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Rabelais, Gargantua, « Gargantua se réveillait donc… », chapitre XXIII

Sujet d'oral • Explication & entretien

Rabelais, Gargantua, « Gargantua se réveillait donc… », chapitre xxiii

20 minutes

20 points

1. Lisez le texte à voix haute.

Puis expliquez-le.

Document 

Gargantua se réveillait donc vers quatre heures du matin. Pendant qu'on le frictionnait, on lui lisait quelque page des saintes Écritures, à voix haute et claire, avec la bonne prononciation. Un jeune page nommé Anagnostes1, natif de Basché2, était chargé de cette tâche.

Selon le thème et la leçon de cette lecture, il arrivait souvent à Gargantua de révérer, adorer, prier et implorer le bon Dieu, lorsque le passage lu en montrait la majesté et l'extraordinaire jugement. Puis il se rendait aux toilettes afin d'éliminer le produit des digestions naturelles. Là, son précepteur répétait ce qui avait été lu en lui expliquant les points les plus obscurs et difficiles.

À leur retour, ils considéraient l'état du ciel et vérifiaient s'il se trouvait tel qu'ils l'avaient observé la veille au soir. Ils se demandaient aussi dans quels signes le soleil et la lune entraient ce jour-là.

Cela fait, il était habillé, peigné, apprêté, préparé et parfumé. Pendant ce temps, on lui répétait les leçons de la veille. Lui-même les récitait par cœur et y appliquait quelque exemple concret sur la condition humaine, parfois durant deux ou trois heures. Mais, ordinairement, ils s'interrompaient lorsqu'il était complètement habillé. Alors, durant trois bonnes heures, on lui faisait la lecture.

Cela fait, ils sortaient, toujours en discutant des enseignements de la lecture, et se rendaient à la Bracque3 ou sur un pré, pour jouer à la balle, à la paume, à la pile trigone4. Ils s'exerçaient ainsi gaillardement le corps, comme auparavant ils s'étaient exercé l'esprit. Tous leurs jeux ne se faisaient qu'en liberté, car ils quittaient la partie quand bon leur plaisait. Habituellement, ils s'interrompaient quand ils étaient en sueur ou fatigués. Alors ils étaient très bien essuyés et frottés, ils changeaient de chemise et, sans se hâter, tout en se promenant, allaient voir si le repas était prêt. Là, ils attendaient en récitant clairement et avec éloquence quelques vérités tirées de leurs lectures.

Rabelais, Gargantua, chapitre xxiii, 1542, translation par G. Milhe Poutingon, © éditions Hatier, 2021.

1. Anagnostes : « lecteur », en grec.

2. Basché : près de Chinon, en Touraine.

3. À la Bracque : où se trouvait un jeu de paume. Ce jeu de balle pratiqué avec une raquette est considéré comme l'ancêtre du tennis.

4. Pile trigone : jeu de balle à trois joueurs.

2. question de grammaire.

Analysez l'expression de l'interrogation dans cette phrase : « Ils se demandaient aussi dans quels signes le soleil et la lune entraient ce jour-là. » (l. 12-13)

 

Conseils

1. Le texte

Faire une lecture expressive

Distinguez bien les différentes étapes de l'apprentissage de Gargantua en insistant sur les connecteurs logiques et temporels du récit.

Par l'intonation, soulignez les résultats exceptionnels obtenus par Ponocrates avec son élève.

Situer le texte, en dégager l'enjeu

Ce chapitre décrit l'éducation humaniste du jeune Gargantua ; il constitue donc un passage essentiel pour comprendre les enjeux du roman.

Rabelais met en avant de nouveaux idéaux éducatifs, qui allient l'exercice du corps et la formation de l'esprit avec une approche plus authentique de la religion.

2. La question de grammaire

Demandez-vous d'abord de quel type d'interrogation il s'agit : interrogation directe ou indirecte ? Quels sont les indices qui vous permettent de le déterminer ?

