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Que devons-nous à l'État ?

Dissertation

Que devons-nous à l'État ?

4 heures

20 points

Intérêt du sujet • Le discours patriotique affirme que nous devons tout à la « patrie ». Si nous ne nous reconnaissons pas toujours une patrie, du moins sommes-nous membres d'un État : mais en quoi serait-il notre créancier ?

 

 

Les clés du sujet

Définir les termes du sujet

Devoir

« Devoir à » signifie en un premier sens « avoir une dette », « être débiteur envers quelqu'un ». En ce sens, il s'agit de se demander en quoi l'État pourrait être notre créancier, c'est-à-dire ce qu'il nous apporte, ce qu'il nous garantit.

Devoir signifie également avoir une obligation, un devoir envers quelqu'un. Il s'agit alors de savoir ce que l'État est en droit de nous réclamer.

État

L'État se définit comme l'autorité politique souveraine, qui produit et applique les lois propres à une société donnée, à un moment spécifique de son histoire.

En ce sens, on distingue l'État, corps politique constitué de citoyens, de la société civile, simple association d'individus mus par leur intérêt privé.

Dégager la problématique

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Construire un plan

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : 1. Nous devons obéissance aux lois; Nous avons le devoir d'obéir à l'État en nous pliant aux lois et en cherchant à être conforme à l'intérêt général.; Ligne 2 : 2. Nous devons à l'État notre liberté; En effet, nous devons à l'État notre liberté : hors de lui, serait-elle même possible ?; Ligne 3 : 3. Nous ne sommes pas les débiteurs de l'État; Notre rapport à l'État ne doit pas nécessairement se poser en termes de dette et d'obligation.;

Les titres en couleurs servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas figurer sur la copie.

Introduction

[Reformulation du sujet] Se demander ce que nous devons à l'État, c'est présupposer que nous lui devons quelque chose, et se demander quelle dette et quelle obligation nous aurions envers lui. [Définition des termes du sujet] Car devoir signifie bien en un premier sens avoir une dette, être débiteur envers quelqu'un. En ce sens, il s'agit de se demander en quoi l'État est notre créancier, c'est-à-dire ce qu'il nous apporte, ce qu'il nous garantit. Mais devoir signifie également avoir une obligation envers quelqu'un. L'État se définit comme l'autorité politique souveraine, qui produit et applique les lois propres à une société donnée. [Problématique] Le problème posé par le sujet réside dans l'ambiguïté de l'expression « devoir à », qui renvoie à la fois à l'idée d'une dette que nous aurions vis-à-vis de l'État, et à l'obligation que nous avons envers lui. Mais comment pouvons-nous être à la fois ceux qui doivent une chose à l'État et ceux à qui l'État doit quelque chose ? Quel est le sens du contrat que nous avons avec l'État, et quels sont les termes de ce contrat ? La question est bien celle d'une réciprocité, puisqu'il s'agit de nous demander pour quelles raisons nous devons être reconnaissants à l'État, et de quoi. Que nous garantit l'État ? Que nous demande-t-il en échange ? Et d'ailleurs, est-il si sûr que nous devions une chose à l'État ? [Annonce du plan] Dans un premier temps, nous nous demanderons quels sont nos devoirs envers l'État : en quoi peut-on dire que nous lui devons obéissance ? Mais ce devoir n'est-il pas conditionné par ce que nous attendons de l'État, ce qu'il nous garantit ? Enfin, nous nous demanderons si notre rapport à l'État doit nécessairement se poser en termes de dette et d'obligation.

1. Nous devons obéissance aux lois

A. Le premier devoir du citoyen est de se soumettre à l'État

On pourrait penser que ce que nous devons à l'État, c'est l'obéissance. C'est ce que dit Hobbes dans le Léviathan, en définissant le pacte qui est à l'origine de la formation de l'État comme un pacte entre les individus, au profit du souverain. Dès lors, les sujets doivent exclusivement au Léviathan – c'est-à-dire à l'État symbolisé comme un corps formé par le peuple et une tête formée par le roi – une soumission complète, à laquelle Hobbes autorise seulement certaines exceptions liées au droit à la vie.

B. L'État n'a pas à exiger notre soumission

Mais si nous devons obéissance à l'État, est-ce nécessairement sous la forme de ce contrat par lequel nous renonçons à l'exercice de nos volontés particulières ? C'est le problème qu'envisage Rousseau, en redéfinissant dans Le Contrat social le contrat qui est au fondement de l'État comme celui par lequel chaque citoyen s'engage vis-à-vis de l'État qui, en retour, s'engage vis-à-vis de chaque citoyen. Chaque citoyen, étant auteur de la loi, ne doit plus soumission, mais obéissance à l'État. Autrement dit, ce que je dois à l'État, c'est une obéissance aux lois issues de ma volonté générale.

définition

La « volonté générale » ne désigne pas la simple addition des volontés particulières, mais la capacité qu'a chacun d'entre nous de vouloir ce qui est conforme à l'intérêt général.

