S’entraîner
La planète • La domestication des plantes
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D’après Amérique du Nord, juin 2017
Exercice 2
Obtention d’une variété de blé tendre
Intérêt du sujet • Ce sujet montre que les plantes cultivées actuelles ayant des propriétés intéressantes sont issues de plantes sauvages modifiées génétiquement et sélectionnées par l’homme.
L’histoire évolutive complexe du blé, basée sur des phénomènes naturels et des pratiques empiriques de croisements ou de génie génétique, a permis la production d’une variété de blé tendre facilement récoltable et résistant à un champignon parasite, l’oïdium.
À partir de l’étude des documents et de vos connaissances, expliquez les étapes de l’obtention de cette variété de blé tendre facilement récoltable et résistant à l’oïdium.
document 1Histoire évolutive du blé
D’après le communiqué de presse du CNRS du 15 novembre 2011
document 2Le gène Q, élément clé de la domestication du blé
La domestication du blé a permis l’apparition de populations de blé ayant un phénotype différent de celui du blé sauvage.
© 2006, American Association for the Advancement of Science
À gauche |
À droite |
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Épi de blé indéhiscent* domestiqué dont la tige centrale ou rachis ne se désarticule pas, favorisant ainsi sa récolte. |
Épi sauvage dont les épillets sont en train de se disséminer à maturité. |
Des chercheurs ont montré que le blé tendre possède trois copies du gène Q, portées respectivement par les génomes A, B, D, et qu’elles contribuent de manière coordonnée aux caractères de domestication.
D’après George Willcox et Ken-Ichi Tanno, Science, 2006
*Indéhiscent : qui ne s’ouvre pas spontanément au moment de la maturité. Ce nouveau caractère issu de la domestication est contrôlé par le gène Q porté par les chromosomes no 5.
document 3CRISPR-Cas9, une technique de génie génétique
CRISPR-Cas9, découverte récente de deux scientifiques (2012), française pour l’une, Emmanuelle Charpentier, et américaine pour l’autre, Jennifer Doudna, est une technique de génie génétique permettant d’agir spécifiquement sur un gène (mutation, activation, inhibition…).
D’après Pour la Science, no 56, octobre 2015
document 4Comparaison de deux variétés de blés tendres
Récemment, des biologistes ont réussi à obtenir une variété de blé tendre résistant à un champignon parasite, l’oïdium, en appliquant la technique CRISPR-Cas9.
Pour ce faire, ils sont intervenus sur un gène qui inhibe les défenses naturelles de la plante vis-à-vis de ce champignon.
Particularité du génome de chaque variété de blé tendre pour le gène inhibant les défenses de la plante vis-à-vis de l’oïdium |
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Variété de blé tendre sensible à l’oïdium |
6 exemplaires actifs du gène |
Variété de blé tendre résistant à l’oïdium |
6 exemplaires mutés du gène par CRISPR-Cas9 |
Les clés du sujet
Étape 1. Comprendre le sujet
Par rapport aux espèces anciennes de blé dont il est issu, le blé tendre possède deux propriétés essentielles pour son exploitation : ses épis sont indéhiscents, ce qui facilite la récolte des grains, et il est résistant à l’oïdium, champignon parasite. Il s’agit d’expliquer les mécanismes qui, au cours de l’histoire évolutive du blé, ont abouti à ces propriétés, ainsi que le rôle joué par l’homme.
Étape 2. Exploiter les documents
Le document 1 a trait à l’histoire évolutive du blé tendre. Les informations essentielles portent sur le nombre de chromosomes des espèces ancestrales du blé tendre. Le raisonnement sur les caryotypes doit établir les mécanismes liés à la reproduction qui font qu’à partir de deux espèces diploïdes s’est formée une espèce tétraploïde, le Triticum turgidum. Ensuite, une hybridation de ce dernier avec une autre espèce diploïde a conduit au blé tendre hexaploïde, Triticum aestivum.
Le document 2 permet d’établir une relation entre l’hexaploïdie du blé tendre et le caractère indéhiscent des épis.
Les documents 3 et 4 indiquent qu’une technique très récente de génie génétique, appelée CRISPR-Cas9, a permis de modifier les gènes du blé tendre qui le rendaient vulnérable à l’oïdium.