Repérez les mots interrogatifs et déduisez-en la portée de l'interrogation.

1. L'explication de texte

Introduction

[Présenter le contexte] Dans les chapitres précédents, Gargantua a subi l'instruction délétère de ses anciens « précepteurs sorbonagres », fondée sur un enseignement scolastique. Son père, Grandgousier, décide alors de lui donner pour maître un nouveau pédagogue, nommé Ponocrates.

des points en +

« Ponocrates » signifie littéralement « travailleur, résistant à la fatigue » : son nom seul est déjà un indice du nouveau modèle qui sera proposé à Gargantua.

[Situer le texte] Cet extrait décrit de manière détaillée le nouvel emploi du temps de Gargantua.

[En dégager l'enjeu] Destinée à lui donner le « savoir digne d'un homme libre », l'éducation du héros se présente comme un manifeste de la pensée humaniste.

Explication au fil du texte

Une hygiène spirituelle et corporelle (l. 1 à 10)

C'est un nouveau mode de vie qu'adopte Gargantua. Le complément circonstanciel de temps « vers quatre heures du matin » indique que le héros prend le rythme des étudiants de l'époque. Le temps est entièrement optimisé par Ponocrates : les besoins du corps sont associés aux activités d'apprentissage. Ainsi, la simultanéité entre les deux actions dans « Pendant qu'on le frictionnait, on lui lisait […] » montre qu'aucun instant n'est perdu pour l'instruction, pas même celui de la toilette matinale.

L'instruction religieuse n'est plus fondée sur des interprétations douteuses ou sur des prières mal comprises, mais sur la parole divine authentique contenue dans les « saintes Écritures » et lue avec une prononciation correcte par le page Anagnostes. L'écoute des textes sacrés permet à Gargantua de retrouver une foi sincère : « il lui arrivait souvent de révérer, adorer, prier et implorer le bon Dieu ».

des points en +

Un courant chrétien humaniste préconisait de revenir à l'étude des textes bibliques originels, sans intermédiaire susceptible d'en pervertir le sens.

Dans cet extrait, Rabelais associe la purification du corps à la compréhension de la théologie. Par une analogie scatologique burlesque, l'explication des « points les plus obscurs et les plus difficiles » de la parole divine est reliée à l'acte « d'éliminer le produit des digestions naturelles ». Derrière cette image comique, l'auteur souligne que le fonctionnement sain du corps va de pair avec celui de l'esprit.

La formation de l'esprit (l. 11 à 19)

Ponocrates cultive l'esprit de Gargantua grâce aux arts libéraux dont fait partie l'astronomie. Les verbes utilisés montrent la rigueur requise par cette étude : « ils considéraient […] et vérifiaient […] ils l'avaient observé […]. Ils se demandaient […] ».

mot clé

Les arts libéraux se composent traditionnellement du trivium (les savoirs liés à la langue) et du quadrivium (ceux liés aux nombres).

L'importance de l'hygiène corporelle est une nouvelle fois soulignée par Rabelais, médecin des âmes et des corps. À rebours de ses anciennes habitudes de rester sale et négligé, Gargantua est désormais « habillé, peigné, apprêté, préparé et parfumé ». Là encore, le soin du corps s'associe à celui de l'esprit : « Pendant ce temps, on lui répétait les leçons de la veille. »

Contrairement à l'enseignement scolastique qui n'était fait que de répétitions mécaniques et de savoirs ineptes, Gargantua s'approprie désormais ses connaissances à travers des exercices pratiques : « Lui-même les récitait par cœur et y appliquait quelque exemple concret sur la condition humaine. »

Faisant sien l'adage antique invitant à « se hâter lentement » (« Festina lente »), l'éducation humaniste requiert du temps pour être efficace : la leçon dure « deux ou trois heures », la lecture « trois bonnes heures » également. Cela contraste avec le précédent rythme d'étude de Gargantua, qui avait pour habitude d'étudier « quelque méchante demi-heure » en ne pensant qu'à manger (chapitre xxi).

