sesT_2000_14_02C
S'entraîner
Les mutations du travail
29
Raisonnement • Sujet zéro 2020
Numérique et emploi
Intérêt du sujet • Pour mieux comprendre les débats sur le numérique et ses effets sur l'activité économique, il est important d'expliquer les conséquences des nouvelles technologies sur l'emploi.
À l'aide du dossier documentaire et de vos connaissances, vous montrerez que le numérique transforme l'emploi.
Document 1Ubérisation et statut de l'emploi
Le terme « ubérisation » fait son apparition pour la première fois dans le dictionnaire. Le Petit Larousse 2017 […] le définit comme la « remise en cause du modèle économique d'une entreprise ou d'un secteur d'activité par l'arrivée d'un nouvel acteur proposant les mêmes services à des prix moindres, effectués par des indépendants plutôt que des salariés, le plus souvent via des plateformes de réservation sur Internet ». […] L'ubérisation est un processus économique qui, grâce aux nouvelles technologies numériques, contourne les secteurs classiques de l'économie en créant un nouvel intermédiaire. Cet intermédiaire, qui permet de mettre en relation directe les utilisateurs et les prestataires, se matérialise sous la forme d'une plateforme numérique. Intervenant dans de multiples domaines (voitures de transport avec chauffeur, tourisme, services à la personne, etc.), ces plateformes sont monétisées de diverses manières :
– en prélevant une commission sur les transactions (Uber, Airbnb, La Ruche qui dit oui) ;
– en vendant des encarts publicitaires (Leboncoin) ;
– en offrant des services complémentaires payants (Homexchange, GuestoGuest).
[…] L'ubérisation remet en cause le salariat comme norme. Les prestataires effectuent des « missions », ils sont rémunérés à la tâche. On parle de « revenu », de « chiffre d'affaires » et non plus de « salaire ». Les prestataires sont enregistrés sous le statut d'auto-entrepreneur (ou micro-entrepreneur). Ce statut créé en 2008 propose un régime simplifié de l'entreprise individuelle. […]
Si le travail indépendant permet davantage de liberté dans l'organisation de son temps de travail, il est aussi vecteur d'incertitudes et d'insécurité. La précarisation des indépendants « ubérisés », qui ne bénéficient pas des protections liées au statut de salarié, est régulièrement dénoncée. La loi Travail du 8 août 2016 a introduit l'obligation pour les plateformes de prendre en charge une partie de la protection sociale des indépendants qui leur sont affiliés.
Les critiques dénoncent également un « salariat déguisé » qui accentuerait la sous-traitance et serait un moyen pour les entreprises de se libérer des charges patronales en employant de la main-d'œuvre bon marché.
Source : vie.publique.fr
Document 2Évolution des emplois dans l'économie numérique francilienne entre 2007 et 2016

Source : Insee, Analyses Île-de-France, no 111, 2019.
Document 3Numérique et polarisation du marché du travail
L'emploi numérique n'est pas constitué que d'ingénieurs informatiques : ce sont aussi les chauffeurs de VTC1, les emplois logistiques de la vente en ligne, les particuliers qui offrent des prestations touristiques, des travaux de réparation, etc. L'économie numérique n'exclut donc pas du tissu productif les travailleurs moins qualifiés. En revanche, elle tend à les déplacer de métiers routiniers, facilement automatisables, vers des tâches qui reposent sur des interactions humaines, pour lesquelles le robot ou l'ordinateur ne sont pas de bons substituts.
Il en résulte une polarisation du marché du travail. Tandis que les professions intermédiaires, situées au milieu de la distribution des salaires, tendent à se raréfier, l'économie numérique crée principalement deux catégories d'emplois : d'une part, des emplois bien rémunérés, à dimension managériale ou créative, requérant une qualification élevée ; d'autre part, des emplois peu qualifiés et non routiniers, largement concentrés dans les services à la personne, qui sont peu rémunérés car leur productivité reste faible.
Ce phénomène est perceptible dans toutes les économies avancées. En France, on observe depuis 1990 une réduction du poids des catégories socioprofessionnelles intermédiaires dans la population active et une hausse conjointe des catégories très rémunérées ou peu rémunérées.
Source : Nicolas Colin, Augustin Landier, Pierre Mohnen et Anne Perrot, « Économie numérique », Note du Conseil d'analyse économique, no 7, 2015.
