La conscience
phiT_1405_09_00C
Le sujet
7
CORRIGE
Liban • Mai 2014
Nous ne vivons pas d'abord dans la conscience de nous-même – ni même d'ailleurs dans la conscience des choses – mais dans l'expérience d'autrui. Jamais nous ne nous sentons exister qu'après avoir déjà pris contact avec les autres, et notre réflexion est toujours un retour à nous-même, qui doit d'ailleurs beaucoup à notre fréquentation d'autrui. Un nourrisson de quelques mois est déjà fort habile à distinguer la bienveillance, la colère, la peur sur le visage d'autrui, à un moment où il ne saurait avoir appris par l'examen de son propre corps les signes physiques de ces émotions. C'est donc que le corps d'autrui, dans ses diverses gesticulations, lui apparaît investi d'emblée d'une signification émotionnelle, c'est donc qu'il apprend à connaître l'esprit tout autant comme comportement visible que dans l'intimité de son propre esprit. Et l'adulte lui-même découvre dans sa propre vie ce que sa culture, l'enseignement, les livres, la tradition lui ont appris à y voir. Le contact de nous-même avec nous même se fait toujours à travers une culture, au moins à travers un langage que nous avons reçu du dehors et qui nous oriente dans la connaissance de nous-même. Si bien qu'enfin le pur soi, l'esprit, sans instruments et sans histoire, s'il est bien comme une instance critique que nous opposons à la pure et simple intrusion des idées qui nous sont suggérées par le milieu, ne s'accomplit en liberté effective que par l'instrument du langage et en participant à la vie du monde.
Maurice Merleau-Ponty, Causeries, 1948.
Dégager la problématique du texte
- Comment l'homme accède-t-il à la conscience de soi ? Sa conscience préexiste-t-elle au monde ou, au contraire, est-elle constituée par lui ? En ce sens, la conscience de soi ou sur le monde (conscience immédiate) n'est-elle pas toujours déjà structurée par le langage et le langage lui-même issu de la culture du sujet ?
- C'est parce que cette culture est le résultat de relations entre les hommes, que Merleau-Ponty affirme que la conscience dépend de l'expérience d'autrui. Mais alors comment l'homme peut-il connaître son esprit dans ce qu'il a d'original, d'indépendant à son milieu et donc à sa culture, alors même que sa conscience se réalise dans et par le langage issu du monde auquel il appartient ?
Repérer la structure du texte et les procédés d'argumentation
- Merleau-Ponty répond en trois temps. D'abord, il montre que la conscience de soi implique toujours un rapport à autrui.
- Il va ensuite, pour l'expliquer, s'appuyer sur la psychologie de l'enfant en montrant, qu'avant même de se connaître, le nourrisson sait interpréter les émotions de son entourage.
- L'auteur conclut alors que l'identité propre à un individu, dans ce qu'elle a de distinct à sa culture d'origine ne peut, en même temps et paradoxalement, se réaliser qu'à travers son langage et cette culture dont il est issu.
Éviter les erreurs
- Ce texte demande une extrême attention à l'enchaînement logique des parties. S'il parle de la conscience de soi dans la première partie puis du langage et de la culture dans une troisième partie, il faut bien voir en quoi ces notions, qui semblent appartenir à des chapitres différents, sont intimement liées.
- La difficulté du texte est épistémologique : l'auteur pose le problème par rapport à une tradition philosophique où le sujet et l'objet de la connaissance se font face. Or ici Merleau-Ponty semble dépasser cette opposition pour proposer une analyse originale.
Les titres en couleurs servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas figurer sur la copie.
Introduction
Comment se forme la
Comment penser librement, c'est-à-dire exprimer un pur vouloir indépendant du monde, alors même que la conscience semble structurée par son rapport à autrui ? Que serait le « pur soi » d'un sujet toujours inscrit dans une relation d'intersubjectivité ?
L'auteur pose d'abord la thèse de la dépendance de la conscience à sa relation à autrui. L'enfant lui-même ne comprend la signification de ses
Enfin, l'adulte lui-même n'accède et n'exprime ces significations qu'à travers un
1. Dépendance de la conscience de soi à la relation à autrui
A. Contre la psychologie classique : pas de conscience innée
Merleau-Ponty commence par poser une thèse : notre conscience est précédée par l'
Conseil
Rappelez les définitions générales de la notion centrale du texte pour commencer, sans que cela ne soit trop long.
La conscience, selon son étymologie latine « cum scienta », désigne une forme de savoir. Celui-ci peut s'appliquer au sujet lui-même qui peut prendre conscience qu'il existe indépendamment du reste du monde (
Si la conscience de soi ou du monde dépend de la relation à l'autre, alors contrairement à une position
B. Contre empirisme pur : pas de conscience construite par l'expérience seule
Attention
Il s'agit de montrer les enjeux épistémologiques du texte en essayant de resituer le texte dans la tradition philosophique.
Notre existence fait l'objet d'une perception qui demande que l'on ait eu un « contact avec les autres », c'est-à-dire avec d'autres sujets pensants, mais aussi notre compréhension de nous-même, notre « réflexion », va s'opérer par un «
2. Explication par la psychologie infantile
A. Un nourrisson comprend les émotions des autres avant les siennes
Merleau-Ponty fait appel à la
En effet, il réagit par des cris, des pleurs, un rire ou un apaisement lorsque son entourage témoigne de la colère ou au contraire de la bienveillance. Ces signes (douceur de la voix, sourires, gestes plus ou moins brusques…), il n'a pas encore pu les observer sur lui et les interpréter à partir de son propre comportement. Il n'est d'abord que
B. Connaissance de l'esprit à partir du corps autant que de l'intimité spirituelle
Conseil
Il faut toujours illustrer votre propos par des exemples. Ces exemples très concrets s'y prêtent bien.
Ainsi, c'est bien par le
Merleau-Ponty nous apprend donc deux choses sur
3. Dépendance de la conscience au langage et à la culture
A. Inscription de notre connaissance dans une culture et un langage
« Ce que sa culture, l'enseignement, les livres, la tradition lui ont appris à y voir ». Il y a un
Info
Le mot culture a ici le sens de civilisation qui est formée par les institutions, les techniques, l'histoire, la langue, la religion, les mœurs… d'un peuple.
Le « contact de nous-même avec nous-même », ce moment où la conscience essaie de se saisir elle-même sans avoir recours au monde extérieur ne peut cependant pas faire l'impasse de cette culture dans laquelle le sujet s'est constitué, ne serait-ce que par le langage qui permet à la connaissance de prendre forme. Or le langage est lui-même produit par la
B. Même l'opposition de l'esprit à la culture se fait dans et par elle
Merleau-Ponty conclut alors que «
Mais même cette pensée, qui
L'esprit ne peut s'accomplir en «
Conclusion
À la question de savoir comment l'homme accède à la
En plus d'avoir des enjeux philosophiques (il interroge les rapports de l'esprit et du corps), épistémologique (il interroge la possibilité pour un sujet de se saisir comme objet, de se connaître) et psychologique (il se demande comment accéder à la conscience de soi), ce texte peut se situer dans le champ
La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.