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Objets quotidiens (texte de F. Ponge, sculpture de P. Picasso)

Sujet inédit

Objets quotidiens

3 heures

100 points

Intérêt du sujet • Le poème de Ponge et la sculpture de Picasso nous amènent l'un et l'autre à porter un regard nouveau sur des choses, des objets de notre quotidien.

Document ATexte littéraire

Ponge fait ici la description d'un objet familier de notre quotidien, le pain.

Le Pain

La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes.

Ainsi donc une masse amorphe1 en train d'éructer2 fut glissée pour nous dans le four stellaire3, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, — sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente.

Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable…

Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.

Francis Ponge, « Le Pain », in Le Parti pris des choses, 1942, © Éditions Gallimard.

1. Amorphe : qui n'a pas une forme, une structure bien définie.

2. Éructer : rejeter des gaz par la bouche, roter.

3. Stellaire : relatif aux étoiles, astral.

Document BPablo Picasso, Tête de taureau (1942)

Cette œuvre de Pablo Picasso est constituée de l'assemblage d'une selle et d'un guidon de vélo.

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© Succession Picasso, 2021-ph © Béatrice Hatala/RMN-Grand Palais

(musée Picasso de Paris)

Travail sur le texte littéraire et sur l'image 50 points • 1 h 10

Les réponses doivent être entièrement rédigées.

Grammaire et compétences linguistiques

▶ 1. Quelle forme de discours trouve-t-on essentiellement dans ce texte ? (2 points)

☐ La forme narrative.

☐ La forme descriptive.

☐ La forme argumentative.

▶ 2. Quel est la valeur du présent employé dans ce poème ? (2 points)

▶ 3. a) Quel est le champ lexical employé par Ponge au début du texte (l. 1 à 12) ? (2 points)

b) Relevez tous les mots appartenant à ce champ lexical. (4 points)

c) Pourquoi, selon vous, l'auteur a-t-il choisi ce champ lexical ? (2 points)

▶ 4. « Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… »

Réécrivez ces lignes en mettant « une masse amorphe en train d'éructer » au pluriel et en procédant à toutes les modifications nécessaires. (9 points)

Compréhension et compétences d'interprétation

▶ 5. a) Quelles sont les différentes parties du pain présentées successivement dans ce poème ? (2 points)

b) Sont-elles, selon vous, décrites de la même façon ? Justifiez votre réponse. (2 points)

c) Quelles différences peut-on trouver entre elles ? (2 points)

▶ 6. « feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. » (l. 13-14)

a) Observez les jeux de sonorités dans cette phrase. Que remarquez-vous ? Quels sont les sons qui se répètent ? (4 points)

b) Quel est, selon vous, l'effet recherché ? (2 points)

▶ 7. Relevez deux comparaisons et deux métaphores (l. 12 à 14) (4 points)

▶ 8. En vous appuyant sur vos réponses aux questions précédentes, dites pourquoi on peut dire que ce texte est un poème en prose. (6 points)

 9. Quelles réflexions l'œuvre de Picasso vous inspire-t-elle ? (4 points)

▶ 10. Quelles ressemblances ou dissemblances pouvez-vous repérer entre les procédés employés d'une part par Ponge, d'autre part par Picasso ? (3 points)

Dictée 10 points • 20 min

Le titre, la source de l'extrait ainsi que « évanescent » et « suspens » sont écrits au tableau au début de la dictée.

Philippe Delerm

La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, 1997

© Éditions Gallimard

Les boules en verre

C'est l'hiver pour toujours, dans l'eau des boules de verre. On en prend une dans ses mains. La neige flotte au ralenti, dans un tourbillon né du sol, d'abord opaque, évanescent ; puis les flocons s'espacent, et le ciel bleu turquoise reprend sa fixité mélancolique. Les derniers oiseaux de papier restent en suspens quelques secondes avant de retomber. […] On prend le monde dans ses mains, la boule est vite presque chaude. Une avalanche de flocons efface d'un seul coup cette angoisse latente des courants. Il neige au fond de soi, dans un hiver inaccessible où le léger l'emporte sur le lourd. La neige est douce au fond de l'eau.

Rédaction 40 points • 1 h 30

Vous traiterez au choix l'un des deux sujets.

Votre rédaction sera d'une longueur minimale d'une soixantaine de lignes (300 mots environ).

Sujet d'imagination

À la manière de Francis Ponge, décrivez un objet que vous aimez. Vous n'oublierez aucun aspect : formes, matières, usages… Vous emploierez des comparaisons et des métaphores.

Sujet de réflexion

Une œuvre vous a particulièrement marqué(e) : un film, un livre, une photographie, une peinture, une sculpture… En quoi cette œuvre vous a-t-elle aidé(e) à porter un regard nouveau sur le monde ou les objets qui vous entourent ? Vous organiserez votre texte de façon argumentée.

