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Mucovicidose : mutations et traitement

France métropolitaine, mars 2023 • Jour 1

exercice 2

Mucoviscidose : mutations et traitement

1 h 30

8 points

Intérêt du sujet • Ce sujet porte sur un traitement récent et novateur de la mucoviscidose. Il s’agit d’une trithérapie qui s’est avérée très efficace chez une partie des patients. Le sujet permet d’en comprendre le principe.

 

La mucoviscidose est une maladie génétique qui touche principalement les voies respiratoires et le système digestif. En 1989, le gène CFTR responsable de la maladie a été identifié sur le chromosome 7. Le développement des techniques de séquençage a permis d’identifier près de 2 000 mutations différentes de ce gène.

Depuis 2021, un traitement associant 3 molécules et considéré comme une véritable révolution thérapeutique est proposé à certains patients.

 Expliquer pourquoi ce nouveau traitement n’est prescrit qu’aux patients atteints de mucoviscidose présentant la mutation delF508.

Vous organiserez votre réponse selon une démarche de votre choix intégrant des données des documents et les connaissances utiles.

Document 1 Mutations du gène CFTR et conséquences sur la protéine

A. Rôle de la protéine CFTR

La protéine CFTR est un canal chlore inséré dans la membrane des cellules de différentes muqueuses : respiratoire, digestive… Elle est constituée de 1 480 acides aminés. Ce canal permet la sortie d’ions chlorure (Cl) des cellules. Dans le cas des cellules respiratoires, cet échange d’ions est indispensable pour obtenir un mucus suffisamment fluide, permettant ainsi l’élimination de bactéries et d’impuretés qui s’y déposent.

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D’après ABCF Mucovicidose

B. Comparaison des séquences nucléotidiques de quatre allèles du gène CFTR et comparaison des séquences en acides aminés des protéines CFTR correspondantes

Les séquences nucléotidiques de 3 allèles mutés du gène codant la protéine CFTR (delF508, G542X et G551D) sont comparées à la séquence non mutée (CFTR).

Les séquences en acides aminés des protéines correspondantes (Pro-delF508, Pro-G542X, Pro-G551D) sont comparées à la séquence en acides aminés de la protéine fonctionnelle (Pro-CFTR).

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D’après la banque de données du logiciel Anagène

Document 2 Conséquences de mutations sur l’état de maturation de la protéine CFTR

La protéine CFTR subit différentes modifications dans le réticulum endoplasmique, un organite cellulaire. D’une forme immature d’environ 140 kilodalton (kDa, unité de mesure de masse moléculaire), elle est transformée en une forme mature de 170 kDa. Seule cette protéine CFTR mature est capable ensuite de s’insérer dans la membrane plasmique pour y exercer sa fonction de canal chlore.

Le poids moléculaire des protéines CFTR dans des cellules présentant ou non une mutation peut être déterminé par électrophorèse, une technique de laboratoire qui permet de séparer des molécules chargées au travers d’un gel sous l’effet d’un champ électrique. Après révélation avec une technique adaptée, celles-ci sont alors visualisables sous forme de bandes. Une bande sombre indique la présence d’une molécule.

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Les pointillés indiquent les limites des bandes sombres visibles.

D’après Ataluren stimulates ribosomal selection of nearcognate tRNAs to promote nonsense suppression, B. Roy et al., 2016 et G551D mutation impairs PKA-dependent activation
of CFTR channel
, W. Wang, 2022

Document 3 Localisation des protéines CFTR fonctionnelles et CFTR delF508

Une étude de 1993 montre par microscopie électronique où se situent les protéines CFTR fonctionnelles (notées CFTR wt) et CFTR delF508 dans des cellules. La protéine CFTR est visualisée en noir.

D’après Yang et al., 1993 et Dormer et al., 2001

Document 4Un traitement novateur adapté à certains patients atteints de mucoviscidose

Un nouveau traitement associant trois molécules (VX 445 + VX 661 + VX 770) est disponible depuis 2021 en France pour les patients présentant la mutation delF508, âgés de plus de 12 ans.

