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Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, préambule

Sujet d’oral • Explication & entretien

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, « Préambule »

20 minutes

20 points

1. Lisez le texte à voix haute.
Puis proposez-en une explication linéaire.

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1789 est une année charnière : la souveraineté passe du roi à la nation ; les droits de l’homme et du citoyen sont consacrés dans une Déclaration retentissante. Pourtant, malgré leur participation active au mouvement révolutionnaire, les femmes ne sont pas reconnues comme citoyennes à part entière.

Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en Assemblée nationale1. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, [les femmes] ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels2, inaliénables3 et sacrés4 de la femme, afin que cette déclaration constamment présente à tous les membres du corps social5, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution6, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous.

En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être-Suprême7, les droits suivants de la femme et de la citoyenne.

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791).

1. Assemblée nationale : institution législative de la monarchie constitutionnelle, alors ­composée de députés (« représentants de la nation ») exclusivement de sexe masculin.

2. Droits naturels : ensemble des règles morales et sociales liées à la nature humaine.

3. Inaliénables : qui ne peuvent pas être retirés.

4. Sacrés : auxquels on doit un respect absolu, d’ordre quasiment religieux.

5. Corps social : ensemble des individus qui composent la société.

6. Constitution : ensemble des lois fondamentales qui définissent le gouvernement d’un État et les droits des citoyens.

7. Sous les auspices de l’Être-Suprême : sous la protection de l’Être-Suprême, une entité religieuse et philosophique comparable à Dieu, vénérée par les révolutionnaires.

2. question de grammaire. Repérez et analysez les propositions subordonnées conjonctives de la deuxième phrase.

 

Conseils

1. Le texte

Faire une lecture expressive

Il s’agit d’un texte de loi ; il est important de trouver le ton juste, à la fois sobre et solennel, pour mettre en avant les réclamations de l’autrice.

Prenez garde à la syntaxe – en particulier à la deuxième phrase, parti­culièrement longue ; il faut en respecter les articulations logiques, et souligner clairement sa structure lors de la lecture.

Situer le texte, en dégager l’enjeu

Cet extrait constitue le préambule de l’œuvre : il s’agit d’une entrée en matière assez générale qui vise, en particulier dans un texte de loi comme c’est le cas ici, à exposer les motifs et les buts recherchés.

Ce préambule fait directement écho à celui de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; la réécriture qu’en propose Olympe de Gouges permet de dénoncer les insuffisances de ce texte révolutionnaire et de rectifier ce qui lui apparaît comme une injustice.

2. La question de grammaire

Identifiez d’abord la proposition principale.

Cherchez ensuite les propositions subordonnées introduites par une conjonction de subordination, et analysez leur fonction.

1. L’explication de texte

Introduction

[Présenter le contexte] Le xviiie siècle est connu pour son climat d’effervescence intellectuelle ; femme des Lumières, Olympe de Gouges, très engagée, s’impose comme une pionnière du féminisme. [Situer le texte] Prenant acte de l’injustice de la non-citoyenneté des femmes, en décalage avec les principes d’égalité prônés par la Révolution, Olympe de Gouges se fait porte-parole de la cause féminine et publie sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, le 14 septembre 1791. Elle propose une réécriture de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dont elle reprend notamment le préambule, dans lequel elle expose les buts de sa démarche. [Problématique] Comment la réécriture d’un texte juridique essentiel permet-elle à l’autrice d’exposer au grand jour ses revendications et de faire ainsi avancer son combat en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes ? [Annonce du plan] Nous verrons qu’Olympe de Gouges commence par inviter les femmes à se constituer en assemblée ; elle cherche ensuite, dans une longue phrase, à légitimer le combat des femmes ; l’autrice clôt le préambule en revendiquant des droits collectifs.

Explication au fil du texte

La demande de constitution en Assemblée nationale (1re phrase)

Olympe de Gouges reprend le vocabulaire et la syntaxe du texte de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qu’elle féminise et corrige, pour inclure le sexe oublié et dénoncer l’absence de portée universelle de la Déclaration de 1789.

à noter

En juin 1789, les députés du Tiers-état, révoltés contre les injustices sociales qui assurent la domination du clergé et de la noblesse, se constituent en Assemblée et votent le texte de la ­Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le 26 août 1789.

Le préambule s’ouvre ainsi sur une énumération éloquente : « les mères, les filles, les sœurs » – série ternaire qui englobe la totalité des femmes, dans leur réalité familiale quotidienne. À la différence de mouvances féministes plus contemporaines, l’autrice n’invite pas les femmes à sortir de leur rôle d’épouse et de mère ; la femme continue de se définir par rapport à l’homme.

L’autrice refuse que le peuple français ne soit représenté que par des membres masculins à l’Assemblée ; elle redéfinit donc les contours de la « nation ». Les femmes exigent d’être représentées sur la scène politique, comme l’indique le verbe « demandent » au présent.

La constitution en « Assemblée nationale » est capitale : elle donnerait aux femmes la possibilité d’écrire des lois et donc de changer la société.

La mise en évidence de la légitimité du combat des femmes (2e phrase)

Ce deuxième mouvement forme une seule et longue phrase, oratoire et structurée autour d’une proposition principale et de trois propositions subordonnées qui accentuent la logique et la rigueur de l’argumentaire.

L’autrice accuse les représentants masculins de ne pas accorder à la femme l’importance qu’elle mérite, à travers trois termes péjoratifs : « ignorance », « oubli », « mépris ». Ce préambule pointe la misogynie sous-jacente de l’époque.

L’absence de prise en compte digne de la femme est présentée comme la cause de dysfonctionnements globaux de la société (« malheurs publics », « corruption des gouvernements »).