 

Les clés du sujet

Analyser les documents

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Traiter le sujet d'imagination

Recherche d'idées

Tableau de 2 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 2 lignes ;Ligne 1 : Piste 1; Choisis un objet que tu aimes : tu auras d'autant plus de plaisir à le décrire. Évite cependant ceux qui sont trop compliqués.; Ligne 2 : Piste 2; Imagine ton objet, visualise-le bien puis décris sa forme, sa structure, la ou les matières dont il est constitué, sa ou ses couleurs, sa fonction, etc.;

Conseils de rédaction

Pour décrire avec précision, tu vas employer de nombreux adjectifs. Cherche ceux qui correspondent le mieux à ton objet. Par exemple, un objet peut être « lisse », « doux », « soyeux », « velouté », « délicat » au toucher, ou au contraire « rugueux », « râpeux », « granuleux », « grumeleux », plein d'aspérités… Ce ne sont pas les adjectifs qui manquent !

Traiter le sujet de réflexion

Recherche d'idées

Tableau de 2 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 2 lignes ;Ligne 1 : Piste 1; Commence par choisir une œuvre qui t'a marqué, inspiré et a changé le regard que tu portes sur le monde qui t'entoure (film, livre, photographie, peinture, sculpture…).; Ligne 2 : Piste 2; Certaines œuvres peuvent aussi t'avoir ouvert les yeux sur des réalités historiques ou sociales qui t'ont choqué et que tu ne veux plus voir se reproduire, comme le tableau de Pablo Picasso, Guernica, qui symbolise toute l'horreur de la guerre.;

Conseils de rédaction

Tu dois d'abord présenter l'œuvre, en préciser l'auteur et la décrire succinctement (évite les œuvres que tu connais mal).

Explique ensuite l'effet qu'elle a produit sur toi : étonnement, plaisir, choc émotionnel…

Enfin, explique en quoi elle a changé ta façon de voir les objets qui t'entourent, le monde ou les hommes.

Travail sur le texte littéraire et sur l'image

Grammaire et compétences linguistiques

▶ 1. Il s'agit du discours descriptif.

▶ 2. C'est un présent de vérité générale.

▶ 3. a) Ponge emploie un vocabulaire emprunté au champ lexical de la géographie, de la géologie.

b) Voici les mots appartenant à ces champs lexicaux : panoramique, les Alpes, le Taurus, la Cordillère des Andes, vallées, crêtes, ondulations, crevasses, dalles, sous-sol.

c) Ponge utilise ce champ lexical dans le but de comparer le pain à la terre : comme elle, il présente un relief particulier fait de creux et de crêtes.

▶ 4. Les modifications sont mises en couleur.

attention !

Ne mets pas durcissant au pluriel : c'est un participe présent et non un adjectif verbal. Il est donc invariable.

« Ainsi donc des masses amorphes en train d'éructer furent glissées pour nous dans le four stellaire, où durcissant elles se sont façonnées en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… »

Compréhension et compétences d'interprétation

▶ 5. a) Ponge décrit la croûte, puis la mie, l'extérieur puis l'intérieur.

b) Il emploie un lexique mélioratif pour décrire la croûte (« La surface du pain est merveilleuse », « ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux ») et un lexique péjoratif pour décrire la mie (« mollesse ignoble », « lâche et froid sous-sol »).

c) La croûte est dure et purifiée par le feu alors que la mie du pain est molle, humide et froide.

▶ 6. a) Ponge joue sur les sonorités avec des assonances en eu, œu, ou, et des allitérations en f et s : « feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. »

zoom

Une assonance est la reprise d'un même son voyelle ; une allitération est la reprise d'un même son consonne.

b) Ce jeu sur les sonorités permet à Ponge d'insister sur l'unité, l'homogénéité, la solidarité de chacune des petites alvéoles qui constituent la mie.

▶ 7. Le poète emploie deux comparaisons : « son tissu pareil à celui des éponges » et « comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois ». S'y mêlent des métaphores : la mie rappelle un sous-sol, et les alvéoles, des fleurs et des feuilles.

▶ 8. Ce texte est un poème en prose. Tout d'abord, il s'agit d'un texte court. Ensuite Ponge s'appuie sur de nombreuses images – comparaisons et métaphores – pour décrire le pain. Pour finir, il y a dans ce texte la musicalité particulière des poèmes : des effets de rythme, des jeux de sonorités avec de nombreuses allitérations et assonances. Il n'y a pas de rimes mais des procédés de reprises sonores qui créent comme des échos à l'intérieur du texte.

▶ 9. Picasso a employé des objets du quotidien qu'il a détournés de leur usage propre : une selle et un guidon de bicyclette. Ce faisant, il donne naissance à une œuvre d'art : une sculpture ou plutôt un assemblage représentant une tête de taureau. L'imagination de l'artiste a su transposer la réalité en une autre réalité poétique, artistique. Cette tête de taureau s'impose à nous avec autant sinon plus de puissance que si l'artiste avait créé une œuvre figurative.