A. Effet du nouveau traitement sur la protéine CFTR

Le document présente le résultat d’une électrophorèse permettant de mettre en évidence l’état de maturation de la protéine CFTR dans les cellules de deux sujets porteurs de la mutation delF508. Le principe de l’électrophorèse est le même que dans le document 2. Les pointillés indiquent les limites des bandes sombres visibles.

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D’après O. laselva et al., « Rescur of multiple class II CFTR mutation by elexacaftor + tezacaftor + ivacaftor », Eur Respir, 2021

B. Évolution du VEMS lors d’une étude clinique chez des patients atteints de mucoviscidose et porteurs de la mutation delF508

Le principal critère d’évaluation de l’efficacité du traitement est le VEMS, qui correspond au volume maximum d’air qu’une personne peut expirer en une seconde, comparé aux valeurs d’une personne ­présentant des caractéristiques similaires (telles que le poids, la taille et le sexe).

L’étude a été menée sur 403 sujets porteurs de la mutation delF508, dont 200 ont reçu le traitement et 203 le placebo (un produit sans principe actif qui n’a donc aucun effet). Ni le patient ni l’expérimentateur ne savent qui reçoit le médicament ou le placebo.

Au début de l’étude, les patients présentaient des valeurs moyennes de VEMS de 60 à 68 % seulement par rapport à celles observées chez une personne moyenne en bonne santé.

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D’après P.G. Middleton et al., « Elexacaftor-Tezacaftor-Ivacaftor for cystic fibrosis with a single Phe508del allele », The New England Journal of Medicine, 2019

 

Les clés du sujet

Étape 1. Comprendre le sujet

Il existe deux raisons pour lesquelles un nouveau traitement n’est pas prescrit à une catégorie de patients : soit son efficacité est faible, soit il existe un risque de toxicité. Aucun document n’évoquant la toxicité du nouveau traitement contre la mucoviscidose, cette explication est exclue. Les données portent sur la remédiation aux conséquences pathologiques de la mutation delF508. Il faut alors montrer que le mode d’action du traitement rend ce dernier inefficace chez les patients porteurs des mutations G542X et G551D.

Étape 2. Exploiter les documents

Le document 1a renseigne sur le trajet suivi par la protéine CFTR depuis sa synthèse jusqu’à son insertion dans la membrane plasmique ainsi que sur sa fonction.

Le document 1b permet d’identifier la nature des mutations étudiées dans le sujet.

Le document 2 précise l’état de maturation des protéines CFTR non mutée et mutées.

Le document 3 informe sur la localisation cellulaire de la protéine CFTR non mutée et de la protéine due à la mutation delF508.

Le document 4 montre l’effet du nouveau médicament sur la maturation de la protéine CFTR et sur le phénotype clinique des patients possédant la mutation delF508.

Étape 3. Construire la réponse

Tableau de 4 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 4 lignes ;Ligne 1 : I. Efficacité du traitement chez les patients possédant la mutation delF508; Comparez l’évolution de la capacité respiratoire des patients ayant reçu le traitement à celle des patients à qui on a fourni un placebo.; Ligne 2 : II. Explication de l’efficacité de la trithérapie; Précisez le trajet suivi par la protéine CFTR dans les cellules épithéliales, et indiquez l’importance du rôle joué par cette protéine.Précisez l’anomalie de la protéine CFTR engendrée par la mutation delF508.Démontrez que cette anomalie disparaît au moins en partie sous l’action du traitement.; Ligne 3 : III. Inefficacité du traitement face aux autres mutations; Indiquez les conséquences des mutations G542X et G551D sur les séquences des protéines CFTR mutées.Expliquez alors pourquoi la trithérapie ne peut être efficace chez les patients qui possèdent l’une ou l’autre de ces deux mutations.; Ligne 4 : Conclusion; Résumez les caractéristiques des trois mutations étudiées et leurs effets négatifs respectifs sur les propriétés de la protéine CFTR.Expliquez pourquoi la trithérapie peut avoir une efficacité vis-à-vis de la mutation delF508 et non vis-à-vis des deux autres.;

Introduction

La mucoviscidose est une maladie monogénique récessive causée par des allèles du gène CFTR. Ce gène a un très grand polymorphisme au sein des populations (près de 2 000 mutations). Le phénotype clinique de la mucoviscidose varie en fonction des allèles possédés, ce qui explique la réponse différentielle des patients aux traitements.