Étape 3. Construire la réponse
I. Histoire évolutive du blé |
Indiquez les mécanismes à l’origine de l’évolution des caryotypes des espèces de blé depuis 500 000 ans. Nommez la ploïdie des diverses espèces de blé et en particulier celle du blé tendre. |
II. Le caractère indéhiscent des épis du blé tendre |
Montrez que ce caractère est une conséquence de l’hexaploïdie du blé tendre. |
III. La résistance à l’oïdium |
Montrez que le blé tendre est un OGM dans la mesure où l’acquisition de la résistance à l’oïdium résulte d’une technique récente du génie génétique ayant pour effet de modifier les gènes responsables de la vulnérabilité du blé tendre. |
Conclusion |
Insistez sur le rôle de l’homme dans la genèse du blé tendre : sélection des pieds résultant d’innovations génétiques spontanées liées à la reproduction, et, très récemment, modification du génome faisant de la variété créée un OGM. |
Le blé cultivé est une plante domestiquée, il a donc pour origine des plantes sauvages. Nous allons observer les étapes qui ont conduit à obtenir un blé tendre, facilement récoltable et résistant à l’oïdium.
I. Histoire évolutive du blé
Le document 1 montre qu’il y a 500 000 ans, une hybridation entre deux espèces sauvages de blé (Triticum urtatu x Aegilops speltoïdes) a eu lieu. Chacune de ces deux espèces était diploïde (n = 7 ; 2n = 14).
Cette hybridation naturelle a conduit à l’apparition d’une nouvelle espèce de blé sauvage (Triticum turgidum), dont le génome comprend les 2n chromosomes (AA) de Triticum urtatu et les 2n chromosomes (BB) d’Aegilops speltoïdes : la nouvelle variété étant donc tétraploïde (4n = 28).
à noter
Cette tétraploïdie implique qu’à chaque type de chromosome de T. urtatu correspond un chromosome d’A. speltoïdes.
Ce document laisse à penser que les gamètes des deux blés sauvages impliqués dans l’hybridation étaient diploïdes, et donc qu’il n’y a pas eu de méiose à l’origine de ces gamètes.
à noter
En réalité, on a montré que l’hybridation impliquait des gamètes haploïdes et donc que l’hybride obtenu était diploïde, mais stérile à cause d’un mauvais appariement des chromosomes A et B au cours de la méiose. Un doublement du nombre de chromosomes a été nécessaire pour que cet hybride devienne tétraploïde et fertile.
L’espèce tétraploïde T. turgidum devait posséder des caractéristiques intéressantes pour l’homme, ce qui a conduit ce dernier à la cultiver (il y a environ 100 000 ans).
Le blé cultivé T. turgidum s’est hybridé naturellement avec une autre espèce de blé sauvage, de génome DD, ce qui a conduit à l’espèce T. aestivum, dont le génome AABBDD résulte de l’association de celui de T. turgidum (AABB) à celui d’A. tauschii (DD). Ce blé tendre est donc hexaploïde.
En résumé, deux hybridations sont intervenues dans la genèse du blé tendre. La première il y a 500 000 ans, la deuxième il y 9 000 ans.
II. Le caractère indéhiscent des épis du blé tendre
L’homme a sélectionné et cultivé le blé tendre car il présentait des épis indéhiscents facilitant sa récolte (document 2). Ce phénotype indéhiscent est dû au génome hexaploïde issu des deux hybridations successives mentionnées précédemment.
En effet, le document 2 indique que le blé tendre possède trois copies du gène Q (donc six allèles). Ces trois copies participent de manière coordonnée au caractère « facilement récoltable » du blé tendre. L’homme a sélectionné ce caractère indéhiscent.
III. La résistance à l’oïdium
La sensibilité à l’oïdium est due à un gène qui inhibe les défenses naturelles de la plante vis-à-vis de ce champignon. Le blé tendre, puisque hexaploïde, possède six allèles actifs de ce gène inhibiteur.
Pour rendre le blé tendre cultivé résistant à l’oïdium, la technique CRISPR-Cas9, mise au point récemment (2012, document 3), permet d’agir spécifiquement sur chacun de ces allèles en les modifiant de façon à les rendre inactifs : c’est une mutation artificielle provoquée par l’homme, grâce au génie génétique. Le gène ne s’exprime plus et le blé a donc des défenses naturelles vis-à-vis de ce champignon.
Conclusion
Le blé tendre cultivé résistant à l’oïdium est l’aboutissement d’une longue histoire faisant intervenir :
des phénomènes naturels d’hybridation suivis de sélection par l’homme ;
des manipulations génétiques faisant du blé tendre cultivé un organisme génétiquement modifié (OGM), mais en dehors de tout apport de gènes provenant d’une autre espèce : ce blé OGM est doté d’un phénotype nouveau, celui de résistance à l’oïdium.