L'exercice du corps (l. 20 à 29)

La formation de Gargantua ne serait cependant pas complète sans un entraînement physique qui se traduit par des jeux sportifs (jeu de balle ou de paume).

citation

Les humanistes de la Renaissance s'inspirent du poète latin Juvénal (Ier-IIe s. après J.-C.), qui recommandait dans ses Satires de demander aux dieux « un esprit sain dans un corps sain ».

L'éducation humaniste a pour objectif d'émanciper les hommes. L'entraînement de Gargantua est donc placé sous le signe de cette « liberté » : élève et précepteur s'arrêtent « quand bon leur plaisait » ; il s'agit de faire preuve de bon sens et d'esprit critique plutôt que d'obéir à des ordres futiles.

Ce modèle d'instruction permet d'atteindre un idéal d'honnêteté et de modération. Grâce aux conseils de son maître, Gargantua ne se précipite plus à table pour dévorer tout ce qui lui tombe sous la main, mais rentre « sans se hâter, tout en se promenant ». L'esprit du héros s'ouvre au monde qui l'entoure.

L'attente du repas elle-même est fructueuse, car elle permet de synthétiser les connaissances que l'on a acquises au cours de la matinée, comme l'indique le gérondif « en récitant clairement et avec éloquence quelques vérités tirées de leurs lectures ». Gargantua, qui pleurait « comme une vache » devant la rhétorique d'Eudémon au chapitre xv, maîtrise désormais le langage.

Conclusion

[Faire le bilan de l'explication] La méthode d'éducation utilisée par Ponocrates, porte-parole de Rabelais, se compose à la fois d'un enseignement spirituel, d'activités intellectuelles et d'exercices physiques. Loin de sa passivité de jadis, Gargantua prend désormais une part active à son apprentissage.

[Mettre le texte en perspective] Si l'emploi du temps du héros peut sembler peu réaliste pour un étudiant « normal », il constitue avant tout un modèle et une source d'inspiration. C'est grâce à cette éducation complète que Gargantua s'accomplit véritablement et devient représentatif de l'idéal humaniste de la Renaissance, tel qu'on peut le voir, par exemple, dans le discours pacificateur qu'il adresse aux vaincus dans le chapitre L.

2. La question de grammaire

« Ils se demandaient aussi [dans quels signes le soleil et la lune entraient ce jour-là] »

La proposition entre crochets est une proposition subordonnée interrogative indirecte qui complète le verbe « se demandaient », au sens interrogatif.

Elle est introduite par le déterminant interrogatif « quels », associé à la préposition « dans ». C'est une interrogation partielle qui porte sur le complément essentiel de lieu du verbe « entraient ».

des points en +

Pour finir, vous pouvez proposer une interprétation du procédé grammatical commenté, même si ce n'est pas demandé dans la consigne.

On peut souligner les caractéristiques de l'interrogation indirecte : l'absence d'inversion du sujet, l'absence de point d'interrogation et l'intonation descendante.

La proposition subordonnée interrogative permet ici de montrer le questionnement permanent auquel est incité l'élève Gargantua, invité par son maître Ponocrates à poser un regard curieux sur tout ce qui l'entoure.

Des questions pour l'entretien

Lors de l'entretien, vous devrez présenter une autre œuvre lue au cours de l'année. L'examinateur introduira l'échange et vous posera quelques questions. Celles ci-dessous sont des exemples.

1 Sur votre dossier est mentionnée la lecture cursive d'une autre œuvre : Chagrin d'école de Daniel Pennac (2007). Quelle est la source de ce « chagrin » ?

2 Comment la figure du cancre est-elle traitée dans cet ouvrage ?

3 Quel regard l'auteur pose-t-il sur l'école et sur les professeurs ?

4 Selon vous, pourquoi cette œuvre a-t-elle sa place dans le parcours « La bonne éducation » ?

 

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