O. de Gouges, Déclaration des droits de la femme…
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Sujet d'oral • Explication & entretien
Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, « Postambule »
1. Lisez le texte à voix haute.
Puis expliquez-le.
Document
Aux dix-sept articles que contient la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne succède un postambule qui en assure la clôture.
Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n'est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l'usurpation. L'homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes ! femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n'avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il donc ? la conviction des injustices de l'homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature ; qu'auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? le bon mot du législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n'est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous à répondre. S'ils s'obstinaient, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l'énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, nos serviles adorateurs rampants à nos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l'Être-Suprême. Quelles que soient les barrières que l'on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n'avez qu'à le vouloir.
Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, « Postambule » (extrait), 1791.
2. question de grammaire.
Identifiez les propositions présentes dans la dernière phrase du texte (l. 25-27).
Conseils
1. Le texte
Faire une lecture expressive
Respectez la ponctuation : l'intonation doit, notamment, se faire montante à l'occasion des questions rhétoriques.
Marquez la subjectivité de l'énonciation : faites variez le débit de la lecture, détachez les mots importants, adressez votre parole à d'hypothétiques destinataires.
Situer le texte, en dégager l'enjeu
Après une série d'articles rédigés avec l'énonciation objective attendue dans un texte juridique, l'auteure affiche fortement sa subjectivité dans son « Postambule ».
Interrogez-vous sur la fonction de ce « Postambule » : est-il seulement destiné à conclure la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ?
2. La question de grammaire
Commencez par identifier les verbes conjugués et ceux à l'infinitif.
Relevez les conjonctions de subordination et les marques de ponctuation en vous demandant quel lien logique s'établit entre les actions supportées par les verbes.
1. L'explication de texte
Introduction
[Présenter le contexte] La Révolution française a donné l'occasion aux femmes de s'illustrer dans le combat pour l'égalité. Votée en 1789, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen inclut bien la femme dans l'affirmation des nouveaux principes républicains. Mais, dans les faits, ces droits ne s'appliquent pas au sexe féminin, tenu pour inférieur.
[Situer le texte] Prenant acte de cette usurpation, Olympe de Gouges rédige, en 1791, une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne afin de revendiquer pour les femmes les mêmes droits civils et politiques que ceux accordés aux hommes. Aux dix-sept articles de la Déclaration, est ajouté un « Postambule » dont ce texte est extrait.
[En dégager l'enjeu] Marquée par la subjectivité de l'auteure, cette postface n'a-t-elle pour fonction que celle de conclure l'argumentation ? Suivant le mouvement du texte, nous nous intéresserons d'abord à l'appel à la prise de conscience des femmes, puis nous étudierons le constat amer dressé de leur condition. Enfin, nous analyserons l'exhortation faite aux femmes à passer à l'action.
Explication au fil du texte
L'appel à la prise de conscience des femmes (l. 1-7)
Si le « Préambule » de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne s'ouvrait sur une adresse à l'« Homme », le « Postambule », par un effet de symétrie inversée, en appelle à la « femme » à travers une apostrophe. L'impératif associé au pronom personnel de la deuxième personne crée un effet de familiarité entre l'auteure et sa destinataire.
Le terme de « tocsin » désigne une sonnerie de cloche répétée et prolongée, chargée de donner l'alarme, et connote l'imminence d'un combat à mener. L'injonction faite à la femme de prendre conscience de ses droits redouble le motif de l'urgence.
L'énumération de termes péjoratifs (« préjugés », « fanatisme », « superstition », « mensonges ») rappellent les fléaux dont la Révolution a libéré « le puissant empire de la nature », lesquels se trouvent également repris sous la formule « les nuages de la sottise et de l'usurpation ». L'allégorie du « flambeau de la vérité » rend manifeste le pouvoir libérateur de la Révolution et convoque l'image des « Lumières », philosophie de la raison et du progrès.
Pourtant, Olympe de Gouges établit un bilan critique de la période révolutionnaire en ce qui concerne la condition des femmes et souligne l'inconséquence masculine à travers la métaphore filée de l'esclavage (l. 5-6). Selon l'auteure, il y a contradiction entre l'action historique des femmes en faveur de l'égalité des droits et le fruit qu'elles en ont reçu, entre les principes proclamés par la Révolution et l'application qui en a été faite par les hommes.
mot clé
Sous la Révolution, des figures féminines jouent un rôle actif comme Pauline Léon, qui participe à la prise de la Bastille, ou Manon Roland qui tient un salon à Paris.
