Le désir
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Le sujet
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France métropolitaine
Définir les termes du sujet
Désir
Le désir est un phénomène plus complexe qu'il ne le semble. Nous le rapprochons souvent du besoin ou de l'instinct car il désigne un élan involontaire dont le but est de combler un manque. Il faut pourtant marquer sa spécificité car il implique des images, des représentations et ne se conçoit donc pas sans un contexte social.
Peut-il
Désigne la possibilité ou la légitimité. C'est ici le premier sens qui domine. Il semblerait que les termes du sujet se contredisent.
Naturel
Cet adjectif a plusieurs sens. Il est synonyme de spontané, mais aussi d'universel et de nécessaire. Il s'oppose à social ou artificiel. Il peut également avoir un sens moral.
Dégager la problématique et construire un plan
- L'opinion divise facilement les désirs en naturels et non naturels mais cette séparation ne va pas de soi. En effet, les premiers sont identifiés à des besoins dont la satisfaction est indispensable à la survie quand les seconds sont rapidement critiqués comme étant inutiles.
- Deux difficultés se posent alors. Si désir et besoin sont parfois identiques, comment expliquer qu'ils puissent dans d'autres cas s'opposer ? De plus, ces désirs, dits superficiels, expriment des caractéristiques propres à l'homme. Les condamner moralement ne suffit donc pas. La problématique consiste à interroger la possibilité d'une distinction, bien établie dans l'opinion, mais moins simple qu'il n'y paraît.
- Dans un premier temps, nous partirons de l'opinion commune afin de montrer que sa solidité n'est qu'apparente. Ceci nous conduira à établir le caractère social du désir, et donc sa valeur spécifiquement humaine, ce qui le distingue du besoin et de l'instinct. Dans un dernier temps, nous verrons en quel sens le mot naturel est employé dans la réflexion morale, suite à des inquiétudes relativement à certains désirs.
Éviter les erreurs
Ne pas traiter le désir comme un simple besoin, être capable de montrer les différents sens du mot « naturel ».
Introduction
Il est curieux de demander si des désirs naturels peuvent exister. Le langage courant l'affirme en donnant pour exemple la nécessité de boire, de manger, de dormir pour pouvoir continuer à vivre. Dans ce cas, désir et besoin sont jugés synonymes. Puis il existe d'autres désirs, que l'opinion qualifie de superflus, alors que les besoins restent toujours naturels. Que faut-il alors penser ? Boire est un besoin mais souhaiter boire tel vin à l'exclusion de tous les autres est un désir. Est-il artificiel alors que son fondement est naturel ? Comment expliquer qu'une chose puisse engendrer son contraire ? La situation est donc plus complexe qu'il n'y paraît et nous devons éclairer le sens des termes. Que signifie désirer ? Qu'entend-on par « naturel » ?
1. Les imprécisions de l'opinion
A. Une évidence du sens commun
Ce qui est naturel porte la marque de la
Cependant, nous reconnaissons volontiers que certains désirs sont artificiels et nous accusons même le désir de nous entraîner dans des voies
B. Une difficulté du sens commun
Cette imprécision de l'opinion est l'indice d'une difficulté. Nous pourrions dire qu'il existe des désirs naturels et d'autres qui ne le sont pas, mais ce serait admettre que les premiers sont des besoins. Est-ce aussi évident ? Le point commun de ces deux notions est le sentiment du
Pour autant, le besoin reste une détermination fondamentalement organique qui le rapproche de
2. La valeur ontologique du désir
A. Un phénomène social
L'exemple ci-dessus montre que le désir est lié à l'affirmation de soi. Il est la manifestation d'un sujet qui, par ce biais, se révèle à autrui et à lui-même. En désirant nous marquons notre différence par rapport aux autres ou au contraire notre souhait de ressembler à certains d'entre eux. Nous voyons donc que le désir est un
Hume le souligne en disant que l'objet des passions est toujours le moi. « Un homme peut être fier de sa beauté, de sa force, de son adresse, de son allure, de son habileté à danser, à manier les chevaux ou les armes, de sa dextérité dans quelque occupation ou travail manuel. […] Notre patrie notre famille, nos enfants, nos relations, nos richesses nos maisons […] nos habits, toutes ces choses peuvent devenir causes d'orgueil ou d'humilité. »
Nous voyons que le but du désir vise moins la possession d'une chose ou l'accomplissement d'une action que la
B. Le désir est l'essence de l'homme
Ce phénomène nous montre que
Ceci explique aussi bien les processus d'imitation que le souhait de se démarquer de la majorité. Un tel désirera aller où tout le monde va, un autre cherchera un pays peu fréquenté, mais la logique reste sur le fond identique. Nul ne peut exister vraiment s'il n'est pas
3. Nature et morale
A. Les dangers du désir
Spinoza affirme que nous ne désirons pas les choses parce que nous les jugeons bonnes, mais que nous les jugeons bonnes parce que nous les désirons. L'homme qualifie immédiatement ce qui l'entoure sans suivre forcément les conseils de la raison. Désirer reste un élan en partie involontaire et affectif voire inconscient de ses origines, ce n'est pas l'acte d'une volonté qui s'oblige à faire son devoir. De ce fait, le désir est porteur de deux dangers : la
Le besoin et l'instinct sont bornés, le désir est, comme le dit Hobbes, « une continuelle marche en avant » dans la conquête de ce qui nous apparaît être un bien et ce jugement peut être égaré par notre avidité. La philosophie morale dénonce la quête des faux biens qui maintient l'âme dans un trouble opposé au bonheur. La recherche sans mesure du pouvoir, des richesses, des honneurs est une source perpétuelle d'inquiétude car ces réalités sont instables. Les hommes sont jaloux, ils se concurrencent et le vainqueur d'aujourd'hui a tout à craindre de ceux qu'il domine temporairement.
De plus, le lien avéré du désir à l'imagination fait que nous sommes exposés à nous laisser séduire par des mises en scène comme celles de la publicité. La santé du corps comme de l'esprit peut en être dégradée.
B. Nature et raison
C'est en ce sens qu'Épicure distingue et oppose des désirs naturels à d'autres qui ne le sont pas. Celui qui désire l'immortalité ou la gloire se prend au piège d'aspirations vaines, sans objet réel malgré les apparences. Il court après des fantasmes qui le laisseront insatisfait. Le naturel devient alors la marque de ce qui est conforme à une
Nous voyons ainsi que cet adjectif signifie « raisonnable ». Il ne désigne pas ici des besoins communs à tous les animaux mais il exprime un jugement de valeur relativement à ce que
Conclusion
Cette question nous conduit à une double conclusion due à l'ambiguïté du mot nature. Dans un premier temps, nous soutenons qu'il n'y a pas de désirs naturels au sens où tout désir implique la conscience et des représentations collectives, ce qui en fait un phénomène social et intersubjectif. Le désir n'est ni un besoin ni un instinct car son but véritable n'est pas la possession de l'objet mais le sentiment d'être. On désire pour exister à nos propres yeux et on ne peut atteindre ce but que si les autres répondent à notre désir. Dans un second temps, nous avons vu que l'adjectif « naturel » avait un sens moral. Il désigne la norme d'après laquelle on évalue les désirs. Il y a en ce sens des désirs naturels, mais nature est ici identique à raison. Ce qui est naturel demande un effort et de la réflexion pour être suivi. Ce n'est donc pas un besoin naturel.
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