Le passé composé « ont résolu » souligne la détermination forte des femmes, tandis que l’adjectif « solennelle » (« déclaration solennelle ») insiste sur l’importance de la requête.

Olympe de Gouges milite en faveur de droits « naturels, inaliénables et sacrés » qui sont inviolables.

à noter

Au xviiie siècle, des philosophes comme Rousseau vantent, par opposition à une société qui dysfonctionne, une « nature » supposée idéale, pour refonder les normes de la vie en communauté.

S’ensuivent trois subordonnées de but, qui précisent les objectifs généraux poursuivis par la Déclaration.

Le vocabulaire et les adverbes en particulier expriment la nécessité de respecter partout et sans relâche ces droits (« constamment », « tous les membres du corps social », « sans cesse », « à chaque instant », « toujours »). L’image du « corps social » rappelle combien il est malsain d’oublier certains de ses membres – le cas échéant, la société est forcément boiteuse. L’expression « droits et devoirs » redit la nécessité d’un équilibre entre ce que chacun est tenu d’exiger et de faire, et appuie donc la légitimité de la requête des femmes.

La deuxième subordonnée (« afin que les actes du pouvoir… ») invite à un équilibre nouveau entre le « pouvoir des femmes » et le « pouvoir des hommes », dans un idéal d’égalité et de complémentarité souligné par le comparatif « les actes […] soient plus respectés ».

Notons enfin qu’Olympe de Gouges use à dessein du terme de « citoyennes » pour désigner les femmes, afin de leur octroyer un poids politique qui leur a toujours été refusé.

Dans la dernière subordonnée (« afin que les réclamations des citoyennes… »), l’adverbe « désormais » indique le désir d’une rupture nette avec un passé juridiquement défaillant. La phrase s’achève sur la réaffirmation d’un objectif de fond : une amélioration globale de la société, qui ne profiterait pas qu’aux femmes mais contribuerait aux « bonnes mœurs » et au « bonheur de tous ».

à noter

Les penseurs des Lumières cherchent, dans leurs débats philosophiques, à favoriser l’équilibre social et le bonheur individuel.

L’annonce des dix-sept articles de la Déclaration (fin)

Le connecteur qui ouvre ce dernier mouvement, « En conséquence », souligne l’aboutissement logique de la démonstration.

L’autrice rend hommage, par une périphrase méliorative quelque peu polémique, au sexe féminin, « sexe supérieur » (et non « sexe faible », comme le veut une certaine tradition), renversant par là même une hiérarchie bien ancrée dans les mentalités patriarcales. Si elle souligne classiquement la « beauté » symboliquement pure, elle loue aussi le « courage » qui n’appartient qu’aux femmes, notamment dans la maternité (« souffrances maternelles »).

Solennelle, la dernière phrase aspire à une valeur performative et se réfère à l’« Être-Suprême », pris à témoin pour accentuer l’aspect sacré du propos.

à noter

Un énoncé performatif réalise une action par le fait même de son énonciation. Ainsi, déclarer des droits, c’est théoriquement les faire exister.

Le préambule se clôt sur la nécessité d’un statut juridique et politique pour la femme. L’autrice appelle à un vaste chantier de refonte juridique. Suivront alors dix-sept articles inspirés de ceux de 1789.

Conclusion

[Synthèse] En somme, l’autrice revendique la capacité pour une femme d’être actrice politiquement, et d’être représentée ; pour être aboutie, la Révolution ne doit pas laisser la femme au bord du chemin. [Ouverture] En écho au préambule, un postambule vient clore de manière originale, sans équivalent dans la Déclaration de 1789, ce texte féministe, en appelant les femmes à prendre leur destin en main.

2. La question de grammaire

Cette longue phrase a pour pivot la proposition principale suivante : « [les femmes] ont résolu d’exposer […] les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme ». Dépendent de cette proposition principale trois propositions subordonnées conjonctives de but, introduites par la conjonction de subordination « afin que ».

Cette structure permet de rappeler efficacement les différents objectifs poursuivis par les femmes.

Des questions pour l’entretien

Lors de l’entretien, vous devrez présenter une autre œuvre lue au cours de l’année. L’examinateur introduira l’échange et vous posera des questions. Celles ci-dessous sont des exemples.

1 Je vous remercie pour votre présentation de Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin (2015) de Tania de Montaigne. Le personnage de Claudette vous a-t-il semblé héroïque ?

En Alabama, en mars 1955, Claudette Colvin, âgée de quinze ans, décide de ne pas céder son siège à une femme blanche dans un bus. Ce geste pousse l’Amérique à se questionner sur ce qu’est la citoyenneté et précède celui de grandes figures comme Rosa Parks. Cet acte me paraît héroïque, car elle a fait preuve d’un grand courage en se dressant, si jeune, contre ce qui lui est apparu comme une injustice intolérable.

2 Ce récit aborde la question des inégalités entre couleurs de peau aux États-Unis, dans les années 1950. Qu’en avez-vous retenu ?

Le récit relate avec force le quotidien douloureux des Noirs sous la ségrégation, l’iniquité des lois « Jim Crow ». Le concept d’« égalité séparée » s’avérait profondément discriminant. Les Noirs étaient traités comme des citoyens de seconde zone ; c’est le combat contre cette inégalité de considération en fonction de la couleur de peau que raconte l’autrice.

3 En quoi ce récit permet-il de réfléchir à la manière dont on peut combattre les inégalités ?

Centrée sur une adolescente a priori banale, l’histoire montre que chaque individu, quel qu’il soit, peut porter des valeurs et faire avancer des causes nobles. Le récit montre le courage et l’organisation collective autour de figures fortes, nécessaires pour contrer des injustices. Chacun a son mot à dire sur la question des discriminations qui invite à la vigilance citoyenne.

 

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