1. Voiture de transport avec chauffeur.
Les clés du sujet
Analyser les termes du sujet et mobiliser ses connaissances
Exploiter les documents
Document 1. Ce texte porte sur le terme « ubérisation ». Il définit cette notion et met en évidence les effets sur les transformations de l'emploi qu'elle induit. Quelles sont les conséquences de l'ubérisation ? Quelles modifications de l'emploi entraîne-t-elle ?
Document 2. Les données statistiques permettent d'étudier les évolutions des emplois du numérique dans l'économie de l'Île-de-France entre 2007 et 2016 ainsi que sur la structure de l'emploi en fonction du statut (salariés - non-salariés). Comment évolue l'emploi du numérique en Île-de-France ? Qu'en est-il du statut de l'emploi ?
Document 3. Le texte porte sur les transformations de la qualification de l'emploi provoquées par le numérique. Quel est l'effet du numérique sur les qualifications ?
Définir les arguments

Les titres des parties ne doivent pas figurer sur votre copie.
Introduction
Le numérique est lié aux techniques de l'information et de la communication, recouvrant l'ensemble des terminaux (ordinateurs, téléphones…), des logiciels et applications ainsi que la mise en réseau des données (internet, plateformes…). Il transforme les conditions de production et l'emploi, entendu comme la forme de travail rémunéré définie par des normes sociales et juridiques. Le numérique transforme l'emploi car il modifie le statut et les conditions du travail. Il favorise également la polarisation de l'emploi.
I. Le numérique modifie le statut et les conditions du travail
Le secret de fabrication
La première différenciation touchant à l'emploi concerne le statut et les conditions de travail liées à ce statut. Avec ce premier argument, on part de l'élément le plus général de la réflexion sur les mutations du travail, étayé d'abord par les données statistiques fournies par le sujet, puis par un exemple concret de pratique, l'« ubérisation ».
La nature d'un emploi est d'abord déterminée par son statut, et plus précisément la distinction entre emploi non salarié et emploi salarié, ce dernier impliquant un contrat entre l'employeur et le salarié. Or, en Île-de-France entre 2007 et 2016, tandis que l'emploi du numérique augmente de 2,5 %, la part des non-salariés dans ce secteur s'accroît de 3,8 points et le nombre d'emplois salariés baisse (document 2).
La place plus importante prise par l'emploi non salarié s'explique pour une large part par le phénomène d'« ubérisation » (document 1). D'un point de vue juridique, les actifs travaillant pour une plateforme numérique ont un statut d'indépendant, le plus souvent auto-entrepreneur. Or, les conditions de travail sont définies par la plateforme qui rémunère ces indépendants, les rapprochant du statut de salariés. De plus, ces conditions de travail sont souvent moins favorables que celles des salariés.
mot clé
Un auto-entrepreneur ou micro-entrepreneur est un travailleur indépendant disposant d'un régime fiscal et social simplifié par rapport aux autres entrepreneurs indépendants.
II. Le numérique favorise la polarisation de l'emploi
Le numérique a des effets sur la qualification des emplois (document 3). S'il est à l'origine de créations d'emplois très qualifiés comme les « ingénieurs informatiques », il développe également l'emploi non qualifié comme les « chauffeurs de VTC ». Ces emplois, gérés par des plateformes numériques, ne peuvent être remplacés par des ordinateurs.
Cette « polarisation du marché du travail » a des effets sur la qualité de l'emploi. Les emplois qualifiés sont des emplois bien rémunérés avec une relative sécurité du contrat de travail. Ils sont néanmoins exposés à des risques psychosociaux liés à une charge de travail importante. À l'inverse, les emplois non qualifiés sont des emplois précaires et mal rémunérés (document 1).
mot clé
La polarisation signifie que la part des emplois situés aux extrémités de l'échelle des emplois (qualifiés et non qualifiés) augmente au détriment des emplois intermédiaires.
Conclusion
Le numérique transforme profondément l'emploi. Il entraîne une augmentation de la part des indépendants alors que celle des salariés tend à baisser. Cette évolution du statut de l'emploi implique une dégradation des conditions de travail. Le numérique favorise également une « polarisation de l'emploi » car de plus en plus d'emplois qualifiés et d'emplois non qualifiés sont créés avec pour conséquence la baisse du nombre d'emplois intermédiaires. Cette polarisation a des effets, souvent négatifs, sur la qualité de l'emploi.