Le bonheur
Corrigé
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La morale
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Antilles, Guyane • Septembre 2010
Définir les termes du sujet
Peut-on
L'expression pose la question d'une possibilité mais aussi d'une légitimité, ou encore d'une autorisation morale.
Se tromper
Le verbe indique que l'on fait une erreur de jugement (à distinguer de la faute morale). À noter que l'indétermination du sujet de la tromperie indique que l'on peut être trompé autant que se tromper soi-même.
En se croyant
L'expression désigne un assentiment porté à quelque chose en l'absence de preuve. La croyance est une représentation subjective.
Heureux
L'adjectif indique l'état de celui qui a atteint le bonheur, c'est-à-dire un état de satisfaction totale et durable qui se distingue d'un plaisir ou d'une joie éphémères.
Dégager la problématique et construire un plan
La problématique
- Ou bien, on ne peut pas se tromper en se croyant heureux, car se croire heureux c'est l'être, mais alors le bonheur n'a pas d'autre réalité que celle de sa représentation.
- Ou bien, on peut se tromper en confondant plaisir et bonheur, mais l'erreur ne peut être qu'éphémère.
- Ou bien encore, la croyance au bonheur peut être le fruit d'une aliénation ou d'une illusion qui répond, à la différence de l'erreur, à un désir de se mentir à soi-même. La question serait alors de savoir s'il y a des illusions nécessaires et, le cas échéant, qui peut être habilité à en juger pour autrui.
Le plan
- On verra dans un premier temps que le bonheur peut être lié à la représentation et à l'acceptation de la réalité et, qu'en ce sens, le bonheur ne relève pas d'une situation mais d'un état d'âme. Il n'y aurait alors pas d'erreur possible entre ce que je crois être et ce que je suis.
- Cependant, si on considère que le bonheur est le résultat d'une activité humaine, il y a bien une possibilité de le ramener à une réalité sur laquelle on fait une erreur de jugement (seconde partie).
- Enfin, on verra dans une troisième partie que se croire heureux peut être plus qu'une erreur : une illusion qui répond à un désir particulier.
Éviter les erreurs
- Ce sujet est assez difficile car il exige de bien maîtriser le chapitre sur le bonheur. Il faut bien distinguer le bonheur du plaisir ou de la joie. Il faut pouvoir articuler le sujet aux problématiques générales du bonheur : est-ce une réalité, un idéal ou une utopie. Comment le définir ? Est-ce un état d'esprit, ou relève-t-il d'une situation ? Est-il, comme l'étymologie l'indique, lié au hasard, ou bien est-il plutôt le résultat de l'action humaine ?
- Il va donc falloir réussir à articuler toutes ces questions autour d'un fil directeur cohérent.
Introduction
« Il a tout pour être heureux », « Il ne sait pas la chance qu'il a »… Il est fréquent de constater que l'on ne comprend son bonheur qu'une fois qu'on l'a perdu. Il y aurait donc un décalage possible entre
Ou bien, la réalité du bonheur se confond avec la
1. Si le bonheur est un état d'esprit,
on ne peut pas se tromper en se croyant heureux
A. Le bonheur : une vue de l'esprit pour accepter la réalité
Il y a des événements qui semblent objectivement s'opposer au bonheur : la perte d'un être cher, la perte d'un travail, un problème de santé. Pourtant, malgré ces sources évidentes de souffrance, il est possible de conserver une forme de tranquillité de l'âme. Ainsi, d'après le
Il faut, selon Épictète, savoir distinguer ce qui dépend de nous de ce qui n'en dépend pas. Une fois que l'on a compris qu'il y a des lois nécessaires sur lesquelles il serait vain de vouloir agir, on peut profiter de sa
En ce sens, le bonheur dépend de son état d'esprit et non de la réalité extérieure. Il ne serait alors pas possible de se tromper en se croyant heureux car le véritable signe du bonheur serait le contentement, lié à l'absence de trouble de l'âme, en accord avec la réalité extérieure quelle qu'elle soit.