[Transition] Si nous devons obéissance aux lois, ce n'est alors qu'en vertu d'un contrat par lequel l'État nous garantit quelque chose. Mais quelle est cette chose que nous attendons en retour comme un  ?

2. Nous devons à l'État notre liberté

A. L'État nous permet de survivre

En premier lieu, on pourrait dire que l'État nous garantit, en échange de notre obéissance aux lois, la sécurité. La nécessité de l'État provient en effet de la nécessité de sortir du rapport de force et de l'instabilité de rapports de pouvoir établis sur la force.

Si j'accepte d'obéir aux lois, c'est dans la mesure où l'État exerce l'autorité qui me garantit, en retour, qu'il sanctionnera ceux qui enfreignent ces lois. Le libéralisme, doctrine politique centrée sur l'idée selon laquelle prévaut la liberté des individus, fait ainsi de la sécurité la prérogative essentielle de l'État. Celui-ci est pensé comme un État de droit, c'est-à-dire garant d'un ensemble de libertés individuelles qui le précèdent et sur lesquelles il ne doit pas intervenir.

B. L'État est la condition de possibilité de notre liberté

Mais cette sécurité dont nous pouvons être redevables à l'État n'est-elle pas simplement la condition de possibilité de notre liberté ? C'est ce que souligne Rousseau, en établissant que les lois ne sont jamais que le moyen de nous rendre libres. S'il perd la liberté naturelle de subvenir à ses besoins, en vertu des forces dont il dispose, le citoyen gagne, par l'association politique, la liberté sociale, définie comme jouissance de droits garantis par la loi qu'il s'est donnée à lui-même.

Par conséquent, ce que je dois à l'État, ce sont les droits qu'à travers lui je me donne, et qu'il me garantit : je suis membre de cet État qui n'est rien, sans moi. Autrement dit, si je peux être redevable à l'État, c'est dans la mesure où il me protège du jeu des intérêts particuliers, en n'étant pas seulement une structure d'autorité, mais également un ensemble d'institutions (administratives, scolaires, juridiques, etc.) qui harmonisent les rapports entre les individus et concourent à la justice sociale.

[Transition] Mais finalement, pouvons-nous seulement définir notre rapport à l'État en termes de dette et d'obligation ? Qu'implique cette définition ?

3. Nous ne sommes pas les débiteurs de l'État

Le conseil de méthode

Le sujet semble présupposer que nous devons quelque chose à l'État : il s'agit du point de départ de la réflexion, mais cela ne vous empêche pas de le remettre en cause dans une dernière partie.

A. C'est l'État qui se représente à nous comme notre créancier

La question « que devons-nous à l'État ? » peut finalement être entendue comme une question rhétorique, par laquelle se trouve remise en cause la représentation selon laquelle nous serions les débiteurs de l'État.

Dans L'Idéologie allemande, Marx définit ainsi l'État comme une ­communauté fictive dont le pouvoir d'abstraction compense le défaut réel de ­communauté dans les relations entre les individus. L'État, dit-il, n'est que cette forme de pouvoir qui s'efforce de maintenir en nous un sens du devoir. Pour cela, il produit sans cesse de nouvelles abstractions, destinées à permettre à chacun d'éprouver son appartenance à cette communauté fictive. La patrie, par exemple, est l'une de ces entités fictives qui nous maintient dans l'idée selon laquelle nous serions débiteurs de l'État, comme les fils le sont de leurs pères – du latin pater, le père, la patrie signifie : le pays de nos pères. Par la construction de cette abstraction, dit Marx, par les sentiments qu'elle est destinée à produire en nous, l'État peut continuer à poser notre rapport à lui en termes de dette plutôt que d'obligation.

B. L'État n'est qu'une limite à ma liberté

On peut ainsi se demander en quoi nous serions redevables à l'État de notre liberté. C'est la question que pose Bakounine, en affirmant dans Dieu et l'État que « la liberté d'autrui, loin d'être une limite ou la négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation ». Ce que remet en cause Bakounine, comme le faisait Marx, c'est la définition de la liberté par la loi. En somme, je ne dois rien d'autre à l'État qu'une aliénation de ma liberté, celle-ci étant immédiatement sociale, et non produite par l'État, comme celui-ci le prétend. Mais comment, alors, penser que l'État puisse être mis un jour au service de l'intérêt commun ?

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l'auteur

Mikhaïl Bakounine (1814-1876).

Philosophe et théoricien de l'anarchisme, Bakounine centre sa réflexion sur la liberté, pensée comme une réalité immédiatement sociale que nous confisquent différentes autorités nous appelant à en faire une réalité individuelle.

Conclusion

En définitive, on peut se demander si notre rapport à l'État se pose en termes de dette et d'obligation. Cette représentation d'un citoyen débiteur n'est-elle pas produite par l'État dans le seul but de lui permettre de maintenir son emprise sur nous ? Si nous sommes l'État, lui devons-nous seulement quelque chose ?

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