▶ 10. Ponge et Picasso s'emploient tous deux à représenter une réalité quotidienne : le premier, le pain, le second, une tête de taureau. Bien sûr, l'un part des mots, l'autre d'objets ordinaires. Mais cependant, des similitudes apparaissent entre les deux démarches : Ponge emploie des images, des comparaisons et des métaphores ; Picasso détourne les objets de leur usage habituel : la selle et le guidon de bicyclette deviennent en quelque sorte des métaphores entre ses mains pour évoquer le mufle, les cornes du taureau. On peut donc dire que les deux démarches se ressemblent sur ce point, qu'elles sont toutes deux métaphoriques.

Dictée

POINT MÉTHODE

1 Attention à l'accord des compléments du nom : verre et papier sont au singulier (en verre, en papier) alors que flocons est au pluriel (il y a de nombreux flocons dans une avalanche).

2 Attention à l'orthographe des noms féminins terminés par le son -té ou -tié : ils s'écrivent -té ou -tié (sans e) sauf ceux qui expriment un contenu (une assiettée, une charretée) et les mots usuels suivants : dictée, portée, pâtée, jetée, montée.

C'est l'hiver pour toujours, dans l'eau des boules de verre. On en prend une dans ses mains. La neige flotte au ralenti, dans un tourbillon né du sol, d'abord opaque, évanescent ; puis les flocons s'espacent, et le ciel bleu turquoise reprend sa fixité mélancolique. Les derniers oiseaux de papier restent en suspens quelques secondes avant de retomber. […] On prend le monde dans ses mains, la boule est vite presque chaude. Une avalanche de flocons efface d'un seul coup cette angoisse latente des courants. Il neige au fond de soi, dans un hiver inaccessible où le léger l'emporte sur le lourd. La neige est douce au fond de l'eau.

Rédaction

Voici un exemple de rédaction sur chacun des deux sujets.

Attention les titres en couleur ne doivent pas figurer sur ta copie.

Sujet d'imagination

conseil

Tu peux donner un titre qui nommera l'objet.

L'oreiller

[Matière] Deux carrés de coton blanc cousus ensemble sur leurs quatre côtés pour former une enveloppe. Le tissu est doux au toucher. L'ensemble est d'une grande sobriété, d'une parfaite simplicité. À l'intérieur, on sent comme un fin duvet, une matière légère et aérienne comme de la ouate qui se déplace librement sous la pression des doigts. Appuyez-y votre tête, vous aurez l'impression de vous enfoncer dans un moelleux nuage, un nid douillet.

[Couleurs, motifs et odeurs] Il est souvent habillé, enfoui dans des taies de couleurs vives à carreaux, à pois, à rayures, à fleurs, parfois parfumé avec de l'essence de lavande ou autre senteur apaisante.

conseil

N'oublie pas d'employer des comparaisons et des métaphores !

[Formes et métamorphoses] Il se déforme au gré des événements et épouse la forme de ce qui s'y appuie. Au coucher, il est aérien telle une voile blanche gonflée par le vent ; au réveil, il garde l'empreinte du dormeur, la forme de son crâne ; il a été serré, travaillé, sculpté semblable à l'argile sous les doigts de l'artiste ; il n'est plus que creux, replis, failles et crêtes, recoins secrets… Il suffit alors de le secouer, de le tapoter pour qu'il retrouve sa forme originelle. Parfois lors de quelque bataille de polochons, l'oreiller explose sous les coups répétés : c'est alors une véritable tempête de neige qui obscurcit le ciel de la pièce sous les rires des enfants.

Sujet de réflexion

[Présentation de l'œuvre artistique qui a servi de déclencheur] Une série de tableaux m'a amenée à regarder le monde avec des yeux neufs et à découvrir toute la poésie qu'il recèle : il s'agit de celle que Monet a consacrée à la cathédrale de Rouen. En effet, il a su voir et montrer combien la lumière transfigure, modifie les paysages, les monuments, les choses, combien le spectacle est différent selon l'heure et les conditions météorologiques – aube ou crépuscule, temps brumeux ou clair, ciels couverts ou dégagés…

[Un regard neuf sur le monde] C'est pourquoi, il n'y a pas un jour où je ne prends le temps de m'installer devant ma fenêtre donnant sur les toits de la ville pour observer les variations de la couleur du ciel et toutes ses déclinaisons : gris tourterelle, gris anthracite, noir d'encre, bleu nuit, bleu très pâle, violet, rose, orangé, jaune paille… Les pierres des murs, les ardoises du toit prennent des teintes si différentes sous le soleil ou sous la pluie. Je pense alors à tous les tableaux que Monet aurait pu peindre de cette vue toujours changeante bien que restant la même.

[Une envie de création artistique] Comme je n'ai aucun talent pour le dessin et la peinture, j'ai choisi d'avoir toujours un appareil photo à portée de main pour capter orage, arc-en-ciel, lever ou coucher du soleil… Chacun de ces instants est unique. Il s'agit toujours du même lieu, mais à chaque fois réinventé par la magie de la lumière.

[Conclusion] J'aimerais constituer un album de toutes les photographies de ces moments privilégiés que j'ai su capter de ma fenêtre.

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