Un constat amer sur la condition féminine (l. 7-19)
L'interjection « Ô » et le passage au pluriel « femmes » manifestent une volonté de persuasion ; l'accumulation des questions rhétoriques oblige la gent féminine à faire son autocritique.
Les réponses aux questions oratoires sont négatives et sans appel, comme en témoignent la forme nominale et l'usage de l'hyperbole : « Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé ».
Le champ lexical du pouvoir se déploie paradoxalement avec « régné », « faiblesse », « empire » : l'état de soumission des femmes sous l'Ancien Régime ne les empêchait pas d'avoir une emprise sur les hommes. L'auteure démythifie pourtant ce pouvoir en l'attribuant à la « faiblesse des hommes ».
La modalité interrogative associée à l'emploi de la deuxième personne confère au discours une énergie significative. La prosopopée par laquelle Olympe de Gouges imagine le dialogue entre les « législateurs français » et les femmes contribue encore à la vivacité du texte et en renforce la dimension persuasive.
La parole masculine apparaît sûre de son fait et prétend se fonder sur la religion, évoquée dans la périphrase ironique « le bon mot du législateur des noces de Cana ». Le droit des femmes s'appuie, quant à lui, sur « les sages décrets de la nature ».
à noter
Le « législateur des noces de Cana » désigne Jésus dans le récit des Noces de Cana décrit dans le Nouveau Testament (Évangile de Jean, chap. 2, 1-11).
Par un tour de force rhétorique, l'auteure prend le contre-pied de la réponse attendue des hommes à la dernière phrase interrogative : « femmes, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ? ». À l'adverbe de négation « Rien » se substitue le pronom indéfini « Tout », mis en valeur par son antéposition.
L'exhortation à passer à l'action (l. 19-27)
Le dernier mouvement du texte s'ouvre sur une proposition subordonnée d'hypothèse introduite par la conjonction « si » qui envisage la résistance masculine. Il donne aux femmes les « armes » dont elles auront besoin dans leur combat pour l'égalité.
Le lexique associé aux hommes est nettement péjoratif : « faiblesse », « inconséquence », « vaines prétentions », « orgueilleux », « serviles », « rampants ». À l'opposé, les femmes, auxquelles l'auteure s'associe à travers les déterminants de la deuxième personne du pluriel, sont appelées à se battre pour leur émancipation. De là vient la métaphore de la lutte, filée par les termes « opposez », « force », « réunissez », « étendards », « déployez », « barrières ».
Conformément à la « philosophie » des Lumières, l'arme du combat à venir est « la force de la raison » qui, seule, peut triompher de l'obscurantisme et faire accéder femmes et hommes à une égalité de conditions, dont « l'Être suprême », assimilé à la Nature par les philosophes, sera le garant. Les injonctions prennent alors une valeur prophétique.
Conclusion
[Faire le bilan de l'explication] Ce « Postambule » peut se lire comme un appel aux femmes à se saisir des principes déjà proclamés par la Révolution française. La liberté de ton, l'égalité réclamée avec énergie, la fraternité affirmée avec ses lectrices font d'Olympe de Gouges une auteure engagée et rattachent son texte à la littérature d'idées.
[Mettre l'extrait en perspective] Si la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est restée sans valeur légale et n'a rencontré que peu d'écho à son époque, elle a inspiré la féministe Benoîte Groult (1920-2016), qui s'est réclamée d'Olympe de Gouges et de son œuvre dans le combat qu'elle a mené deux siècles plus tard.
2. La question de grammaire
« Quelles que soient les barrières que l'on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n'avez qu'à le vouloir. »
« Quelles que soient les barrières que l'on vous oppose… » est une proposition subordonnée de concession qui justifie l'emploi du mode subjonctif.
« il est en votre pouvoir de les affranchir » est la proposition principale ; elle intègre une proposition infinitive (= que vous les affranchissiez).
« vous n'avez qu'à le vouloir » est une proposition juxtaposée, séparée des deux précédentes par le point-virgule.
Des questions pour l'entretien
Lors de l'entretien, vous devrez présenter une autre œuvre lue au cours de l'année. L'examinateur introduira l'échange et vous posera quelques questions. Celles ci-dessous sont des exemples.
1 Sur votre dossier est mentionnée la lecture cursive d'une autre œuvre argumentative : Le Dernier Jour d'un condamné de Victor Hugo (1829). Pouvez-vous présenter brièvement ce texte en expliquant en quoi il relève de la littérature d'idées ?
2 Pouvez-vous expliquer la différence entre argumentation directe et indirecte ?
3 Pour quelle cause seriez-vous prêt(e) à prendre la plume ?