réponse à la problématique] Les fluctuations climatiques sont une préoccupation constante des sociétés humaines parce qu’elles ont des conséquences économiques, politiques et sociales. L’ère industrielle a accéléré l’impact de l’anthropisation et la science permet aujourd’hui de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre. Les autorités tentent de répondre, à toutes les échelles, à une conscience écologique de plus en plus aiguë des sociétés. [Ouverture] Mais en mars 2023, le GIEC a révisé ses données sur l’évolution du climat dans un sens encore plus alarmiste, estimant que les hausses de températures prévues pour la fin du siècle pourraient être atteintes dès 2030-2050. Les mesures entreprises semblent donc encore très loin d’être suffisantes pour répondre au changement climatique, devenu une urgence.

Pour lire la suite

Je m'abonne

Et j'accède à l'ensemble
des contenus du site