B. Le bonheur réside alors dans la satisfaction du savoir
Le bonheur, état de satisfaction totale et durable, n'est donc pas l'effet d'un
Le bonheur, ce qui fait le bien de l'homme, est d'abord ce qui permet à son âme d'être satisfaite dans sa recherche intellectuelle. La satisfaction de l'esprit, liée à l'exercice de la vertu et à l'acquisition de biens liés à son libre-arbitre, est bien supérieure aux plaisirs futiles de la vie courante. Ainsi, après avoir combattu ce qui peut nous rendre malheureux et écarté les
Donc, en définissant soi-même le bonheur comme le fait d'écarter tous désirs vains ou toutes fausses satisfactions éphémères, on se met à l'abri d'une erreur de jugement sur notre bonheur. Cependant, accepter la nécessité du monde, pour n'agir que sur ce qui dépend de nous et ainsi trouver son bonheur dans cette liberté délimitée, n'est-ce pas aussi confondre bonheur et
2. Mais si le bonheur est lié à la réalité d'une situation, alors on peut confondre bonheur et plaisir
A. Le bonheur conçu comme action réussie
n'est pas qu'une représentation
On peut aussi affirmer que le bonheur n'est pas qu'une disposition de l'âme, mais qu'il est directement lié à la
On ne pourrait donc savoir si l'on est réellement heureux qu'à la fin de sa vie. Se croire heureux peut donc constituer une erreur de jugement concernant le degré de bonheur, en confondant un bien transitoire avec le Souverain Bien.
B. On peut se tromper en prenant pour bonheur ce qui n'est que plaisir
Si l'on conçoit le bonheur comme relatif à la réalisation de ce que l'on est en puissance, et non pas seulement à la possession de biens personnels voués à disparaître, alors on peut considérer que l'erreur est possible dans le choix des biens à aimer. On peut aimer des biens mal placés sur l'
Ainsi, contre le sens commun, Platon affirme qu'il vaut mieux subir l'injustice que la commettre, car être heureux c'est atteindre le
On peut donc se tromper en se croyant heureux car l'on confond le bonheur avec des plaisirs artificiels qui, non seulement risquent de ne pas durer, mais qui surtout éloignent du véritable bien, le Bien moral, lui-même conditionné par le Vrai. Mais alors pourquoi, comme le dit Ovide dans ses Métamorphoses, y aurait-il des cas où « Je vois le bien, et je l'approuve. Et je fais le mal » ?
3. Cependant, se croire heureux peut aussi
être le fruit d'une illusion nécessaire
A. Se croire heureux peut être une manière de supporter sa misère
On peut préférer sa situation alors même qu'autrui nous prouve qu'il en existe de meilleure. Il est possible aussi de ne pas prendre conscience d'un malheur profond en s'attachant à de menus plaisirs. C'est ainsi que Marx condamne la
Ainsi, le peuple serait maintenu dans un état d'
B. Juger de son malheur ne peut être qu'une démarche personnelle
Il semble donc que chaque individu doit déterminer seul de ce qui fait son bonheur. S'il peut se tromper sur ce qui le rend heureux, il est aussi le seul à pouvoir en prendre conscience. Ainsi, d'après la psychanalyse, il y a bien des signes d'un malheur non conscient, non assumé : on peut se dire heureux et avoir des signes de névroses qui nous rongent, des
Mais toutes tentatives d'un individu de faire voir ou d'expliquer les névroses d'un autre sont vaines, car la compréhension de processus inconscients, autrement dit la prise de conscience d'un état malheureux, ne peut se faire que par soi-même. Et c'est alors cette découverte qui peut être la condition de l'arrêt d'une souffrance, donc la condition du bonheur comme réconciliation avec soi-même. Cependant, face à un psychisme qui maintient une sorte d'équilibre entre ce que la conscience ne peut supporter et l'apparition de symptômes plus ou moins gênants, seule la personne concernée peut décider et juger d'un changement.
Ainsi, chacun peut, non pas se tromper, mais
Conclusion
Ainsi lorsqu'on définit le bonheur comme un
Aussi vouloir faire le bonheur de l'autre, en essayant simplement de le détromper, se présente comme une
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