En 2021, une trithérapie associant trois médicaments permet une amélioration nette de la vie des patients. À l’aide des données relatives aux mutations G542X et G551D, nous expliquerons pourquoi elle n’est prescrite qu’aux malades ayant la mutation delF508 dans leur génotype.

I. Efficacité du traitement chez les patients possédant la mutation delF508

Un groupe de 403 patients possédant tous la mutation delF508 a été divisé en deux lots : 200 patients reçoivent le traitement (trithérapie VX 445 + VX 661 + VX 770), 203 reçoivent le placebo (doc. 4b). Tous ont des capacités respiratoires semblables, avec des valeurs moyennes de leur VEMS (volume expiratoire maximal par seconde) de 60 à 68 % par rapport aux valeurs moyennes observées chez une personne en bonne santé. Le protocole est en double aveugle : ni le médecin ni le patient ne sait qui reçoit le médicament. Ainsi, aucun des deux n’est influencé par des facteurs psychiques et la différence de résultats ne peut être attribuée qu’au traitement reçu.

Le VEMS des malades ayant reçu le placebo n’a presque pas varié durant la période d’expérimentation. En 15 jours, le VEMS des patients ayant reçu la trithérapie a augmenté de 13 %, puis l’augmentation s’est poursuivie lentement jusqu’à ce que l’amélioration se stabilise à 14 % par rapport à la valeur initiale.

Ces résultats montrent que le placebo n’a eu aucune efficacité alors que la trithérapie s’est révélée très efficace dès le début du traitement, induisant une amélioration qui s’est maintenue pendant plusieurs semaines. Ces deux éléments justifient sa préconisation.

L’amélioration du VEMS chez les patients ayant reçu le traitement est due à l’augmentation de la fluidité du mucus. Toutefois le VEMS à 24 semaines reste inférieur à celui de personnes en bonne santé.

à noter

L’élimination du mucus est facilitée : son volume dans les voies respiratoires diminue.

Comment expliquer l’efficacité de la trithérapie sur les caractéristiques du mucus produit ?

II. Explication de l’efficacité de la trithérapie

A. Fonction de la protéine CFTR non mutée

Le document 1a renseigne sur le devenir de la protéine CFTR au sein de la cellule épithéliale respiratoire. Après transcription du gène CFTR situé sur le chromosome 7, puis épissage de l’ARN pré-messager, l’ARN messager passe dans le cytoplasme, où il est traduit. La protéine CFTR produite est transférée, en passant par le réticulum endoplasmique, jusqu’à la membrane plasmique, où elle s’insère en formant un canal chlore. Les canaux chlore permettent le passage des ions chlorures Clde l’intérieur de la cellule vers la lumière de la voie respiratoire, ce qui fluidifie le mucus présent.

Lors de son transfert, la protéine CFTR subit une maturation : elle passe d’une forme immature de 140 kDa à une forme mature de 170 kDa (doc. 2).

B. Caractéristiques et fonction de la protéine CFTR mutée delF508

Le document 1b indique que l’allèle du gène CFTR porteur de la mutation delF508 a subi une délétion de 3 nucléotides à thymine (1522-1523-1524) par rapport à l’allèle de référence, donc non muté. La protéine CFTR codée par cet allèle présente la délétion de l’acide aminé phénylalanine (Phe 508).

Les documents 2 et 4a montrent que la protéine mutée a une masse moléculaire de 140 kDa, ce qui indique qu’elle est immature. La délétion 508 empêche la maturation de la protéine CFTR. La protéine mutée n’atteint pas la membrane plasmique.

