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Science politique
L'engagement politique
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Raisonnement
Pourquoi s'engager ?
Intérêt du sujet • Qu'est-ce qui pousse des individus à s'engager dans des actions collectives qui peuvent être coûteuses en temps et en argent pour des résultats incertains ?
Pourquoi les individus s'engagent-ils malgré le paradoxe de l'action collective ?
Document 1Les formes d'engagement
Question : Au cours des 12 derniers mois avez-vous… ? (proportion de réponses « oui », en %)
Source : Injep-Credoc, Baromètre DJEPVA sur la jeunesse, 2018.
Document 2Le paradoxe de l'action collective
Une […] opposition a la peau dure en matière d'engagement, celle entre désintéressement et recherche de gratifications personnelles. S'inscrivant dans le cadre de la théorie du choix rationnel, Mancur Olson pointait ainsi dans Logique de l'action collective (1965) un fameux paradoxe : si un individu peut bénéficier des retombées d'une mobilisation sans assumer les coûts de la participation, il a tout intérêt à se comporter en « passager clandestin ». Mais si tous font de même, l'action collective ne peut avoir lieu ! Pour éviter une telle situation, certaines organisations ont mis en place des « incitations sélectives », en rendant la non-participation plus coûteuse ou en réservant les avantages obtenus par la lutte à leurs seuls membres (c'est le principe du closed-shop syndical en vigueur dans certains pays, mais pas en France).
Une décennie plus tard, Daniel Gaxie va à son tour s'inscrire en faux contre une vision d'un engagement purement désintéressé et altruiste. Pour cela, il liste les rétributions, matérielles comme symboliques, que celui-ci peut apporter, sans être cependant nécessairement perçues ou recherchées comme telles. L'engagement peut ainsi apporter une image de soi valorisante, de nouvelles relations ou des compétences potentiellement valorisables dans d'autres sphères.
Source : Igor Martinache, « L'engagement politique, une valeur en déclin », Alternatives économiques, n° 324, mai 2013.
Document 3 Les mobilisations s'inscrivent dans un contexte
Marco Giugni […] considère que « le contexte politique structure de manière importante les nouveaux mouvements sociaux. Ainsi, leur mobilisation, leurs stratégies et leurs formes organisationnelles dépendent de certaines opportunités politiques qui, à leur tour, découlent de la configuration du système politique dans lequel les mouvements se trouvent ». Le concept de « structure des opportunités politiques » permet de désigner de façon synthétique les caractéristiques du contexte politique jugées pertinentes pour l'analyse des mouvements sociaux. […]
Marco Giugni distingue trois dimensions au sein de la « structure des opportunités politiques » : la structure institutionnelle formelle (l'organisation des pouvoirs au sein de l'État) qui détermine « l'accès formel » des mouvements sociaux aux institutions étatiques, les procédures informelles et les « stratégies dominantes » des acteurs publics vis-à-vis des mouvements sociaux et des organisations militantes (répression ou facilitation, parfois utilisées successivement ou conjointement par les autorités), et enfin la configuration du pouvoir, c'est-à-dire le système des oppositions partisanes et en particulier la structuration de la « gauche » dont les partis, traditionnellement plus proches des mouvements de protestation, sont susceptibles d'apporter leur soutien aux actions collectives.
Source : Philippe Juhem, « Mobilisations et structure des opportunités politiques : réflexions sur l'exemple suisse », Revue française de science politique, vol. 47, n° 5, 1997.
Les clés du sujet
Analyser les termes du sujet et mobiliser ses connaissances
Exploiter les documents
Document 1. Ce diagramme en bâtons montre diverses formes d'engagement des jeunes de 18-30 ans. Quelle est l'unité des données ? Que met-il en évidence par rapport à la question posée par l'énoncé ?
Document 2. Ce texte soulève le paradoxe de l'action collective. Que signifie « se comporter en passager clandestin » en matière d'engagement ? Sur quel raisonnement s'appuie ce comportement identifié par Mancur Olson ? Daniel Gaxie montre que l'engagement n'est pas un acte désintéressé, mais s'appuie-t-il sur le même argument qu'Olson ?
Document 3. Ce texte évoque le rôle des structures d'opportunités politiques. Illustrez chacune de leurs dimensions et montrez en quoi elles peuvent freiner ou au contraire favoriser l'engagement.
Définir les arguments

Les titres des parties ne doivent pas figurer sur votre copie.
Introduction
D'importants mouvements sociaux ont marqué l'hiver 2019-2020 : manifestations contre la réforme du lycée, grèves des cheminots, contestations de la réforme des retraites. Comment expliquer que ces actions collectives aient pu voir le jour alors que les individus n'avaient pas toujours intérêt à s'y engager personnellement ?
I. L'individu rationnel s'engage
Le secret de fabrication
Il s'agit de prendre comme point de départ la thèse de Mancur Olson, qui doit être exposée précisément. Il s'agit ensuite de s'appuyer sur des faits objectifs afin de montrer l'existence de diverses formes d'engagement.
Selon la thèse de Mancur Olson, l'individu rationnel n'a pas intérêt à s'engager dans une action collective. En effet, celle-ci génère plus de coût (celui d'une grève, par exemple) que de bénéfice (celui d'une augmentation de salaire, par exemple), ce qui l'incite à se comporter en passager clandestin, c'est-à-dire à profiter des résultats de la mobilisation sans s'y engager lui-même. Mais si tout le monde agissait de la sorte, alors il n'y aurait aucune action collective (document 2).
Or, force est de constater que les individus s'engagent de multiples manières, en votant, en signant des pétitions, en adhérant à un parti politique, etc. En 2018, sur 100 jeunes de 18-30 ans, 37 ont donné de leur temps pour une action bénévole et 15 ont participé à une manifestation ou à une grève (document 1).
II. L'individu s'engage grâce aux incitations et aux rétributions
Selon Olson, ce sont des incitations sélectives qui poussent les individus à s'engager rationnellement en minimisant les coûts de l'action et/ou en maximisant ses bénéfices (document 2). Par exemple, les salariés misant sur une absence de retenue sur salaire pour fait de grève sont incités à s'y engager, d'autant plus si la perspective de gain, une hausse de salaires, est forte.
mot clé
Les incitations sélectives peuvent contraindre à s'engager, en réservant certains avantages obtenus aux seuls participants, évitant ainsi tout passager clandestin.
Daniel Gaxie élargit le propos en montrant que l'individu ne fonde pas ses décisions sur le seul calcul économique. Il est également sensible aux rétributions symboliques de l'engagement au travers des sentiments de fierté, de solidarité et de partage que ce dernier génère (document 2).
III. Le contexte politique et institutionnel joue également un rôle
La structure des opportunités politiques crée un contexte qui, quand il est favorable au succès de l'action collective, incite à l'engagement. Une situation de cohabitation, la proximité d'élections, la présence ou non de relais médiatiques, d'organisations plus ou moins puissantes, le poids de l'opinion, etc. agissent comme des facteurs ou des freins à l'émergence et au développement de mobilisations (document 3).
À partir des années 1980, la mondialisation s'est traduite par une circulation accrue des biens, des services, des personnes, des idées. Avec le développement d'Internet et des réseaux sociaux, ce contexte a été favorable à la constitution d'un mouvement de contestation transnational tel que l'altermondialisme.
mot clé
L'altermondialisme est un mouvement social contestant la mondialisation libérale.
Conclusion
Si des individus s'engagent dans des actions collectives alors que leur rationalité devrait les pousser à se conduire en « passagers clandestins », c'est donc parce que des incitations matérielles ou morales et un contexte favorable les y encouragent.