L’absence du canal CFTR se traduit par un mucus respiratoire épais et peu fluide. Il encombre les bronches, ce qui cause les manifestations chroniques de la mucoviscidose.

C. Mode d’action de la trithérapie

Le document 4a renseigne sur la protéine CFTR produite à la suite du traitement. Sa masse moléculaire est voisine de 170 kDa, ce qui correspond à la masse moléculaire de la protéine CFTR mature non mutée.

La trithérapie semble donc agir en provoquant, au sein du réticulum endoplasmique, la maturation de la protéine mutée, qui peut alors poursuivre son trajet intracytoplasmique pour s’insérer dans la membrane plasmique et y jouer son rôle.

III. Inefficacité du traitement face aux autres mutations

Le conseil de méthode

Utilisez le vocabulaire précis associé aux conséquences des mutations sur la protéine synthétisée : mutations non sens (arrêt de la synthèse par apparition d’un triplet stop anticipé) et faux sens (remplacement d’un acide aminé par un autre).

A. Patients possédant la mutation G542X

Le document 1b montre que, par rapport à l’allèle non muté, l’allèle possédant la mutation G542X présente une substitution non sens au nucléotide 1624 : un nucléotide à thymine (T) remplace un nucléotide à guanine (G). La protéine CFTR produite n’a que 541 acides aminés au lieu de 1 480. La substitution a donc fait apparaître dans la séquence un triplet stop TGA.

On ne voit pas la présence de la protéine CFTR sur le cliché d’électro­phorèse (doc. 2). L’explication la plus probable est que la protéine mutée est bien synthétisée, mais qu’étant très raccourcie elle est finalement détruite.

Le traitement agit sur la maturation d’une protéine CFTR stable mais incapable d’atteindre sa cible. Il ne peut agir sur une protéine instable et éliminée, on ne le prescrit donc pas.

B. Patients possédant la mutation G551D

Le document 1b montre que la séquence de l’allèle possédant la mutation G551D présente une substitution faux sens : un nucléotide à adénine remplace un nucléotide à guanine en position 1652, ce qui provoque la production d’une protéine CFTR mutée avec l’acide aminé 551 Asp au lieu de l’acide aminé Gly.

Le document 2 indique que cette protéine a une masse moléculaire voisine de 170 kDa, ce qui signifie qu’elle a bien subi la maturation lui permettant de s’insérer dans la membrane plasmique. Cependant, elle cause la maladie. Une des deux sources du document 2 indique que la mutation entraîne un dysfonctionnement du canal à chlorures formé par la protéine CFTR mutée.

La trithérapie agit sur la maturation, mais non sur l’activité des canaux à chlorures, et n’est donc pas prescrite.

Conclusion

Les trois mutations étudiées sont cause de la mucoviscidose car elles entraînent une anomalie de la protéine CFTR. Celle-ci, non mutée, est une protéine qui, dans la membrane plasmique des cellules épithéliales des voies respiratoires, forme un canal à chlorures indispensable à la fluidité du mucus.

La mutation delF508, une délétion de trois nucléotides, se traduit par une délétion de l’acide aminé 508, la phénylalanine, dans la protéine CFTR mutée. Cela empêche sa maturation et, par suite, son insertion membranaire.

La mutation G542X est une substitution non sens qui conduit à une protéine CFTR très raccourcie, instable et éliminée. La mutation G551D est une substitution faux sens qui provoque un dysfonctionnement du canal à chlorures formé par la protéine CFTR mutée.

Ces trois mutations entraînent des anomalies différentes de la protéine CFTR. La trithérapie remédie au défaut de maturation de la protéine CFTR, c’est donc un traitement efficace chez les patients ayant la mutation delF508. Ce traitement ne remédie pas aux anomalies engendrées par les deux autres mutations, ce qui explique qu’on ne le prescrit pas à tous les patients.

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